J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le budget de la mission « Santé » de la loi de finances pour l'année 2018.
Ce budget, comme celui de la mission « Solidarité, insertion sociale et égalité des chances » que vous avez examiné vendredi dernier, porte un engagement de sincérité. Cet engagement conduit à remettre à niveau des dotations budgétaires précédemment sous-évaluées et à faire augmenter fortement – de 177 millions d'euros, soit 14 % à périmètre constant – les crédits de la mission.
Ce budget traduit également l'attachement du Gouvernement au pilotage de la santé publique et à la préservation, dans l'intérêt de tous, des dispositifs d'accès aux soins ouverts aux personnes en situation irrégulière.
Je souhaite précisément commencer par évoquer l'Aide médicale d'État (AME). Je veux le redire, puisque cette question a déjà été abordée à plusieurs reprises, lors des questions au Gouvernement ou lors du débat sur le PLFSS, je suis attachée à l'AME, à la fois en tant que ministre chargée de la santé et en tant que ministre en charge des professionnels et des établissements de santé. En tant que ministre en charge de la santé d'abord, car l'AME, en plus de protéger et d'apporter des soins à ses bénéficiaires directs, permet la protection de la population et la prise en charge à un stade précoce de certaines affections à risque de transmission ; en tant que ministre en charge des établissements de santé ensuite car, si les personnes concernées ont besoin de soins, elles seront prises en charge – c'est l'honneur de nos hôpitaux et de nos professionnels de santé de ne pas faire de discrimination –, mais elles le seront tardivement et probablement à la charge des hôpitaux.
Supprimer l'AME, comme je l'entends parfois préconiser, serait plus qu'une mauvaise idée, ce serait une faute au regard de la santé publique. Nous prenons donc nos responsabilités. Les crédits de l'aide médicale d'État de droit commun, qui constituent la principale dépense du programme 183, seront augmentés de 108 millions d'euros et portés à 923 millions d'euros afin de financer, dans une volonté de budgétisation sincère, une dépense de guichet tendanciellement dynamique.
Nous observons, il est vrai, un léger infléchissement des effectifs bénéficiaires au cours des derniers trimestres connus, ce qui a permis de revoir à la baisse la prévision d'exécution pour 2017. Toutefois, le Gouvernement a souhaité construire ce PLF en retenant une prévision prudente et une dépense croissant selon le rythme tendanciel constaté ces dernières années.
Nous souhaitons par ailleurs renforcer l'efficience de la gestion de l'AME : comme toute prestation, elle doit être contrôlée et gérée au mieux par les organismes qui la servent. Ainsi, à compter de mi-2018, les trois caisses d'assurance maladie de Paris, Bobigny et Marseille assureront-elles l'instruction de l'ensemble des demandes d'AME en métropole. Cette mutualisation permettra, outre des économies de gestion, d'améliorer l'accès au dispositif par la réduction des délais d'instruction et l'harmonisation des procédures, ainsi que de renforcer le pilotage et le contrôle des dossiers.
Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) est la deuxième composante du programme 183. Les crédits du budget de l'État destinés à doter le Fonds sont reconduits à hauteur de 8 millions d'euros. Il s'agit bien sûr d'une contribution annexe puisque le fonds est financé principalement, au titre de l'exposition professionnelle, par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que l'Assemblée nationale a adopté en première lecture il y a tout juste une semaine prévoit de doter le fonds de 270 millions d'euros en 2018. Cette dotation correspond à ce qui est nécessaire pour faire face à ses engagements à l'égard des victimes de l'amiante et de leurs ayants droit.
La mission « Santé » comprend également le programme 204, consacré à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins. Ses crédits – un peu moins de 500 millions d'euros – ne couvrent bien sûr qu'une petite partie de l'investissement collectif en matière de santé ; c'est vrai en matière d'organisation sanitaire comme de prévention, puisque les crédits du programme qui abondaient le Fonds d'intervention régional (FIR) des agences régionales de santé (ARS) ont été transférés cette année à l'assurance maladie. Mais ces crédits financent des composantes essentielles de notre dispositif de protection et d'expertise en santé.
Le projet de budget qui vous est présenté procède à une simplification du financement des agences sanitaires, en transférant à l'assurance maladie les financements, minoritaires de l'Agence de la biomédecine (ABM) et de l'École des hautes études en santé publique (EHESP). Cela permettra d'achever le travail de « décroisement » des financements de l'État et de l'assurance maladie commencé cette année avec l'Agence nationale de santé publique (ANSP).
Cette rationalisation permet également, au-delà de la simplification des circuits financiers, un recentrage de l'État sur les agences ayant, à titre principal, des missions de sécurité sanitaire. Quatre opérateurs de santé restent ainsi financés par l'État par le biais de la mission « Santé » : l'Agence nationale de santé publique (ANSP), l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et l'Institut national du cancer (INCa).
Les crédits qui leur sont affectés sont nominalement en légère progression, de 4,4 millions d'euros, mais du fait du taux de mise en réserve ramené à 3 %, les crédits disponibles augmenteront en fait de 14 millions d'euros.
La négociation budgétaire a ainsi permis de prendre en compte le rebasage nécessaire des agences, afin de retrouver une trajectoire d'équilibre à moyen terme, tout en faisant les économies attendues des opérateurs de l'État dans le cadre du redressement des comptes publics.
Dans les années qui viennent, l'Agence nationale de santé publique, aura un rôle déterminant à jouer dans la déclinaison de la stratégie nationale de santé 2017-2022, actuellement soumise à la consultation du public. Cette stratégie est bâtie autour de quatre axes : prévention, égalité d'accès aux soins, innovation, pertinence et qualité. Le premier de ces axes, au coeur de la politique de santé que je souhaite déployer, fait du renforcement de la prévention tout au long de la vie et dans tous les milieux un objectif prioritaire, pour lequel l'ANSP est un acteur incontournable.
L'ANSP continuera également d'avoir un rôle primordial dans la gestion des situations sanitaires exceptionnelles, compte tenu de l'accroissement des risques qui pèsent sur la santé publique. Sa mobilisation sans précédent pour la gestion des conséquences du cyclone Irma aux Antilles en témoigne : plus de 450 réservistes sanitaires ont été mobilisés sur place et 10 tonnes de matériel acheminés.
L'ANSM, quant à elle, a pour objectif de favoriser un accès rapide à l'ensemble des produits de santé innovants et de garantir un haut niveau de sécurité sanitaire de tous les produits de santé tout au long de leur cycle de vie. La réforme de la pharmacovigilance et de la matériovigilance fait actuellement l'objet de notre réflexion.
Dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, qui va entraîner le départ de Londres de l'Agence européenne du médicament, l'ANSM doit renforcer sa présence au sein de l'Union européenne où la qualité de son expertise est reconnue. Elle doit aussi renforcer son efficience et poursuivre sa modernisation : cela passe en particulier par une stabilisation de son organisation.
Les orientations de travail de l'ANSES pour 2018 s'inscriront dans le cadre des différents plans nationaux et de la stratégie nationale de santé. Avec ses partenaires français, européens et internationaux, l'ANSES continuera à déployer son expertise sur l'ensemble des grands enjeux sanitaires, à travers notamment ses expertises pour la qualité de l'air, les perturbateurs endocriniens, les nanomatériaux, les produits phytopharmaceutiques et biocides, la lutte contre l'antibiorésistance, les médicaments vétérinaires…
Enfin, l'INCa continuera à assurer le rôle de pilote de l'application du plan Cancer 2014-2019, dont plus de 50 % des jalons sont achevés à mi-parcours.
À côté du financement des grands opérateurs de santé, le programme 204 intègre également les dépenses d'indemnisation des victimes de la Dépakine pour un montant total de 77,7 millions d'euros, contre 10 millions d'euros en LFI 2017 lors du lancement du dispositif. Cette indemnisation est, comme vous le savez, assurée par l'Office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux (ONIAM). Les premiers dossiers sont examinés depuis ce mois-ci, et le dispositif sera pleinement opérationnel, avec les premières indemnisations, dès 2018, d'où la montée en charge budgétaire.
Tels sont les axes les plus saillants d'un budget qui participe, avec l'ensemble des dépenses mobilisées par ailleurs dans le cadre de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), à la mise en oeuvre de la politique de santé et d'accès aux soins du Gouvernement.