Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 19 mai 2020 à 21h30
Débat sur le thème : le déconfinement quelle mise en oeuvre après une semaine

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Ainsi donc, après des mesures de prévention prises avec retard, retard que l'ancienne ministre de la santé a elle-même reconnu, après un confinement précipité et un déconfinement organisé de manière hasardeuse, nous voilà donc dans le moment d'après, celui de la mise en oeuvre par le Gouvernement d'une stratégie de retour à la normale, normalité qui est pourtant à l'origine d'une bonne partie des problèmes auxquels nous avons été confrontés.

Le confinement n'était qu'une mesure d'urgence pour affronter la crise sanitaire provoquée par le covid-19 ; elle devait permettre de contrôler la diffusion de la contamination et d'enrayer la catastrophe en limitant le nombre de personnes accueillies en réanimation. Mal organisée, cette phase a régulièrement donné lieu à des consignes contradictoires et incohérentes. En refusant de planifier la mobilisation sanitaire, de réquisitionner tous les moyens permettant de produire les instruments de lutte, tels les masques, les tests, les respirateurs, en dédaignant les propositions de nationalisation d'un certain nombre d'entreprises défaillantes qui avaient pourtant le potentiel pour consentir à l'effort nécessaire, le Président, son gouvernement et sa majorité ont fait perdre au pays un temps précieux.

Alors que les conditions matérielles n'étaient pas réunies pour garantir la protection maximale de toute la population, Emmanuel Macron a pourtant décidé que le déconfinement aurait lieu le 11 mai. Une semaine après, il est encore trop tôt pour évaluer les effets sanitaires de ce déconfinement hasardeux. Nous souhaitons pourtant revenir sur un certain nombre de points qui montrent à quel point tout cela a été fait à l'encontre du bon sens et au mépris de l'objectif que je crois partagé très largement d'assurer la protection de tous. Sans sécurité sanitaire assurée à tous et à toutes, le déconfinement risque de favoriser le retour d'une forte circulation du virus et le rebond que nous craignons tous.

De ce point de vue, la gestion par le Gouvernement de la pénurie de masques et son refus de se donner les moyens d'y répondre est emblématique. Les masques sont un des outils majeurs permettant à chacun d'assurer sa protection et celle des autres. En refusant de mettre à contribution tous les appareils de production qui auraient permis de décupler nos capacités, nous nous sommes placés dans une situation de pénurie où nous sommes toujours malgré les dénégations du Président de la République, nouvelle manifestation de son mépris abyssal de l'intelligence collective. Aujourd'hui ces masques font défaut aux citoyens, aux salariés et le refus de procéder à des distributions gratuites et massives de masques complique encore la donne.

Du point de vue sanitaire, cela a été dit, la question des tests est également emblématique. Du point de vue social, on note que, s'il a fallu cette crise pour mesurer le rôle essentiel d'un certain nombre de professions et du secteur public de la santé, le refus de remettre en cause les stratégies de développement économique et d'austérité qui ont prévalu jusqu'ici persiste. Ainsi la revalorisation demandée depuis des années par le secteur de la santé est aujourd'hui concédée du bout des lèvres et assortie d'une remise en cause des 35 heures. On explique aux soignants qu'après avoir tout donné pour faire face à la crise sanitaire, elles et ils devront continuer à s'épuiser, quand ils ne sont pas morts au travail.

Du point de vue économique enfin, le refus de se donner les moyens, financiers notamment, d'une relance ambitieuse, au travers de la dette ou en taxant les hauts revenus montre à nouveau que les cadres de la pensée économique restent ceux du monde d'avant. La bifurcation nécessaire n'est pas au rendez-vous.

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