Intervention de Edouard Philippe

Séance en hémicycle du mardi 19 mai 2020 à 15h00
Questions au gouvernement — Mise en quarantaine des arrivants en nouvelle-calédonie

Edouard Philippe, Premier ministre :

Madame la députée, vous m'interrogez, au nom de vos collègues Dunoyer et Gomès, sur la prévention de l'épidémie en Nouvelle-Calédonie. Je vous apporterai à ce sujet plusieurs réponses.

J'ai, pour des raisons que chacun ici comprendra, des contacts téléphoniques réguliers avec l'ensemble des forces politiques en Nouvelle-Calédonie, et j'ai eu hier matin au téléphone Philippe Dunoyer, ainsi que le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le président de la province Nord, la présidente de la province Sud et le président de l'Union calédonienne pour justement évoquer avec eux l'impact des décisions prises et la façon dont l'épidémie devait être gérée. Vous avez raison de dire que la Nouvelle-Calédonie n'a pas été affectée par la circulation locale du virus ; c'est très important, car les territoires insulaires, nous le savons, sont souvent fragiles. Or la prévalence en son sein de pathologies telles que le diabète fait que la fragilité de la population de Nouvelle-Calédonie pourrait être considérable en cas de circulation du virus. Il convient donc de prendre des mesures rigoureuses afin de prévenir l'entrée et la circulation du virus sur le territoire. Ces mesures ont été prises : il s'agit d'un confinement externe afin d'éviter l'introduction du virus et, bien évidemment, de mesures de précaution.

La première mesure qui a été prise et que nous devons maintenir pour assurer le confinement externe est la réduction des échanges au strict nécessaire afin de maintenir quasi fermées les frontières de l'île. Il est bien évident que cela n'est pas sans conséquences sur l'économie du territoire, mais c'est indispensable si l'on veut éviter l'introduction du virus. C'est pourquoi nous avons réduit au maximum les possibilités de se rendre en Nouvelle-Calédonie, en les restreignant aux déplacements pour un motif impérieux, personnel ou professionnel. Je me félicite que les mesures en question aient été prises conjointement par le représentant de l'État, le haut-commissaire, et par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Il s'agit en effet d'une situation de conjugaison plutôt que de concurrence des compétences : la compétence de l'État s'exerce au titre de l'entrée sur le territoire et celle des autorités locales au titre de la politique sanitaire. Fort heureusement, au lieu de se livrer un combat d'arrière-garde qui eût été nocif car dangereux du point de vue sanitaire, les différentes compétences se sont entendues et ont pris des arrêtés conjoints. Je pense que c'est la meilleure façon d'agir face à cette épidémie.

La deuxième chose que nous devons faire est d'imposer une quarantaine stricte à ceux qui entrent dans le territoire, même s'ils sont peu nombreux. C'est ce qui a été fait en mars dernier. Cette quarantaine a pris une forme particulière en Nouvelle-Calédonie, avec un séjour obligatoire de quinze jours en hôtel, puis une semaine de confinement à domicile.

Il se trouve qu'entre-temps, le Conseil constitutionnel a formulé un certain nombre de réserves et que le débat parlementaire a conduit à l'adoption d'une disposition qui, c'est vrai, rend a priori plus difficile l'application d'une quarantaine de ce type. Je crois cependant que cela ne l'empêche pas, et tout notre effort doit être de faire en sorte qu'elle soit possible. L'intervention du juge des libertés et de la détention ne peut être perçue – et je ne crois pas que vous la perceviez ainsi, madame la députée – comme une entrave à la lutte contre l'épidémie ; il s'agit plutôt d'une garantie s'appliquant à une mesure qui, de fait, est privative de liberté. Je ne crois donc pas qu'il faille la rejeter.

S'il s'agit d'une garantie importante, nous devons toutefois veiller à ce que la quarantaine telle qu'elle est souhaitée en Nouvelle-Calédonie puisse être appliquée, car cela relève d'un impératif de santé publique auquel nous sommes tous, locaux comme métropolitains, extrêmement attachés, quelle que soit notre sensibilité politique. Faut-il que les dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire soient adaptées au cas particulier de la Nouvelle-Calédonie ? C'est une bonne question. Peut-être aurons-nous l'occasion d'en discuter au Sénat – le texte ayant déjà été adopté par l'Assemblée nationale. Pour ce qui me concerne, j'y suis prêt. Je veux néanmoins insister sur la nécessaire conjugaison des compétences – il ne faudrait pas que l'on revienne sur l'une d'entre elles – , ainsi que sur la nécessaire préservation de l'esprit des accords de Matignon et de Nouméa ; j'y suis extrêmement attaché, et je sais que les forces politiques locales aussi : il ne faudrait pas qu'à l'occasion de cette crise, l'on revienne sur la logique de ces accords. Il faut en revanche trouver avec l'ensemble des autorités compétentes les bonnes solutions pour éviter l'introduction et la circulation du virus en Nouvelle-Calédonie.

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