Je suis émue et honorée d'être ici devant vous pour vous présenter le budget de la culture pour 2018, un budget qui n'est pas seulement préservé – conformément à l'engagement de campagne du Président de la République – mais qui est conforté par rapport à 2017.
L'effort de l'État en faveur de la culture s'élève au total à près de 10 milliards d'euros. Dans un contexte budgétaire contraint, c'est un signal fort. C'est la marque du caractère prioritaire donné à la politique culturelle : elle est l'une des pierres angulaires du projet du Gouvernement. Un projet qui vise à engager les transformations devenues incontournables – de l'éducation à la santé, en passant par la politique de l'emploi ou du logement – pour redonner à la France confiance en elle-même et lui permettre de se projeter sereinement dans l'avenir ; un projet qui doit redonner confiance à ceux qui en manquent, rattraper toutes celles et ceux qui se sentent aujourd'hui sur le bord de la route ; un projet en somme qui vise l'émancipation pour chacun.
Dans ce projet, la culture occupe une place fondamentale, car tous les Français n'y ont pas le même accès aujourd'hui. Il n'y a pas d'« exclus de la culture » : chacun porte en soi une forme de culture, une langue, des coutumes, un socle de références, mais il y a des exclus des politiques culturelles, des citoyens qui ne bénéficient pas du soutien que nous apportons à la création ou au patrimoine, parce qu'ils n'ont pas la possibilité matérielle de fréquenter ces lieux, ou pensent que ce n'est « pas pour eux ». Ces citoyens qui n'ont pas la possibilité d'accéder à autre chose que ce qu'ils connaissent déjà, de pratiquer eux-mêmes un art, d'apprendre une langue, de mieux connaitre leur histoire sont souvent les mêmes qui souffrent d'une situation ou d'un sentiment d'exclusion sur le plan géographique, économique ou social.
C'est à cette France-là, à cette France des exclus, que notre projet s'adressera en priorité. Nous irons au-devant de tous les citoyens, en commençant par ceux qui ne sont pas touchés par les politiques culturelles aujourd'hui. Nous développerons les services publics culturels là où ils sont, là où ils vivent.
Nous nous appuierons pour cela, bien sûr, sur nos opérateurs, dont le rôle national doit être pleinement mis en valeur, et nous serons aux côtés de tous ceux se mobilisent, sur le terrain, pour toucher ces citoyens. Je pense en particulier à l'action extraordinaire des nombreuses associations qui oeuvrent dans le domaine culturel en France. Je me suis ainsi rendue hier, dans le cadre de la semaine des associations, à Bagneux, au « Plus Petit Cirque du monde », qui fait un travail extraordinaire que nous devons soutenir, de même que nous soutiendrons, grâce à de nouveaux moyens budgétaires, l'engagement de toutes ces associations de terrain. Nous encouragerons aussi les lieux subventionnés à ouvrir leurs portes plus largement encore, notamment pendant les vacances scolaires. En somme, nous allons déployer une politique culturelle de proximité.
Le budget pour 2018 en est la traduction directe. Je me concentrerai ce matin sur les moyens de la mission « Culture », avant d'aborder, cet après-midi, la mission « Médias, livre et industries culturelles » et l'audiovisuel public.
Les crédits de la mission « Culture » sont en hausse de 42 millions d'euros et s'établissent à plus de 2,9 milliards d'euros.
Le budget marque directement notre volonté de rééquilibrage en direction des territoires : les crédits déconcentrés auprès des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) augmentent de près 43 millions d'euros, portant la part des crédits déconcentrés à un niveau jamais atteint, puisqu'ils représentent 860 millions d'euros, soit une augmentation de 6 %. J'ai par ailleurs demandé à mes services d'examiner les missions et les crédits aujourd'hui gérés à Paris qui devraient ou pourraient être déconcentrés. Vous représentez tous les territoires de la République, et je tiens à vous redire qu'un nouveau cadre de contractualisation sera proposé aux collectivités territoriales, sans lesquelles nous ne pourrons réussir cette politique de proximité. J'ai eu à ce sujet des échanges avec les associations d'élus pour promouvoir un type de contrat souple, favorisant l'accompagnement des projets à partir des territoires.
Pour aller au-devant de cette France des exclus que j'évoquais, nous nous appuierons sur quatre piliers : sur l'école d'abord, service public universel qui permet de toucher sans distinction, et dès le plus jeune âge, à travers la pratique artistique, la lecture mais aussi l'éducation à l'image ; sur les bibliothèques, premier réseau culturel de proximité, et service public gratuit ; sur le patrimoine, ressource culturelle équitablement répartie sur tout le territoire et qui suscite indéniablement l'intérêt de nos concitoyens ; enfin, sur les artistes et les créateurs, sans qui il ne saurait y avoir de vie culturelle et qui sont les plus à même d'atteindre au coeur tous les publics.
En ce qui concerne l'école, pour que la politique culturelle concerne tous les futurs citoyens plus tard, il faut préparer les esprits dès le plus jeune âge, au moment où se forment les barrières psychologiques. C'est une ambition que je porte en coopération étroite avec Jean-Michel Blanquer, la culture sera au coeur du nouveau modèle d'école que ce gouvernement est en train de bâtir. Je ne cesserai de le redire : la culture n'est pas un supplément d'âme, elle est constitutive du développement de l'enfant, lui permet d'acquérir confiance et autonomie.
Nous avons défini deux priorités, la lecture et la pratique artistique, avec une ambition claire à l'horizon 2022 : chaque enfant de la République, de la maternelle au lycée, aura chaque semaine accès à une pratique artistique. Cette ambition se traduit dans le budget pour 2018 par l'octroi de 35 millions d'euros supplémentaires au soutien d'actions d'éducation artistique et culturelle, ce qui porte l'enveloppe à 114 millions d'euros.
Nous allons également renforcer le pilotage ministériel de cette politique. Les crédits étaient jusque-là dispersés entre différents programmes. Nous avons souhaité les rassembler au sein d'un seul et même programme et les renforcer.
Sur ce budget, et aux côtés des moyens mobilisés par le ministère de l'éducation nationale, 3 millions d'euros seront consacrés au développement des chorales à l'école, avec un objectif clair : passer d'un établissement sur quatre doté d'une chorale aujourd'hui à un établissement sur deux à la rentrée de septembre 2018, pour atteindre un taux de 100 % des établissements dès l'année suivante. Les chorales sont en effet un moyen rapide et concret de généraliser l'accès à la pratique musicale.
Je souhaite aussi qu'une « Fête de la musique à l'école » voie le jour – la première édition aura lieu le 21 juin 2018 –, pour présenter aux familles les projets artistiques préparés tout au long de l'année.
Enfin, nous allons développer dès l'année prochaine les jumelages entre établissements scolaires et acteurs culturels locaux – structures labellisées ou structures soutenues par les collectivités, comme les conservatoires ou les lieux patrimoniaux –, l'objectif étant que, d'ici 2022, la totalité des écoles soient associées à un lieu culturel afin de favoriser les sorties et les activités culturelles.
Je précise bien évidemment que si notre politique d'éducation artistique et culturelle portera largement sur les actions conduites à travers l'école, nous soutiendrons aussi tout ce qui est entrepris hors temps scolaire.
Enfin, dans le prolongement de cet effort massif en direction des jeunes, nous commencerons en 2018 à mettre en place un passeport culturel, le Pass Culture, destiné à accompagner la sortie de l'école et l'entrée dans l'âge adulte et la citoyenneté par la culture. Les contours précis de l'outil et de l'offre auquel il pourra donner accès seront précisés dans les prochains mois. Nous avançons en mode « startup » pour l'élaborer, c'est-à-dire que nous allons co-construire ce Pass Culture avec les futurs usagers, à savoir les jeunes, et les différentes parties prenantes, partenaires et collectivités. La concertation et l'élaboration de l'outil seront lancées d'ici la fin de l'année et une première offre sera prête pour la rentrée de septembre 2018. 5 millions d'euros sont prévus dans le budget 2018 pour mener ces étapes et concevoir l'outil.
Pour aller aux devants des publics, nous investirons par ailleurs dans les bibliothèques. On en compte plus de seize mille, réparties sur tout le territoire – autant que de points de contact de La Poste –, et 90 % de nos concitoyens en ont une à moins de vingt minutes de chez eux. Elles sont le premier réseau culturel de proximité.
J'ai donc confié à Erik Orsenna une mission, dont je devrais recevoir les conclusions en fin d'année, et dont l'objectif est d'aider les bibliothèques à « ouvrir plus », objectif auquel l'État apportera son concours financier. Nous avons engagé, Gérard Collomb et moi, une mission conjointe de nos inspections pour quantifier les moyens à mobiliser.
Mais tout ne se résume pas à des moyens financiers. L'objectif est aussi d'aider les bibliothèques à « ouvrir mieux », pour devenir ce que j'appelle des « maisons de services publics culturels », c'est-à-dire des lieux qui proposent – comme elles sont déjà nombreuses à le faire – davantage que le seul prêt de livres : des services d'aide aux devoirs, des cours de français ou de langue étrangère, ou encore des ateliers d'aide à la rédaction d'un curriculum vitae (CV) ou à la recherche d'emploi sur internet.
Nous allons accompagner ce mouvement dès l'année prochaine. Les DRAC se rendront disponibles pour réunir autour de la table élus, bibliothécaires, structures sociales et associations locales, afin d'accompagner les projets d'ouverture. J'ai fixé un objectif : à la fin de l'année 2018, je souhaite que nous ayons réussi à accompagner la transformation de deux cents bibliothèques, soit deux par département.
Pour que chaque citoyen soit acteur de la vie culturelle, nous investirons aussi dans le patrimoine. C'est la richesse culturelle la plus équitablement répartie sur notre territoire. Sur près de 45 000 monuments historiques protégés en France, la moitié se situe dans des communes de moins de deux mille habitants, et les Français y sont fondamentalement attachés. J'en veux pour preuve le succès renouvelé des « Journées du Patrimoine » ou de la « Nuit des Musées », succès qui traverse tous les âges, toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les zones géographiques.
Nous allons faire de la culture un vecteur d'animation des territoires tout au long de l'année, ainsi qu'un moteur de la revitalisation des zones en déshérence. Combattre l'exclusion en France, c'est redonner vie aux centres–villes où les commerces et où les volets ferment. La culture peut y contribuer.
Nous renforçons donc le budget destiné à l'entretien et à la restauration du patrimoine, qui sera porté à 326 millions d'euros, soit une hausse de 5 %. Quinze millions d'euros seront consacrés à la création d'un fonds pour la rénovation des monuments historiques situés dans les petites communes, l'essentiel des financements étant fléchés vers des communes de moins de deux mille habitants. Dans le prolongement du rapport du sénateur Yves Dauge, nous augmentons également les crédits en faveur de la revitalisation des centres anciens et des sites patrimoniaux remarquables, qui sont portés à 9 millions d'euros.
Le Président de la République a par ailleurs confié à Stéphane Bern la mission de recenser le patrimoine culturel en péril et de proposer, en lien étroit avec mes services, des moyens innovants pour en financer les rénovations les plus urgentes.
J'aurai l'occasion de présenter ma stratégie pluriannuelle pour le patrimoine plus en détail le 17 novembre.
J'en arrive enfin au pilier fondamental de notre politique culturelle de proximité : les artistes et les créateurs du spectacle vivant et des arts visuels. Ils sont à la racine de tout : de la vie culturelle, et de l'émancipation qu'elle procure à nos concitoyens. Nous confortons le soutien que nous leur apportons, qui sera porté au niveau historique de 780 millions d'euros, ce qui inclut notamment une hausse des crédits dédiés aux structures labellisées.
Nous affichons des choix clairs : les moyens nouveaux qui ont été dégagés, à hauteur de 6 millions d'euros, seront réservés aux projets qui touchent les publics et les territoires éloignés : des résidences en zone rurale ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; des projets hors-les-murs ; des itinérances artistiques dans des départements faiblement pourvus en manifestations et lieux culturels.
Soutenir la création, c'est aussi investir dans de nouveaux lieux de diffusion. À cet égard, la Cité du Théâtre aux Ateliers Berthier, qui doit réunir l'Odéon, la Comédie française et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD) est un bel exemple de projet coopératif, ouvert sur la cité et à fort rayonnement.
Soutenir la création, c'est l'aider à gagner en visibilité. Je souhaite que nous lancions en 2018, sur le modèle des Journées du Patrimoine, des Journées de la Création, avec des portes-ouvertes et des ateliers destinés aux citoyens, dans tous les lieux de création artistique, publics comme privés. Les fonds régionaux d'art contemporain organisent déjà un weekend « portes-ouvertes » depuis l'an dernier : nous pouvons élargir ce mouvement.
Soutenir les créateurs, c'est par ailleurs veiller à leurs conditions de vie et de travail. Je voudrais dire un mot ici des artistes-auteurs et de la manière dont s'appliquera pour eux la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) : je tiens à les rassurer, le principe de la compensation de cette hausse est acquis – je vous le confirme. Nous mobiliserons les crédits nécessaires. Un mot également des artistes et techniciens intermittents du spectacle : je tiens à réaffirmer que nous serons extrêmement attentifs à l'accord de 2016.
Soutenir la création, c'est encore aider les filières à se structurer. C'est le sens de la mission que j'ai confiée à Roch-Olivier Maistre sur l'opportunité de créer une « maison commune de la musique ». Le rapport me sera remis prochainement et je le rendrai public. Je travaille par ailleurs sur la question de la concentration de la filière musicale.
Soutenir la création, c'est enfin la défendre et l'accompagner au plan international. J'aurai prochainement l'occasion de revenir sur notre action européenne. Pour le reste, je compte mobiliser davantage l'Institut français, et la contribution du ministère de la culture au budget du Bureau Export de la musique française va progresser de près de 60 % en 2018.
Et, parce qu'il n'y a d'ouverture qu'à double sens, nous allons par ailleurs accompagner celles et ceux qui viennent, depuis l'étranger, nourrir la culture en France. Je pense aux professionnels et aux artistes et, plus largement, aux migrants qui arrivent aujourd'hui dans notre pays : je souhaite que nous renforcions le soutien aux actions culturelles entreprises en leur direction – qu'il s'agisse de cours de langue, d'activités ou d'ateliers artistiques.
La participation à la vie culturelle est un droit fondamental pour tout être humain. Ce droit fondamental est aujourd'hui un droit théorique pour beaucoup de Français, que ce soit pour des raisons géographiques, économiques, sociales, ou tout simplement psychologiques. Nous voulons en faire un droit réel pour chacun des citoyens de ce pays, et pour toutes celles et ceux que nous accueillons : c'est l'ambition de ce budget.