COMMISSION ÉLARGIE
(Application de l'article 120 du Règlement)
Mardi 7 novembre 2017
Présidence de M. Éric Woerth, président, puis de Mme Émilie Cariou, vice-présidente de la commission des finances, de M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation et de Mme Mireille Clapot, secrétaire de la commission des affaires étrangères
La réunion de la commission élargie commence à seize heures trente.
projet de loi de finances pour 2018
Médias
M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles, Mme Mireille Clapot, vice-présidente de la commission des affaires étrangères et moi-même sommes heureux de vous accueillir, madame la ministre, pour cette réunion en commission élargie composée de la commission des affaires culturelles, de la commission des affaires étrangères et de la commission des finances. Nous sommes réunis pour examiner les crédits de la mission Médias et industries culturelles et le compte spécial associé. Après que vous nous les aurez présentés, madame la ministre, je donnerai la parole à Mme Marie-Ange Magne, rapporteure spéciale de la commission des finances, puis à Mme Béatrice Piron qui est avec Mme Frédérique Dumas rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, ainsi qu'à M. Alain David, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l'action audiovisuelle extérieure.
Notre commission a confié à Mme Frédérique Dumas et à Mme Béatrice Piron le rapport pour avis sur les crédits de la mission et du compte d'avance à l'audiovisuel public. Nos rapporteures ont fort opportunément choisi de centrer leur avis sur l'adaptation du financement de l'audiovisuel public, dans le cadre d'une réflexion globale sur sa place et ses missions dans le paysage audiovisuel. Je les remercie toutes deux pour le travail considérable qu'elles ont mené en quelques semaines. Il ouvre des pistes intéressantes que la commission aura à coeur de prolonger dans les mois qui viennent et je ne doute pas, madame la ministre, qu'il contribuera utilement à votre réflexion.
Je suis heureuse de débattre aujourd'hui en votre présence, madame la ministre, et avec nos collègues des commissions des finances, des affaires culturelles et des affaires étrangères. Notre commission a souhaité se saisir pour avis des crédits de la mission Medias, pour examiner les moyens alloués à l'audiovisuel extérieur de la France, question souvent négligée au cours des débats budgétaires. Nous allons ainsi poursuivre et élargir un débat engagé il y a quelques semaines déjà au sein de notre commission, sous l'impulsion de nos rapporteurs, Alain David et Frédéric Petit.
Le groupe France Medias Monde, qui regroupe France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya est, hélas, trop souvent le grand oublié de la réflexion sur l'audiovisuel public. Il s'agit pourtant d'un levier fondamental de notre influence à l'étranger, d'un outil de promotion de la francophonie et d'un précieux instrument de diplomatie économique. La concurrence des autres grands médias s'intensifie, avec des moyens sans commune mesure avec les nôtres, qu'il s'agisse de CNN, de la BBC, des chaînes du Golfe ou des chaînes russes.
Le budget de France Médias Monde ne représente que 7 % de celui de l'audiovisuel public. Le groupe a réalisé 100 millions d'euros d'économies en cinq ans et ses marges de manoeuvre sont désormais réduites. À l'heure où il faudrait investir, notamment dans le numérique, sous peine de quitter la course, le groupe devra au contraire renoncer à des projets importants comme la diffusion de RFI en langue vernaculaire en Afrique – là où se joue la lutte contre la radicalisation – ou la diffusion aux États-Unis.
Certes, tous les opérateurs doivent participer à l'effort budgétaire. Mais je saisis cette occasion pour vous proposer de lancer une réflexion qui inclurait votre ministère, le ministère des affaires étrangères, des parlementaires et les acteurs concernés, sur les ambitions et les moyens de l'audiovisuel extérieur de la France pour les cinq ans à venir.
Je consacrerai une large part de ce propos liminaire à la présentation de notre projet en faveur de l'audiovisuel, et plus particulièrement en faveur de l'audiovisuel public. La défense du pluralisme et de l'indépendance des médias est l'une des missions essentielles dont le ministère de la culture est chargé ; il s'agit sans doute de l'une des missions les plus étroitement liées à la santé de notre démocratie. Mais notre politique traditionnelle est incontestablement mise au défi, depuis plusieurs années, par le virage numérique. Nous sommes déterminés à engager les transformations qui permettront d'assurer la pérennité de notre modèle.
Il s'agit d'abord d'adapter notre modèle de régulation aux nouvelles réalités du secteur. La législation et la réglementation ont vieilli ; elles ont été conçues dans les années 1980, à une époque où n'existaient que six chaînes de télévision diffusées par voie analogique. Trente ans plus tard, tout a changé : le nombre de chaînes, la profusion de contenus, le numérique, l'arrivée des géants de l'Internet, les écrans connectés en tous lieux et en tout temps. Or, si elle a été modifiée de nombreuses fois, notre législation reste marquée dans son inspiration par ce temps qui fut celui de la rareté, auquel a succédé l'ère de l'abondance.
Par ailleurs, les règles sont aujourd'hui très contraignantes – qu'il s'agisse de contenus ou de financement – pour la télévision qui n'est plus le média dominant ; elles sont en revanche quasi inexistantes pour les plateformes. Depuis mai dernier, nous avons commencé à faire évoluer notre modèle pour y intégrer les médias numériques, au niveau national comme au niveau européen
Au niveau national, nous avons conduit une consultation sur l'évolution de la réglementation en matière de publicité à la télévision ; nos services sont en train d'en examiner les réponses.
Nous avons aussi ouvert le chantier de la réforme de la chronologie des médias, qui est une priorité pour adapter notre modèle aux nouveaux usages et sécuriser l'avenir de notre système de financement des oeuvres. À cette fin, j'ai confié une mission de médiation à M. Dominique d'Hinnin, pour faire aboutir les discussions professionnelles, bloquées depuis trop longtemps. Je lui ai donné six mois pour trouver un nouvel accord ; à défaut, le Gouvernement prendra ses responsabilités et n'exclut pas de proposer une solution législative, en lien étroit avec le Parlement.
Des avancées importantes ont eu lieu au sujet de la contribution des acteurs numériques au financement de la création. Je pense notamment à l'entrée en vigueur, au mois de septembre, des taxes dites « YouTube » et « Netflix », qui élargissent la taxe vidéo affectée au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) à toutes les plateformes.
Enfin, j'ai annoncé il y a quelques semaines que le Gouvernement s'engageait franchement en matière de lutte contre le piratage des oeuvres et des contenus, un fléau que nous devons combattre par tous les moyens. J'y travaille avec mon collègue Mounir Majhoubi, secrétaire d'État au numérique.
Au niveau européen, je suis engagée pour la protection du droit d'auteur et pour la reconnaissance du droit voisin au profit des organismes de presse – l'une des clés pour assurer un modèle économique viable à la presse en ligne. J'ai participé en mai aux négociations sur la directive « services de médias audiovisuels » (SMA) actuellement en discussion avec la Commission européenne et le Parlement européen. La transposition de la directive devrait avoir lieu en 2018 en France ; elle ouvrira la possibilité d'une refonte de la régulation audiovisuelle posée par la loi de 1986.
En parallèle de ces chantiers de modernisation légale et réglementaire, nous allons engager une réforme de fond de l'audiovisuel public. Cette réforme repose sur une vision, des missions prioritaires et une méthode de transformation.
Je le redis avec force : les médias de service public jouent un rôle indispensable dans le paysage médiatique et dans notre société en général. À l'heure où les sources de contenus se multiplient, où l'information circule abondamment, les médias de service public ont une valeur de référence pour nos concitoyens ; ils offrent un repère essentiel. Nous voulons conforter ce rôle dans un environnement qui évolue fortement.
Cela suppose de réaffirmer les missions prioritaires de l'audiovisuel public. Elles se sont enrichies au fil des ans. Au-delà du traditionnel triptyque « informer, cultiver, divertir », l'audiovisuel public est aujourd'hui un acteur de premier plan en matière de soutien à la création, d'information et de services de proximité et aussi de rayonnement international pour la France.
Dans le contexte de profondes mutations que nous connaissons, l'audiovisuel public a sa carte à jouer en faisant le pari de la création et en proposant des programmes qui se distinguent dans un univers d'offre surabondante ; en restant à la pointe de l'offre numérique et multicanal pour s'adapter aux nouveaux usages ; en développant une stratégie ambitieuse à l'international. Je saisis cette occasion pour saluer le lancement récent de France 24 en espagnol : c'est une très belle avancée.
Ce positionnement stratégique nécessite de profondes transformations, dont certaines sont déjà engagées par les équipes dirigeantes : le Gouvernement est déterminé à accompagner ces changements.
Ces défis devront, vous le savez, être relevés dans un contexte contraint pour les finances publiques. Le Gouvernement s'est engagé, en responsabilité, dans une politique de redressement des comptes publics ; l'audiovisuel public doit contribuer à l'effort collectif – ce qui suppose d'ajuster les dotations prévues dans les contrats d'objectifs et de moyens (COM) conclus par le précédent Gouvernement.
Le budget de l'audiovisuel public sera de 3,9 milliards d'euros en 2018. L'effort d'économies demandé est réel, je ne le conteste pas : ce budget est inférieur de 36 millions d'euros à celui de 2017, et de 80 millions d'euros par rapport aux COM. Mais c'est un effort soutenable : il représente moins de 1 % du budget de l'audiovisuel public et il ne remet aucunement en cause le soutien de l'État. Le budget pour 2018 reste supérieur à celui de 2016 et de 2015.
Dans ce contexte budgétaire, j'ai fixé quatre impératifs stratégiques à court terme : soutien à la création, information de référence, transformation numérique de l'offre et rayonnement international de la France.
Mais, pour préparer l'avenir, je souhaite que l'audiovisuel public s'engage dans une dynamique de transformation plus structurelle, en prenant appui sur trois leviers : la réflexion sur le périmètre des missions et sur l'efficacité de leur mise en oeuvre, le financement et la gouvernance.
La réflexion sur le périmètre des missions et sur l'efficacité de leur mise en oeuvre fait actuellement l'objet d'un travail interministériel associant mon ministère à celui de l'économie et des finances et à celui de l'action et des comptes publics. Les sociétés de l'audiovisuel public, étroitement associées à ce travail, devraient nous faire part de leurs premières pistes de réforme d'ici la mi-novembre, et la réflexion se poursuivra jusqu'au début de l'année 2018.
À ce stade, le travail porte sur les coopérations et les synergies qui peuvent être trouvées entre les acteurs du secteur, à l'image de ce qui a été engagé avec France Info, mais nous n'écarterons aucune piste pour l'avenir. Certains considèrent qu'il faut aller plus loin, en regroupant les sociétés de l'audiovisuel public ; je souhaite que le débat ait lieu.
La transformation du secteur devra s'accompagner d'un débat sur son financement. Pour ce qui est de la contribution à l'audiovisuel public, aucun impératif financier ne justifiait une réforme à très court terme. La priorité pour le PLF 2018, vous le savez, est la réforme de la taxe d'habitation. Néanmoins, à moyen terme, l'évolution des usages amène à s'interroger sur le rendement de la contribution et sur l'équité entre contribuables. Aussi, comme je l'ai déjà dit, je souhaite qu'un débat soit ouvert, notamment sur l'élargissement de l'assiette. Nous avons lancé la réflexion à ce sujet ; elle aboutira dans les prochains mois et je souhaite pouvoir m'exprimer sur ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. Sachez que le Gouvernement n'est pas favorable au retour de la publicité après 20 heures sur les antennes de France Télévisions : c'est un élément fort de distinction du service public.
Le dernier chantier de transformation concerne la gouvernance de l'audiovisuel public, corollaire indispensable aux autres réformes. Nous connaissons les limites du système actuel. Je souhaite que l'on ouvre le sujet, comme le président de la République s'y est engagé pendant la campagne électorale et comme le Premier ministre me l'a demandé dans sa lettre de mission. Cela concerne d'une part les COM, dont les périodes ne sont pas alignées, d'autre part le mode de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public.
Sur ces deux dossiers, comme sur tous ceux que je viens d'évoquer, je serai évidemment à l'écoute de vos propositions et je me tiendrai à votre disposition pour répondre à vos questions. Je tenais à prendre un peu de temps pour vous présenter ces chantiers décisifs qui traduisent notre forte ambition pour les médias de service public et qui doivent en préparer l'avenir.
Je voudrais maintenant vous exposer les grandes lignes de notre budget pour la mission « Médias, livres et industries culturelles ». À périmètre constant par rapport à 2017, les moyens de cette mission seront quasiment stables l'année prochaine.
S'agissant du soutien de la presse, le projet de budget pour 2018 sanctuarise nos deux priorités : les aides au pluralisme sont intégralement maintenues et tous les dispositifs d'aide à l'innovation et à la transformation numérique sont préservés. Nous continuerons à soutenir la filière de la distribution de la presse en tenant compte des évolutions du marché et de la restructuration du secteur. Ainsi, les moyens de l'aide au portage diminueront, pour suivre l'évolution des volumes, et les aides à la distribution sont maintenues. Pour préparer l'avenir de la filière, nous avons confié une mission de réflexion à M. Gérard Rameix.
Les moyens de l'Agence France Presse (AFP) sont légèrement ajustés, mais consolidés à un niveau supérieur au COM. Nous avons par ailleurs engagé une réflexion prospective avec l'AFP sur ses projets, ses investissements technologiques et le développement de sa marque à l'international.
Le projet de budget 2018 réaffirme par ailleurs notre soutien aux radios locales. Les moyens du fonds de soutien à l'expression radiophonique sont confortés à 31 millions d'euros, niveau historique.
S'agissant des industries culturelles, j'ai évoqué par ailleurs l'accompagnement des secteurs du livre et de la musique, mais je saisis cette occasion pour vous redire à quel point le soutien à la musique et à son rayonnement international me paraît essentiel. C'est pourquoi nous avons décidé d'augmenter significativement la contribution du ministère de la culture au Bureau Export de la musique. Cette augmentation est une première étape ; elle sera poursuivie les années suivantes, dans un effort que j'espère partagé avec les professionnels.
Pour le cinéma et l'image animée, nous allons renforcer le soutien à la création française. Le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) s'établira à 724 millions d'euros, en hausse de 17 millions d'euros. Comme vous le savez peut-être, le Conseil constitutionnel a rendu, fin octobre, une décision importante sur la taxe sur les services de télévision, principale ressource du CNC et qui était contestée par les chaînes. Le Conseil a invalidé la taxe mais a reporté l'effet de sa décision au 1er juillet 2018, ce qui laisse le temps au Gouvernement et au Parlement d'apporter les corrections nécessaires et permet de sécuriser les ressources du CNC : c'est une très bonne nouvelle. Ces rectifications figureront dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017 qui vous sera bientôt soumis. Enfin, les crédits d'impôt pour le cinéma, l'audiovisuel et les jeux vidéo sont intégralement préservés, après la forte revalorisation des deux dernières années.
Dans l'ensemble des domaines, la création française est donc soutenue de façon pérenne.
Tel est l'essentiel des orientations du projet de budget de la mission Médias, Livre et Industries culturelles pour 2018. Dans chacun des secteurs, à commencer par l'audiovisuel public, nous souhaitons porter un budget de transformation garantissant les principes intemporels que sont l'indépendance et la diversité du paysage culturel, tout en préparant l'avenir.
Dans le contexte du redressement des comptes publics, le PLF 2018 s'attache à préserver le soutien nécessaire à la presse, aux médias, au livre et aux industries culturelles. En dépit de ce contexte budgétaire, il appartient à l'État de soutenir la création, de défendre une information de référence, d'aider à la transformation numérique de l'offre et de défendre le rayonnement international de la France.
Les crédits 2018 de la mission Médias, livre et industries culturelles s'élèvent à 555,4 millions d'euros et, à périmètre constant, sont stables. Cela permet de donner au ministère de la culture les moyens de conduire des politiques publiques efficaces et ambitieuses.
Les moyens consacrés à la politique en faveur du livre, de la lecture et des industries culturelles s'élèveront en 2018 à 270 millions d'euros. La baisse apparente par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2017 correspond à un transfert de crédits de 9,2 millions d'euros dans le programme 224 « Éducation artistique et culturelle », visant à financer notamment le développement des contrats « territoire-lecture » et des projets « rendez-vous en bibliothèque » destinés aux enfants des écoles.
En prenant donc en compte ce transfert des crédits, ainsi que la prise en charge par le CNC désormais, des interventions déconcentrées en faveur de la diffusion des oeuvres cinématographiques sur tout le territoire, le programme 334 « Livres et industries culturelles », est, à périmètre constant, en hausse de 3 %. Ces crédits sont principalement consacrés au financement de la Bibliothèque nationale de France et aux travaux du quadrilatère Richelieu.
L'action de l'État visant à garantir le pluralisme de la presse, soutenir sa diffusion et promouvoir la modernisation du secteur dans un contexte de développement numérique et d'érosion de la diffusion papier, les crédits d'aides à la presse sont stables, à 285 millions d'euros.
Il faut néanmoins souligner les difficultés préoccupantes de l'Agence France-Presse à respecter les objectifs fixés en matière de performance commerciale.
Concernant l'audiovisuel public, le PLF 2018 propose de diminuer de 1 % le montant total des crédits publics par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Cela se traduit par une baisse de 36 millions d'euros par rapport à 2017 et de près de 80 millions d'euros par rapport aux trajectoires des contrats d'objectifs et de moyens. Les dotations aux organismes de l'audiovisuel public sont ainsi ramenées à 3,9 milliards d'euros. La réduction du soutien de l'État à France Télévisions, appréciée dans la dynamique du COM, atteint 50 millions d'euros. L'effort d'économie demandé n'est pas négligeable et doit mener à une réflexion autour d'une définition ou d'une redéfinition d'une politique de l'audiovisuel public.
Cet effort budgétaire conséquent demandé à France Télévision peut être d'autant plus mal compris par l'entreprise qu'elle s'est déjà engagée dans un processus de rationalisation de ses dépenses, en grande partie par la maîtrise de sa masse salariale. Des efforts ont été effectués en matière de coopération, permettant la création très rapide, en 2016, de la chaîne de télévisionFranceinfo, ou encore le déploiement du lourd projet « Info 2015 » de fusion des rédactions nationales de France 2 et France 3. De nouveaux projets devraient voir le jour, comme le lancement d'une nouvelle offre numérique de vidéos à la demande, ou la création d'un nouveau modèle audiovisuel public régional porté par l'antenne de France 3 Nouvelle Aquitaine.
Il reste que l'audiovisuel public doit poursuivre sa dynamique de transformation structurelle. Cela passe par la mise en oeuvre d'une politique de concertation sur le périmètre de ses missions, sur son mode de gouvernance et enfin sur son financement. Le débat devra aussi inclure les préoccupations de rajeunissement de l'audience, la révolution numérique, ou encore la concurrence des GAFAN — Google, Apple, Facebook, Amazon et Netflix.
Madame la ministre, une réflexion sur le périmètre des missions de l'audiovisuel public et sur l'efficacité de leur mise en oeuvre fait actuellement l'objet d'un travail interministériel associant le ministère de la culture, le ministère de l'économie et des finances et celui de l'action et des comptes publics, en lien avec les sociétés de l'audiovisuel public. Pouvez-vous nous faire part de premières pistes de réformes de l'audiovisuel public ? Dans quelle mesure est-il possible de renforcer les coopérations entre les acteurs du secteur ? Peut-on envisager l'alignement du calendrier des COM des sociétés de l'audiovisuel public ?
Enfin, dans un contexte de concurrence accrue autour du développement des offres numériques de services de vidéo à la demande par abonnement, est-il prévu d'engager une réflexion qui permettrait de résoudre les questions de droits pour permettre à France Télévision de bâtir un catalogue vaste, diversifié et attractif ?
culturelles et de l'éducation. Si ma collègue Frédérique Dumas et moi-même émettrons un avis favorable au sujet des crédits inscrits à la mission « Médias, livre et industries culturelles » et au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances (PLF) pour 2018, ce n'est cependant pas sans rester vigilantes sur l'impact des coupes budgétaires qui, arbitrées tardivement, ont été imposées aux sociétés de l'audiovisuel public. Le PLF pour 2018 prévoit en effet une baisse des ressources publiques versées à ces sociétés de près de 80 millions d'euros par rapport aux engagements pris par l'État dans les contrats d'objectifs et de moyens (COM). Si Arte France, TV5 Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) devraient pouvoir faire face à la baisse de leurs dotations respectives, la situation semble plus délicate pour Radio France, France Médias Monde et surtout pour France Télévisions.
Radio France devrait, en 2018, pouvoir supporter la baisse de 24,6 millions d'euros de sa dotation en décalant la fin du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio, mais qu'en sera-t-il en 2019 ? Il faudra bien mener ce chantier à son terme. France Médias Monde devrait répercuter la baisse de 1,9 million d'euros de sa dotation sur sa couverture mondiale en mettant fin à une partie de sa diffusion aux États-Unis et en supprimant sa diffusion en swahili. Enfin, pour France Télévisions, dont la dotation chute de 47,8 millions d'euros par rapport à son COM, nous ne disposons à ce jour d'aucune précision sur l'impact des économies demandées. Nous ne nions pas que ces entreprises doivent contribuer à l'effort de redressement des finances publiques engagé par le Gouvernement ; toutefois, nous souhaiterions avoir l'assurance que les économies réalisées n'affectent ni les missions essentielles des opérateurs de l'audiovisuel public, ni leurs investissements dans la création et les programmes, ni leur transformation numérique.
En effet, on ne met pas assez en avant les nombreux efforts de gestion et d'adaptation aux nouveaux usages que les sociétés de l'audiovisuel public ont déjà déployés ces dernières années. Toutes se sont engagées dans la maîtrise de leur budget, de leur masse salariale et de leurs frais de structure. Toutes ont commencé à développer des projets communs, comme l'illustre le lancement de la chaîne Franceinfo, et à créer des synergies génératrices d'économies en matière d'achats hors programmes et de publicité. Toutes ont lancé des projets innovants pour s'adapter à la substitution de nouveaux supports numériques au téléviseur et à la consommation de plus en plus délinéarisée des contenus audiovisuels, en particulier chez les jeunes.
Radio France, qui a doublé son budget consacré au numérique en cinq ans, multiplie les partenariats technologiques, notamment avec Google et bientôt avec Amazon, pour leurs assistants vocaux respectifs. À compter du 1er janvier prochain, « Un Monde de Radio France » permettra à chacun de se constituer une radio sur mesure. Arte, depuis 2012, forme l'ensemble de son personnel au numérique et a innové au printemps dernier en permettant même un visionnage en « rattrapage anticipé » sur son site internet. La stratégie social-média de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), dont l'audience sur les réseaux sociaux a progressé jusqu'à 700 % en un an, a récemment été saluée par les prix CB News. RFI et France 24 sont respectivement la première radio et la première chaîne d'information internationales en Afrique francophone. Si ces stratégies ont été payantes et couronnées par de remarquables succès d'audience, il est vrai que des progrès restent à accomplir, en particulier chez France Télévisions.
La condition de la poursuite de ces transformations est, à notre sens, l'adaptation du financement de l'audiovisuel public, qui ne peut être envisagée sous l'angle d'arbitrages budgétaires lors des débats sur les projets de loi de finances, ni être éternellement différée. Compte tenu de la suppression progressive, pour 80 % des contribuables, de la taxe d'habitation, au recouvrement de laquelle est adossé celui de la contribution à l'audiovisuel public, le moment est venu de réformer ce financement.
La question des moyens ne pouvant précéder celle des fins, la redéfinition du modèle de financement de l'audiovisuel public doit s'inscrire dans le cadre d'une réflexion globale sur les missions souhaitées pour ce service public, son attractivité, sa gouvernance, son périmètre et sa place dans son écosystème. Le modèle retenu, quel qu'il soit, devra apporter des garanties en termes de prévisibilité et de stabilité des ressources, d'indépendance éditoriale, de transparence et d'acceptation sociale. De nombreuses auditions nous permettent d'affirmer que seule l'universalisation de la contribution à l'audiovisuel public est de nature à satisfaire aux exigences attendues : en Allemagne, la contribution forfaitaire est adossée à l'impôt foncier ; en Finlande, elle prend la forme d'une taxe proportionnelle adossée à l'impôt sur le revenu ; en Italie, elle est adossée à la fourniture d'énergie. Une telle réforme devrait être l'occasion d'une consultation des publics, de pédagogie et de communication sur la raison d'être du service public audiovisuel.
Madame la ministre, nous confirmons notre avis favorable, mais nous souhaitons connaître votre point de vue sur ces questions, vous qui, devant la commission de la culture du Sénat, le 25 octobre dernier, vous êtes dite ouverte à un débat sur l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public « en cohérence avec l'évolution des usages ».
Le Président de la République a fait de la défense de la francophonie l'un des objectifs de sa politique étrangère. Dans cette bataille d'influence, notre audiovisuel extérieur a un rôle essentiel à jouer, qui n'est pas reconnu à sa juste valeur par les pouvoirs publics.
Le contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde a été approuvé l'année dernière mais dès l'an prochain, il ne sera pas respecté puisqu'une baisse de près de 1,9 million d'euros par rapport aux prévisions du COM est prévue en 2018.
Pourtant, le groupe devra faire face aux enjeux du développement de la télévision numérique terrestre (TNT) en Afrique – si nous ratons ce tournant, nous n'existerons plus sur le continent. Il faut passer à la généralisation de la diffusion en haute définition dans certaines parties du monde, à la numérisation des contenus et au renforcement de notre présence en Asie. Le groupe devra aussi lancer sa version en espagnol – et a d'ailleurs déjà commencé à le faire. France 24 devra renoncer à une partie de sa diffusion aux États-Unis et fermer RFI en swahili alors que cette langue nous permettait d'atteindre le Congo, le Burundi et le Rwanda.
France Médias Monde est arrivée à tout ce qu'elle pouvait faire en matière de redéploiements. On parle de crédits qui représentent seulement 7 % de l'ensemble de l'audiovisuel public français. Voulons-nous toujours faire de notre audiovisuel extérieur un outil au service de notre influence politique et économique ou souhaitons-nous qu'il reste un simple gadget ? Si l'on veut investir, il faut des moyens : quelle est votre position concernant la redevance ?
Certains évoquent la création d'une grande holding de la télévision publique qui absorberait France Médias Monde : c'est une fausse bonne idée qui pourrait coûter cher à l'État et tuer notre audiovisuel extérieur.
Dernière question sur France Médias Monde : le groupe se trouve sous la double tutelle des ministères de la culture et des affaires étrangères ; mais en réalité, personne ne le pilote. Ne pourrait-on imaginer la création d'une commission réunissant tous les acteurs de notre audiovisuel extérieur pour examiner dans le détail ses priorités stratégiques et géographiques et ses moyens dans les années à venir ?
En ce qui concerne TV5 Monde, la baisse de la dotation française en 2018 de plus d'un million d'euros, qui s'accompagne d'une diminution de l'enveloppe destinée aux acquisitions de programmes français, risque non seulement de dissuader les partenaires francophones d'augmenter leurs contributions mais éventuellement de leur offrir l'opportunité de les réduire. Il semble peu probable que les besoins de développement de TV5 Monde, définis dans son plan stratégique 2017-2020, puissent être financés. Songez-vous à ouvrir TV5 Monde à de nouveaux partenaires ?
Plus généralement, la stratégie numérique des deux groupes ne me semble ni assez offensive ni assez aboutie. Pourquoi ne pas réfléchir à la création d'un Netflix à la française, qui serait alimenté par nos groupes publics et privés et accessible aussi bien en France qu'à l'étranger ?
Mme Clapot a posé la question de la place de notre audiovisuel extérieur dans votre réflexion sur l'audiovisuel public. Quelle est votre stratégie pour France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya qui contribuent au rayonnement de la France ?
Je souhaiterais, si vous me le permettez, madame la ministre, compléter le propos des rapporteurs concernant les économies supplémentaires que vous demandez aux groupes France Télévision et France Médias Monde.
Un contrat d'objectifs et de moyens a été signé à la fin de l'année 2016, dans un contexte électoral, certes, mais qui n'engage pas moins l'État. Il semble pour le moins délicat de diminuer les crédits de ces deux groupes sans concertation avec eux, à moins de considérer qu'ils n'ont pas leur mot à dire. Y a-t-il eu concertation ou pas ?
En ce qui concerne le groupe France Télévisions, sachant que l'écart entre le budget 2018 et les crédits prévus dans le contrat d'objectifs et de moyens est de 47 millions d'euros, quelles économies doivent-elles, selon vous, être réalisées pour que soient respectés les objectifs du COM ? Ou doit-on tout simplement le remettre en cause ? En effet, si on arrive à faire la même chose avec 47 millions de moins, c'est que des économies très fortes sont possibles : lesquelles ? Si, en revanche, on n'y arrive pas, faut-il remettre en cause le contrat d'objectifs et de moyens ?
Tous les gouvernements depuis de nombreuses années ont engagé des réformes de l'audiovisuel public ; du coup, il est impossible de le stabiliser. Je sais que les technologies se modernisent, que les plateformes numériques exercent leur pression, que les recettes publicitaires évoluent considérablement, que la concurrence est avivée et que la manière de consommer l'audiovisuel change. Mais, face à cela, les groupes publics ont aussi besoin de stabilité, y compris pour mener à bien leurs réformes, sans avoir à changer sans arrêt de pied.
Cela est notamment vrai pour France Médias Monde : l'expression de la France à l'étranger est très importante, mais les crédits alloués à ce groupe sont très inférieurs à ceux que consacrent d'autres puissances à de telles actions. Nous n'avons pas forcément les moyens d'en faire autant mais la petite réduction de crédits de France Médias Monde risque de remettre en cause son développement.
Quant à la réflexion que vous engagez, elle doit aboutir très vite. Il faut revoir les contrats d'objectifs et de moyens. L'État a toujours systématiquement les mêmes exigences sans jamais les hiérarchiser. On demande absolument tout en même temps à l'audiovisuel public : faire des programmes pour les jeunes, des programmes de création, des programmes culturels, des programmes grand public, etc. Il faut vraiment dire à France Télévisions ce qu'on attend du groupe et de chacune de ses chaînes. Il faut également indiquer comment on peut augmenter les ressources de ces groupes. Peut-être faut-il élargir l'assiette de la redevance ? Cette question a été posée à tous les gouvernements successifs qui, à chaque fois, ont évité d'y répondre.
Quant à la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE), elle est à l'évidence surfinancée : alors qu'elle a été créée pour remédier à l'absence de recettes publicitaires, l'État reverse au budget général une bonne partie de son produit. Il importe que le Gouvernement nous fournisse une réponse très claire quant à l'utilisation de la TOCE.
Enfin, la diversification des recettes commerciales me semble aussi être un point très important : le Gouvernement a-t-il mené des réflexions plus approfondies à ce sujet ou n'en est-il qu'au début de celles-ci ?
Madame Magne, l'audiovisuel public est confronté à des défis considérables liés à l'évolution des usages, à l'intensification de la concurrence et à la profusion des contenus. Notre vision de l'audiovisuel public est donc indissociable de celle que nous avons de l'audiovisuel en général – un secteur qui est confronté à deux défis majeurs : l'adaptation au numérique et la concurrence des géants de l'internet. Nous faisons résolument le pari de la création et souhaitons que l'audiovisuel publie continue à se singulariser grâce à ses programmes. L'audiovisuel public doit être à la pointe de l'innovation éditoriale et technologique pour s'adapter à la transformation des usages et contribuer au rayonnement international de la France. Pour répondre à ces défis dans un contexte budgétaire contraint, il s'agit aussi d'accélérer une transformation à laquelle les services de l'État travaillent activement, en coopération avec les entreprises de l'audiovisuel public et à partir des propositions qu'elles ont été invitées à présenter depuis mon arrivée. L'objectif est que ce travail de réflexion aboutisse en début d'année 2018.
Madame Piron, les contrats d'objectifs et de moyens de Radio France pour la période 2015-2019 ont deux ambitions : d'une part, poursuivre la mue numérique de la radio publique pour que cette dernière demeure le média de mobilité par excellence et atteigne tous les publics, les plus jeunes en particulier ; d'autre part, utiliser à plein la Maison de la Radio rénovée en développant une offre culturelle de spectacles riche et diverse. Ces ambitions doivent être poursuivies dans un cadre financier assaini. Le retour à l'équilibre des comptes devrait être atteint en 2018. L'État remplit sa part du COM en augmentant, comme prévu, sa dotation de fonctionnement de 8,7 millions d'euros. En revanche, le nouveau décalage du chantier immobilier justifie la baisse de 24,6 millions d'euros de la subvention d'investissement. Une mission a été confiée à M. Valls concernant l'achèvement des travaux pour déterminer les modalités d'aménagement du lieu.
Quant à France Télévisions, c'est un acteur essentiel à la mise en oeuvre des priorités du ministère que sont le soutien à la création, le pluralisme de l'information et la transformation numérique. Cependant, ce groupe ne peut être exempté de contribuer aux efforts collectifs de redressement des finances publiques. L'enjeu pour nous est de concilier cet impératif budgétaire et nos ambitions culturelles. J'entends notamment préserver au maximum l'investissement dans la création audiovisuelle et cinématographique. Les discussions sont en cours avec France Télévisions pour identifier les marges de manoeuvre permettant d'atteindre cet objectif tout en respectant la trajectoire budgétaire. L'ajustement du budget de France Télévisions sera eu bout du compte de moins de 1 % : il me semble donc facile à assumer, en jouant notamment sur les frais de structure et les frais techniques de diffusion. Une réflexion sur certains programmes doit certes être menée ; nous attendons des éléments à ce sujet de la part de l'entreprise pour la mi-novembre.
Vous avez aussi évoqué l'adaptation du financement de l'audiovisuel public. Le projet de loi de finances pour 2018 ne prévoit pas de réformer la contribution à l'audiovisuel public (CAP) l'an prochain mais cette question doit absolument être débattue car la CAP est adossée à la taxe d'habitation qui sera fortement modifiée à partir de 2018 ; par ailleurs, le développement de la consommation audiovisuelle sur les nouveaux supports numériques entraîne une baisse tendancielle de l'équipement des foyers en téléviseurs et donc un double risque d'érosion du rendement de la CAP et de moindres équités entre les foyers, dans la mesure où ceux qui regardent la télévision ailleurs que sur un téléviseur ne sont pas les moins aisés. Nous explorons donc des pistes de réforme de la CAP, parallèlement à l'indispensable réflexion sur les missions, l'organisation et l'efficacité de l'audiovisuel public. Vous l'avez évoqué, plusieurs réformes ont été menées en Allemagne et dans d'autres pays d'Europe : à nous de déterminer la meilleure solution pour la France.
Mme Piron et M. David ont tous deux évoqué France Médias Monde. Rappelons un chiffre clé, que l'on a tendance à oublier : l'augmentation du budget du groupe de 6,2 millions d'euros en 2018, avec une priorité accordée au développement du service hispanophone, effectif depuis quelques semaines. J'ai pu me rendre compte personnellement, lors de mon déplacement il y a une dizaine de jours, que les Mexicains en étaient très heureux. France Médias Monde est porteur d'une ambition majeure de rayonnement international ; c'est la raison pour laquelle le groupe voit son budget augmenter. Dans un contexte budgétaire contraint, la dotation allouée est certes en retrait de 1,9 million d'euros par rapport aux prévisions du contrat d'objectifs et de moyens mais l'augmentation du budget n'en est pas moins de 2,5 % par rapport à 2017 : c'est la plus forte hausse budgétaire de tout l'audiovisuel public. Cette dotation ne remet aucunement en cause les développements prévus, notamment le lancement de France 24 en espagnol, qui a eu lieu en septembre. Je sais que la présidente de France Médias Monde travaille actuellement à un aménagement des différents efforts engagés : ainsi, pour ce qui est du swahili, il pourrait s'agir de diminuer du nombre d'heures de diffusion dans cette langue et non de supprimer purement et simplement le programme.
S'agissant de la tutelle exercée sur le groupe, je vous rassure : nous travaillons en excellente harmonie avec nos collègues du Quai d'Orsay. Cette tutelle me semble donc davantage un plus qu'un frein.
Le lancement de France 24 en Amérique latine a été une opération remarquable. Après le français, l'anglais et l'arabe, l'enjeu est que l'audiovisuel extérieur français diffuse sa chaîne d'information en continu dans la troisième langue la plus parlée sur la planète et première langue d'un continent appelé à jouer un rôle croissant dans les grands équilibres mondiaux. L'État a largement accompagné ce projet qui justifiait, encore une fois, que les crédits de France Médias Monde progressent cette année de 6,2 millions d'euros. J'en profite d'ailleurs pour saluer les équipes qui ont mené avec succès le lancement de cette chaîne.
Comme vous le savez, monsieur le président Éric Woerth, nous avons trouvé à notre arrivée en mai dernier une situation budgétaire dégradée – la Cour des comptes l'a établi très clairement. Les COM signés n'étaient donc pas tenables et il a fallu ajuster la tendance des dépenses. En ce qui concerne les pistes d'économies pour France Télévisions, j'ai déjà donné des indications : j'attends les propositions de l'entreprise d'ici à la mi-novembre.
Au nom du groupe La République en marche, je veux exprime notre satisfaction de vous avoir entendue, Mme la ministre, nous préciser à nouveau les ambitions de votre budget dont les missions sont confortées à hauteur de 10 milliards d'euros. Cela démontre que la culture est une priorité du Président de la République et du Gouvernement auquel vous appartenez. Ce budget 2018 est aussi une oeuvre de transformation et d'innovation et traduit le souci bien perceptible de favoriser par la culture l'émancipation, l'altérité, la création et la cohésion sociale.
S'agissant des 3,9 milliards d'euros de concours financiers alloués aux opérateurs de l'audiovisuel public, l'essentiel a été évoqué par mes consoeurs rapporteures ; je partage leurs remarques quant à la baisse des budgets de France Télévision et de France Médias Monde qui pourrait affecter leurs investissements dans la création et la transformation numérique et qui aurait pu être atténuée.
Eu égard aux programmes 334 et 180 relatifs, respectivement, au livre et à l'industrie culturelle puis aux médias, on y retrouve parfaitement vos priorités, madame la ministre, en matière de soutien à la création, avec le fonds pour la création musicale, et de cohésion sociale, en métropole comme outre-mer, via les médias de proximité. Je citerai plus particulièrement l'expression radiophonique, vitale, à travers les 700 radios associatives établies sur tout le territoire et assurant le renforcement du lien social. On retrouve aussi dans ce budget vos priorités en matière d'accessibilité à la culture, thème qui me tient à coeur. Je citerai à cet égard l'excellent projet d'extension des horaires d'accès aux bibliothèques et l'ambition d'en faire, à terme, de véritables maisons du service public culturel. Enfin, vous accordez aussi la priorité aux médias, pour assurer leur développement, conforter le pluralisme de l'information et accompagner dans la durée un secteur fragilisé par les évolutions technologiques et économiques – je pense notamment à l'AFP.
Madame la ministre, nous devons porter une attention particulière aux diffuseurs de presse. Quels sont vos engagements en la matière ?
Je salue la qualité des travaux menés par nos rapporteurs et l'éclairage qu'ils nous ont fourni concernant le budget des médias.
Le coeur de cette actualité, ce sont notamment les baisses de dotations importantes pour notre audiovisuel public, consécutives à des arbitrages très tardifs du Gouvernement. Les acteurs de l'audiovisuel français ont constaté une véritable volte-face dans le budget 2018, qui aura logiquement des conséquences directes sur leurs choix en matière de création, d'information sur le territoire ou de développement du numérique. À l'instar du président Eric Woerth, je m'interroge donc sur la pertinence des contrats d'objectifs et de moyens. Vous avez demandé aux opérateurs, madame la ministre, de fournir un effort de 36 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2017 et de 78 millions d'euros par rapport à la trajectoire financière négociée dans leurs COM respectifs, à hauteur de 48 millions d'euros pour France Télévisions, de 25 millions d'euros pour Radio France et de 2 millions d'euros pour France Médias Monde.
Les budgets sont largement inférieurs aux COM négociés, comme ils le furent sous le précédent Gouvernement, de 2013 à 2016, avant de voir leurs crédits remonter en année électorale, ce qui explique que les engagements de l'État soient intenables aujourd'hui. Comment garantir à nos professionnels de l'audiovisuel une signature fiable de l'État et une réelle vision d'ensemble des crédits budgétaires qui leur sont alloués ?
Je m'interroge également quant à la situation plus particulière de France Télévisions, grand perdant des arbitrages du Gouvernement. Pour pallier l'effort budgétaire demandé, le rapporteur général avait judicieusement proposé un amendement prévoyant un moratoire sur la suppression de la publicité pendant les programmes dédiés à la jeunesse et un relèvement du montant de la TOCE de 3 millions d'euros. Je m'étonne que cet amendement de la majorité La République en Marche – qui avait pourtant reçu un avis favorable de la commission – ait été retiré avant même d'être présenté. Comment expliquer ce recul alors que la situation budgétaire de France Télévisions reste problématique ?
Enfin, je souhaite vous interroger sur la TOCE, dite taxe Copé, créée en 2009 pour compenser la perte de revenus publicitaires liée à l'arrêt de la publicité en soirée. En réduisant de 79 millions d'euros le plafond d'affectation de la TOCE à France Télévisions par rapport à 2017, vous vous inscrivez dans la continuité avec la politique audiovisuelle menée par le précédent Gouvernement : vous déviez vers le budget de l'État une ressource que le législateur avait pourtant souhaité flécher vers l'opérateur. Comment expliquer cette ponction ?
La mission « Médias, livre et industries culturelles » renvoie à des valeurs fondamentales de notre démocratie : la défense du pluralisme, la liberté de la presse, l'accès à l'information, la promotion de la culture et le soutien à la création.
La presse écrite, touchée par la révolution numérique, est en mutation et nous savons que vous veillez, madame la ministre, à accompagner ce secteur.
Une orientation claire et précise doit être fixée aux médias télévisuels et radiophoniques pour qu'ils accomplissent les transformations structurelles nécessaires à leur efficacité. Ces médias doivent être dotés d'un budget suffisant, lisible et stabilisé. Vous avez annoncé votre intention de réfléchir aux périmètres d'émissions, au financement et à la gouvernance de ces médias : nous y serons particulièrement attentifs.
Notre groupe Mouvement démocrate et apparentés est particulièrement attaché au monde du livre, vecteur de réussite pour tous. Nous soutiendrons donc avec conviction toutes les initiatives susceptibles d'aider les jeunes et moins jeunes à bénéficier de cet apport incomparable. Ainsi, nous soutiendrons évidemment vos actions en faveur d'un accès plus large aux bibliothèques et apprécions l'attention que vous portez au réseau des librairies indépendantes.
Enfin, notre groupe soutiendra toutes les initiatives du Gouvernement visant à assurer un partage équitable de la valeur créée – étonnamment, l'agriculture et la culture partagent parfois les mêmes problématiques. Nous soutiendrons tout ce qui sera fait pour protéger les droits des créateurs sur internet. Peut-être pourrez-vous nous apporter un complément d'information sur la protection des droits d'auteur.
Le budget alloué en 2018 à l'audiovisuel public, qui s'élève à 3,9 milliards d'euros, est en baisse de 36 millions d'euros par rapport à celui de 2017. La diminution globale atteint 80 millions d'euros par rapport aux engagements pris lors de la précédente loi de finances. Si les moyens de France 24 et d'Arte restent en augmentation, les crédits de France Télévisions diminueront de 29,8 millions d'euros en 2018 par rapport à ceux de 201 7. Ils seront ainsi 50 millions de moins que prévu dans le contrat d'objectifs et de moyens. Quant aux crédits de Radio France, ils baisseront de 16 millions. Cela s'explique, vous l'avez dit tout à l'heure, par un report du chantier de modernisation de la Maison de la radio.
Le maillon fort de notre audiovisuel public est finalement et injustement le maillon faible de votre budget pour l'année 2018. La diminution des crédits de France Télévisions rend d'autant plus difficiles à atteindre les objectifs fixés dans le COM et suscite une totale incompréhension des salariés : les 50 millions d'euros de baisse de crédits correspondent à trois fois le budget de la chaîne d'information et au fonctionnement de plus d'une trentaine de chaînes locales. Ce choix est fait sans prendre en considération les efforts déjà entrepris et le respect des engagements fixés dans le COM signé avec l'État en décembre 2016 : depuis deux ans, les comptes sont à l'équilibre. Cette diminution des crédits équivaudrait à une nouvelle suppression de 660 postes pour 2018 : au total, pour la période 2012-2020, 20 % des effectifs seraient ainsi supprimés. Outre des conséquences délétères sur l'emploi et les conditions de travail, ce choix remet en cause les missions de service public et l'avenir de l'entreprise et entravera toutes ses capacités de développement. Un récent sondage a mis, une fois de plus, en valeur les offres de France Télévision qui sont très appréciées par les Français. Pour le groupe Nouvelle gauche, ce budget, bien que globalement maintenu, est une très mauvaise nouvelle pour l'audiovisuel. Le service public doit demeurer un pilier et l'État se doit de mobiliser des moyens pour y parvenir. Dans le contexte ambiant, le service public est un repère essentiel pour nos concitoyens.
Comment concilier le fait que des missions prioritaires – soutien à la création, service de proximité et rayonnement à l'international – soient attribuées à France Télévisions avec la baisse de crédits imposée au groupe ? Quant aux recettes publicitaires, elles font débat Je conçois que vous refusiez la diffusion de publicités après 20 heures, mais j'entends aussi les revendications des syndicats qui appellent à redonner des marges au groupe. Enfin, quid de la refonte de la redevance ? Pourquoi ne souhaitez-vous pas y procéder en 2018 ?
La mission qui nous occupe regroupe les programmes « Presse et médias » et « Livre et industries culturelles ». Le budget global de la mission baisse de 14 millions d'euros, de 22 millions si l'on inclut les baisses intervenues l'an passé. Les pertes d'emplois sont de 28 ETP, dont quinze en bibliothèque, à la suite de votre décision de supprimer du jour au lendemain une grande partie des contrats aidés.
Je souhaite, moi aussi, vous interroger sur la situation délétère de l'audiovisuel public français qui se dégrade depuis 2008. Cette année-là, Nicolas Sarkozy répondait au livre blanc de TF 1 en supprimant la publicité sur France Télévisions après vingt heures. Une dotation budgétaire de l'État a été créée pour compenser la perte de la publicité, transformée en TOCE dans le projet de loi de finances de 2015. Toutefois, cette taxe n'est destinée à France Télévisions qu'à hauteur de 50 %, le reste profitant au budget général de l'État. Nous avons tenté d'entamer une discussion avec vous sur ces questions à travers un amendement, mais celui-ci n'a pas été validé par la commission des finances. Nous espérons, madame la ministre, que vous nous fournirez des éléments pour expliquer cette attribution insuffisante du reliquat de la TOCE à notre audiovisuel public.
Les maux de France Télévisions ne s'arrêtent pas là et nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen d'un amendement sur les employés de l'audiovisuel public. Toutefois, j'appelle d'ores et déjà votre attention sur l'un des problèmes qui découle du manque de financement dont souffre France Télévisions. Aujourd'hui, un tiers des finances de France Télévisions servent à acheter des programmes extérieurs. Par exemple, un programme d'une des chaînes du groupe, « Plus belle la vie », qui appartient à une filiale de TF 1, a rapporté 2 millions à France Télévisions alors qu'il lui a coûté cinq fois plus. Parce que la diversité garantit le foisonnement culturel, il faut permettent à ces chaînes publiques de produire et de ne pas les maintenir dans un seul rôle de diffuseur. Nous pensons donc que les financements de l'État de l'audiovisuel public devraient connaître une hausse conséquente plutôt qu'une baisse récurrente.
Nous sommes tous soucieux de l'avenir de France Télévisions ; c'est pourquoi, madame la ministre, je vous interroge à mon tour sur la baisse de près de 50 millions des crédits. Vous parlez de priorités, d'ambition et de développement, alors que, dans le même temps, vous appliquez ce fameux théorème de Bercy : faire toujours mieux avec toujours moins. J'aimerais que l'on puisse répondre à ces ambitions grâce à des moyens, d'autant qu'un engagement avait été pris d'interdire la publicité dans les programmes pour la jeunesse. Idée profondément juste, à ceci près que, premièrement, la mesure n'est pas compensée et, deuxièmement, l'interdiction n'est pas imposée aux chaînes privées ! Du coup, vous créez une concurrence supplémentaire qui fragile France Télévisions. Avez-vous pris des engagements pour les années à venir sur les chaînes privées ?
Pire encore, France Télévisions s'était déjà engagée, à travers le contrat d'objectifs et de moyens (COM), dans un plan de réduction d'emplois qui portait sur 500 postes d'ici à 2020. Aujourd'hui, chacun sait que cette baisse supplémentaire va entraîner un nouveau plan social et affaiblir le premier partenaire de la création française. La direction comme les salariés estiment que c'est sur ce plan-là que la baisse va peser le plus fort, avec notamment des emplois induits supplémentaires sur la création qui se fait à l'extérieur.
France Télévisions garantit en effet une diversité du cinéma français et européen en consacrant une part significative de ses ressources aux oeuvres cinématographiques. Les économies supplémentaires qu'on lui demande porteront sur l'emploi, les missions et le périmètre de France Télévisions, acteur majeur dans la régulation du secteur individuel. Fragiliser France Télévisions risque donc de fragiliser l'ensemble du secteur. Nous vous avons tous interrogée sur la vision du Gouvernement, le rôle, l'organisation, le financement et l'avenir du secteur public audiovisuel. Êtes-vous décidée, madame la ministre, à en finir avec ce théorème de Bercy ?
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur le théorème de Bercy, où 1 plus 1 est égal à 1 ?
Moi qui suis scientifique, je peux vous dire que 1 plus 1 peut effectivement être égal à 1 de façon symbolique… Si vous voulez faire des métaphores scientifiques, nous allons parler de relativité générale, du principe d'incertitude de Heisenberg et de la théorie de Gödel selon laquelle il y a toujours quelque chose que l'on ne peut pas démontrer.
Le principe d'incertitude de Heisenberg est un principe philosophique qui peut tous nous atteindre : pour dire les choses simplement, il explique qu'on ne peut pas savoir la position d'une particule et sa définition.
Serions-nous en train d'examiner les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche ? (Sourires.)
Mais revenons à des choses plus tangibles et solides. Monsieur Bois, vous avez noté l'importance du lien social et de l'accessibilité à la culture, en vous interrogeant plus particulièrement sur la situation des diffuseurs de presse. Du fait de la baisse des ventes, ceux-ci doivent faire face à de graves difficultés – il est vrai que nous examinons cet après-midi des secteurs qui connaissent des problèmes. Le monde bouge et il faut s'y adapter en essayant d'envisager l'avenir, plutôt que de rester impassible et attaché au passé, au risque de se retrouver dans une situation catastrophique. Toute notre réflexion va dans ce sens.
Le réseau se contracte. Ce sont 700 points de vente qui ont ainsi disparu en 2016 – personne ne peut s'en satisfaire, mais c'est la réalité. Il convient de se donner vraiment le temps de la réflexion. C'est pourquoi le Gouvernement a confié à une personnalité qualifiée, Gérard Rameix, une mission sur la distribution de la presse vendue au numéro afin de poser les conditions de la pérennité de la filière à moyen terme. Son rapport est attendu pour la fin de l'année.
Un plan de soutien public aux marchands de journaux a été lancé au début de l'année 2017, qui s'articule autour de trois axes : premièrement, l'aide à la modernisation pour permettre un meilleur soutien – sa dotation est portée à 6 millions, soit une augmentation de plus de 63 % ; deuxièmement, la mise en place d'une exonération systématique de contribution économique territoriale, cette exonération des diffuseurs étant compensée aux collectivités locales, ce qui représente un effort de l'État de 7,5 millions ; troisièmement, l'extension des soutiens de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) aux créations et reprises de points de vente de presse. Tout ce plan est intégralement préservé en 2018. Par ailleurs, le Conseil supérieur des messageries de presse, à l'invitation du ministère, s'est doté cette année d'un observatoire de la qualité de la distribution de la presse qui rendra ses premiers résultats dans les prochaines semaines.
De manière plus large, je souhaite travailler sur le rôle des commerces culturels dans la revitalisation des centres-villes. Les diffuseurs de presse incarnent tout particulièrement cette ambition. D'ailleurs, cela peut rejoindre la réflexion sur les lieux de vente de livres et les commerces de librairies indépendantes.
Madame Duby-Muller, vous parlez de volte-face ; je me suis déjà exprimée sur la baisse de 36 millions en direction de France Télévisions, sur un budget de 2,5 milliards, 80 millions par rapport au COM.
Le législateur a choisi de supprimer la publicité autour des programmes jeunesse de France Télévisions. On ne peut s'opposer à cette mesure qui constitue la traduction d'un devoir d'exemplarité de l'audiovisuel public et d'une responsabilité sociétale, culturelle et citoyenne particulière. L'audiovisuel public doit être pour les jeunes un espace de confiance face à la prolifération de publicités tous azimuts sur les autres médias,
Quant aux arbitrages, que vous jugez tardifs, ils ont été communiqués aux opérateurs audiovisuels dès la mi-septembre ; et même auparavant, nous les avions réunis pour leur rappeler qu'il était important, face à l'évolution des usages, de repenser la réflexion sur l'audiovisuel public. Nous avons donc travaillé en temps et en heure. Je rappelle que la baisse de ressources pour France Télévisions n'est que de 1 % et que l'effort en faveur de la création représente environ un cinquième des dépenses. On doit donc pouvoir les préserver au maximum pour les autres sociétés. Même si ce n'est pas facile, l'effort relève de l'ajustement et certainement pas de la volte-face.
Vous avez évoqué la fameuse TOCE. Alors que la contribution à l'audiovisuel public (CAP) bénéficie intégralement aux sociétés d'audiovisuel public, la TOCE est partagée entre France Télévisions et le budget de l'État. Effectivement, dans le projet de loi de finances pour 2018, la part affectée à France Télévisions diminue : c'est la traduction concrète de la contribution de France Télévisions à l'effort général d'assainissement des finances publiques.
Madame Bannier, je vous remercie pour votre question sur le livre, le partage équitable de la valeur et les droits d'auteur : c'est effectivement un sujet important au vu de l'évolution du monde. La France, pays de Beaumarchais, attache une grande importance à la régulation de l'accompagnement des créateurs et aux droits d'auteur. Notre pays a a été à l'origine de régulations importantes à tous les niveaux. C'est tout un écosystème qui est préservé autour de l'auteur, du livre, du traducteur, des librairies en grande partie grâce à cet instrument de régulation extraordinaire qu'aura été l'instauration du prix unique sur le livre. Je me bats au niveau européen sur la question des droits d'auteur, car tous les pays ne défendent pas la même position. La Commission européenne a fait des propositions au mois de septembre 2016 visant à réviser les règles relatives sur le droit d'auteur, à la faveur du développement du numérique ; c'est pour moi une priorité, car on ne peut imaginer un marché unique du numérique sans renforcer les règles relatives au droit d'auteur. Les négociations sont dures, intenses, mais je me bats. J'ai profité de la foire du livre de Francfort pour réunir, avec mon homologue allemande, bon nombre de ministres de la culture des pays européens, afin de partager cette nécessité de penser la régulation. Je me rendrai bientôt à Bruxelles pour poursuivre ce combat, car si nous n'accompagnons pas les créateurs de cet écosystème, il risque d'être malmené.
Nos priorités sont les suivantes : protéger les auteurs en leur assurant une juste rémunération ; consacrer un droit voisin pour les éditeurs de presse qui est essentiel à leur modèle économique sur le numérique et donc au pluralisme des médias sur Internet ; conserver le principe, essentiel, de territorialité des droits – tous les pays ne sont pas d'accord sur ce point, certains étant favorables à une espèce d'uniformisation, ce qui conduirait forcément à avantager les géants du numérique ; garantir enfin un meilleur partage de la valeur.
Cela m'amène naturellement à évoquer la lutte contre le piratage, confiée depuis 2009 à la HADOPI. Si la réponse graduée a contribué à faire reculer les échanges mais seulement les échanges de pair à pair, elle n'a pas permis d'apporter une solution globale pleinement satisfaisante au développement des pratiques illicites, notamment par le biais des sites de streaming ou le téléchargement direct. Le piratage est un véritable fléau, une incivilité. Il est important de savoir que son coût est considérable : 1,4 milliard d'euros pour le seul secteur du cinéma et de l'audiovisuel. Nous avons annoncé un plan d'action volontariste qui vise à renforcer la lutte contre les sites pirates, à promouvoir l'offre légale et à renforcer les actions pédagogiques. Pour y parvenir, le cadre juridique doit être repensé, y compris au niveau européen, il faut mobiliser les acteurs privés, notamment les intermédiaires d'internet comme cela a déjà commencé à être fait avec les régies publicitaires, les services de paiement en ligne et le moteur de recherche Google.
Je rappelle quelles sont les priorités en matière de piratage : évaluation de l'action de la HADOPI et de la riposte graduée, lutte contre les sites contrefaisants en amélioration de la cessation d'activité des sites, retrait prolongé des contenus piratés, assèchement des ressources financières qui vont vers ces sites, renforcement de l'action pédagogique, valorisation de l'offre légale en ligne. Tous ces aspects sont intimement liés.
Monsieur Larive, les contrats aidés ne sont pas supprimés : 200 000 sont prévus l'année prochaine et que les incitations fiscales sont nombreuses pour développer l'emploi dans les associations.
Enfin, il ne faut pas oublier que la baisse de 30 millions d'euros du budget de France Télévisions, sur un total de plus de 2,5 milliards, ne concerne pas la création. Il est inimaginable, sur une telle structure, d'envisager de ne pas travailler sur des synergies, des coopérations entre les médias et des économies de fonctionnement.
Ma question porte sur le programme 334. en 2016, le secteur du livre était la première industrie culturelle française avec un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros, devant le jeu vidéo – 3,46 milliards d'euros. Mais le chiffre d'affaires du jeu vidéo est en constante croissance et devrait atteindre cette année 4 milliards d'euros et dépasser rapidement celui du livre. Je rappelle que l'industrie vidéoludique représente actuellement 50 000 emplois directs et indirects et que la lecture n'est que le quatrième loisir pour les moins de vingt-cinq ans, derrière les jeux vidéo.
Madame la ministre, je partage bien entendu votre volonté de promouvoir l'industrie du livre et de permettre à nos jeunes de continuer à découvrir Victor Hugo ou Gustave Flaubert, René Goscinny ou Kevin Tran. Mais pourriez-vous me donner votre vision des moyens propres à favoriser le développement de l'industrie culturelle vidéoludique ?
La réalité virtuelle, tout d'abord expérimentée dans le domaine du jeu vidéo se met maintenant au service du développement de l'accès de la culture. Je prendrai l'exemple de la borne Timescope, installée au mois d'avril dernier sur les rives de la Seine : ce dispositif de réalité virtuelle a permis aux Parisiens comme aux touristes de faire une expérience inédite de voyage dans le temps pour découvrir la place de Grève au XVIIe siècle. Dans cet exemple très précis, les utilisateurs se sont retrouvés en immersion dans un film de 360 degrés de réalité virtuelle qui représentait les berges de la Seine en 1628. L'expérience a également été réalisée avec un bond dans le futur, pour le lancement des travaux du Grand Paris Express et pour les journées du patrimoine : ainsi la manufacture des Gobelins, située dans le XIIIe arrondissement, a proposé un jeu de piste en réalité augmentée. Ces démonstrations immersives permettent une autre forme d'accès à la culture. Elles sont sans doute une incitation pertinente à prolonger cette invitation culturelle jusqu'au musée par exemple.
Votre ministère va-t-il accompagner et encourager la démocratisation de cette pratique, qui peut d'ailleurs être gratuite, comme c'est le cas pour le Timescope ?
Madame la ministre, vous avez évoqué la réorganisation du paysage audiovisuel français avec les nouveaux supports, ainsi que les évolutions qui résulteront du fait que la contribution à l'audiovisuel public peut prendre en compte un nombre croissant de supports.
Dans son rapport, Mme Dumas a fait un certain nombre de préconisations à cet égard, notamment celle d'une contribution universelle adossée à la taxe foncière. Évidemment, on peut comprendre la nécessité de faire participer tous les foyers fiscaux mais si la contribution n'est pas directement affectée à l'audiovisuel public, on a l'impression que l'on retombe dans de vieux travers.
J'ai bien entendu que vous avez annoncé une réflexion sur l'élargissement de l'assiette de cette contribution, mais pouvez-vous d'ores et déjà nous faire part de votre réaction sur les préconisations de Mmes Dumas et Piron ?
Madame la ministre, je me contenterai de vous interroger sur l'audiovisuel public, sans me hasarder à défendre des théorèmes où je serai assuré de perdre la partie face à vous. (Sourires.)
La direction de France Télévisions que nous avons rencontrée nous a fait part de sa crainte de voir le modèle général de fonctionnement de France Télévisions affecté, un plan social ayant déjà été initié, et d'aller vers la déperdition en termes de création et de production. Au vu de l'enjeu, pourquoi ne pas répondre à l'alternative, soit de fléchage de la TOCE, soit de restauration de la publicité entre vingt heures quarante et vingt et une heures qui est apparemment une demande de France Télévisions ? Certes, on comprend bien l'ADN du service public, mais si la perte de ressources doit affecter la qualité des missions de service public, cela vaudrait peut-être la peine de restaurer la publicité entre vingt heures quarante et vingt et une heures : à croire certaines études, cette mesure rapporterait 50 millions d'euros.
Ma seconde question a trait aux conséquences de la baisse des dotations sur la télévision de proximité. La chaîne corse ViaStella, considérée par d'autres territoires comme un modèle de chaîne régionale, s'inquiète fortement des conséquences qui pourraient en découler sur les emplois. À cause de cette situation, elle est sollicitée pour des opérations et des émissions spéciales par France 3 et Franceinfo, ce qui se fait au détriment de sa propre production et donc de son propre projet de développement. Pouvez-vous me rassurer sur le maintien des emplois et sur l'avenir de ViaStella qui vient à peine de fêter ses dix ans et qui avait pour projet dès l'origine de s'inscrire assez fortement sur la Méditerranée.
La télévision est essentielle parce qu'elle entre dans toutes les familles, ce qui n'est pas facile. C'est dire l'importance de la ligne éditoriale et de réaffirmer chaque fois les engagements de service public en matière d'accessibilité, de parité et de cohésion sociale. Je pense à l'audition de Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, qui évoquait avec enthousiasme des émissions constructives comme « Pas 2 quartier » qui permet aux jeunes de filmer et de parler de leur quartier, et le programme « Info-intox » destiné à épauler le travail des enseignants dans l'éducation aux médias, ou encore le programme « Mashable » qui s'adresse à la génération connectée en présentant l'information de façon un peu décalée.
Puisque l'on évoque ici le budget des médias, peut-on envisager, comment pourra-t-on flécher davantage de financements vers ce type de programmes tournés vers le vivre ensemble ?
Dans la continuité de la question posée par ma collègue Géraldine Bannier, je souhaite vous interroger plus précisément sur un genre de livre un peu particulier : le livre audio, média d'avenir du fait de son caractère accessible et du support dématérialisé, ce qui permet à plusieurs publics d'accéder au contenu, qu'il s'agisse des adultes soumis à un rythme intense ou encore des personnes souhaitant s'imprégner d'une nouvelle langue jusqu'aux personnes physiquement ou mentalement empêchées de lire. Le livre audio représente 10 % du marché du livre aux États-Unis, 5 % en Allemagne, et plus de 12 % en Suède. Nous en sommes malheureusement très loin en la France même si le livre audio se répand peu à peu.
Comment comptez-vous accompagner la progression de l'édition audio, française en particulier, qui représente une opportunité pour notre pays de diffuser notre littérature classique et les créations françaises à l'étranger ? Tout à l'heure, nous avons eu l'occasion de saluer Mme Azoulay ou encore Mme Slimani pour la francophonie. Comment imaginez-vous de participer au rayonnement de notre culture et de la francophonie grâce au livre audio ?
Monsieur Masséglia, je vous remercie d'avoir rappelé que le livre est la première industrie culturelle. C'est très réjouissant ! Cela étant, vous avez raison, le jeu vidéo prend des parts de marché, il n'est même pas loin de dépasser le cinéma. J'ai d'ailleurs pu le constater à l'occasion du « Paris Games Week » – pardon pour l'anglais, mais c'est le nom de cette manifestation. J'y ai rencontré l'ensemble des acteurs du jeu vidéo et j'ai essayé de suggérer qu'ils s'expriment en français plutôt que dans un mélange de langues. Mais les usages sont les usages… Quoi qu'il en soit, j'étais absolument stupéfaite de voir le nombre de familles, de jeunes enfants et de jeunes qu'elle a rassemblés. Le jeu vidéo est un média qui monte en puissance de façon considérable : le chiffre d'affaires de l'industrie est en progression constante de 10 % ! Comme vous le voyez, les choses changent, et c'est là également un marqueur du changement. On ne peut donc pas tout figer. Je comprends les craintes de certains secteurs qui ne veulent pas que l'on touche à leurs crédits. J'entends tout à fait, mais il est urgent de réfléchir à ces évolutions.
En France, on recense deux cents studios de développement de jeux vidéo, dans lesquels travaillent 3 000 salariés. C'est un nombre important d'emplois très variés, qui ne cesse de progresser, et qui s'adresse particulièrement aux jeunes qui peuvent trouver des formations adaptées. Qui plus est, neuf studios sur dix sont indépendants, et ils ne sont pas tous situés à Paris. La configuration de ce secteur est donc tout à fait originale et intéressante.
Il est très important qu'on l'accompagne, ce que nous faisons à travers le crédit d'impôt, fortement revalorisé en 2017, dans un contexte concurrentiel : les studios peuvent désormais déduire 30 % des dépenses de création d'un jeu de leur impôt.
On peut penser ce que l'on veut de certains jeux vidéo, mais force est d'admettre que cette industrie est un vrai lieu de création, justement parce que nous y sommes attentifs et que nous accompagnons cette création. Certains jeux sont des lieux d'apprentissage, d'histoire, d'émerveillement pictural. Quelque chose de formidable est en train d'émerger, avec des développements qualitatifs croissants, qui prennent le dessus sur les classiques jeux de combat.
Nous devons également dépasser certaines idées reçues : contrairement à ce que l'on peut penser, ce sont des jeux de partage, où les gens jouent ensemble, forment des communautés. Nous sommes très heureux d'accompagner ce secteur d'avenir qui pour les jeunes est source tout à la fois d'attrait et d'emplois.
Madame Petit, dans le même ordre d'idée, vous avez parlé des dispositifs de réalité virtuelle, à l'exemple du Timescope. Dans certains lieux patrimoniaux, des vidéos permettent effectivement de montrer comment c'était avant, de remonter le temps ou d'imaginer ce que pourrait être un lieu ou une oeuvre après une restauration patrimoniale. Ainsi, la Bibliothèque nationale de France (BNF) a organisé une grande exposition en réalité virtuelle sur les bibliothèques disparues, assez extraordinaire.
Le ministère de la culture doit également appréhender ce secteur, afin de l'accompagner vers une évolution qualitative en donnant de plus en plus de sens aux contenus. J'y suis évidemment très attentive. Le CNC est également très présent et apporte tout son soutien aux créations en réalité virtuelle ou augmentée. Il faut savoir que la France bénéficie en la matière d'une reconnaissance internationale, tant pour ses réalisations que pour ses formations. Le forum organisé à l'occasion du Paris Games Week l'a bien montré : les étudiants qui suivent ces formations trouvent immédiatement du travail.
Mme Pau-Langevin, vous souhaitez connaître mon point de vue sur l'avis budgétaire de Mmes Piron et Dumas concernant la modernisation de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Des trois modèles cités, le modèle allemand, dans lequel une taxe forfaitaire est adossée à l'impôt foncier, est le plus souvent soutenu par les professionnels du secteur. Mais nous devons prendre le temps de réfléchir au recouvrement du fait de la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des redevables d'ici à trois ans.
Dans le modèle finlandais, la taxe est proportionnelle aux revenus et plafonnée : en France, un tel système présenterait l'inconvénient de créer un nouvel impôt pour les 36 millions de foyers fiscaux non imposables au titre de l'impôt sur le revenu, mais l'avantage de la simplicité et de la justice fiscale. Enfin, la récente réforme italienne de collecte de la redevance, désormais adossée aux abonnements de gaz et d'électricité, a considérablement facilité son recouvrement et du coup permis d'abaisser son montant. Nous devons examiner toutes ces options. Nous venons de recevoir ce rapport, ce dont je remercie les deux auteures. Le travail réalisé est de grande qualité et extrêmement intéressant.
Monsieur Acquaviva, nous n'oublions pas évidemment pas votre magnifique pays… France 3 Corse ViaStella et, plus généralement le réseau régional de France 3, représentent le service public de l'audiovisuel dans tous les territoires et singulièrement en Corse ; ce sont ces missions qui distinguent clairement le secteur public du privé. Toutes les composantes de France Télévisions sont appelées à contribuer à l'effort de maîtrise des finances publiques, mais leur mission reste incontestablement d'actualité. Les programmes locaux sont soutenus : ainsi, les aides du CNC ont été assouplies et augmentées pour les documentaires commandés par les chaînes locales.
Madame Mörch, vous parliez très justement de flécher les programmes relatifs au « vivre ensemble » ; cela nous tient également à coeur. Nous avons beaucoup discuté de ce sujet avec France Médias Monde, France 5 et Arte, de manière très positive. Toutes les chaînes ont fait part de cette volonté : développer des outils pour mieux « vivre ensemble ». Ainsi, comme je l'indiquais ce matin, Educ'Arte, par exemple, est utilisé dans les écoles, mais l'enfant peut aussi l'utiliser à la maison avec sa famille. Lors de nos discussions, les responsables du service public de l'audiovisuel ont considéré leur budget leur permettait d'avancer dans cette réflexion en insistant sur l'éducation aux médias, fondamentale. C'est d'ailleurs une de mes priorités, intégrée aux programmes d'éducation culturelle.
De la même façon, les Rencontres « culture numérique », auxquelles j'ai assisté à Radio France, mettent en lumière le travail réalisé par les journalistes pour aider les jeunes à décrypter l'information, à la vérifier, et contrer ainsi le développement sur internet de ces masses d'informations partagées sans aucune vérification. Nous sommes là au coeur du service public : diffuser une information de qualité pour combattre les fake news.
Madame El Haïri, le livre audio est un complément très intéressant au livre physique. Il est presque « magique » car il s'adresse à des personnes en situation de handicap – malvoyantes – ou en train de circuler – en voiture par exemple. On ne peut qu'encourager son développement, même s'il ne remplace pas le livre. Par ailleurs, le fait d'entendre « dire » le français est un atout pour la francophonie. Je reviens du Liban, la demande d'apprentissage du français y est considérable. Le livre audio peut également servir de support dans ce contexte.
Madame la ministre, nous partageons donc le fait d'être ressortis vivants, mais impressionnés, du Paris Games Week… D'ailleurs, des acteurs du livre audio y étaient présents.
Le livre apprend, le livre questionne, le livre est aussi un formidable vecteur de connexion avec l'autre, qu'il soit d'une autre latitude, d'une autre culture ou d'un autre temps. Les jurys Goncourt et Renaudot viennent de remettre leur prix à deux auteurs, Eric Vuillard et Olivier Guez, qui, au-delà de leur indéniable talent littéraire, nous rappellent à quel point les extrémismes sont aussi des mirages. Je salue la politique de l'État en direction de l'économie du livre, qui a pour finalité la promotion et le maintien de la diversité éditoriale, le développement de la création littéraire, la diffusion la plus large possible du livre et des pratiques de lecture. Ce sont des priorités essentielles pour préserver la place du livre dans nos pratiques culturelles. La diversité de la création littéraire française permet également de diffuser nos valeurs à l'étranger. Au-delà de l'accessibilité du livre et du développement de la diversité – je salue d'ailleurs la nomination de Mme Leila Slimani comme représentante du chef de l'État à la francophonie – pouvez-vous nous expliquer comment vous comptez, en lien avec le ministre des affaires étrangères, diffuser et promouvoir les auteurs français auprès du public étranger ?
Je voudrais revenir sur la question de la publicité. Je ne reviendrai pas la publicité après vingt heures ; ce sujet a été abordé plusieurs fois et nous avons bien compris la position du Gouvernement. J'aimerais avoir quelques précisions concernant la publicité segmentée, les secteurs interdits et la durée autorisée de publicité sur une plage horaire, pour faire suite à la consultation publique lancée par votre ministère. Cette consultation publique s'achevait le 13 octobre dernier. Des discussions interministérielles sont probablement en cours, mais la consultation étant achevée, pourriez-vous nous donner la position de votre ministère ?
Je sais enfin que la lutte contre le piratage vous est chère : c'est un véritable fléau pour nos industries culturelles. Vous avez fait preuve de volontarisme en la matière, notamment à travers l'accord signé entre Google et l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA). Pouvez-vous nous dire où en est ce dossier ?
La légère diminution des crédits de l'action 2 « Aides à la presse » du programme 180 montre que le soutien public à la presse se conjugue cette année avec une participation à l'effort de redressement. Pour demeurer pertinent et efficace, le ministère a su adapter les aides à la presse existantes, pour en faire de véritables leviers d'impulsion et de transition. Le soutien transversal que constitue la TVA à taux ultra-réduit de 2,1 % est maintenu et un ensemble de réformes permet d'élargir le champ d'aide à l'information politique et générale (IPG). Cependant, en 2014 et 2015, ce dispositif de TVA ultra-réduite a représenté une dépense de l'ordre de 160 millions d'euros par rapport au taux réduit de 5,5 %. Par conséquent, et dans un souci de redressement, ne serait-il pas encore plus efficace d'appliquer le taux de TVA à 5,5 % à l'ensemble de la presse, tout en conservant le taux ultra-réduit pour la presse dite d'IPG, véritable moteur du pluralisme ?
Je reviens, après en avoir un peu parlé ce matin, sur l'éducation à l'image et au cinéma. Je voudrais vraiment savoir quelles sont les aides apportées dans le cadre de l'éducation à l'image – école et cinéma, collège au cinéma et lycéens et apprentis au cinéma – pour soutenir les cinémas de proximité ? Vont-elles être confortées ? Comment faire évoluer cette éducation à l'image dans les cinémas ? La porte est ouverte et les cinémas vous soutiennent totalement dans votre action contre le piratage.
Madame la ministre, j'admire votre calme, votre sérénité, votre acuité visuelle et même votre ambition par rapport à un budget qui – qu'on le veuille ou non – est quand même clairement dégradé. Notre rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères l'a souligné. La chambre régionale des comptes a bon dos… J'admire aussi votre calme par rapport aux propos tenus avec raison par Éric Woerth : il est extrêmement rare de voir l'État se retirer aussi vite, en reniant sa parole, d'une convention d'objectifs et de moyens. La continuité de l'État est normalement un principe et ce que vous avez fait ne me semble pas à cet égard tout à fait légitime.
Je m'inquiète enfin beaucoup pour notre présence audiovisuelle en Afrique. M. le ministre des affaires étrangères et Mme la ministre de la défense pourraient en parler. Nous le savons tous : nous sommes engagés sur un certain nombre de territoires. Quand on connaît la puissance de l'audiovisuel et de nos terribles adversaires, c'est une grave erreur de se désengager ainsi en Afrique. Je conçois qu'il soit compliqué d'être une ministre dont le budget est une variable d'ajustement. Vous dites que votre budget est contraint ; je soutiens qu'il est bel et bien dégradé.
Dans les années qui viennent, ou l'année prochaine, ce budget connaîtra-t-il une amélioration sensible, afin de respecter la parole du président de la République – je suis complètement d'accord avec lui concernant la francophonie ? Et ne nous refaites plus le coup de la chambre régionale des comptes ! Ce n'est pas comme la Grande Vadrouille, on ne peut pas en faire une rediffusion perpétuelle…
Le nombre de points de vente spécialisés en diffusion de la presse est en chute libre. Ils étaient d'environ 28 500 en 2011. En 2016, 750 ont disparu. La vente de journaux au numéro a elle aussi diminué d'environ 25 % entre 2011 et 2015. Bien sûr, les points de vente spécialisés sont en concurrence avec les rayons presse des grandes surfaces mais également, de plus en plus, avec les kiosques numériques. Cette situation n'est pas sans effet sur le dynamisme commercial des petites villes, mais aussi sur l'organisation de la logistique et de la messagerie de distribution des points de vente, puisque le secteur est confronté à des effets volume et à des seuils de rentabilité. Nous attendons avec impatience le rapport de M. Gérard Rameix sur la distribution de la presse par vente au numéro, mais le temps passe et presse – c'est le cas de le dire…
Pourriez-vous nous préciser votre action à travers ce budget ? Quelles sont vos premières orientations et vos solutions afin de soutenir un secteur qui connaîtra des difficultés grandissantes si votre action n'est pas suffisante et pas suffisamment rapide ?
Nous allons retourner en Corse. J'aimerais attirer votre attention, madame la ministre, sur la situation des antennes locales de Radio France, notamment celle de Radio Corsica Frequenza Mora (RCFM). Radio la plus écoutée de l'île, elle est au coeur de la vie sociale de la Corse dont elle couvre l'ensemble des événements. Elle joue par ailleurs un rôle considérable dans le soutien à la langue et à la culture corses. Nous aimerions être rassurés sur l'avenir de cette radio. Pourriez-vous nous confirmer clairement que vous ne toucherez pas au volume de personnels qui travaillent déjà à flux tendu, pas plus que vous ne toucherez au budget de cette radio, lui aussi tendu ?
Tout juste élu, lors de mon premier mandat, j'ai été confronté au drame de la radicalisation et du départ pour le djihad de nombreux jeunes de ma circonscription. Nous avons été alertés par le monde associatif, les enseignants et les parents des effets négatifs de l'utilisation d'internet et des réseaux sociaux, unique moyen d'information utilisé par un grand nombre de jeunes collégiens, mais aussi de l'intérêt que beaucoup d'entre eux portaient à la théorie du complot. Nous avons alors, avec le club de la presse et les journalistes de Montpellier, initié des séances de déconstruction de cette théorie. L'immédiateté et le déséquilibre entre connaissance et émotion : telle est la perception du monde que leur offrent ces réseaux chargés d'images et d'informations où s'entremêlent le vrai et le faux. La culture universelle nourrit l'esprit. Elle est claire, pousse à la réflexion, tempère et élargit le champ de la critique. Elle ne peut pas et ne doit pas être le domaine de quelques privilégiés. Les acteurs du monde éducatif sont souvent trop seuls face à des jeunes qui ne distinguent plus la théorie complotiste de la réalité et ne jurent que par internet. On le sait, nos jeunes adolescents n'ont pas encore un esprit critique ; ils peuvent se faire enrôler dans des situations délicates. Madame la ministre, comment faire pour lutter contre l'absence de cette culture émancipatrice dans de trop nombreux secteurs de notre société et, surtout, comment endiguer les théories du complot naissantes sur internet ?
Mes deux questions ont trait aux enjeux de diversité culturelle. Vous avez beaucoup parlé, madame la ministre, de la lutte contre le piratage et, de manière plus large, de la responsabilité des acteurs, à la fois moteurs de recherche et hébergeurs de contenus en ligne. C'est une conviction partagée au sein de notre commission : tant que l'on ne pourra pas engager la responsabilité de ces acteurs dans les contenus qu'ils diffusent, un chaînon manquera dans la lutte contre le piratage, dans la juste rétribution des auteurs et dans la lutte contre les propos haineux sur internet, comme vient de l'exposer notre collègue. Vous l'avez rappelé, vous menez un combat – qui est aussi européen – sur ce sujet. Pouvez-vous nous détailler vos objectifs, et, éventuellement, des éléments calendaires ?
Les enjeux de diversité culturelle sont importants à la radio. Initialement, les quotas ont été introduits pour préserver la création française. Malheureusement, le durcissement de ces quotas – les artistes français qui ne chantent pas en langue française ne sont pas comptabilisés, les systèmes en haute rotation sont interdits pour la chanson française –, loin de permettre cette diversité accrue et une valorisation de la création française, aboutit souvent à l'effet inverse : le risque d'uniformisation culturelle de nos radios n'est pas négligeable. J'aimerais avoir votre point de vue sur le sujet.
Je vous remercie pour la qualité de vos interventions, qui me nourrissent autant qu'elles me questionnent…
Madame Rixain, je vous remercie et je suis très heureuse que vous ayez salué la qualité des lauréats des grands prix d'automne. Ce moment est très important car il favorise la lecture, qui elle-même favorise cet écosystème du livre. Ce secteur est un tout, de l'auteur au lecteur, en passant évidemment par la librairie, la bibliothèque.
Vous avez salué la nomination de Madame Slimani comme ambassadrice de la francophonie. Vous avez raison, la francophonie est un sujet majeur. Je m'en suis rendu compte en allant à Beyrouth, mais aussi au Mexique. On sent un désir, une envie de français, d'autant plus que l'on compte près de 200 millions de francophones dans le monde.
Cela rejoint votre question sur l'Afrique, monsieur Hutin. Il faut que cette réalité suive la croissance de la population. Nous avons un rôle important à jouer, en liaison avec le ministère des Affaires étrangères et notre formidable réseau d'instituts. Nous devons travailler à la rationalisation de notre action, avec les alliances, les librairies françaises à l'étranger et les instituts français.
La promotion des auteurs français à l'étranger a été longuement évoquée lors de la Foire du livre de Francfort. Dans cet esprit, le Président a même annoncé la création d'un prix de la traduction. Le travail de promotion des auteurs français passe par la traduction : de même que la langue française s'enrichit de la traduction d'auteurs étrangers en France, les pays étrangers s'enrichissent de la traduction de nos auteurs. Le Centre national du livre (CNL) accompagne depuis longtemps cette action par des aides ; nous allons continuer à le soutenir. J'ai également pu observer à Beyrouth que des délégations d'auteurs français à l'étranger étaient largement invitées un peu partout. Nous sommes attentifs à la mobilité des artistes en Europe et à l'international. Des maisons et des résidences accueillent nos artistes dans de nombreux pays ; nous nous enrichirons au contact de l'autre. En la matière, je cite toujours Paul Veyne : « Vivre sous une seule culture, c'est comme vivre sous un éteignoir ». Il n'est évidemment pas question de laisser tomber des continents incroyables comme l'Afrique : je sais par expérience à quel point la littérature de ces pays alimente notre écosystème littéraire.
Sur la publicité, monsieur Attal, nous avons lancé une consultation dont les résultats sont en train d'être analysés ; il est donc un peu tôt pour évoquer des pistes. Aucune décision n'a encore été prise. Le marché publicitaire de la télévision est en baisse alors que le nombre de chaînes augmente car la croissance de la publicité numérique est captée par les GAFA. La concurrence est inéquitable : le budget publicitaire dirigé vers l'audiovisuel public est de 3,3 milliards d'euros, et de 3,5 milliards d'euros pour Internet.
Combattre le piratage, ce fléau, est une de nos priorités. Nous le ferons par plusieurs voies : l'évaluation de l'action de la HADOPI et de l'efficacité de la réponse graduée ; la lutte contre les sites contrefaisants en améliorant leur cessation d'activité, en retirant de manière prolongée les contenus piratés et en asséchant les ressources financières dirigées vers ces sites ; le renforcement de l'action pédagogique et la valorisation de l'offre légale en ligne. On peut aussi travailler avec les géants du Net en les amenant peu à peu à composer. C'est le sens de l'accord signé entre Google et l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle : il vaut mieux accepter parfois de danser un tango plutôt que de s'enfermer dans une tour d'ivoire…
Madame Mette, le secteur de la presse est en crise, mais il innove en se rendant accessible sur tous les supports et à tous les publics pour contrer l'érosion de la vente des éditions papier. Le chiffre d'affaires du secteur a reculé en 2016 pour la neuvième année consécutive. La presse doit continuer de se transformer en redéployant ses ressources, et les pouvoirs publics d'encourager cette démarche. De nouveaux organes de presse se créent, une dynamique est à l'oeuvre que nous accompagnons. Le budget prévu pour 2018 est axé sur la défense du pluralisme et le soutien à l'innovation ; les crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse et ceux du récent Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse sont préservés. Nous avons confié à M. Gilles Rameix mission de réfléchir à la distribution de la presse et à la vente au numéro ; l'État soutient la filière pour garantir la libre circulation de la presse et le pluralisme, indispensables à la vie démocratique, mais il est aussi de la responsabilité des éditeurs de presse d'assurer la pérennité du système de distribution et de réfléchir aux modes de distribution.
Grâce au plan de numérisation des salles de cinéma voulu par le Parlement et financé par le CNC, la France compte toujours 5 600 écrans ; c'est le réseau le plus dense d'Europe.
Effectivement. La salle de cinéma est, après les bibliothèques, le deuxième équipement culturel dans les villes petites et moyennes. Le soutien à ces salles ne faiblira pas ; le CNC y pourvoira par le biais des aides spécifiques aux salles d'art et d'essai, qui ont été reformées et qui augmenteront de 10 %. L'idée est de créer le public de demain par des programmes d'éducation au cinéma : j'ai mentionné à ce propos Educ'Arte mais je me dois de citer l'extraordinaire action des volontaires du service civique, médiateurs vivifiants dans les collèges et les lycées et promoteurs de l'éducation à l'image.
Je souligne, monsieur Hutin, que le budget pour 2018 est supérieur à ceux de 2015 et de 2016 ; les chiffres sont les chiffres… On ne saurait parler d'effondrement.
Nous sommes bien entendu attentifs, monsieur Castellani, à la permanence des antennes de radio locales, qui font partie des médias à préserver.
Vous plaidez, monsieur Vignal, en faveur de l'éducation aux médias pour lutter contre la diffusion de la théorie du complot : c'est tout l'objet de l'éducation à l'image. L'internet est porteur de nouvelles possibilités de diffusion mais aussi de dangers inédits, les « informations » étant partagées sans avoir été vérifiées et les allégations diffamatoires ou complotistes se propageant très vite. Ces phénomènes ne sont pas nouveaux mais l'internet accroît leur résonance. Je rappelle que la loi de 1881 sur la presse qui réprime la diffamation et la diffusion de fausses informations s'applique aussi à l'Internet, qui n'est pas une zone de non-droit. Mais les poursuites à l'encontre des auteurs de tels messages ne peuvent suffire ; il faut aussi responsabiliser les plateformes qui permettent la propagation de la désinformation à grande échelle, et cela ne pourra se faire qu'au niveau européen. Nous avons obtenu une première avancée puisque la directive sur les services de médias audiovisuels insiste sur ce point. Je souligne une fois encore la nécessité de renforcer l'éducation aux médias afin d'améliorer la capacité de tous les internautes à décrypter les messages auxquels ils sont confrontés et détecteur si c'est une fake new ou pas ; les modules d'enseignement sur ce thème sont d'ailleurs de plus en plus nombreux. C'est une des priorités du budget pour 2018 et c'est une mission importante de l'audiovisuel que nous accompagnerons et que nous souhaitons développer.
Enfin, comme vous l'avez indiqué, madame Bergé, la question des quotas de musique francophone est un sujet de tension récurrente entre la filière musicale et les radios. La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a favorisé une plus grande diversité musicale en limitant la concentration grâce à un dispositif de plafonnement des rotations, en offrant un cadre juridique aux radios spécialisées dans la découverte musicale et en ouvrant la possibilité de moduler les quotas aux radios qui s'engagent à renforcer la diversité par un encadrement strict. Je serai très attentive à la mise en oeuvre de ces règles, à laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit veiller, et aux éventuelles difficultés qu'elles pourraient provoquer.
La réunion de la commission élargie s'achève à dix-huit heures quarante.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale