culturelles et de l'éducation. Si ma collègue Frédérique Dumas et moi-même émettrons un avis favorable au sujet des crédits inscrits à la mission « Médias, livre et industries culturelles » et au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances (PLF) pour 2018, ce n'est cependant pas sans rester vigilantes sur l'impact des coupes budgétaires qui, arbitrées tardivement, ont été imposées aux sociétés de l'audiovisuel public. Le PLF pour 2018 prévoit en effet une baisse des ressources publiques versées à ces sociétés de près de 80 millions d'euros par rapport aux engagements pris par l'État dans les contrats d'objectifs et de moyens (COM). Si Arte France, TV5 Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) devraient pouvoir faire face à la baisse de leurs dotations respectives, la situation semble plus délicate pour Radio France, France Médias Monde et surtout pour France Télévisions.
Radio France devrait, en 2018, pouvoir supporter la baisse de 24,6 millions d'euros de sa dotation en décalant la fin du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio, mais qu'en sera-t-il en 2019 ? Il faudra bien mener ce chantier à son terme. France Médias Monde devrait répercuter la baisse de 1,9 million d'euros de sa dotation sur sa couverture mondiale en mettant fin à une partie de sa diffusion aux États-Unis et en supprimant sa diffusion en swahili. Enfin, pour France Télévisions, dont la dotation chute de 47,8 millions d'euros par rapport à son COM, nous ne disposons à ce jour d'aucune précision sur l'impact des économies demandées. Nous ne nions pas que ces entreprises doivent contribuer à l'effort de redressement des finances publiques engagé par le Gouvernement ; toutefois, nous souhaiterions avoir l'assurance que les économies réalisées n'affectent ni les missions essentielles des opérateurs de l'audiovisuel public, ni leurs investissements dans la création et les programmes, ni leur transformation numérique.
En effet, on ne met pas assez en avant les nombreux efforts de gestion et d'adaptation aux nouveaux usages que les sociétés de l'audiovisuel public ont déjà déployés ces dernières années. Toutes se sont engagées dans la maîtrise de leur budget, de leur masse salariale et de leurs frais de structure. Toutes ont commencé à développer des projets communs, comme l'illustre le lancement de la chaîne Franceinfo, et à créer des synergies génératrices d'économies en matière d'achats hors programmes et de publicité. Toutes ont lancé des projets innovants pour s'adapter à la substitution de nouveaux supports numériques au téléviseur et à la consommation de plus en plus délinéarisée des contenus audiovisuels, en particulier chez les jeunes.
Radio France, qui a doublé son budget consacré au numérique en cinq ans, multiplie les partenariats technologiques, notamment avec Google et bientôt avec Amazon, pour leurs assistants vocaux respectifs. À compter du 1er janvier prochain, « Un Monde de Radio France » permettra à chacun de se constituer une radio sur mesure. Arte, depuis 2012, forme l'ensemble de son personnel au numérique et a innové au printemps dernier en permettant même un visionnage en « rattrapage anticipé » sur son site internet. La stratégie social-média de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), dont l'audience sur les réseaux sociaux a progressé jusqu'à 700 % en un an, a récemment été saluée par les prix CB News. RFI et France 24 sont respectivement la première radio et la première chaîne d'information internationales en Afrique francophone. Si ces stratégies ont été payantes et couronnées par de remarquables succès d'audience, il est vrai que des progrès restent à accomplir, en particulier chez France Télévisions.
La condition de la poursuite de ces transformations est, à notre sens, l'adaptation du financement de l'audiovisuel public, qui ne peut être envisagée sous l'angle d'arbitrages budgétaires lors des débats sur les projets de loi de finances, ni être éternellement différée. Compte tenu de la suppression progressive, pour 80 % des contribuables, de la taxe d'habitation, au recouvrement de laquelle est adossé celui de la contribution à l'audiovisuel public, le moment est venu de réformer ce financement.
La question des moyens ne pouvant précéder celle des fins, la redéfinition du modèle de financement de l'audiovisuel public doit s'inscrire dans le cadre d'une réflexion globale sur les missions souhaitées pour ce service public, son attractivité, sa gouvernance, son périmètre et sa place dans son écosystème. Le modèle retenu, quel qu'il soit, devra apporter des garanties en termes de prévisibilité et de stabilité des ressources, d'indépendance éditoriale, de transparence et d'acceptation sociale. De nombreuses auditions nous permettent d'affirmer que seule l'universalisation de la contribution à l'audiovisuel public est de nature à satisfaire aux exigences attendues : en Allemagne, la contribution forfaitaire est adossée à l'impôt foncier ; en Finlande, elle prend la forme d'une taxe proportionnelle adossée à l'impôt sur le revenu ; en Italie, elle est adossée à la fourniture d'énergie. Une telle réforme devrait être l'occasion d'une consultation des publics, de pédagogie et de communication sur la raison d'être du service public audiovisuel.
Madame la ministre, nous confirmons notre avis favorable, mais nous souhaitons connaître votre point de vue sur ces questions, vous qui, devant la commission de la culture du Sénat, le 25 octobre dernier, vous êtes dite ouverte à un débat sur l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public « en cohérence avec l'évolution des usages ».