Madame Magne, l'audiovisuel public est confronté à des défis considérables liés à l'évolution des usages, à l'intensification de la concurrence et à la profusion des contenus. Notre vision de l'audiovisuel public est donc indissociable de celle que nous avons de l'audiovisuel en général – un secteur qui est confronté à deux défis majeurs : l'adaptation au numérique et la concurrence des géants de l'internet. Nous faisons résolument le pari de la création et souhaitons que l'audiovisuel publie continue à se singulariser grâce à ses programmes. L'audiovisuel public doit être à la pointe de l'innovation éditoriale et technologique pour s'adapter à la transformation des usages et contribuer au rayonnement international de la France. Pour répondre à ces défis dans un contexte budgétaire contraint, il s'agit aussi d'accélérer une transformation à laquelle les services de l'État travaillent activement, en coopération avec les entreprises de l'audiovisuel public et à partir des propositions qu'elles ont été invitées à présenter depuis mon arrivée. L'objectif est que ce travail de réflexion aboutisse en début d'année 2018.
Madame Piron, les contrats d'objectifs et de moyens de Radio France pour la période 2015-2019 ont deux ambitions : d'une part, poursuivre la mue numérique de la radio publique pour que cette dernière demeure le média de mobilité par excellence et atteigne tous les publics, les plus jeunes en particulier ; d'autre part, utiliser à plein la Maison de la Radio rénovée en développant une offre culturelle de spectacles riche et diverse. Ces ambitions doivent être poursuivies dans un cadre financier assaini. Le retour à l'équilibre des comptes devrait être atteint en 2018. L'État remplit sa part du COM en augmentant, comme prévu, sa dotation de fonctionnement de 8,7 millions d'euros. En revanche, le nouveau décalage du chantier immobilier justifie la baisse de 24,6 millions d'euros de la subvention d'investissement. Une mission a été confiée à M. Valls concernant l'achèvement des travaux pour déterminer les modalités d'aménagement du lieu.
Quant à France Télévisions, c'est un acteur essentiel à la mise en oeuvre des priorités du ministère que sont le soutien à la création, le pluralisme de l'information et la transformation numérique. Cependant, ce groupe ne peut être exempté de contribuer aux efforts collectifs de redressement des finances publiques. L'enjeu pour nous est de concilier cet impératif budgétaire et nos ambitions culturelles. J'entends notamment préserver au maximum l'investissement dans la création audiovisuelle et cinématographique. Les discussions sont en cours avec France Télévisions pour identifier les marges de manoeuvre permettant d'atteindre cet objectif tout en respectant la trajectoire budgétaire. L'ajustement du budget de France Télévisions sera eu bout du compte de moins de 1 % : il me semble donc facile à assumer, en jouant notamment sur les frais de structure et les frais techniques de diffusion. Une réflexion sur certains programmes doit certes être menée ; nous attendons des éléments à ce sujet de la part de l'entreprise pour la mi-novembre.
Vous avez aussi évoqué l'adaptation du financement de l'audiovisuel public. Le projet de loi de finances pour 2018 ne prévoit pas de réformer la contribution à l'audiovisuel public (CAP) l'an prochain mais cette question doit absolument être débattue car la CAP est adossée à la taxe d'habitation qui sera fortement modifiée à partir de 2018 ; par ailleurs, le développement de la consommation audiovisuelle sur les nouveaux supports numériques entraîne une baisse tendancielle de l'équipement des foyers en téléviseurs et donc un double risque d'érosion du rendement de la CAP et de moindres équités entre les foyers, dans la mesure où ceux qui regardent la télévision ailleurs que sur un téléviseur ne sont pas les moins aisés. Nous explorons donc des pistes de réforme de la CAP, parallèlement à l'indispensable réflexion sur les missions, l'organisation et l'efficacité de l'audiovisuel public. Vous l'avez évoqué, plusieurs réformes ont été menées en Allemagne et dans d'autres pays d'Europe : à nous de déterminer la meilleure solution pour la France.
Mme Piron et M. David ont tous deux évoqué France Médias Monde. Rappelons un chiffre clé, que l'on a tendance à oublier : l'augmentation du budget du groupe de 6,2 millions d'euros en 2018, avec une priorité accordée au développement du service hispanophone, effectif depuis quelques semaines. J'ai pu me rendre compte personnellement, lors de mon déplacement il y a une dizaine de jours, que les Mexicains en étaient très heureux. France Médias Monde est porteur d'une ambition majeure de rayonnement international ; c'est la raison pour laquelle le groupe voit son budget augmenter. Dans un contexte budgétaire contraint, la dotation allouée est certes en retrait de 1,9 million d'euros par rapport aux prévisions du contrat d'objectifs et de moyens mais l'augmentation du budget n'en est pas moins de 2,5 % par rapport à 2017 : c'est la plus forte hausse budgétaire de tout l'audiovisuel public. Cette dotation ne remet aucunement en cause les développements prévus, notamment le lancement de France 24 en espagnol, qui a eu lieu en septembre. Je sais que la présidente de France Médias Monde travaille actuellement à un aménagement des différents efforts engagés : ainsi, pour ce qui est du swahili, il pourrait s'agir de diminuer du nombre d'heures de diffusion dans cette langue et non de supprimer purement et simplement le programme.
S'agissant de la tutelle exercée sur le groupe, je vous rassure : nous travaillons en excellente harmonie avec nos collègues du Quai d'Orsay. Cette tutelle me semble donc davantage un plus qu'un frein.
Le lancement de France 24 en Amérique latine a été une opération remarquable. Après le français, l'anglais et l'arabe, l'enjeu est que l'audiovisuel extérieur français diffuse sa chaîne d'information en continu dans la troisième langue la plus parlée sur la planète et première langue d'un continent appelé à jouer un rôle croissant dans les grands équilibres mondiaux. L'État a largement accompagné ce projet qui justifiait, encore une fois, que les crédits de France Médias Monde progressent cette année de 6,2 millions d'euros. J'en profite d'ailleurs pour saluer les équipes qui ont mené avec succès le lancement de cette chaîne.
Comme vous le savez, monsieur le président Éric Woerth, nous avons trouvé à notre arrivée en mai dernier une situation budgétaire dégradée – la Cour des comptes l'a établi très clairement. Les COM signés n'étaient donc pas tenables et il a fallu ajuster la tendance des dépenses. En ce qui concerne les pistes d'économies pour France Télévisions, j'ai déjà donné des indications : j'attends les propositions de l'entreprise d'ici à la mi-novembre.