Intervention de Françoise Nyssen

Réunion du mardi 7 novembre 2017 à 16h30
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Françoise Nyssen, ministre de la Culture :

Monsieur Masséglia, je vous remercie d'avoir rappelé que le livre est la première industrie culturelle. C'est très réjouissant ! Cela étant, vous avez raison, le jeu vidéo prend des parts de marché, il n'est même pas loin de dépasser le cinéma. J'ai d'ailleurs pu le constater à l'occasion du « Paris Games Week » – pardon pour l'anglais, mais c'est le nom de cette manifestation. J'y ai rencontré l'ensemble des acteurs du jeu vidéo et j'ai essayé de suggérer qu'ils s'expriment en français plutôt que dans un mélange de langues. Mais les usages sont les usages… Quoi qu'il en soit, j'étais absolument stupéfaite de voir le nombre de familles, de jeunes enfants et de jeunes qu'elle a rassemblés. Le jeu vidéo est un média qui monte en puissance de façon considérable : le chiffre d'affaires de l'industrie est en progression constante de 10 % ! Comme vous le voyez, les choses changent, et c'est là également un marqueur du changement. On ne peut donc pas tout figer. Je comprends les craintes de certains secteurs qui ne veulent pas que l'on touche à leurs crédits. J'entends tout à fait, mais il est urgent de réfléchir à ces évolutions.

En France, on recense deux cents studios de développement de jeux vidéo, dans lesquels travaillent 3 000 salariés. C'est un nombre important d'emplois très variés, qui ne cesse de progresser, et qui s'adresse particulièrement aux jeunes qui peuvent trouver des formations adaptées. Qui plus est, neuf studios sur dix sont indépendants, et ils ne sont pas tous situés à Paris. La configuration de ce secteur est donc tout à fait originale et intéressante.

Il est très important qu'on l'accompagne, ce que nous faisons à travers le crédit d'impôt, fortement revalorisé en 2017, dans un contexte concurrentiel : les studios peuvent désormais déduire 30 % des dépenses de création d'un jeu de leur impôt.

On peut penser ce que l'on veut de certains jeux vidéo, mais force est d'admettre que cette industrie est un vrai lieu de création, justement parce que nous y sommes attentifs et que nous accompagnons cette création. Certains jeux sont des lieux d'apprentissage, d'histoire, d'émerveillement pictural. Quelque chose de formidable est en train d'émerger, avec des développements qualitatifs croissants, qui prennent le dessus sur les classiques jeux de combat.

Nous devons également dépasser certaines idées reçues : contrairement à ce que l'on peut penser, ce sont des jeux de partage, où les gens jouent ensemble, forment des communautés. Nous sommes très heureux d'accompagner ce secteur d'avenir qui pour les jeunes est source tout à la fois d'attrait et d'emplois.

Madame Petit, dans le même ordre d'idée, vous avez parlé des dispositifs de réalité virtuelle, à l'exemple du Timescope. Dans certains lieux patrimoniaux, des vidéos permettent effectivement de montrer comment c'était avant, de remonter le temps ou d'imaginer ce que pourrait être un lieu ou une oeuvre après une restauration patrimoniale. Ainsi, la Bibliothèque nationale de France (BNF) a organisé une grande exposition en réalité virtuelle sur les bibliothèques disparues, assez extraordinaire.

Le ministère de la culture doit également appréhender ce secteur, afin de l'accompagner vers une évolution qualitative en donnant de plus en plus de sens aux contenus. J'y suis évidemment très attentive. Le CNC est également très présent et apporte tout son soutien aux créations en réalité virtuelle ou augmentée. Il faut savoir que la France bénéficie en la matière d'une reconnaissance internationale, tant pour ses réalisations que pour ses formations. Le forum organisé à l'occasion du Paris Games Week l'a bien montré : les étudiants qui suivent ces formations trouvent immédiatement du travail.

Mme Pau-Langevin, vous souhaitez connaître mon point de vue sur l'avis budgétaire de Mmes Piron et Dumas concernant la modernisation de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Des trois modèles cités, le modèle allemand, dans lequel une taxe forfaitaire est adossée à l'impôt foncier, est le plus souvent soutenu par les professionnels du secteur. Mais nous devons prendre le temps de réfléchir au recouvrement du fait de la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des redevables d'ici à trois ans.

Dans le modèle finlandais, la taxe est proportionnelle aux revenus et plafonnée : en France, un tel système présenterait l'inconvénient de créer un nouvel impôt pour les 36 millions de foyers fiscaux non imposables au titre de l'impôt sur le revenu, mais l'avantage de la simplicité et de la justice fiscale. Enfin, la récente réforme italienne de collecte de la redevance, désormais adossée aux abonnements de gaz et d'électricité, a considérablement facilité son recouvrement et du coup permis d'abaisser son montant. Nous devons examiner toutes ces options. Nous venons de recevoir ce rapport, ce dont je remercie les deux auteures. Le travail réalisé est de grande qualité et extrêmement intéressant.

Monsieur Acquaviva, nous n'oublions pas évidemment pas votre magnifique pays… France 3 Corse ViaStella et, plus généralement le réseau régional de France 3, représentent le service public de l'audiovisuel dans tous les territoires et singulièrement en Corse ; ce sont ces missions qui distinguent clairement le secteur public du privé. Toutes les composantes de France Télévisions sont appelées à contribuer à l'effort de maîtrise des finances publiques, mais leur mission reste incontestablement d'actualité. Les programmes locaux sont soutenus : ainsi, les aides du CNC ont été assouplies et augmentées pour les documentaires commandés par les chaînes locales.

Madame Mörch, vous parliez très justement de flécher les programmes relatifs au « vivre ensemble » ; cela nous tient également à coeur. Nous avons beaucoup discuté de ce sujet avec France Médias Monde, France 5 et Arte, de manière très positive. Toutes les chaînes ont fait part de cette volonté : développer des outils pour mieux « vivre ensemble ». Ainsi, comme je l'indiquais ce matin, Educ'Arte, par exemple, est utilisé dans les écoles, mais l'enfant peut aussi l'utiliser à la maison avec sa famille. Lors de nos discussions, les responsables du service public de l'audiovisuel ont considéré leur budget leur permettait d'avancer dans cette réflexion en insistant sur l'éducation aux médias, fondamentale. C'est d'ailleurs une de mes priorités, intégrée aux programmes d'éducation culturelle.

De la même façon, les Rencontres « culture numérique », auxquelles j'ai assisté à Radio France, mettent en lumière le travail réalisé par les journalistes pour aider les jeunes à décrypter l'information, à la vérifier, et contrer ainsi le développement sur internet de ces masses d'informations partagées sans aucune vérification. Nous sommes là au coeur du service public : diffuser une information de qualité pour combattre les fake news.

Madame El Haïri, le livre audio est un complément très intéressant au livre physique. Il est presque « magique » car il s'adresse à des personnes en situation de handicap – malvoyantes – ou en train de circuler – en voiture par exemple. On ne peut qu'encourager son développement, même s'il ne remplace pas le livre. Par ailleurs, le fait d'entendre « dire » le français est un atout pour la francophonie. Je reviens du Liban, la demande d'apprentissage du français y est considérable. Le livre audio peut également servir de support dans ce contexte.

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