commission élargie
(Application de l'article 120 du Règlement)
Mardi 7 novembre 2017
Présidence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, et de M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq.
projet de loi de finances pour 2018
Culture
Je souhaite la bienvenue à Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Nous examinons ce matin les crédits de la mission « Culture », en compagnie de nos trois rapporteurs, M. Pierre Person, rapporteur spécial de la commission des finances pour les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », M. Gilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme « Patrimoines », et Mme Brigitte Kuster, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour la mission « Culture ».
Nous sommes réunis ce matin pour examiner les crédits de la mission « Culture » inscrits au PLF pour 2018.
Je me réjouis que les dotations de cette mission soient préservées en 2018, puisque les crédits progresseront de 42 millions d'euros, pour atteindre 2,942 milliards d'euros. Cette préservation de l'effort public en faveur de la culture est à souligner, alors que le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 s'inscrit dans une trajectoire de redressement volontariste des finances publiques.
Je tiens tout particulièrement à saluer l'effort important effectué en matière d'éducation artistique et culturelle, puisque les crédits qui lui sont consacrés, désormais regroupés au sein d'une même action du programme 224, augmenteront de 35 millions d'euros en 2018, hors transferts de crédits, soit une hausse de 45 % par rapport à 2017.
Concernant justement l'éducation aux arts, si importante pour nos enfants et tout particulièrement pour les plus éloignés des institutions et des pratiques culturelles, j'aimerais évoquer rapidement le programme Demos, remarquable projet d'éducation musicale à vocation sociale porté par la Philharmonie de Paris. Le budget 2018 prévoit bien les crédits nécessaires – 1,5 million d'euros – pour mener à bien la phase 3 du programme, qui permettra la création de 30 orchestres Demos sur tout le territoire, et principalement dans des zones sensibles ; mais qu'en sera-t-il pour la suite ?
Aujourd'hui, de très nombreuses collectivités souhaitent créer de nouveaux orchestres Demos – une cinquantaine pourraient voir le jour d'ici 2022 –, mais le ministère de la culture n'a toujours pas fait connaître ses intentions pour l'avenir. 600 000 euros seraient nécessaires pour amorcer le développement d'une quatrième phase du programme : madame la ministre, pourriez-vous nous confirmer que le soutien de l'État à ce dispositif de grande qualité, particulièrement bénéfique pour les enfants qui peuvent en bénéficier, sera prolongé ?
La commission des affaires culturelles et de l'éducation a nommé cette année Mme Brigitte Kuster, comme rapporteure pour avis sur les crédits de la mission « Culture ». Elle a choisi de centrer son rapport sur le projet de Cité du Théâtre qui devrait s'implanter au sein des ateliers Berthier, dans le nord-ouest parisien, au coeur d'une zone urbaine en pleine transformation. Je la remercie pour le travail approfondi qu'elle a réalisé en peu de temps et pour la qualité de son rapport, qui présente de façon très complète la nature et les enjeux de ce grand projet artistique et culturel.
Je suis émue et honorée d'être ici devant vous pour vous présenter le budget de la culture pour 2018, un budget qui n'est pas seulement préservé – conformément à l'engagement de campagne du Président de la République – mais qui est conforté par rapport à 2017.
L'effort de l'État en faveur de la culture s'élève au total à près de 10 milliards d'euros. Dans un contexte budgétaire contraint, c'est un signal fort. C'est la marque du caractère prioritaire donné à la politique culturelle : elle est l'une des pierres angulaires du projet du Gouvernement. Un projet qui vise à engager les transformations devenues incontournables – de l'éducation à la santé, en passant par la politique de l'emploi ou du logement – pour redonner à la France confiance en elle-même et lui permettre de se projeter sereinement dans l'avenir ; un projet qui doit redonner confiance à ceux qui en manquent, rattraper toutes celles et ceux qui se sentent aujourd'hui sur le bord de la route ; un projet en somme qui vise l'émancipation pour chacun.
Dans ce projet, la culture occupe une place fondamentale, car tous les Français n'y ont pas le même accès aujourd'hui. Il n'y a pas d'« exclus de la culture » : chacun porte en soi une forme de culture, une langue, des coutumes, un socle de références, mais il y a des exclus des politiques culturelles, des citoyens qui ne bénéficient pas du soutien que nous apportons à la création ou au patrimoine, parce qu'ils n'ont pas la possibilité matérielle de fréquenter ces lieux, ou pensent que ce n'est « pas pour eux ». Ces citoyens qui n'ont pas la possibilité d'accéder à autre chose que ce qu'ils connaissent déjà, de pratiquer eux-mêmes un art, d'apprendre une langue, de mieux connaitre leur histoire sont souvent les mêmes qui souffrent d'une situation ou d'un sentiment d'exclusion sur le plan géographique, économique ou social.
C'est à cette France-là, à cette France des exclus, que notre projet s'adressera en priorité. Nous irons au-devant de tous les citoyens, en commençant par ceux qui ne sont pas touchés par les politiques culturelles aujourd'hui. Nous développerons les services publics culturels là où ils sont, là où ils vivent.
Nous nous appuierons pour cela, bien sûr, sur nos opérateurs, dont le rôle national doit être pleinement mis en valeur, et nous serons aux côtés de tous ceux se mobilisent, sur le terrain, pour toucher ces citoyens. Je pense en particulier à l'action extraordinaire des nombreuses associations qui oeuvrent dans le domaine culturel en France. Je me suis ainsi rendue hier, dans le cadre de la semaine des associations, à Bagneux, au « Plus Petit Cirque du monde », qui fait un travail extraordinaire que nous devons soutenir, de même que nous soutiendrons, grâce à de nouveaux moyens budgétaires, l'engagement de toutes ces associations de terrain. Nous encouragerons aussi les lieux subventionnés à ouvrir leurs portes plus largement encore, notamment pendant les vacances scolaires. En somme, nous allons déployer une politique culturelle de proximité.
Le budget pour 2018 en est la traduction directe. Je me concentrerai ce matin sur les moyens de la mission « Culture », avant d'aborder, cet après-midi, la mission « Médias, livre et industries culturelles » et l'audiovisuel public.
Les crédits de la mission « Culture » sont en hausse de 42 millions d'euros et s'établissent à plus de 2,9 milliards d'euros.
Le budget marque directement notre volonté de rééquilibrage en direction des territoires : les crédits déconcentrés auprès des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) augmentent de près 43 millions d'euros, portant la part des crédits déconcentrés à un niveau jamais atteint, puisqu'ils représentent 860 millions d'euros, soit une augmentation de 6 %. J'ai par ailleurs demandé à mes services d'examiner les missions et les crédits aujourd'hui gérés à Paris qui devraient ou pourraient être déconcentrés. Vous représentez tous les territoires de la République, et je tiens à vous redire qu'un nouveau cadre de contractualisation sera proposé aux collectivités territoriales, sans lesquelles nous ne pourrons réussir cette politique de proximité. J'ai eu à ce sujet des échanges avec les associations d'élus pour promouvoir un type de contrat souple, favorisant l'accompagnement des projets à partir des territoires.
Pour aller au-devant de cette France des exclus que j'évoquais, nous nous appuierons sur quatre piliers : sur l'école d'abord, service public universel qui permet de toucher sans distinction, et dès le plus jeune âge, à travers la pratique artistique, la lecture mais aussi l'éducation à l'image ; sur les bibliothèques, premier réseau culturel de proximité, et service public gratuit ; sur le patrimoine, ressource culturelle équitablement répartie sur tout le territoire et qui suscite indéniablement l'intérêt de nos concitoyens ; enfin, sur les artistes et les créateurs, sans qui il ne saurait y avoir de vie culturelle et qui sont les plus à même d'atteindre au coeur tous les publics.
En ce qui concerne l'école, pour que la politique culturelle concerne tous les futurs citoyens plus tard, il faut préparer les esprits dès le plus jeune âge, au moment où se forment les barrières psychologiques. C'est une ambition que je porte en coopération étroite avec Jean-Michel Blanquer, la culture sera au coeur du nouveau modèle d'école que ce gouvernement est en train de bâtir. Je ne cesserai de le redire : la culture n'est pas un supplément d'âme, elle est constitutive du développement de l'enfant, lui permet d'acquérir confiance et autonomie.
Nous avons défini deux priorités, la lecture et la pratique artistique, avec une ambition claire à l'horizon 2022 : chaque enfant de la République, de la maternelle au lycée, aura chaque semaine accès à une pratique artistique. Cette ambition se traduit dans le budget pour 2018 par l'octroi de 35 millions d'euros supplémentaires au soutien d'actions d'éducation artistique et culturelle, ce qui porte l'enveloppe à 114 millions d'euros.
Nous allons également renforcer le pilotage ministériel de cette politique. Les crédits étaient jusque-là dispersés entre différents programmes. Nous avons souhaité les rassembler au sein d'un seul et même programme et les renforcer.
Sur ce budget, et aux côtés des moyens mobilisés par le ministère de l'éducation nationale, 3 millions d'euros seront consacrés au développement des chorales à l'école, avec un objectif clair : passer d'un établissement sur quatre doté d'une chorale aujourd'hui à un établissement sur deux à la rentrée de septembre 2018, pour atteindre un taux de 100 % des établissements dès l'année suivante. Les chorales sont en effet un moyen rapide et concret de généraliser l'accès à la pratique musicale.
Je souhaite aussi qu'une « Fête de la musique à l'école » voie le jour – la première édition aura lieu le 21 juin 2018 –, pour présenter aux familles les projets artistiques préparés tout au long de l'année.
Enfin, nous allons développer dès l'année prochaine les jumelages entre établissements scolaires et acteurs culturels locaux – structures labellisées ou structures soutenues par les collectivités, comme les conservatoires ou les lieux patrimoniaux –, l'objectif étant que, d'ici 2022, la totalité des écoles soient associées à un lieu culturel afin de favoriser les sorties et les activités culturelles.
Je précise bien évidemment que si notre politique d'éducation artistique et culturelle portera largement sur les actions conduites à travers l'école, nous soutiendrons aussi tout ce qui est entrepris hors temps scolaire.
Enfin, dans le prolongement de cet effort massif en direction des jeunes, nous commencerons en 2018 à mettre en place un passeport culturel, le Pass Culture, destiné à accompagner la sortie de l'école et l'entrée dans l'âge adulte et la citoyenneté par la culture. Les contours précis de l'outil et de l'offre auquel il pourra donner accès seront précisés dans les prochains mois. Nous avançons en mode « startup » pour l'élaborer, c'est-à-dire que nous allons co-construire ce Pass Culture avec les futurs usagers, à savoir les jeunes, et les différentes parties prenantes, partenaires et collectivités. La concertation et l'élaboration de l'outil seront lancées d'ici la fin de l'année et une première offre sera prête pour la rentrée de septembre 2018. 5 millions d'euros sont prévus dans le budget 2018 pour mener ces étapes et concevoir l'outil.
Pour aller aux devants des publics, nous investirons par ailleurs dans les bibliothèques. On en compte plus de seize mille, réparties sur tout le territoire – autant que de points de contact de La Poste –, et 90 % de nos concitoyens en ont une à moins de vingt minutes de chez eux. Elles sont le premier réseau culturel de proximité.
J'ai donc confié à Erik Orsenna une mission, dont je devrais recevoir les conclusions en fin d'année, et dont l'objectif est d'aider les bibliothèques à « ouvrir plus », objectif auquel l'État apportera son concours financier. Nous avons engagé, Gérard Collomb et moi, une mission conjointe de nos inspections pour quantifier les moyens à mobiliser.
Mais tout ne se résume pas à des moyens financiers. L'objectif est aussi d'aider les bibliothèques à « ouvrir mieux », pour devenir ce que j'appelle des « maisons de services publics culturels », c'est-à-dire des lieux qui proposent – comme elles sont déjà nombreuses à le faire – davantage que le seul prêt de livres : des services d'aide aux devoirs, des cours de français ou de langue étrangère, ou encore des ateliers d'aide à la rédaction d'un curriculum vitae (CV) ou à la recherche d'emploi sur internet.
Nous allons accompagner ce mouvement dès l'année prochaine. Les DRAC se rendront disponibles pour réunir autour de la table élus, bibliothécaires, structures sociales et associations locales, afin d'accompagner les projets d'ouverture. J'ai fixé un objectif : à la fin de l'année 2018, je souhaite que nous ayons réussi à accompagner la transformation de deux cents bibliothèques, soit deux par département.
Pour que chaque citoyen soit acteur de la vie culturelle, nous investirons aussi dans le patrimoine. C'est la richesse culturelle la plus équitablement répartie sur notre territoire. Sur près de 45 000 monuments historiques protégés en France, la moitié se situe dans des communes de moins de deux mille habitants, et les Français y sont fondamentalement attachés. J'en veux pour preuve le succès renouvelé des « Journées du Patrimoine » ou de la « Nuit des Musées », succès qui traverse tous les âges, toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les zones géographiques.
Nous allons faire de la culture un vecteur d'animation des territoires tout au long de l'année, ainsi qu'un moteur de la revitalisation des zones en déshérence. Combattre l'exclusion en France, c'est redonner vie aux centres–villes où les commerces et où les volets ferment. La culture peut y contribuer.
Nous renforçons donc le budget destiné à l'entretien et à la restauration du patrimoine, qui sera porté à 326 millions d'euros, soit une hausse de 5 %. Quinze millions d'euros seront consacrés à la création d'un fonds pour la rénovation des monuments historiques situés dans les petites communes, l'essentiel des financements étant fléchés vers des communes de moins de deux mille habitants. Dans le prolongement du rapport du sénateur Yves Dauge, nous augmentons également les crédits en faveur de la revitalisation des centres anciens et des sites patrimoniaux remarquables, qui sont portés à 9 millions d'euros.
Le Président de la République a par ailleurs confié à Stéphane Bern la mission de recenser le patrimoine culturel en péril et de proposer, en lien étroit avec mes services, des moyens innovants pour en financer les rénovations les plus urgentes.
J'aurai l'occasion de présenter ma stratégie pluriannuelle pour le patrimoine plus en détail le 17 novembre.
J'en arrive enfin au pilier fondamental de notre politique culturelle de proximité : les artistes et les créateurs du spectacle vivant et des arts visuels. Ils sont à la racine de tout : de la vie culturelle, et de l'émancipation qu'elle procure à nos concitoyens. Nous confortons le soutien que nous leur apportons, qui sera porté au niveau historique de 780 millions d'euros, ce qui inclut notamment une hausse des crédits dédiés aux structures labellisées.
Nous affichons des choix clairs : les moyens nouveaux qui ont été dégagés, à hauteur de 6 millions d'euros, seront réservés aux projets qui touchent les publics et les territoires éloignés : des résidences en zone rurale ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; des projets hors-les-murs ; des itinérances artistiques dans des départements faiblement pourvus en manifestations et lieux culturels.
Soutenir la création, c'est aussi investir dans de nouveaux lieux de diffusion. À cet égard, la Cité du Théâtre aux Ateliers Berthier, qui doit réunir l'Odéon, la Comédie française et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD) est un bel exemple de projet coopératif, ouvert sur la cité et à fort rayonnement.
Soutenir la création, c'est l'aider à gagner en visibilité. Je souhaite que nous lancions en 2018, sur le modèle des Journées du Patrimoine, des Journées de la Création, avec des portes-ouvertes et des ateliers destinés aux citoyens, dans tous les lieux de création artistique, publics comme privés. Les fonds régionaux d'art contemporain organisent déjà un weekend « portes-ouvertes » depuis l'an dernier : nous pouvons élargir ce mouvement.
Soutenir les créateurs, c'est par ailleurs veiller à leurs conditions de vie et de travail. Je voudrais dire un mot ici des artistes-auteurs et de la manière dont s'appliquera pour eux la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) : je tiens à les rassurer, le principe de la compensation de cette hausse est acquis – je vous le confirme. Nous mobiliserons les crédits nécessaires. Un mot également des artistes et techniciens intermittents du spectacle : je tiens à réaffirmer que nous serons extrêmement attentifs à l'accord de 2016.
Soutenir la création, c'est encore aider les filières à se structurer. C'est le sens de la mission que j'ai confiée à Roch-Olivier Maistre sur l'opportunité de créer une « maison commune de la musique ». Le rapport me sera remis prochainement et je le rendrai public. Je travaille par ailleurs sur la question de la concentration de la filière musicale.
Soutenir la création, c'est enfin la défendre et l'accompagner au plan international. J'aurai prochainement l'occasion de revenir sur notre action européenne. Pour le reste, je compte mobiliser davantage l'Institut français, et la contribution du ministère de la culture au budget du Bureau Export de la musique française va progresser de près de 60 % en 2018.
Et, parce qu'il n'y a d'ouverture qu'à double sens, nous allons par ailleurs accompagner celles et ceux qui viennent, depuis l'étranger, nourrir la culture en France. Je pense aux professionnels et aux artistes et, plus largement, aux migrants qui arrivent aujourd'hui dans notre pays : je souhaite que nous renforcions le soutien aux actions culturelles entreprises en leur direction – qu'il s'agisse de cours de langue, d'activités ou d'ateliers artistiques.
La participation à la vie culturelle est un droit fondamental pour tout être humain. Ce droit fondamental est aujourd'hui un droit théorique pour beaucoup de Français, que ce soit pour des raisons géographiques, économiques, sociales, ou tout simplement psychologiques. Nous voulons en faire un droit réel pour chacun des citoyens de ce pays, et pour toutes celles et ceux que nous accueillons : c'est l'ambition de ce budget.
J'ai l'honneur de présenter devant vous le rapport des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Le programme 131 « Création » a été bâti avec l'objectif de conforter l'indépendance artistique, l'aide aux structures labellisées et le soutien à la diversité et au renouvellement de l'offre culturelle à toutes les étapes de la vie d'une oeuvre. Le projet de loi de finances pour 2018 sauvegarde l'amélioration du budget de 2017 en présentant un budget stable.
Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » porte les politiques transversales d'éducation artistique et culturelle, d'enseignement supérieur et d'action culturelle internationale. Les crédits de ce programme enregistrent une forte hausse, de 33 millions d'euros.
Ainsi, le budget de la culture en France restera en 2018 le deuxième budget de la culture en Europe. Depuis cinquante ans, les politiques culturelles ont développé l'offre et les équipements de manière remarquable, partout sur le territoire français. Toutefois le constat est flagrant, les inégalités d'accès à la culture sont persistantes.
Selon la dernière étude de 2008, les pratiques culturelles en France demeurent intimement liées au niveau de diplôme et à la position sociale. Dans notre pays comme ailleurs en Europe, les milieux sociaux les plus favorisés sont ceux qui ont les pratiques culturelles les plus intenses. Depuis, les années 1970, de fortes inégalités sociales et territoriales d'accès à la culture demeurent, et ce malgré les profonds changements liés au numérique ou à la massification scolaire.
Les chiffres sont saisissants : près d'un quart des Français n'a pas fréquenté d'équipement culturel dans l'année écoulée. De plus, la majorité d'entre eux déclarent n'avoir que très peu d'intérêt pour la culture en général : ils lisent peu de livres, n'écoutent de la musique que rarement, n'ont jamais utilisé internet pour les trois-quarts d'entre eux et leur loisirs restent largement centrés sur la télévision.
Les barrières persistent donc pour les plus défavorisés. Elles sont à bien des égards polymorphes. Principalement salariales, elles peuvent aussi être géographiques, conséquences de l'éloignement dans les zones rurales ou encore liées à la nature de l'éducation reçue.
Le budget qui vous est présenté est érigé sur ce constat, qui porte une ambition politique : la volonté de démocratiser l'accès à la culture. Pour ce faire, nous devons agir en priorité sur le socle qu'est l'école. L'accès à la culture se joue dès l'enfance. C'est pour cette raison, que le ministère s'est fixé pour objectif que 100 % des enfants aient accès à l'éducation artistique et culturelle, en favorisant les trois dimensions que sont la pratique artistique, la fréquentation des oeuvres et la rencontre avec les artistes, l'acquisition enfin des connaissances dans le domaine des arts et de la culture.
L'éducation artistique et culturelle sera renforcée à destination de la jeunesse, et en particulier en direction des plus démunis, qui vivent dans des territoires où l'offre culturelle est faible. Dans cette perspective, nous développerons les outils tel que l'orchestre à l'école, la pratique de la chorale ou bien la rentrée en musique.
Dans le domaine de la lecture, les études montrent que les inégalités entre élèves se sont accrues : si le la pratique de la lecture a globalement baissé, l'écart entre les classes populaires et les populations plus diplômées s'est creusé, une majorité d'individus issus des classes populaires ayant perdu tout contact avec les livres. Afin de lutter contre l'accroissement de ces inégalités, de nouveaux moyens seront déployés pour financer le développement de la lecture : 13,4 millions d'euros y seront consacrés, soit une augmentation de 8,4 millions par rapport à 2017.
La mise en oeuvre de ces politiques sera pilotée conjointement par le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la culture. Au niveau local, nous favoriserons le développement des conventions entre les établissements scolaires et les établissements culturels locaux afin de renforcer leurs liens. En 2018, nous poursuivons l'effort engagé à destination des conservatoires municipaux, afin de les inscrire au coeur de ses politiques prioritaires. Près de 14 millions d'euros, dont 3 millions d'euros de mesures nouvelles, ont été dégagés afin d'élargir les actions des conservatoires.
La France, enfin, a massivement développé une offre nationale autour de grands opérateurs. La démocratisation ne pourra se faire sans eux, mais leur implication est trop souvent disparate. Ainsi peut-on regretter le faible nombre d'opérateurs qui ont signé un contrat pluriannuel d'objectifs. Il nous faudra donc repenser la gestion de ces établissements publics, en valorisant ceux qui, d'une part, ont engagé des politiques de rationalisation et de mutualisation de leurs fonctions, et qui, d'autre part, ont su se démocratiser grâce à la mise en place d'un modèle économique équilibré, fondé notamment sur le développement des ressources propres.
Madame la ministre, j'aimerais vous entendre sur Demos, ce dispositif d'éducation musical innovant, fondé sur la pédagogie collective et qui s'adresse à de jeunes enfants sans pratique musicale antérieure, vivant dans les zones ciblées prioritairement par le ministère. Pourriez-vous nous dire précisément comment vous concevez le développement de cet outil de démocratisation de la culture ?
Nous travaillons dès cette année à la mise en oeuvre du passeport culture pour lequel 5 millions d'euros sont engagés dans le budget. Ce dispositif s'inscrit dans une démarche globale, initiée dès l'école. Pouvez-vous nous détailler la stratégie de sa mise en oeuvre et la manière dont vous compter éviter les écueils auxquels s'est heurtée l'expérience italienne ?
Enfin, quels sont, selon vous, les leviers qui doivent permettre que les grands opérateurs nationaux du programme 224, qui absorbent plus de 40 % des crédits, participent plus et mieux à l'action engagée par le Gouvernement en faveur de la démocratisation de la culture ?
Cela étant, j'approuve sans réserve le budget alloué aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Si les crédits de la mission « Culture » augmentent globalement, ce n'est malheureusement pas le cas du programme « Patrimoines », dont, depuis plusieurs années, la valorisation culturelle n'est plus jugée prioritaire. Envisagez-vous qu'il en soit désormais autrement ?
La question se pose d'autant plus que, au-delà des prévisions de crédits, c'est leur exécution qui importe. Or on constate que c'est toujours sur le programme « Patrimoines » et notamment sur l'entretien et la préservation des monuments historiques que s'effectuent les coupes budgétaires en cours d'année. Ainsi, en 2016, sur 315 millions d'euros initialement affectés à l'entretien des monuments historiques seuls 269 millions ont été mis à disposition. D'où ma seconde question : où en sommes-nous de l'exécution budgétaire des crédits 2017, et comptez-vous l'an prochain, si des mesures de régulation s'imposaient, préserver malgré tout le programme 175, qui, contrairement aux autres programmes, n'augmente pas ?
Vous prévoyez la création d'un fonds de 15 millions d'euros pour aider les collectivités territoriales à faible potentiel financier à entretenir leurs monuments historiques. Cependant, ce fonds n'est doté que d'autorisations d'engagement, aucun crédit de paiement n'étant prévu. Ce qui veut dire que, en pratique, vous ne pourrez rien dépenser en 2018. J'aimerais comprendre pourquoi, d'autant que ce fonds est particulièrement bienvenu pour soutenir l'effort de réduction de la fracture territoriale.
Je pense en effet que l'entretien et la valorisation du patrimoine monumental, notamment dans les petites et moyennes communes ou les centres anciens, sont à ce titre essentielles, comme l'a remarquablement démontré dans son rapport Yves Dauge, que vous avez cité. Reste que les crédits disponibles sont dérisoires, se limitant aux 15 millions du fonds de rénovation, sans crédits de paiement, auxquels s'ajoutent 9 millions d'euros destinés à la revalorisation des centres anciens et des sites patrimoniaux remarquables. De surcroît, ces crédits sont fortement concentrés sur la région parisienne, et il est urgent de mieux les répartir sur l'ensemble du territoire. C'est une priorité que je soutiendrai, bien qu'étant élu en Île-de-France.
Par ailleurs, des programmes d'investissement importants sont en cours, notamment pour les châteaux de Versailles et de Fontainebleau, ainsi que pour le quadrilatère Richelieu. De même, le précédent gouvernement avait approuvé le schéma directeur de rénovation du Grand-Palais, dont le coût – colossal – a été estimé à 466 millions d'euros, ce qui risque de grever durablement les prochains budgets du programme 175. Le plan de financement prévoit que sera mobilisée une dotation de 200 millions d'euros prélevée sur le PIA 3, mais nous n'avons sur cette dotation que des informations contradictoires. Comme il est relativement urgent d'entamer ces travaux, pouvez-vous nous confirmer que ces 200 millions existent et nous donner des précisions sur le plan de financement finalement retenu ?
Dans le programme 175 « Patrimoines », il y a d'autres projets nouveaux que celui du Grand-Palais, je pense en particulier au schéma directeur du Centre Georges-Pompidou qui va coûter 170 millions d'euros. Quand on additionne les sommes, cela ne cadre pas du tout, ou alors il faudrait n'affecter aucun crédit à la province ! Comment vous allez-vous gérer les priorités au cours des prochaines années, entre le Grand-Palais et le Centre Georges-Pompidou ?
Ce programme comporte par ailleurs des dépenses fiscales affectées. D'autres dépenses fiscales très importantes entrent dans le cadre de la loi de 2003 sur le mécénat d'entreprise ou découlent des dons venant en déduction de l'impôt sur le revenu. Après un combat qui dure depuis plusieurs années, nous n'arrivons toujours pas à obtenir de Bercy la ventilation de ces sommes effectivement affectées à la culture. Êtes-vous décidée à soutenir ce combat qui porte sur des centaines de millions d'euros ? Comment avoir une vision claire du budget quand on ne sait pas quelle est l'affectation de ces dépenses fiscales correspondant au mécénat d'entreprises ou de particuliers ?
Avec les opérateurs de programme, nous nous retrouvons face à une véritable mosaïque de statuts. Un opérateur tel que le Centre des monuments nationaux (CMN), par exemple, peut avoir six statuts différents. Êtes-vous prête à simplifier le dispositif ?
Cette année, dans l'indifférence générale, est sorti un décret qui rend obligatoire de pourvoir toutes les vacances d'emploi par des fonctionnaires, notamment de catégorie C. Cette obligation conduit à des emplois non pourvus. Reprenons l'exemple du CMN, qui gère une centaine de monuments. Dans certains d'entre eux, il n'y a que trois ou quatre employés. Comment faire si l'on est obligé de recruter exclusivement des fonctionnaires ?
D'entrée, il faut noter pour s'en réjouir que, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, les crédits de la mission « Culture » sont préservés à hauteur de 2,9 milliards d'euros.
Il convient néanmoins de nuancer cet enthousiasme. Madame la ministre, si votre budget soutient la comparaison avec celui de votre prédécesseure, il demeure en deçà des crédits exécutés en 2010 ! Le projet de loi de finances vient, en réalité, consacrer une tendance à l'oeuvre depuis cinq ans : la baisse du soutien de l'État à la culture. Cette tendance se singularise par la diminution de 36 millions d'euros de la dotation à l'audiovisuel public dans la mission « Médias ». Nombreux sont ceux qui s'interrogent, et moi avec eux : la création sera-t-elle la grande perdante de cette affaire ? L'État doit clarifier sa position face à l'inquiétude des nombreux acteurs concernés.
Vous avez présenté les grandes lignes et orientations de votre budget, et nous vous en remercions. Permettez-moi de m'arrêter sur certains points saillants qui méritent des précisions de votre part.
Ma première question est relative au patrimoine et aux travaux très lourds qui doivent être menés au Grand-Palais. Où en est le montage du financement de l'opération ? Quel sera le calendrier des travaux ?
S'agissant de la sécurité des salles de spectacle, le fonds d'urgence créé après l'attentat du Bataclan touche à sa fin et ne permet pas de financer les investissements indispensables : sas, caméras, portiques. Les opérateurs souhaitent accéder au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui a le double avantage d'être pérenne et de couvrir des dépenses d'investissement. Où en êtes-vous de vos discussions avec le ministère de l'intérieur sur ce point ?
S'agissant de l'extension au secteur du théâtre du crédit d'impôt dédié au spectacle vivant musical et de variétés, le ministère est conscient que rien ne justifie une différence de traitement entre public et privé, mais tarde à étendre le dispositif. Peut-on espérer voir ce dossier aboutir en 2018 ? Je présenterai un amendement en ce sens.
En ce qui concerne la création du Pass Culture, les contours du premier projet demeurent flous. Ils sont flous sur le principe : s'agira-t-il d'un chèque de 500 euros ? Les produits et offres culturels seront-ils fléchés ? Ils sont flous également sur les modalités de financement : les « GAFA » – Google, Apple, Facebook, Amazon – seront-ils, par exemple, mis à contribution ?
Des précisions s'imposent aussi concernant les horaires d'ouverture des bibliothèques. Comment exiger des collectivités locales un effort supplémentaire au moment où l'État baisse leurs dotations ?
Puisqu'il est question d'éducation, je voudrais vous alerter sur la situation des écoles d'art. L'alignement du statut des enseignants des trente-cinq écoles régionales sur celui des enseignants des dix écoles nationales est absolument indispensable, non seulement pour les intéressés, mais aussi pour la validité des diplômes délivrés et l'inscription des établissements dans le système licence-master-doctorat (LMD). Dans quel état d'esprit allez-vous débuter la négociation que vous avez annoncée ?
Deux sujets sur lesquels je souhaitais vous interroger ont déjà été évoqués. Je me réjouis de votre annonce sur la compensation de l'augmentation de la CSG pour les auteurs affiliés à l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des artistes (AGESSA) ou à la Maison des artistes. Je m'associe aux propos du président Studer qui vous a interrogé sur le budget des orchestres Démos, un sujet primordial lié à l'apprentissage de l'art à l'école.
J'en viens maintenant à ce qui occupe une part importante de mon rapport pour avis : la future Cité du Théâtre qui s'installera, d'ici à 2022, en lieu et place des ateliers de décors de l'Opéra national de Paris, boulevard Berthier dans le 17e arrondissement. Ce projet – ou plutôt, devrais-je dire, ces deux projets car la Cité du Théâtre n'est rendue possible que par l'achèvement programmé des travaux de l'Opéra Bastille – a été initié à la toute fin du quinquennat précédent. Il consiste dans le regroupement de trois institutions majeures qui sont intimement liées les unes aux autres : le Théâtre national de l'Odéon, la Comédie française et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD). La force de ce projet est de donner à chaque établissement ce dont il a besoin, tout en créant une nouvelle institution susceptible d'assurer le rayonnement du théâtre en France et à l'international.
Il s'est présenté une opportunité à nulle autre pareille bénéficiant, comme rappelé dans mon rapport, d'un alignement favorable des planètes. Le projet fait désormais consensus, ce dont je ne peux que me réjouir. En effet, le PLF pour 2018 marque un premier engagement financier de l'État avec l'inscription de 7 millions d'euros en crédits de paiement et de 27 millions d'euros en autorisations d'engagement. L'État ne compte pas financer seul les 145 millions d'euros de l'opération, dont 86 millions pour la Cité du Théâtre et 59 millions pour le déménagement de l'opéra vers la Bastille. Il entend solliciter des financements « originaux », selon votre propre expression, madame la ministre. Pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par là et nous dire où en est la constitution du tour de table financier ?
Monsieur le président Studer, monsieur le rapporteur Person, vous m'avez interrogée sur le maintien des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle, et plus particulièrement à Démos qui s'inscrit pleinement dans notre priorité visant à renforcer l'égalité d'accès à l'art et à la culture.
Lancé en 2009, le projet Démos est centré sur la pratique collective de la musique classique et il est destiné à des enfants de milieux populaires, âgés de sept à douze ans, résidant dans des territoires prioritaires de la politique de la ville, en outre-mer ou en milieu rural. Les enfants pratiquent au moins quatre heures par semaine avec un artiste professionnel au cours d'un cycle de trois années.
Ce programme complète d'autres actions formidables, comme « Orchestre à l'école », dispositif soutenu par le ministère de la culture et le ministère de l'Éducation nationale. Le ministère de la culture apporte aussi un soutien renouvelé aux conservatoires, dans le cadre d'une politique renforcée en matière d'accès des plus jeunes à une pratique instrumentale collective.
Quelque trente orchestres et 3 000 enfants sont concernés par « Orchestre à l'école » et Démos. Nous observons avec attention et bienveillance le développement de Démos, qui porte des fruits extraordinaires et pour lequel une enveloppe d'un million d'euros a été inscrite au PLF pour 2018. Au cours des années à venir, nous allons continuer à soutenir ce dispositif et d'autres opérations, plus modestes mais qui font parfois preuve d'une forme de souplesse impressionnante. Pour avoir assisté à nombre de présentations de ce travail, je peux vous dire que les résultats sont assez étonnants.
Monsieur Person, je ne peux que partager votre analyse sur les inégalités d'accès à la culture. Nous avons en permanence ce constat présent à l'esprit lorsque nous définissons notre manière de travailler. C'est ce qui nous incite à mettre autant l'accent sur l'école où démarrent les inégalités, comme le soulignent les rapports internationaux. Tout comme moi, Jean-Michel Blanquer en fait une priorité, et nos services collaborent très étroitement pour créer des aménagements communs qui permettront d'avancer de façon très volontariste sur le sujet.
Il existe aussi toutes sortes de manifestations qui visent à réduire les inégalités grâce au livre. Formidable vecteur d'émancipation et de confiance, le livre permet aussi d'appréhender et de comprendre l'autre. Dans le cadre de cette politique essentielle, nous accompagnons les associations extraordinaires qui existent, notamment « Lire et faire lire » ou celles qui font intervenir des conteurs. La lecture se développe et rassemble de plus en plus de monde. Elle est un facteur de lien social et elle suscite des prises de conscience. Je me souviens d'une visite à Pantin, cet été, dans le cadre d'une opération baptisée « Partir en livre ». Quand je me suis approchée des enfants, ils étaient tellement pris par leur lecture qu'ils n'ont même pas levé la tête, alors qu'ils n'avaient pas, a priori, un profil de lecteurs. C'est quelque chose de magique qu'il faut accompagner.
En 2017, plus de 5 millions d'euros sont consacrés aux actions d'éducation artistique et culturelle en faveur du livre et de la lecture. En 2018, 1,4 million d'euros supplémentaires seront alloués à ces actions, ce qui représente une progression importante. Citons l'action « Premières pages » et le projet « Des livres à soi », sans oublier les contrats « territoire-lecture » dont les moyens sont accrus de 800 000 euros et qui sont regroupés dans le programme 224. Au total, 13,4 millions d'euros, après transferts, sont dédiés à l'éducation artistique et culturelle en faveur du livre et de la lecture.
Madame Kuster, monsieur Person, vous m'avez interrogée sur le Pass Culture. Dans ma présentation, j'ai utilisé le terme de passeport pour marquer l'aboutissement d'un parcours d'éducation artistique et culturelle dont les jeunes auront bénéficié dès leur plus jeune âge jusqu'à leur majorité et leur entrée dans la vie citoyenne. Il est très symbolique que ce passeport soit culturel.
Ce Pass Culture tend à rendre le jeune autonome et pilote de son choix. Il aura accès à une sorte de plateforme dont les algorithmes lui ouvriront un champ d'offres éditorialisé. Nous sommes en train de créer à cette fin une méthode d'élaboration contributive et participative. Dès décembre 2017, un groupe sera constitué avec des jeunes, les établissements culturels du ministère et des acteurs culturels – publics, privés, innovateurs – afin d'y réfléchir. Il faudra collaborer avec un écosystème permettant l'appropriation du Pass Culture par les jeunes, à la manière dont ils pratiquent avec leurs réseaux sociaux habituels, tout en prévoyant un accès aux zones moins couvertes par le réseau.
Nous étudions aussi l'articulation avec d'autres politiques nationales ou territoriales d'accès à la culture. Pour élaborer l'outil et lancer une première expérimentation à l'automne prochain, nous avons prévu une première dotation de 5 millions d'euros en 2018. Nous apporterons cette contribution financière tout au long du quinquennat.
Venons-en au patrimoine. Après les efforts consentis en 2017, qui se sont traduits par 897 millions d'euros en autorisations d'engagement, j'ai souhaité conforter l'action de l'État en faveur des patrimoines. Ceux-ci représentent un véritable facteur de cohésion sociale et ils reflètent un véritable dynamisme économique des territoires. Nous avons encore pu le constater à la faveur des Journées du patrimoine, qui ont rassemblé 12 millions de visiteurs dans quelque 25 000 lieux. Ce sont des chiffres absolument stupéfiants.
À périmètre constant, c'est-à-dire en tenant compte des dépenses désormais prises en charge par le programme 224, qui inclut l'éducation artistique et culturelle, les moyens du programme « Patrimoine » augmentent de 3,6 millions d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire de 0,4 %. Les moyens dédiés aux monuments historiques sont ainsi consolidés en 2018 : 326 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 20 %, pour les crédits de restauration et d'entretien, auxquels s'ajoutent 36 millions d'euros en autorisations d'engagement pour les grands projets. La progression de 5 % des autorisations d'engagement hors grands projets permettra d'amplifier l'effort de l'État sur tout le territoire, grâce à la mise en place d'un fonds incitatif et partenarial de 15 millions d'euros en autorisations d'engagement, réservé aux collectivités à faibles revenus, et pour lequel nous affecterons les crédits de paiement en fonction de l'avancement des travaux, ce qui est tout à fait logique en cette première année de lancement de ce fonds.
Le projet de la Réunion des musées nationaux Grand-Palais (RMN-GP) est considérable. Le schéma directeur de rénovation et d'aménagement du Grand-Palais vise à faire émerger un équipement culturel, scientifique et événementiel de rayonnement international, assis sur un modèle économique solide. L'aménagement actuel ne permet pas d'exploiter le potentiel de ce lieu, qui requiert aussi une restauration en profondeur. Les premiers travaux urgents – de préservation – sont déjà en cours. Le schéma directeur global entrera en phase opérationnelle en 2020. Il est prévu que l'achèvement des travaux coïncide avec les jeux olympiques et paralympiques qui seront organisés à Paris en 2024. Le Grand-Palais doit, en effet, accueillir des compétitions importantes.
À ce propos, je souligne que j'ai tenu à ce que les musées nationaux jouent un rôle actif de proposition pour une programmation ambitieuse et partagée d'expositions lors de la réouverture du Grand-Palais. Nous voulons en faire le grand lieu d'exposition de la capitale. Nous avons réuni tous les musées nationaux qui doivent coopérer au projet et avons noté leur volonté de travailler ensemble.
Qu'en est-il de la sécurisation du financement de l'opération ? Des discussions interministérielles se poursuivent sur les modalités précises de l'apport de la dotation exceptionnelle de l'État, ce qui ne remet pas en cause l'opération, dont l'intérêt est partagé au sein des pouvoirs publics. Je vous confirme que nous envisageons de boucler le plan de financement en utilisant le solde des crédits du troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA3). Le financement se répartit de la manière suivante : 116 millions d'euros du ministère de la culture ; 150 millions d'euros empruntés par la RMN-GP, 200 millions de dotation exceptionnelle de l'État.
Depuis la loi du 1er août 2003, le ministère soutient le développement du mécénat, qui permet d'apporter des moyens supplémentaires à l'action publique et associative et qui favorise le partage d'expertise entre les sphères privée et publique. Nous encourageons ce développement du mécénat collectif en faveur des projets culturels, que ce soit pour l'acquisition de biens culturels ou pour la production de spectacles. Nous encourageons aussi le développement du mécénat populaire, participatif, qui prend de plus en plus sa place dans la société en procédant par appel générosité publique. Ce type de mécénat fonctionne, notamment quand il s'agit de sauvegarde du patrimoine et quand il mobilise ses partenaires du monde économique et juridique – les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les notaires, les avocats, les experts-comptables.
Le ministère favorise la création de pôles régionaux du mécénat, c'est-à-dire de guichets permanents où les porteurs de projets et des mécènes peuvent partager des informations sur la législation et les bonnes pratiques codifiées dans la charte du mécénat culturel et l'observatoire du développement local du ministère. En fait, le ministère serait favorable à un relèvement du plafond des dons, celui-ci passant de 0,5 % à 1 % du chiffre d'affaires, pour donner plus de marge au mécénat des petites et moyennes entreprises (PME) et même des très petites entreprises (TPE) qui constituent, avec la philanthropie individuelle, le principal vivier de développement du mécénat culturel.
Nous sommes tous conscients de la concentration des crédits et nous veillerons à un rééquilibrage tout en menant à bien de grands projets.
Madame Kuster, vous avez accordé une large place à la future Cité du Théâtre du boulevard Berthier. Comme dans le cas du Grand-Palais, nous insistons sur la coopération entre les acteurs. Avec le Grand-Palais, il s'agit de créer un lieu dont la France a besoin pour organiser de très grandes expositions qui attirent les foules, et qui profite à tous les publics. Pour la future Cité du Théâtre, nous avons réuni tous les opérateurs et nous leur avons demandé de travailler ensemble. Il s'agit d'optimiser financièrement ce projet et d'en renforcer le rayonnement national. Les opérateurs doivent élaborer une sorte de cahier des charges de ce qu'ils peuvent proposer aux Français.
Le coût est estimé à 86 millions d'euros pour la Cité du Théâtre et à 59 millions d'euros pour le site de la Bastille. Le montant total des deux opérations s'élève donc à 145 millions d'euros. Des discussions vont être engagées avec les collectivités territoriales et avec des mécènes, afin de les associer au financement de ces projets imbriqués.
Le Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD) étant obligé de déménager, l'Opéra va se recentrer à la Bastille et occuper des lieux délaissés. Cette réorganisation cohérente provoque des discussions sur le partage de salles de répétition, sur la manière de travailler en commun dans un lieu qui n'est pas complètement central et qui permet de développer Paris vers sa périphérie.
La sécurité des établissements est, en effet, un sujet ô combien préoccupant pour nos concitoyens, qu'il nous faut aborder avec solennité et sérieux. Nous serons en mesure d'affecter de nouveaux crédits sur le fonds d'urgence pour les établissements et les festivals. Avec Gérard Collomb, nous travaillons pour maintenir ces crédits – essentiels pour les opérateurs de l'État – du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).
S'agissant des bibliothèques, leurs horaires d'ouverture sont trop limités et n'ont rien à voir avec ceux qui sont pratiqués dans les pays voisins. Une mission a été confiée à Erik Orsenna, qui est en train d'effectuer son tour de France, et les inspections générales sont chargées d'estimer les besoins financiers d'accompagnement. Les conclusions des deux missions seront rendues en décembre. Nous organiserons une restitution publique puis, en mars 2018, un grand débat sur le sujet. Une proposition sera faite dans le projet de loi de finances pour 2009.
Madame la ministre, au nom du groupe La République en Marche, je tenais à vous dire que nous sommes satisfaits du budget que vous nous présentez. Nous sommes satisfaits de voir que des moyens sont consolidés et que des choix clairs se dessinent, conformément aux engagements du président de la République.
Les 42 millions d'euros supplémentaires pour les programmes 175, 131 et 224 font mieux que sanctuariser les crédits du ministère : ils viennent conforter une politique de la culture pour tous sur tous nos territoires.
Parmi les choix forts affirmés dans ce budget, celui d'un accès de tous à la culture mérite d'être particulièrement souligné : 200 millions d'euros sont consacrés à cette politique, dont 35 millions d'euros de mesures nouvelles. Un axe majeur de ce quinquennat se met ainsi en place.
S'agissant de mesures concrètes, vous commencez à travailler avec le ministre de l'éducation nationale pour définir conjointement un parcours culturel pour chaque enfant ; il débutera dès l'école maternelle pour se poursuivre tout au long de la scolarité. L'accès à la culture est déterminant pour la construction de l'enfant, et il est reconnu comme un facteur réel d'égalité des chances, d'ouverture et d'accomplissement personnel. Familiariser nos enfants aux arts représente donc un véritable enjeu de société.
Notre groupe apprécie également votre volonté de définir certains territoires comme prioritaires : les outre-mer, les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+), et les zones rurales. Élément important de ce nouveau parcours culturel, le Pass Culture sera mis en oeuvre dès 2018, concrétisant un autre engagement de campagne du président Macron. Vous aurez certainement l'occasion de revenir bientôt sur les modalités de sa mise en oeuvre, mais nous voulons d'ores et déjà engager votre volonté d'en faire une étape importante dans le parcours culturel de nos jeunes, le Pass Culture devenant le symbole de la transition du jeune vers l'autonomie dans ses pratiques culturelles.
Ma question portera sur ce parcours et sur le rôle que les opérateurs existants pourront y jouer. En effet, certains opérateurs développent déjà des programmes très intéressants en milieu scolaire. Vous avez déjà répondu sur Démos ou sur « Orchestre à l'école ». Des opérateurs privés ont aussi initié des opérations moins connues, comme « La Fabrique à chansons », lancée par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). S'y ajoute, au-delà de la musique, les scènes conventionnées, les musées, les écoles d'art qui regorgent toutes d'initiatives très intéressantes. Quelle sera la place réservée à des programmes de ce type et aux opérateurs culturels qui les portent ?
Le groupe Les Républicains reconnaît qu'un effort est fait pour la culture à travers ce budget, qui marque une différence par rapport aux budgets du précédent quinquennat puisque les crédits sont en légère hausse.
Nous nourrissons toutefois quelques inquiétudes. Le périmètre du Pass Culture nous semble encore flou. Il faut prendre garde à l'effet d'aubaine qu'il risque d'induire si les activités qu'il recouvre ne sont pas suffisamment précisées.
Nous nous étonnons en outre que les crédits de paiement du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) soient réduits de plus de moitié. Qu'est-ce qui justifie cette baisse de 55 millions à 25 millions, alors que l'augmentation de 1,7 point de la CSG frappe de plein fouet les artistes et auteurs ?
Enfin, nous souhaitons voir inscrite dans la durée l'augmentation des crédits déconcentrés, qui est de 6 % pour 2018. Les collectivités territoriales qui ont de plus en plus de difficultés à faire face à leurs missions dans un contexte budgétaire très contraint doivent pouvoir être accompagnées par l'État sur le long terme.
Monsieur le président, le groupe Mouvement démocrate et apparentés prend acte de la présentation des crédits de la mission « Culture » pour se féliciter des choix faits par le Gouvernement en matière de patrimoine, de création et de démocratisation culturelle, et salue votre volonté, madame la ministre, de faire la culture un droit réel.
Le soutien au spectacle vivant est affirmé et nous souhaitons que les efforts soient poursuivis dans les années à venir. L'annonce d'une Journée de la création nous paraît aller dans le bon sens.
Nous sommes particulièrement attachés à la diffusion de la culture au plus grand nombre. C'est pourquoi l'augmentation du budget du programme 224 « Transmission des savoirs » nous paraît essentielle, particulièrement le soutien à l'éducation artistique et culturelle. C'est bien dès le plus jeune âge que la sensibilisation à l'art doit se faire afin de développer cette sensitivité particulière des enfants dans la familiarité avec les grandes oeuvres de l'esprit. Là aussi, il faudra veiller à ce que cet engagement se perpétue à travers des mesures concrètes.
Par ailleurs, comme mes collègues, j'aimerais avoir des précisions sur la mise en place du Pass Culture.
L'éducation à l'image que vous avez évoquée dans votre présentation me tient particulièrement à coeur. J'aimerais savoir quels moyens vous allez y consacrer. Verserez-vous des aides aux cinémas de proximité ? Soutiendrez les établissements scolaires qui engagent des actions en ce domaine ?
Enfin, nous nous interrogeons sur la politique relative au patrimoine. Alors même que le Président de la République a lancé un plan de valorisation et de réhabilitation de notre patrimoine historique, nous constatons que cette action subit une baisse des crédits. Quelle en est la raison ? Quelle est la cohérence de ce choix ? La politique en matière de patrimoine matériel ou immatériel est essentielle à nos territoires. L'action en faveur de l'architecture et des espaces protégés devrait être plus poussée car elle permet à nombre de nos villes et de nos villages les plus isolés de conserver des centres attractifs et vivants.
Madame la ministre, au nom du groupe Les Constructifs, je voudrais évoquer tout d'abord votre engagement pour la culture. Sur le plan budgétaire, les crédits de la mission « Culture » sont en hausse après des années plus difficiles et je voulais vous en remercier : cette progression est essentielle. Votre vision de la culture s'appuie également sur l'éducation : vous partagez avec le ministre de l'éducation Jean-Michel Blanquer la volonté de faire entrer davantage la culture à l'école. L'opération « Rentrée en musique » a été une réussite, soulignons-le. C'est un exemple parmi d'autres.
Le Pass Culture sera un élément important de cette politique. Où en est le Gouvernement ? Quel calendrier est prévu pour sa mise en oeuvre ?
Vous avez confié à Erik Orsenna une mission sur la lecture, qui traduit votre volonté d'en faire un élément fondamental de l'éducation. Votre projet est en cela complémentaire de la priorité donnée par le ministre de l'éducation aux fondamentaux et aux dédoublements de classes dans les réseaux d'éducation prioritaires renforcés.
L'ouverture des bibliothèques le dimanche pour en faire des lieux de vie est une excellente initiative. En tant que député de la nation mais aussi en tant que député de la capitale, je voudrais vous interroger sur la façon dont vous travaillez avec la Ville de Paris à cette ouverture dominicale.
Autre enjeu essentiel : la promotion de la diversité de la création française. Nous avons besoin de moderniser notre audiovisuel. Pour cela, une nouvelle loi est nécessaire. J'espère que nous aurons ce débat en 2018. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Enfin, il faut défendre davantage la vitalité du théâtre – et je saluerai ici la qualité du rapport de notre collègue Brigitte Kuster. Le théâtre privé, qui présente plus de 50 % de la création en France, connaît des difficultés en raison de l'augmentation des coûts fixes et d'une stagnation de la fréquentation. Il est aujourd'hui nécessaire de soutenir davantage ce secteur. J'ai déposé deux amendements en ce sens : l'un prévoyant l'augmentation de la subvention de l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) ; l'autre demandant la création d'un crédit d'impôt en faveur du théâtre privé.
Pour finir, je vous remercie de nous avoir donné des précisions au sujet de la compensation de l'augmentation de la CSG pour les auteurs.
Le groupe Nouvelle Gauche constate que les moyens de la mission « Culture » se maintiennent de manière globale, même si une analyse plus approfondie laisse apparaître çà et là une ambition en demi-teinte en termes d'investissements, notamment dans les territoires ruraux. Nous aurons l'occasion d'en reparler en séance.
L'essentiel de mon propos portera sur le programme 175 « Patrimoines ». Nous partageons le constat que vous établissez d'une dévitalisation des centres-bourgs, tout particulièrement dans les zones rurales. S'il n'existe pas de financements spécifiques dédiés à la revitalisation des centres anciens, il y a une grande diversité des financeurs, au premier rang desquels la Caisse des dépôts et consignations, qui soutient les initiatives locales. Compte tenu de l'importance du maillage des bourgs et des villes moyennes, la revitalisation des centres anciens représente un enjeu important en matière d'aménagement du territoire et de cohésion sociale. Sauver un centre historique ne se résume pas à une affaire locale : il y va de l'histoire d'une commune, de son attrait touristique, de son patrimoine culturel.
Vous avez porté les crédits destinés à la revitalisation des centres anciens à 9 millions d'euros. Qu'en est-il de l'efficience de ses investissements par rapport aux autres moyens mis en oeuvre par l'État, comme le Fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) ? Prévoyez-vous un effort plus marqué en faveur des territoires ruraux afin de lutter contre la fracture territoriale ? Ne pourrait-on faire du patrimoine culturel un axe du programme national de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs préconisé dans un rapport sénatorial publié cet été ? Enfin, pourriez-vous nous en dire davantage sur le fonctionnement du Fonds incitatif et partenarial doté de 15 millions d'euros destiné à la rénovation des monuments historiques des collectivités à faibles ressources ? Quels seront les critères d'éligibilité retenus ?
La mission que nous examinons aujourd'hui est composée de trois programmes : le programme « Patrimoines » est en baisse, après avoir été amputé de 2,5 millions d'euros ; le programme « Création » connaît une augmentation timide de ses crédits, de 400 000 euros ; quant aux crédits du programme « Transmissions des savoirs et démocratisation de la culture », ils sont en hausse de 32,5 millions d'euros.
Au nom du groupe La France insoumise, j'aimerais vous faire part de certaines de nos interrogations sur la pertinence de vos choix budgétaires. Votre mesure phare serait la mise en place d'un Pass Culture de 500 euros pour tous les jeunes lorsqu'ils atteignent dix-huit ans. Vous prévoyez cette année 5 millions de crédits de paiement et une montée en charge durant la durée du quinquennat jusqu'à104 millions. Vous deviez mettre ce dispositif en place dès 2018 mais vous n'y êtes pas parvenue. En outre, les sommes prévues sont totalement insuffisantes : compte tenu du fait qu'il y a eu 775 000 naissances en 2000, le Pass occasionnerait une dépense de 387 millions d'euros, soixante-dix-sept fois supérieure à la dotation que vous avez prévue pour 2018. Par ailleurs, nous ne disposons d'aucune information sur les solutions que vous envisagez : ni au sujet de la promesse faite par Emmanuel Macron que les « GAFA » participeraient à son financement, ni sur les mesures que vous comptez prendre pour inciter les jeunes à s'en servir. Rappelons qu'en Italie, un dispositif similaire n'a touché que 60 % du public ciblé.
Avec ma collègue Sabine Rubin, nous allons présenter des amendements qui consistent pour la plupart à demander des rapports d'information au Gouvernement. Je demande aux rapporteurs, aux présidents et à la ministre d'écouter sans mépris nos propositions dans le respect des droits de l'opposition.
Madame la ministre, je ne peux que partager votre point de vue, compte tenu de l'état de notre société : nous avons besoin de culture. Nous constatons que votre budget conforte la tendance à l'augmentation esquissée avec le précédent budget de la culture. Nous avons besoin de garantir la liberté de création – j'aimerais avoir votre avis sur la loi votée lors de la précédente législature – et de développer l'éducation artistique au sein de l'éducation nationale car le problème de l'accès aux oeuvres n'est pas que financier, il est aussi culturel.
Nous avons toutefois plusieurs interrogations. Vous évoquiez l'ouverture des musées nationaux : pouvez-vous nous en dire plus sur les réductions budgétaires qui affectent les postes ? Par ailleurs, qu'en est-il des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) qui assurent un lien avec les communes et les associations ?
Le processus « Action publique 2022 » suscite des inquiétudes. Les contrats passés avec les collectivités territoriales ne doivent pas aboutir à un désengagement de l'État car celui-ci doit assurer un égal accès à la culture et une liberté de création partout sur le territoire.
S'agissant du statut des intermittents, vous vous étiez engagée à maintenir l'accord de 2016 sur les annexes VIII et X de l'assurance chômage. J'espère que vous serez entendue par l'ensemble du Gouvernement. Quelles seront, selon vous, les conséquences des contrats de chantier dans le milieu artistique ? Je pense notamment aux petites entreprises artistiques.
Vous n'avez pas évoqué le rôle du service public de l'archéologie, auquel je suis très attachée. Dans le « bleu » budgétaire, un terme m'a fait un peu sursauter : il est question à propos des fouilles d'une « approche raisonnée ». Pouvez-vous me rassurer à ce sujet ?
Enfin, le groupe de la Gauche démocratique et républicaine est préoccupé par les postes vacants dans la filière documentaire. Les Archives nationales, faute de personnel pour accueillir le public, sont ainsi contraintes à des fermetures non prévues.
Je tiens tout d'abord à remercier les députés qui ont souligné l'engagement fort en faveur de l'éducation artistique et culturelle qui marque ce budget.
Plusieurs d'entre vous ont posé des questions au sujet du Pass Culture. Au cours de mes pérégrinations, j'ai constaté que les jeunes attendaient de nouveaux moyens d'accéder à des pratiques culturelles. Ce passeport répond à ce besoin et se situe dans la continuité logique de notre action en faveur de l'éducation artistique et culturelle. Il aura une importance particulière pour les jeunes éloignés de la culture.
La priorité est d'éditorialiser l'offre, et nous comptons avancer en lançant en 2018 une expérimentation. Notre idée est de donner la priorité à l'accès aux établissements culturels et aux pratiques culturelles et artistiques comme le hip-hop, la danse, le théâtre, qui nourrissent des envies chez les jeunes. Madame Le Grip, nous sommes tout à fait conscients des risques liés à l'effet d'aubaine. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur les expériences menées à l'étranger et dans les collectivités locales. Nous les avons recensées dans une première phase de notre travail pour en faire le bilan et je me suis moi-même rendue en Italie pour tirer les enseignements du dispositif Bonus Cultura. En touchant 60 % du public visé, monsieur Larive, j'estime qu'il a montré qu'il suscitait un réel intérêt.
Avec les membres du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), que j'ai invités il y a quelque temps au ministère, j'ai longuement évoqué le Pass Culture. Beaucoup de collectivités ont fait valoir leurs expériences en ce domaine. L'équipe est en place, elle est composée de jeunes gens venus de l'extérieur mais aussi de jeunes membres de mon cabinet, qui ont eu envie de s'engager dans ce projet – et quand je dis « jeunes », c'est qu'ils ont moins de trente ans. Nous pensons organiser en décembre un « hackathon ». Quant à l'expérimentation, elle sera lancée en septembre 2018.
Madame Le Grip, je vous remercie d'avoir souligné que le budget de la mission « Culture » était en hausse. Cette augmentation reflète notre conviction que la culture est la plus belle des richesses. Dans le contexte que vous connaissez, elle est aussi la marque de la priorité que le Gouvernement accorde à la culture. Comptez sur moi pour la défendre avec vigueur.
Les dotations du FONPEPS correspondent à l'action 8 du programme 224 et s'élèvent à 80 millions en autorisations d'engagement, comme en 2017, et à 27 millions en crédits de paiement. Nous veillerons à ce que ces sommes soient correctement employées. Si ce dispositif au soutien de l'emploi à destination des artistes et techniciens du spectacle vivant et enregistré n'a pas été utilisé à la hauteur prévue, c'est sans doute qu'il est insuffisamment connu. Il faudra faire oeuvre de pédagogie comme en bien des domaines.
Vous avez affirmé que l'augmentation de la CSG touchait de plein fouet et les auteurs, les artistes, les interprètes. Dès que nous avons eu conscience de l'existence de ce trou dans la raquette, nous avons réfléchi à une solution et nous l'avons trouvée : il y a aura bel et bien une compensation, qui sera pérenne à partir de 2019.
Madame Mette, je vous remercie d'avoir mis en avant la Journée de la création et notre action en faveur de l'éducation artistique et culturelle. Vous avez insisté sur l'importance de l'éducation à l'image, primordiale à nos yeux. Mener des actions pédagogiques en ce sens dès le plus jeune âge est essentiel. Lors d'une rencontre avec le ministre de la culture espagnol, nous avons insisté sur ce point. Les jeunes doivent se rendre compte que s'ils accèdent à toutes les vidéos possibles sans se préoccuper du piratage, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. Ils fragilisent les métiers ayant trait à la culture – artistes, accompagnants, techniciens – auxquels ils pourraient plus tard avoir accès.
Plusieurs actions d'éducation aux médias sont menées. Le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI) organise avec les établissements scolaires une semaine de la presse et des médias à l'école : la deuxième édition, en 2018, aura pour thème « D'où vient l'info ? ». Nous nous appuyons également sur les engagements contractuels des acteurs de l'information : sociétés audiovisuelles publiques à travers leurs contrats d'objectifs et de moyens ; groupes de presse, à travers des conventions cadres en cours de négociation qui prévoiront l'octroi d'aides sous conditions. Par ailleurs, le ministère fournit des mallettes numériques que les enseignants, accompagnés de journalistes professionnels, pourront utiliser afin de créer un journal avec leurs élèves. Pensons encore au soutien aux médias de proximité – journaux, webradios, radios associatives. Je citerai enfin des actions pédagogiques comme Educ Arte lancées par la chaîne culturelle à destination des collèges. Tout cela est destiné à donner à nos jeunes des repères pour acquérir de l'autonomie dans un monde complexe.
Certains d'entre vous se sont inquiétés de la baisse des crédits dévolus au patrimoine. En réalité, ils augmentent, compte tenu du transfert des crédits de l'éducation artistique et culturelle vers le programme 224. Les autorisations d'engagement sont en augmentation de 15 millions d'euros pour les monuments historiques – mise en place de fonds en faveur des petites communes – et les crédits pour la revitalisation des centres anciens passent de 8 millions à 9 millions d'euros. Nous mettons ainsi en oeuvre les préconisations d'Yves Dauge, que j'ai eu grand plaisir à recevoir pour discuter de son excellent plan.
Dans son rapport, madame Biémouret, il a mis en évidence des ruptures territoriales économiques, sociales et culturelles qui affectent de nombreux centres historiques : baisse de la population, dégradation de l'habitat, installation de commerces en périphérie. Depuis que je suis en fonction, j'ai pu, lors de mes nombreux déplacements, voir à l'oeuvre ces processus de dévitalisation mais aussi, à l'inverse, des processus de revitalisation. Je pense à Sedan où je suis allée donner le coup d'envoi des Journées du patrimoine : cette ville est parvenue à revitaliser son centre grâce à la réhabilitation de ses monuments historiques et a même vu s'installer un hôtel. Il ne s'agit pas simplement de mener une politique de sauvegarde et de restauration mais de se servir de la culture comme d'un levier de revitalisation en lien avec les politiques du logement, du commerce et du tourisme.
Une fois de plus, nous allons expérimenter, ce qui est toujours une bonne façon d'avancer – en l'occurrence dans trois régions : Occitanie, Grand-Est et Centre-Val-de-Loire. Comme je vous l'ai dit, les crédits sont portés à 9 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 13 %, avec pour objectif un accompagnement renforcé des communes qui manquent de moyens d'ingénierie pour élaborer leur plan de sauvegarde et de valorisation, en les intégrant dans un projet global de revitalisation.
Pour ce qui est du Pass Culture, je vous confirme qu'il doit être mis en place en septembre 2018.
Madame Buffet, je vous remercie d'avoir salué l'engagement des arts et de la culture à l'école. En prenant mes fonctions, j'ai lu l'excellent rapport que Jack Lang, Catherine Tasca et même Jean-Luc Mélenchon avaient commandés en leur temps sur cette question. Aujourd'hui, force est de constater que ce principe ne s'applique toujours pas à la totalité des enfants, et nous consacrons donc une grande partie de nos efforts à faire en sorte qu'il soit généralisé et véritablement intégré au parcours éducatif de l'élève. Au-delà des crédits, j'insiste sur l'action déterminée que le ministre de l'éducation nationale et moi-même menons ensemble à tous les niveaux, en inscrivant la pratique des arts et de la culture à l'école dans les programmes de l'éducation nationale, mais aussi en agissant dans tous les interstices où il y a quelque chose à faire – je pense par exemple à l'ouverture des écoles. Un vrai travail est en train de se faire en faveur de la mixité, pour lequel nous pouvons compter sur le Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle (HCEAC), qui s'intéresse aussi à la formation des personnels concernés – sur ce point, le concept d'école de la confiance est lui aussi fondamental.
Pour ce qui est des postes vacants aux Archives nationales, je précise qu'un concours a eu lieu dans la filière documentaire, qui va donner lieu à une première vague d'affectations d'ici à la fin de l'année.
En ce qui concerne l'archéologie préventive, je veux dire que nous soutenons pleinement cette mission scientifique essentielle qui a d'ailleurs été, très symboliquement, l'objet de mon premier déplacement en tant que ministre : je m'étais rendue à Montpellier pour y visiter un site de fouilles préventives et un chantier de diagnostic.
Enfin, je suis très attentive au statut d'intermittent, et je précise que les contrats aidés ne sont pas supprimés, puisqu'il y en aura encore 200 000 l'année prochaine, contre 270 000 prévus dans le PLF pour 2017 ; nous veillerons à ce qu'ils soient fléchés de façon à soutenir l'ensemble des activités qui le nécessitent.
Madame la ministre, la baisse prévue de 36 millions d'euros des dotations à l'audiovisuel public représente, par rapport aux trajectoires des contrats d'objectifs et de moyens (COM) des différentes structures, un décrochage de près de 80 millions d'euros, dont environ 50 millions d'euros pour le seul groupe France Télévisions. La diminution de cette dotation affecte la mission de service public de France Télévisions, notamment dans l'expression des territoires, permise grâce à des chaînes telles que France 3 ou France Ô, mais aussi des chaînes ultramarines comme Mayotte 1ère, qui se bat chaque jour pour produire une information de qualité en dépit du manque de moyens.
Quels dispositifs garantissent à ces chaînes un budget leur permettant d'assurer pleinement leur mission ?
Après avoir salué la qualité des travaux menés par nos rapporteurs, je veux tout d'abord évoquer la politique muséale française. On note dans le PLF pour 2018 une baisse de 9 % des autorisations d'engagement consacrés aux musées de France, ainsi qu'une baisse de 2,6 % des crédits de paiement.
Cette baisse touche essentiellement le musée d'Orsay, qui va perdre un million d'euros en 2018. Pour ce qui est des dotations en fonds propres, le budget chute également de 70 %, ce qui s'explique en partie par l'achèvement de la phase zéro du schéma directeur du centre Georges-Pompidou.
Madame la ministre, il apparaît que la politique muséale n'est pas cette année une priorité du Gouvernement. La baisse du budget de nos musées traduit l'absence de nouveaux projets dans ce domaine, et on note également la baisse des crédits d'acquisition, tant pour le patrimoine que pour les archives.
Comment expliquer ces décisions budgétaires, et quels sont les objectifs à long terme du Gouvernement pour la valorisation des musées français ? Comptez-vous vous inspirer des propositions du rapport parlementaire d'Isabelle Attard, Michel Herbillon, Michel Piron et Marcel Rogemont qui, en 2014, appelaient à repenser la politique muséale et à rénover la gestion des collections ?
Par ailleurs, la situation des opérateurs suscite également de nombreuses inquiétudes. Pour ce qui est du Grand-Palais, le budget 2018 prévoit une baisse de sa dotation d'un million d'euros, alors que l'opérateur se trouve déjà en grande difficulté : je rappelle qu'il connaît un recul de sa fréquentation, une baisse de 12 % de son chiffre d'affaires, et une situation déficitaire dans un contexte où de nouveaux travaux d'envergure, estimés à 400 millions d'euros, s'imposent. Quant à l'Opéra national de Paris, son exercice 2016 s'est soldé par une perte de 9,5 millions d'euros, une baisse inquiétante de son fonds de roulement et une augmentation continue de la billetterie pour compenser la baisse structurelle des subventions : l'institution traverse une phase difficile, alors que son cahier des charges est maintenu à un niveau exigeant, avec 350 spectacles par an – de ce point de vue, l'ouverture d'une salle supplémentaire à Bastille ne fait qu'accroître les incertitudes du budget de fonctionnement.
Madame la ministre, quelle est votre analyse sur cette situation critique des opérateurs, et quels sont les engagements du Gouvernement ?
Madame la ministre, vous avez affirmé et démontré à plusieurs reprises que l'accès de toutes et de tous à la culture était l'une de vos priorités. Le travail mené conjointement avec le ministère de l'éducation pour le renforcement de la musique à l'école est un exemple de cette volonté. Pour y arriver, des partenariats sont prévus, notamment entre des établissements scolaires et des conservatoires. Le programme budgétaire 224, intitulé « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », a pour objectif principal de rendre accessibles l'art sous toutes ses formes et sa connaissance sur l'ensemble du territoire français, et pas seulement en milieu urbain.
Quels engagements le Gouvernement va-t-il prendre en matière de financement des conservatoires, et quels moyens pense-t-il mettre en place afin d'éviter que la répartition de ce financement ne se fasse de façon inégalitaire, comme c'est parfois le cas aujourd'hui ?
D'autre part, vous revenez de Beyrouth, où vient d'avoir lieu le Salon du livre francophone : quels seront les points forts de votre programme de promotion de la culture française et des échanges culturels à l'international, et quels moyens pourrez-vous y consacrer ?
Mme la ministre m'a répondu sur certains points, mais pas sur tous. Je lui fais confiance pour répondre à mes questions portant sur l'ouverture des bibliothèques le dimanche, la question du théâtre privé et la loi sur l'audiovisuel.
Madame la ministre, au sujet du Pass Culture, j'aimerais savoir s'il est prévu une modulation territorialisée. En effet, le problème de l'accès à la culture est souvent lié à celui du transport, notamment en zone rurale, où le fait de devoir affréter un autocar a souvent pour effet de plomber le budget. Par ailleurs, comment le Pass Culture s'articulera-t-il avec les dispositifs similaires déjà mis en place par d'autres collectivités ?
J'ai bien entendu votre volonté de favoriser l'accès à la culture à l'école tout en laissant le choix aux communes de conserver, ou pas, les nouvelles activités périscolaires, et j'aimerais savoir si des politiques différenciées vont être appliquées dans les territoires.
Enfin, vous avez annoncé 15 millions d'euros en autorisations d'engagement pour l'entretien du patrimoine dans les territoires, mais quid des crédits de paiement, et à quels éléments du patrimoine, classé ou non, les crédits sont-ils destinés ? Pensez-vous que toutes les communes disposent des capacités financières pour entretenir leur patrimoine, et allez-vous prendre en compte les situations financières particulières des unes et des autres pour moduler les aides ? Enfin, s'agira-t-il d'un fonds spécifique, ou celui-ci sera-t-il confondu avec des dispositifs de droit commun ?
La culture est indissociable de la vie sociale, à laquelle elle donne sa personnalité, et elle est elle-même issue des créations que la société produit en continu. À ce titre, elle constitue donc un axe important de politique publique, d'abord parce que la puissance publique intervient dans le soutien et l'aide aux créateurs et artistes qui dessinent tout un pan des valeurs collectives, ensuite parce qu'elle gère et entretient une bonne partie du patrimoine culturel français, dont il est inutile de souligner la richesse, à la fois sur le plan matériel et sur le plan immatériel.
Parce que la culture est également un élément majeur du sentiment commun d'appartenance dans un monde de tensions communautaires, elle constitue l'un des éléments essentiels d'une paix sociale réelle et durable, c'est pourquoi les efforts accomplis par le Gouvernement dans ce domaine revêtent une importance particulière, surtout en cette période de rationalisation des choix budgétaires.
Venant de Corse, île à la culture originale, prégnante, mais gravement menacée, je voudrais souligner que la valeur d'une culture ne se mesure pas à l'aune de son support démographique : chaque langue, chaque société participe à la richesse commune de l'humanité.
Des efforts considérables ont été faits en faveur de la langue corse : des efforts publics, mais aussi privés, soutenus par un engagement militant qu'il convient de saluer. Cependant, il faudrait aller plus loin si nous voulons assurer la pérennité de cette langue corse aujourd'hui menacée.
Madame la ministre, nous souhaitons que vous et le ministre de l'éducation preniez en compte cette volonté politique, et espérons que vous vous impliquerez dans la loi spécifique que nous appelons de nos voeux pour la Corse.
Madame la ministre, je souhaite revenir sur votre action en faveur des bibliothèques et votre volonté de développer la lecture publique en mettant le livre à la disposition de tous. C'est une ambition que je partage sans aucune réserve, et nous suivons avec beaucoup d'attention la mission que vous avez confiée à l'académicien Erik Orsenna.
Les obstacles sont multiples qui éloignent nos concitoyens des bibliothèques et des médiathèques, en dépit de la multiplication et de la modernisation de ces lieux culturels de proximité. Aux raisons budgétaires qui compliquent le fonctionnement de ces structures, à la remise en cause récente des contrats aidés, à cette « injonction paradoxale » faite aux collectivités locales et soulignée par Erik Orsenna, s'ajoutent, dans les outre-mer, d'autres barrières, déjà mentionnées dans un rapport de 2010 de l'Inspection générale des bibliothèques (IGB), parmi lesquelles la moindre diversification des collections, la nécessité de consolider l'encadrement, ou encore les difficultés récurrentes des librairies.
De manière bien plus rare, heureusement, mais toutefois plus néfaste, une approche excessivement politisée peut nuire au développement de la lecture publique pour tous, comme c'est le cas à La Réunion, où l'une des plus récentes et des plus modernes médiathèques de l'île est toujours fermée au public, plusieurs années après son achèvement. Outre-mer plus qu'ailleurs sans doute, la lecture publique est une question cruciale pour lutter contre un taux élevé d'illettrisme, pour prévenir l'échec et le décrochage scolaires, mais aussi parce que les livres coûtent toujours plus cher chez nous.
C'est pourquoi, madame la ministre, nous aimerions savoir si le Tour de France des bibliothèques entrepris par l'auteur de L'Exposition coloniale passera par nos territoires, et notamment s'il fera étape à La Réunion, ce qui permettrait d'aborder dans les meilleures conditions le grand débat public que votre ministère a le projet de tenir en mars prochain.
Madame la ministre, je veux revenir sur l'enjeu d'internationalisation de nos artistes. À cet égard, nous saluons l'effort conséquent que votre ministère a réalisé avec l'augmentation du budget du Bureau Export. Pouvez-vous nous préciser la trajectoire que vous souhaitez donner à ce bureau et, plus largement, à l'internationalisation et à l'export de nos artistes ?
Ma deuxième question porte sur les quotas et les règles applicables à l'audiovisuel. La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine a encore durci les quotas de diffusion radiophonique, qui étaient déjà assez contraignants. Or, l'assiette sur laquelle les quotas sont assis doit être suffisante pour permettre aux acteurs d'assumer leurs obligations. Dès lors, on peut s'étonner que certains artistes français qui font notre fierté à l'international ne soient pas comptabilisés, du fait qu'ils chantent en anglais. De même, il est regrettable que les titres français ne puissent être joués en haute rotation, ce qui nuit malheureusement à la diversité de nos artistes. Face à l'enjeu de la diversification culturelle, ces règles conduisent parfois à une forme d'uniformisation des oeuvres diffusées sur les ondes.
Je laisse de côté les questions que l'on peut rattacher à l'audiovisuel, qui auront vocation à être évoquées cet après-midi.
J'ai déjà répondu en partie aux questions de Mme Duby-Muller portant sur la politique muséale française et la situation des grands opérateurs que sont le Grand-Palais et l'Opéra national de Paris. Je précise que les moyens financiers des établissements en général seront maintenus l'année prochaine, compte tenu du moindre gel pour 2018.
Par ailleurs, les crédits d'acquisition seront préservés en 2018, avec un ajustement limité à 0,5 million d'euros, ce qui place les crédits budgétaires d'acquisition de 2018 à un niveau intermédiaire entre ceux de 2016 et de 2017. Cet ajustement concerne des crédits centraux, non répartis en loi de finances, et n'aura d'impact direct ni sur les établissements publics, ni sur les musées territoriaux ou nationaux.
L'Opéra national de Paris affichera un retour à l'équilibre fin 2017, et la salle modulable créera des ressources estimées à 3 millions d'euros environ. Je précise que l'exercice 2016 avait été terriblement fragilisé par les grèves.
Madame Essayan, vous m'avez interrogée au sujet des conservatoires : nous leur attachons une grande importance et renforçons leurs crédits de 3 millions d'euros par rapport à l'année précédente, pour les porter à 20 millions d'euros. Par ailleurs, nous travaillons sur la tarification d'accès afin de réduire les inégalités.
Vous avez également évoqué le Salon du livre francophone de Beyrouth : à ce sujet, je veux vous redire que la francophonie est un enjeu essentiel en matière de défense de la langue française. J'ai beaucoup échangé avec mes homologues sur ce thème et sur le caractère fondamental de l'envie de français, et mes services travaillent actuellement à la mise au point d'une feuille de route très ambitieuse sur la francophonie.
J'en viens aux questions de M. Bournazel. L'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) est en train de réaliser une mission d'étude portant sur un éventuel élargissement du crédit d'impôt sur le spectacle vivant, au terme d'un an d'existence de ce dispositif. Ce premier bilan nous servira à déterminer quel effet le crédit d'impôt a pu avoir sur l'émergence artistique et la prise de risque des acteurs, et c'est sur cette base que nous nous déterminerons sur l'opportunité d'un élargissement.
Pour ce qui est du théâtre privé, nous avons lancé un groupe de travail avec la Ville de Paris afin de trouver des solutions. Avec 55 théâtres adhérents, dont deux en régions, l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) sera à l'équilibre en 2017, ce qui n'avait pas été le cas depuis longtemps.
En ce qui concerne l'élargissement des horaires d'ouverture des bibliothèques, je confirme qu'elles bénéficieront pour cela d'un accompagnement financier de l'État. Par ailleurs, nous allons travailler avec les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui doivent jouer le rôle d'organisateur et de facilitateur du travail effectué avec les collectivités territoriales.
J'ai déjà répondu sur le Pass Culture, monsieur Bricout, mais je vous confirme que, même si la question des transports ne dépend pas de nous, nous y serons très attentifs.
J'ai également répondu à votre question sur le patrimoine des petites communes, en évoquant le fonds de 15 millions d'euros.
M. Castellani m'a interrogée sur la langue corse. À côté de notre langue nationale, qui est le français, les langues régionales ont leur place, et nous les soutenons dans leur diversité – comme le disait Édouard Glissant, il faut « défendre la mondialité, et non la mondialisation ». Les moyens consacrés au patrimoine linguistique que constituent les langues régionales vont être renforcés, puisqu'ils seront en hausse de 1,2 %, pour s'établir à 3,2 millions d'euros en 2018.
Madame Bello, je transmettrai à Erik Orsenna votre suggestion de faire passer son Tour de France des bibliothèques par La Réunion…
Pour ce qui est du Bureau Export, je dois dire que je partage votre ambition et votre sentiment, madame Bergé, quant à l'importance de l'exportation et du rayonnement de la musique française, qui justifie que nous ayons renforcé les moyens de cette action de 57 %, ce qui permet de porter la subvention du ministère de 740 000 euros en 2015 à 2,2 millions d'euros aujourd'hui : il convient de souligner que notre soutien a été triplé. Enfin, je rappelle que ce soutien s'inscrit dans le cadre d'une démarche partenariale avec les professionnels, qui ont aussi à respecter leurs engagements financiers vis-à-vis du bureau du Bureau Export. Dans le contexte budgétaire actuel, il est difficile d'envisager une augmentation des crédits d'un million d'euros supplémentaires, compte tenu du fait que ces crédits ont déjà fait l'objet d'une hausse considérable, mais je souhaite inscrire cette réflexion dans la durée, et dans une dynamique qui se poursuivra bien évidemment au cours des années suivantes.
Madame la ministre, je vous remercie pour le maintien des crédits, mais aussi pour tout ce que vous faites dans le cadre de votre ministère, dont vous faites un vrai ministère de projets. Je vous félicite également pour vos déplacements sur le terrain, grâce auxquels vous recueillez des informations – on vous a vue à Rennes, comme dans beaucoup d'autres villes –, et je veux vous dire que vous serez toujours la bienvenue sur nos territoires.
Vous avez déjà répondu aux questions que je voulais vous poser au sujet du Pass Culture, qui doit permettre de rendre la culture populaire. Je profite d'évoquer ce sujet pour saluer la mémoire de Jean Rochefort, qui était très attaché à cette culture populaire et commentait ainsi, en 2013, les politiques menées en matière de culture : « Je me suis battu toute ma vie en faveur du théâtre pour tous, contre l'élitisme. Un week-end au TNP avec Vilar, c'était Corneille, Gérard Philipe, Maurice Chevalier, bals et sandwich-parties : l'art pour le peuple ! Depuis, j'ai rencontré tous les ministres de la culture pour leur parler de ce problème d'élitisme, mais ils s'en contrefoutent de manière extraordinaire ! Je ne lâche pas, j'attends le prochain, c'est mon côté don Quichotte, finalement… »
Madame la ministre, êtes-vous ce prochain ministre de la culture que Jean Rochefort attendait ?
Au sujet du Pass Culture, si l'expérimentation portant sur 5 millions d'euros et 10 000 jeunes bénéficiaires se passe bien, à quelle échéance voyez-vous 100 % d'une classe d'âge, c'est-à-dire 800 000 jeunes, bénéficier du Pass Culture ?
Madame la ministre, je considère que vous avez déjà répondu à ma question portant sur les langues régionales, et je vous en remercie.
Madame la ministre, vous savez certainement qu'Erik Orsenna vient nous rendre visite à Nancy dans quelques jours, pour l'inauguration de la réhabilitation de la médiathèque départementale.
Vous nous avez annoncé que l'État allait accompagner les collectivités locales dans la démarche d'élargissement des horaires d'ouverture des bibliothèques : pouvez-vous nous préciser si cela se fera par la contrainte ou par le contrat, et si l'accompagnement dépendra du nombre d'heures d'ouverture, ou s'il se fera globalement ? Même s'il est trop tôt pour répondre précisément à cette question tant que le rapport Orsenna ne vous a pas été remis, peut-être avez-vous déjà quelques pistes, que je vous remercie de partager avec nous.
En juin dernier, une mission de réflexion sur une maison commune de la musique a été lancée à votre initiative, madame la ministre, et confiée à Roch-Olivier Maistre, qui devrait vous rendre son rapport très prochainement. Cette maison commune ayant vocation à regrouper les principales structures du secteur de la musique et du spectacle vivant, les enjeux sont importants, pour ne pas dire capitaux, pour la filière musicale, qui doit trouver les moyens de se transformer.
Pourriez-vous nous présenter les objectifs de ce rapport et vos attentes en la matière ?
Madame la ministre, nous partageons l'objectif de démocratisation de la culture que vous avez proclamé, et approuvons le parcours d'éducation artistique et culturelle qui avait été introduit par la loi de refondation de l'école.
Si, en théorie, tous les enfants peuvent bénéficier de ce parcours, ce n'est pas le cas dans la réalité : l'accès aux grands centres culturels est limité en raison de la distance, mais aussi du plan Vigipirate. Pourriez-vous nous préciser comment vous comptez endiguer les déséquilibres existant aujourd'hui entre les enfants ?
Vous avez également évoqué les surcoûts dans l'organisation des festivals, du fait des mesures de sécurité qui doivent être prises actuellement : comment comptez-vous vous y prendre pour permettre aux festivals de faire face à ces surcoûts ?
Nous partageons l'objectif poursuivi avec la mise en place du Pass Culture, et aimerions savoir selon quelles modalités il sera accessible à ses bénéficiaires. Par ailleurs, il semble que vous comptiez sur les financements privés des distributeurs et des grands acteurs du numérique : ceux-ci vont-ils jouer le jeu, et de quelle manière ?
Enfin, alors que des dispositifs similaires ont été mis en place par les collectivités territoriales il y a déjà quelques années, un rapport du ministère de la culture semble dire que ce dispositif n'a pas semblé engendrer de hausses de fréquentation significatives, et surtout de changements dans les habitudes culturelles des jeunes. Comment allez-vous faire pour que le Pass Culture permette une vraie démocratisation de la culture, surtout pour les publics qui en sont le plus éloignés ?
Ce sont la culture et les arts qui nous permettent de faire unité, qui permettent aux femmes et aux hommes de rester debout. Réconcilier culture populaire et culture savante, culture de masse et culture élitaire, c'est donner à chaque citoyen une place dans la société et lutter contre l'exclusion. Pablo Picasso ne disait-il pas : « C'est mépriser le peuple que de croire qu'il n'a pas soif de culture, de savoir et de découverte » ?
Beaucoup de mes collègues ont parlé de la revitalisation des centres-villes anciens. Président de l'association « Centre-ville en mouvement », je milite pour la réinstallation de la culture dans les villes, en ayant malgré tout l'impression que, depuis trente ans, nous ne sommes guère entendus. En 2016, 90 % des demandes d'autorisation d'implantation de centres commerciaux en périphérie ont été acceptées et, en 2018, ce ne sont pas moins de 1,2 million de mètres carrés supplémentaires qui seront alloués au développement de ces centres, qui défigurent nos 36 000 communes.
Au lieu de voir se multiplier les fermetures de rideaux et, avec elles, augmenter le sentiment d'insécurité, ne pourrait-on pas imaginer de confier ces rues à nos artistes, d'y installer des résidences qui leur soient dédiées, puisque nous avons pour cela les locaux disponibles ? Madame la ministre, comment comptez-vous nous aider ?
Monsieur Le Bohec, je suis touchée que vous ayez salué la mémoire de Jean Rochefort, que j'aurais été ravie de rencontrer pour lui dire le bonheur qu'il m'a donné tout au long de sa carrière. Je suis évidemment pour une culture « élitaire pour tous », et j'ai eu, moi aussi, la chance de rencontrer de grands hommes, comme Antoine Vitez, qui m'a profondément inspirée sur la question du théâtre élitaire pour tous. Soyez donc assuré que c'est une question qui me tient à coeur.
Monsieur Garcia, l'idée de contrat ou de contrainte est tout à fait contraire à l'esprit dans lequel j'ai confié sa mission à Erik Orsenna. Je le répète dans les nombreuses DRAC que je visite : nous misons sur le partenariat, le dialogue et l'écoute des collectivités territoriales et des acteurs de terrain. L'initiative doit venir des collectivités territoriales, que je compare à des allumeurs de réverbère, et que nous ne sommes pas là pour contraindre mais pour accompagner.
Madame Petit, le rapport de Roch-Olivier Maistre sur la « maison commune de la musique » devrait m'être remis très prochainement. Il fera l'objet d'une présentation officielle et d'un échange avec l'ensemble de la profession qui, malgré sa diversité, est très demandeuse de cette maison commune où partager aussi bien les activités de création que celles liées à la diffusion ou à l'export.
Ce projet est également pour nous une manière de réaffirmer le rôle de l'État et de rassurer les secteurs qui s'inquiétaient de son désengagement, ce dont il n'est évidemment pas question.
Monsieur Vignal, nous sommes particulièrement attentifs à la revitalisation des centres-villes. Nous travaillons avec les collectivités territoriales pour développer les commerces culturels de proximité. Dix-sept lieux d'expérimentation sont prévus pour tester l'architecture et la qualité du bâti, car le cadre de vie dans lequel on travaille est important.
En ce qui concerne les centres commerciaux, certaines communes du sud de la France ont fait le choix de refuser leur implantation – je pense notamment à Mouans-Sartoux, qui conduit une politique culturelle formidable et où vient de se dérouler un grand rassemblement citoyen.
Ainsi que l'a déclaré le Président de la République dans son discours aux Nations unies le 20 septembre 2017, l'organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) assume un rôle-clef : conserver au monde un visage humain.
La récente élection de votre prédécesseure, Mme Audrey Azoulay, à la direction générale de cette organisation est un succès pour la diplomatie culturelle française, et a de surcroît réveillé l'attention portée à cette institution onusienne essentielle.
Quelles ont été, en 2017, les transferts budgétaires, directs et indirects, entre la France et l'UNESCO – c'est-à-dire la contribution de la France à l'institution mais également les financements nous parvenons à attirer grâce à elle ? Que seront-ils en 2018, à l'heure où le retrait des États-Unis est scruté par tous ?
Madame la ministre, permettez-moi tout d'abord de saluer vos objectifs ambitieux et la hausse du budget de la mission « Culture », qui traduit tout l'intérêt du Gouvernement et sa reconnaissance de l'action du milieu culturel.
Je suis sensible à la priorité que vous accordez à la culture dans les territoires, dans le but notamment de favoriser leur dynamisme économique ; j'y suis particulièrement sensible pour ce qui concerne nos territoires ultramarins. À l'heure où la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon oriente sa stratégie de développement économique vers le tourisme et où le trafic des navires de croisière se développe de manière significative depuis les États-Unis et le Canada voisins, je ne doute pas que vous mesurez comme moi l'importance de la valorisation de notre patrimoine culturel, afin que notre archipel devienne une halte incontournable dans la région.
Depuis 2009, Saint-Pierre-et-Miquelon connaît un véritable élan en ce sens, notamment grâce au classement de son patrimoine culturel.
Les élus travaillent également sur le projet ambitieux de labellisation « Patrimoine mondial » de l'UNESCO.
J'avais déjà sollicité votre prédécesseure afin que l'État nous apporte un soutien technique, par la mise à disposition auprès du préfet, d'un chargé de mission culture et patrimoine qui nous aide à monter les dossiers conformément aux procédures définies par le ministère de la culture, et qui puisse assister les collectivités dans le développement de la politique patrimoniale de l'archipel. Le rapport de la cinquième mission « Patrimoines » menée sur l'archipel en septembre 2016 par la DRAC de Bretagne conforte d'ailleurs cette idée.
Vous avez insisté, madame la ministre, sur votre politique culturelle de proximité. Aussi souhaiterais-je m'assurer que l'État sera bien présent aux côtés des acteurs culturels, institutionnels et associatifs d'outre-mer, notamment de Saint-Pierre-et-Miquelon, pour mettre en valeur ce patrimoine français d'Amérique du Nord, riche et unique.
Madame la ministre, à l'heure du hashtag #MontreTaCroix, l'Observatoire du patrimoine religieux a recensé 50 014 églises ou chapelles – pour ne parler que du patrimoine catholique –, chiffre à mettre en regard des 3,1 millions de TPE-PME que compte la France, pour donner une idée du formidable potentiel de mécénat que recèlent nos entreprises.
Le mécénat, en France, n'en n'est qu'à ses balbutiements, et ce du fait des nombreux freins réglementaires qui entravent son développement. Seriez-vous favorable au desserrement de ces contraintes, notamment celle qui plafonne à 0,5 % du chiffre d'affaires le montant admis en réduction d'impôt. Ce serait une bonne mesure pour nos TPE-PME, qui sont les mieux placées pour être des « mécènes de proximité ». Un amendement que nous avions déposé en ce sens n'a malheureusement pas été retenu. Peut-être aura-t-il plus de chance en seconde lecture ou dans les années à venir.
En ce qui concerne l'élargissement des horaires d'ouverture des bibliothèques et le soutien financier que l'État entend apporter aux collectivités, seriez-vous déjà en mesure de nous préciser les contours et les modalités de cette aide ?
Madame la ministre, il y a trois semaines, vous vous rendiez, porte Dorée à Paris, au Musée national de l'histoire de l'immigration (MNHI), un établissement créé il y a dix ans pour reconnaître les parcours d'intégration des populations immigrées dans la société française et faire évoluer les mentalités sur l'immigration et sur l'intégration en France. À l'occasion de cet anniversaire, vous avez souligné la triple responsabilité du ministère de la culture : changer les mots, les regards, les vies.
Au-delà des 10 millions d'euros inscrits à ce jour au PLF pour 2018 pour le Musée national de l'histoire de l'immigration, pouvez-vous nous éclairer sur les actions culturelles qui peuvent être consacrées à une meilleure culture de l'intégration ? Je pense aux actions qui portent sur les mots et pas seulement sur l'apprentissage du français, à celles qui changent notre regard sur les migrants, à celles qui permettraient de faire passer ces migrants ou ces personnes intégrées de la condition de sujets à celle de faiseurs et véritables acteurs de ces représentations.
Pour ma part, je voudrais revenir sur le programme 131 « Création ». Je note une augmentation de 300 000 euros pour ledesignet la mode, deux secteurs qui participent très fortement au rayonnement de notre pays à l'international. Quel est le sens de cette augmentation ? À quels dispositifs ces 300 000 euros vont-ils être affectés ? Quels outils d'insertion et de professionnalisation des différents acteurs du secteur vont-ils financer ?
Madame Cariou, je profite de votre question sur l'implication directe et indirecte de l'UNESCO pour me réjouir de l'élection d'Audrey Azoulay à la direction de cet organisme. Ancienne ministre de la culture, elle représente la France et elle possède toutes les qualités requises pour mener à bien des missions essentielles en matière d'éducation, de culture et de patrimoine. La contribution de la France sera maintenue, je vous le confirme. La capacité d'attraction de certains sites est renforcée par le travail de labellisation effectué par l'UNESCO. C'est un dossier que je connais bien car, dans ma vie précédente, je siégeais au conseil d'administration de la commission nationale française pour l'UNESCO.
Monsieur Claireaux, vous m'avez interrogée sur les territoires ultramarins et plus particulièrement sur la création d'un poste à Saint-Pierre-et-Miquelon où, jusqu'à présent, c'est le conservateur régional des monuments historiques de Bretagne qui intervient à la demande du préfet. Nous allons développer une action de partenariat : les cadres de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) pourront venir en appui à Saint-Pierre-et-Miquelon. Concernant la labellisation de l'archipel, le ministère de la culture est prêt à renforcer son appui financier aux collectivités qui s'engagent dans la démarche, tout en mobilisant pleinement le soutien de ses services, de ceux de la DRAC et de la direction générale des patrimoines. La situation de l'expert en patrimoine, également évoquée, sera étudiée par les services du ministère que je vais saisir dès aujourd'hui.
Madame El Haïry, vous êtes intervenue sur le patrimoine catholique et le potentiel de mécénat des PME et TPE. J'ai déjà évoqué, avec faveur, votre proposition de porter le plafond de 0,5 % à 1 %. Votre proposition de franchise permettant à ces entreprises de s'engager dans le mécénat nous intéresse et nous allons l'étudier. Cette piste s'inscrit dans le genre de politiques que nous entendons mener.
Monsieur Testé, j'ai déjà répondu sur l'élargissement des horaires des bibliothèques. L'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et l'Inspection générale de l'administration (IGA) sont missionnées pour évaluer les besoins financiers correspondant à cet élargissement.
Merci, madame Calvez, pour votre question concernant l'intégration par la culture, qui est l'une de mes grandes préoccupations. Nous avons le devoir d'accueillir ceux qui arrivent chez nous. Comme je l'ai constaté à Paris, dans de nombreux lieux où je me suis rendue, la culture peut jouer un rôle fondamental en la matière. J'ai visité, par exemple, un incroyable lieu d'accueil d'artistes en exil. Dans ces populations, il y a gens absolument extraordinaires qui nous offrent un talent artistique dont nous pouvons nous enrichir. C'était le sens du discours que j'ai prononcé pour le dixième anniversaire du Musée national d'histoire de l'immigration. J'ai fait les mêmes constats au Liban, un pays qui compte au moins 1,5 million de réfugiés pour 5 millions d'habitants.
Monsieur Attal, vous êtes intervenu sur la mode. Le musée Yves-Saint-Laurent qui vient d'être inauguré, l'exposition Christian-Dior au musée des Arts décoratifs, et tous les lieux de réalisation de la mode témoignent de l'importance du savoir-faire et des métiers de ce secteur. La mode n'est pas seulement une beauté et une excellence apparentes. Elle représente aussi un enjeu culturel et économique majeur pour notre pays, comme le démontre, saison après saison, la fashion week. En 2018, le ministère de la culture mettra en place un fonds doté de 300 000 euros pour accompagner le démarrage de jeunes entreprises de mode. Dans ce domaine-là aussi, il y a une émergence de jeunes créateurs absolument extraordinaire et très réjouissante.
Merci, madame la ministre, d'avoir répondu en détail aux questions posées. Nous vous libérons en attendant de vous retrouver tout à l'heure pour examiner la mission concernant l'audiovisuel et les médias.
L'audition s'achève à onze heures vingt-cinq.© Assemblée nationale