Intervention de Françoise Nyssen

Réunion du mardi 7 novembre 2017 à 16h30
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Françoise Nyssen, ministre de la Culture :

Mais revenons à des choses plus tangibles et solides. Monsieur Bois, vous avez noté l'importance du lien social et de l'accessibilité à la culture, en vous interrogeant plus particulièrement sur la situation des diffuseurs de presse. Du fait de la baisse des ventes, ceux-ci doivent faire face à de graves difficultés – il est vrai que nous examinons cet après-midi des secteurs qui connaissent des problèmes. Le monde bouge et il faut s'y adapter en essayant d'envisager l'avenir, plutôt que de rester impassible et attaché au passé, au risque de se retrouver dans une situation catastrophique. Toute notre réflexion va dans ce sens.

Le réseau se contracte. Ce sont 700 points de vente qui ont ainsi disparu en 2016 – personne ne peut s'en satisfaire, mais c'est la réalité. Il convient de se donner vraiment le temps de la réflexion. C'est pourquoi le Gouvernement a confié à une personnalité qualifiée, Gérard Rameix, une mission sur la distribution de la presse vendue au numéro afin de poser les conditions de la pérennité de la filière à moyen terme. Son rapport est attendu pour la fin de l'année.

Un plan de soutien public aux marchands de journaux a été lancé au début de l'année 2017, qui s'articule autour de trois axes : premièrement, l'aide à la modernisation pour permettre un meilleur soutien – sa dotation est portée à 6 millions, soit une augmentation de plus de 63 % ; deuxièmement, la mise en place d'une exonération systématique de contribution économique territoriale, cette exonération des diffuseurs étant compensée aux collectivités locales, ce qui représente un effort de l'État de 7,5 millions ; troisièmement, l'extension des soutiens de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) aux créations et reprises de points de vente de presse. Tout ce plan est intégralement préservé en 2018. Par ailleurs, le Conseil supérieur des messageries de presse, à l'invitation du ministère, s'est doté cette année d'un observatoire de la qualité de la distribution de la presse qui rendra ses premiers résultats dans les prochaines semaines.

De manière plus large, je souhaite travailler sur le rôle des commerces culturels dans la revitalisation des centres-villes. Les diffuseurs de presse incarnent tout particulièrement cette ambition. D'ailleurs, cela peut rejoindre la réflexion sur les lieux de vente de livres et les commerces de librairies indépendantes.

Madame Duby-Muller, vous parlez de volte-face ; je me suis déjà exprimée sur la baisse de 36 millions en direction de France Télévisions, sur un budget de 2,5 milliards, 80 millions par rapport au COM.

Le législateur a choisi de supprimer la publicité autour des programmes jeunesse de France Télévisions. On ne peut s'opposer à cette mesure qui constitue la traduction d'un devoir d'exemplarité de l'audiovisuel public et d'une responsabilité sociétale, culturelle et citoyenne particulière. L'audiovisuel public doit être pour les jeunes un espace de confiance face à la prolifération de publicités tous azimuts sur les autres médias,

Quant aux arbitrages, que vous jugez tardifs, ils ont été communiqués aux opérateurs audiovisuels dès la mi-septembre ; et même auparavant, nous les avions réunis pour leur rappeler qu'il était important, face à l'évolution des usages, de repenser la réflexion sur l'audiovisuel public. Nous avons donc travaillé en temps et en heure. Je rappelle que la baisse de ressources pour France Télévisions n'est que de 1 % et que l'effort en faveur de la création représente environ un cinquième des dépenses. On doit donc pouvoir les préserver au maximum pour les autres sociétés. Même si ce n'est pas facile, l'effort relève de l'ajustement et certainement pas de la volte-face.

Vous avez évoqué la fameuse TOCE. Alors que la contribution à l'audiovisuel public (CAP) bénéficie intégralement aux sociétés d'audiovisuel public, la TOCE est partagée entre France Télévisions et le budget de l'État. Effectivement, dans le projet de loi de finances pour 2018, la part affectée à France Télévisions diminue : c'est la traduction concrète de la contribution de France Télévisions à l'effort général d'assainissement des finances publiques.

Madame Bannier, je vous remercie pour votre question sur le livre, le partage équitable de la valeur et les droits d'auteur : c'est effectivement un sujet important au vu de l'évolution du monde. La France, pays de Beaumarchais, attache une grande importance à la régulation de l'accompagnement des créateurs et aux droits d'auteur. Notre pays a a été à l'origine de régulations importantes à tous les niveaux. C'est tout un écosystème qui est préservé autour de l'auteur, du livre, du traducteur, des librairies en grande partie grâce à cet instrument de régulation extraordinaire qu'aura été l'instauration du prix unique sur le livre. Je me bats au niveau européen sur la question des droits d'auteur, car tous les pays ne défendent pas la même position. La Commission européenne a fait des propositions au mois de septembre 2016 visant à réviser les règles relatives sur le droit d'auteur, à la faveur du développement du numérique ; c'est pour moi une priorité, car on ne peut imaginer un marché unique du numérique sans renforcer les règles relatives au droit d'auteur. Les négociations sont dures, intenses, mais je me bats. J'ai profité de la foire du livre de Francfort pour réunir, avec mon homologue allemande, bon nombre de ministres de la culture des pays européens, afin de partager cette nécessité de penser la régulation. Je me rendrai bientôt à Bruxelles pour poursuivre ce combat, car si nous n'accompagnons pas les créateurs de cet écosystème, il risque d'être malmené.

Nos priorités sont les suivantes : protéger les auteurs en leur assurant une juste rémunération ; consacrer un droit voisin pour les éditeurs de presse qui est essentiel à leur modèle économique sur le numérique et donc au pluralisme des médias sur Internet ; conserver le principe, essentiel, de territorialité des droits – tous les pays ne sont pas d'accord sur ce point, certains étant favorables à une espèce d'uniformisation, ce qui conduirait forcément à avantager les géants du numérique ; garantir enfin un meilleur partage de la valeur.

Cela m'amène naturellement à évoquer la lutte contre le piratage, confiée depuis 2009 à la HADOPI. Si la réponse graduée a contribué à faire reculer les échanges mais seulement les échanges de pair à pair, elle n'a pas permis d'apporter une solution globale pleinement satisfaisante au développement des pratiques illicites, notamment par le biais des sites de streaming ou le téléchargement direct. Le piratage est un véritable fléau, une incivilité. Il est important de savoir que son coût est considérable : 1,4 milliard d'euros pour le seul secteur du cinéma et de l'audiovisuel. Nous avons annoncé un plan d'action volontariste qui vise à renforcer la lutte contre les sites pirates, à promouvoir l'offre légale et à renforcer les actions pédagogiques. Pour y parvenir, le cadre juridique doit être repensé, y compris au niveau européen, il faut mobiliser les acteurs privés, notamment les intermédiaires d'internet comme cela a déjà commencé à être fait avec les régies publicitaires, les services de paiement en ligne et le moteur de recherche Google.

Je rappelle quelles sont les priorités en matière de piratage : évaluation de l'action de la HADOPI et de la riposte graduée, lutte contre les sites contrefaisants en amélioration de la cessation d'activité des sites, retrait prolongé des contenus piratés, assèchement des ressources financières qui vont vers ces sites, renforcement de l'action pédagogique, valorisation de l'offre légale en ligne. Tous ces aspects sont intimement liés.

Monsieur Larive, les contrats aidés ne sont pas supprimés : 200 000 sont prévus l'année prochaine et que les incitations fiscales sont nombreuses pour développer l'emploi dans les associations.

Enfin, il ne faut pas oublier que la baisse de 30 millions d'euros du budget de France Télévisions, sur un total de plus de 2,5 milliards, ne concerne pas la création. Il est inimaginable, sur une telle structure, d'envisager de ne pas travailler sur des synergies, des coopérations entre les médias et des économies de fonctionnement.

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