Intervention de Marc Le Fur

Séance en hémicycle du vendredi 10 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, l'aide publique au développement de la France est une machinerie complexe dont les critères et les limites sont définis au niveau international par l'OCDE, ce qui permet des comparaisons.

Chaque année, la France déclare donc à l'OCDE les dépenses effectuées à ce titre et qui remplissent ces critères. En 2016, la France a ainsi déclaré 8,6 milliards d'euros, la moitié relevant du rapport dont nous traitons aujourd'hui. Parmi ces 8,6 milliards d'euros, on retrouve la mission « Aide publique au développement », qui comporte deux programmes – deux ministres, dont un est leader, s'occupent en effet de cette mission : le programme 110, placé sous la responsabilité du ministre de l'économie, et le programme 209, qui relève directement de votre ministère et qui est plus important que le programme 110, puisqu'il représente 1,738 milliard d'euros d'autorisations d'engagement en 2018.

Ces deux programmes font de l'aide multilatérale et de l'aide bilatérale. Le bras séculier de cette politique est l'Agence française de développement – AFD – , principal opérateur qui met en oeuvre 80 % de l'aide bilatérale de la France, sous la forme de bonifications de prêts pour le programme 110 et sous la forme de dons – c'est l'activité essentielle du programme 209.

Les prêts représentent 80 % de l'activité de l'AFD : c'est une banque, mais une banque qui fait des dons. Telle est la singularité de l'aide internationale au développement. Les outils qui sont mobilisés par la plupart des pays comme au niveau international – c'est également le cas de la Banque mondiale – sont des outils bancaires.

Le rapport porte aussi sur le compte spécial « Prêts à des États étrangers ». Nous examinons donc aujourd'hui quasiment la moitié de l'aide publique au développement, sachant que même s'ils ne relèvent pas directement de notre discussion d'aujourd'hui, d'autres outils existent, en particulier les taxes affectées – la taxe sur les billets d'avion et la taxe sur les transactions financières.

L'APD française a, durant le quinquennat précédent, baissé dans des proportions considérables, passant de 3,3 milliards d'euros à 2,6 milliards. En pourcentage – rappelons-nous les 0,7 % naguère promis – , l'APD est passée de 0,42 % à 0,38 %, alors que le Royaume-Uni, l'Allemagne ou la Turquie – la comparaison est encore plus cruelle – ont, elles, atteint ou dépassé les 0,7 %.

Le Président de la République, qui a décidé d'inverser cette courbe, a fixé comme objectif au terme du quinquennat 0,55 %. Il a également donné la priorité aux dons et aux pays les plus en difficulté. Ces deux objectifs sont associés : pour aider les pays en difficulté, il faut faire porter notre effort d'abord sur les dons.

Si je souscris entièrement à ces priorités, je tiens à insister sur cinq points. Sans vouloir faire aucun procès d'intention, je tiens à relever – c'est mon premier point – , que, comme l'a observé Mansour Kamardine en commission, l'augmentation des crédits pour 2018 est inférieure en termes de masse au montant des crédits annulés en 2017.

Deuxième point : l'objectif de 0,55 % est loin d'être atteint, puisqu'il suppose une montée en puissance de quelque 5 milliards durant ce quinquennat. Or l'augmentation qui nous est annoncée aujourd'hui s'élève seulement à 94 millions d'euros en crédits de paiement et de 178 millions en autorisations d'engagement. La faiblesse de votre budget, monsieur le ministre, tient à la faiblesse des autorisations d'engagement. Si je ne conteste pas le montant des crédits de paiement – nous ne consommerons pas davantage – , il aurait fallu en revanche des autorisations d'engagement plus importantes, parce que la mise en oeuvre de projets, surtout dans le cadre bilatéral avec des pays pauvres, demande du temps, parfois quatre ou cinq ans, pour trouver des interlocuteurs, des maîtres d'ouvrage ou des co-financeurs.

Troisième point : notre aide doit profiter autant que possible à nos entreprises. C'est d'autant plus difficile que la plupart de ces aides sont aujourd'hui déliées. Quatrième point : il faut penser aux migrations. Tel a été le sens du propos que le Président de la République a tenu récemment devant les Français au journal télévisé de vingt heures. Nous ne devons pas être naïfs : lorsque nous aidons un pays, nous sommes en droit de nous montrer exigeants sur sa politique migratoire. Des exemples positifs existent : le Niger a su faire des efforts. Il est donc normal que le Niger soit retenu au titre des soutiens que nous accordons.

Je terminerai par mon cinquième point : la faiblesse de l'aide alimentaire, qui ne représente qu'1,3 % de l'aide alors que l'Europe regorge de protéines alimentaires non utilisées et qui pourraient l'être.

J'adhère à ces objectifs qui vont dans le bon sens. Nous aurions pu avoir des autorisations d'engagement plus importantes. Le vrai juge de paix sera le budget 2019 : nous verrons alors si, oui ou non, nous sommes capables d'atteindre l'augmentation de 5 milliards en cinq ans.

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