COMMISSION ÉLARGIE
(Application de l'article 120 du Règlement)
Mardi 7 novembre 2017
Présidence de Mme Émilie Cariou, vice-présidente de la commission des finances, et de Mme Brigitte Bourguignon présidente de la commission des affaires sociales
La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.
projet de loi de finances pour 2018
Santé
Madame la ministre, nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés à la mission « Santé ».
Je souhaite la bienvenue à Mme la ministre et à tous nos collègues commissaires des finances comme des affaires sociales.
J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le budget de la mission « Santé » de la loi de finances pour l'année 2018.
Ce budget, comme celui de la mission « Solidarité, insertion sociale et égalité des chances » que vous avez examiné vendredi dernier, porte un engagement de sincérité. Cet engagement conduit à remettre à niveau des dotations budgétaires précédemment sous-évaluées et à faire augmenter fortement – de 177 millions d'euros, soit 14 % à périmètre constant – les crédits de la mission.
Ce budget traduit également l'attachement du Gouvernement au pilotage de la santé publique et à la préservation, dans l'intérêt de tous, des dispositifs d'accès aux soins ouverts aux personnes en situation irrégulière.
Je souhaite précisément commencer par évoquer l'Aide médicale d'État (AME). Je veux le redire, puisque cette question a déjà été abordée à plusieurs reprises, lors des questions au Gouvernement ou lors du débat sur le PLFSS, je suis attachée à l'AME, à la fois en tant que ministre chargée de la santé et en tant que ministre en charge des professionnels et des établissements de santé. En tant que ministre en charge de la santé d'abord, car l'AME, en plus de protéger et d'apporter des soins à ses bénéficiaires directs, permet la protection de la population et la prise en charge à un stade précoce de certaines affections à risque de transmission ; en tant que ministre en charge des établissements de santé ensuite car, si les personnes concernées ont besoin de soins, elles seront prises en charge – c'est l'honneur de nos hôpitaux et de nos professionnels de santé de ne pas faire de discrimination –, mais elles le seront tardivement et probablement à la charge des hôpitaux.
Supprimer l'AME, comme je l'entends parfois préconiser, serait plus qu'une mauvaise idée, ce serait une faute au regard de la santé publique. Nous prenons donc nos responsabilités. Les crédits de l'aide médicale d'État de droit commun, qui constituent la principale dépense du programme 183, seront augmentés de 108 millions d'euros et portés à 923 millions d'euros afin de financer, dans une volonté de budgétisation sincère, une dépense de guichet tendanciellement dynamique.
Nous observons, il est vrai, un léger infléchissement des effectifs bénéficiaires au cours des derniers trimestres connus, ce qui a permis de revoir à la baisse la prévision d'exécution pour 2017. Toutefois, le Gouvernement a souhaité construire ce PLF en retenant une prévision prudente et une dépense croissant selon le rythme tendanciel constaté ces dernières années.
Nous souhaitons par ailleurs renforcer l'efficience de la gestion de l'AME : comme toute prestation, elle doit être contrôlée et gérée au mieux par les organismes qui la servent. Ainsi, à compter de mi-2018, les trois caisses d'assurance maladie de Paris, Bobigny et Marseille assureront-elles l'instruction de l'ensemble des demandes d'AME en métropole. Cette mutualisation permettra, outre des économies de gestion, d'améliorer l'accès au dispositif par la réduction des délais d'instruction et l'harmonisation des procédures, ainsi que de renforcer le pilotage et le contrôle des dossiers.
Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) est la deuxième composante du programme 183. Les crédits du budget de l'État destinés à doter le Fonds sont reconduits à hauteur de 8 millions d'euros. Il s'agit bien sûr d'une contribution annexe puisque le fonds est financé principalement, au titre de l'exposition professionnelle, par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que l'Assemblée nationale a adopté en première lecture il y a tout juste une semaine prévoit de doter le fonds de 270 millions d'euros en 2018. Cette dotation correspond à ce qui est nécessaire pour faire face à ses engagements à l'égard des victimes de l'amiante et de leurs ayants droit.
La mission « Santé » comprend également le programme 204, consacré à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins. Ses crédits – un peu moins de 500 millions d'euros – ne couvrent bien sûr qu'une petite partie de l'investissement collectif en matière de santé ; c'est vrai en matière d'organisation sanitaire comme de prévention, puisque les crédits du programme qui abondaient le Fonds d'intervention régional (FIR) des agences régionales de santé (ARS) ont été transférés cette année à l'assurance maladie. Mais ces crédits financent des composantes essentielles de notre dispositif de protection et d'expertise en santé.
Le projet de budget qui vous est présenté procède à une simplification du financement des agences sanitaires, en transférant à l'assurance maladie les financements, minoritaires de l'Agence de la biomédecine (ABM) et de l'École des hautes études en santé publique (EHESP). Cela permettra d'achever le travail de « décroisement » des financements de l'État et de l'assurance maladie commencé cette année avec l'Agence nationale de santé publique (ANSP).
Cette rationalisation permet également, au-delà de la simplification des circuits financiers, un recentrage de l'État sur les agences ayant, à titre principal, des missions de sécurité sanitaire. Quatre opérateurs de santé restent ainsi financés par l'État par le biais de la mission « Santé » : l'Agence nationale de santé publique (ANSP), l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et l'Institut national du cancer (INCa).
Les crédits qui leur sont affectés sont nominalement en légère progression, de 4,4 millions d'euros, mais du fait du taux de mise en réserve ramené à 3 %, les crédits disponibles augmenteront en fait de 14 millions d'euros.
La négociation budgétaire a ainsi permis de prendre en compte le rebasage nécessaire des agences, afin de retrouver une trajectoire d'équilibre à moyen terme, tout en faisant les économies attendues des opérateurs de l'État dans le cadre du redressement des comptes publics.
Dans les années qui viennent, l'Agence nationale de santé publique, aura un rôle déterminant à jouer dans la déclinaison de la stratégie nationale de santé 2017-2022, actuellement soumise à la consultation du public. Cette stratégie est bâtie autour de quatre axes : prévention, égalité d'accès aux soins, innovation, pertinence et qualité. Le premier de ces axes, au coeur de la politique de santé que je souhaite déployer, fait du renforcement de la prévention tout au long de la vie et dans tous les milieux un objectif prioritaire, pour lequel l'ANSP est un acteur incontournable.
L'ANSP continuera également d'avoir un rôle primordial dans la gestion des situations sanitaires exceptionnelles, compte tenu de l'accroissement des risques qui pèsent sur la santé publique. Sa mobilisation sans précédent pour la gestion des conséquences du cyclone Irma aux Antilles en témoigne : plus de 450 réservistes sanitaires ont été mobilisés sur place et 10 tonnes de matériel acheminés.
L'ANSM, quant à elle, a pour objectif de favoriser un accès rapide à l'ensemble des produits de santé innovants et de garantir un haut niveau de sécurité sanitaire de tous les produits de santé tout au long de leur cycle de vie. La réforme de la pharmacovigilance et de la matériovigilance fait actuellement l'objet de notre réflexion.
Dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, qui va entraîner le départ de Londres de l'Agence européenne du médicament, l'ANSM doit renforcer sa présence au sein de l'Union européenne où la qualité de son expertise est reconnue. Elle doit aussi renforcer son efficience et poursuivre sa modernisation : cela passe en particulier par une stabilisation de son organisation.
Les orientations de travail de l'ANSES pour 2018 s'inscriront dans le cadre des différents plans nationaux et de la stratégie nationale de santé. Avec ses partenaires français, européens et internationaux, l'ANSES continuera à déployer son expertise sur l'ensemble des grands enjeux sanitaires, à travers notamment ses expertises pour la qualité de l'air, les perturbateurs endocriniens, les nanomatériaux, les produits phytopharmaceutiques et biocides, la lutte contre l'antibiorésistance, les médicaments vétérinaires…
Enfin, l'INCa continuera à assurer le rôle de pilote de l'application du plan Cancer 2014-2019, dont plus de 50 % des jalons sont achevés à mi-parcours.
À côté du financement des grands opérateurs de santé, le programme 204 intègre également les dépenses d'indemnisation des victimes de la Dépakine pour un montant total de 77,7 millions d'euros, contre 10 millions d'euros en LFI 2017 lors du lancement du dispositif. Cette indemnisation est, comme vous le savez, assurée par l'Office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux (ONIAM). Les premiers dossiers sont examinés depuis ce mois-ci, et le dispositif sera pleinement opérationnel, avec les premières indemnisations, dès 2018, d'où la montée en charge budgétaire.
Tels sont les axes les plus saillants d'un budget qui participe, avec l'ensemble des dépenses mobilisées par ailleurs dans le cadre de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), à la mise en oeuvre de la politique de santé et d'accès aux soins du Gouvernement.
Pour 2018, le Gouvernement propose que les crédits de la mission « Santé » s'élèvent à 1,41 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), ce qui représente une augmentation significative par rapport à 2017.
La mission « Santé » porte les crédits de la politique de santé de l'État. Elle se compose de deux programmes : le programme 183 « Protection maladie », qui finance quasi-exclusivement l'aide médicale d'État, c'est-à-dire l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, et absorbe environ deux tiers des crédits de la mission ; le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui représente environ un tiers des crédits de la mission et comporte notamment les subventions pour charges de service public versées aux agences de santé.
Le projet de loi de finances pour 2018 propose une hausse des crédits du programme 183 exclusivement dédiée à ceux alloués à l'AME de droit commun et une hausse des crédits de la prévention du programme 204 qui n'est en réalité qu'un trompe-l'oeil.
Pour ce qui est du programme 183, la logique observée depuis 2013, à savoir une augmentation systématique des crédits ouverts au titre de l'AME, semble pouvoir être inversée, mais des incertitudes demeurent.
Pour 2018, les crédits demandés s'élèvent, en AE et en CP, à 923 millions d'euros : concrètement, ce sont 109 millions d'euros qui sont ajoutés à l'AME de droit commun. Cette augmentation soulève plusieurs questions :
Les crédits de l'AME de droit commun votés en loi de finances initiale pour 2017 s'élevaient à 772 millions d'euros. Le taux de consommation de ces crédits au 15 octobre s'établit aux alentours de 70 %, et la direction de la sécurité sociale m'a indiqué qu'ils ne seraient sans doute pas consommés intégralement en année pleine. L'hypothèse d'une consommation à hauteur de 745 millions d'euros a été avancée. Je m'interroge dès lors sur la pertinence de cette augmentation de 14 % des crédits, qui apparaît en décalage avec les dernières évolutions constatées. Madame la ministre pouvez-vous nous éclairez sur ce point ?
Plus généralement, l'évolution du nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun est orientée à la baisse depuis la fin de l'année 2016 : comment expliquez-vous ce phénomène ? Est-il conjoncturel ou structurel ?
En ce qui concerne le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », on constate là aussi une augmentation des crédits de 9,8 % en AE et de 9,5 % en CP, alors même que l'Agence de la biomédecine et l'École des hautes études en santé publique (EHESP) sont désormais financées par les crédits de l'assurance maladie.
Cette augmentation ne traduit pourtant pas un effort particulier en direction de la prévention, puisque les agences du programme continuent à diminuer leurs dépenses de fonctionnement et à subir une baisse de leurs équivalents temps plein de 2,5 %. Cette évolution est plus défavorable pour l'ANSES que pour l'ANSM, la nouvelle agence Santé publique France présentant une situation particulière sur laquelle je vais revenir.
En réalité, cette augmentation des crédits est presque entièrement consacrée à l'action 11, dont l'objet est de rationaliser et de mieux piloter les actions de santé publique. Le PLF pour 2018 propose en effet d'augmenter ses crédits de 34 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2017. Pour autant, cette croissance ne reflète pas une attention accrue apportée aux actions de partenariat, de veille ou d'études et de recherches ; elle correspond à la croissance exponentielle de la ligne budgétaire consacrée aux actions juridiques et contentieuses.
En effet, à côté de la subvention pour charges de service public de l'ANSP, qui s'élève à 151,3 millions, c'est la dotation de 77,7 millions prévue pour le financement du dispositif d'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés, comme la Dépakine, dispositif géré par l'ONIAM, qui explique la croissance des crédits de cette action. Ce niveau très important de dotation a été défini compte tenu du nombre potentiel de dossiers, de la ventilation des dommages par pathologies et par gravité, et des frais de fonctionnement du dispositif.
L'indemnisation de ces personnes est certes une bonne chose, pour autant, cette augmentation des crédits ne se traduit pas réellement par un abondement des mesures de pilotage de la politique de santé publique qui sont le coeur de cette action ; il s'agit donc d'une augmentation en trompe-l'oeil. Par ailleurs, cette procédure d'indemnisation étant récente, quelles évolutions anticipez-vous pour les exercices à venir ? Je souhaiterais également que vous nous donniez le montant des crédits du FIR dédiés à la prévention, afin d'avoir une vue plus exacte du budget consacré à cette dernière.
Pour en revenir à la situation de Santé publique France, je souhaite appeler votre attention sur la montée en puissance des dépenses au titre de la réserve sanitaire gérée par l'équipe de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). Le rôle que remplit la réserve sanitaire est absolument nécessaire et très efficace, on l'a vu lors du passage de l'ouragan Irma à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Mais l'envoi sur place de 350 réservistes a coûté près de 4 millions d'euros : des évolutions sont-elles envisagées pour prendre en compte ce poste de dépenses grandissant ?
Plus globalement, je déplore que la prévention soit, au sein du budget de la mission « Santé » une variable d'ajustement, dont les crédits ont baissé d'environ un tiers, entre la loi de finances initiale pour 2013 et ce PLF pour 2018 alors que, dans le même temps, les crédits du programme 103 qui finance l'aide médicale d'État ont augmenté de 40 %.
Pour l'ensemble de ces éléments, je donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».
Bien que les crédits de la mission « Santé » s'élèvent à 1,416 milliard d'euros en AE et à 1,417 milliard en CP, soit une augmentation de 12 %, il convient de relativiser cette progression. En effet, elle résulte principalement de deux facteurs : d'une part, la forte augmentation des frais de justice du programme 204 en prévision des dépenses du contentieux de la Dépakine, qui devraient dépasser cette année 78 millions d'euros ; d'autre part, la poursuite de la dynamique de la dotation à l'aide médicale d'État du programme 183, qui augmente de 13 % et s'élèvera à 923,7 millions d'euros en AE et CP pour 2018.
S'agissant de l'AME, je remarque néanmoins que les crédits inscrits dans ce PLF devraient être plus conformes aux dépenses réalisées et non pas sous-budgétés comme les années précédentes.
Je souhaiterai surtout revenir sur la cohérence du périmètre de cette mission. En effet, d'année en année, le déséquilibre des crédits s'accroît entre les deux programmes, au détriment du programme 204 qui ne représente que 35 % du total. Je rappelle que ce programme concerne la prévention, la sécurité sanitaire et l'offre de soins.
De plus, depuis 2015, nombre de crédits comme ceux affectés au financement de plusieurs agences sanitaires ou au FIR ont été transférés à l'assurance maladie, et la tendance se poursuit en 2018.
J'en viens à l'Agence nationale de santé publique, à laquelle j'ai choisi de consacrer la deuxième partie de mon rapport.
Après plus d'une année d'existence, l'ANSP a installé ses instances de gouvernance et a conduit un premier programme de travail. Au moment où le Gouvernement et la ministre souhaitent donner un nouvel élan à la prévention – ce dont je me félicite – elle se révèle un acteur-clé dans ce domaine. Son ambition est de se positionner comme une instance d'expertise et d'ingénierie incontournable. Sa force est de regrouper au sein d'une même structure des experts de la veille épidémiologique, des experts en prévention et des experts de l'urgence sanitaire, tous issus de la fusion de plusieurs agences. C'est pourquoi, elle a choisi de renouveler son approche de la promotion de la santé en privilégiant le continuum entre épidémiologie et prévention.
Parallèlement, l'agence a souhaité repenser les moyens mis au service de la prévention. Cela passe par trois démarches : d'abord, le développement d'une prévention fondée sur des données probantes ; ensuite, une stratégie de marketing social utilisant de nouveaux outils comme les réseaux sociaux et les applications de téléphonie mobile ; enfin, la diffusion d'une nouvelle culture de l'évaluation. L'illustration parfaite de cette prévention repensée est la campagne « Mois sans tabac », lancée par l'ANSP en 2016 et reconduite en 2017 après évaluation de ses retombées positives.
Néanmoins, force est de constater qu'il reste à l'ANSP à trouver sa place au sein d'un paysage fragmenté où de multiples acteurs concourent à la prévention, sans véritable coordination.
Son principal défi réside dans l'articulation de ses missions de prévention avec celles menées par les ARS. Ces dernières, qui sont chargées d'élaborer les projets régionaux de santé, sont soucieuses de préserver leurs prérogatives dans ce domaine. D'ailleurs, d'après les textes, l'ANSP ne peut faire partager son expertise qu'à la demande de l'ARS et dans le respect de ses moyens et priorités. Afin de favoriser le développement de ces relations entre l'ANSP et les ARS, dans quelles mesures pourrions-nous imposer un volet « mission prévention et promotion de la santé » dans les conventions établissant leurs relations ?
De même, l'ANSP devra se positionner vis-à-vis des autres agences sanitaires, notamment l'INCa, et surtout vis-à-vis de l'assurance maladie. La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), via son Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS), finance les actions de lutte contre le tabagisme de l'ANSP, ce qui rend la collaboration déséquilibrée. Cette question du financement des actions de prévention est cruciale, car ce type d'action ne produit que des effets à long terme et est donc moins visible. Comment assurer un financement pérenne des actions de prévention ? Que pensez-vous de ma proposition de créer un sous-objectif « prévention » au sein de l'ONDAM, que j'ai défendue lors de l'examen du PLFSS pour 2018 ?
S'agissant plus spécifiquement des ressources de l'ANSP, aucun crédit n'est sanctuarisé pour financer ses actions de prévention et de promotion de la santé, qui pâtissent de la priorité donnée à l'urgence. Ainsi, cette année, la gestion du cyclone Irma a-t-elle entraîné des dépenses de 1,9 million d'euros en l'espace d'une quinzaine de jours.
De plus, ses ressources sont limitées car l'agence doit se plier à l'effort de rigueur budgétaire demandé aux opérateurs de l'État. Elles sont surtout très peu diversifiées : 90 % de ses moyens proviennent d'une subvention pour charges de service public, le reste étant principalement issu de deux taxes dont les recettes sont limitées : la taxe sur les jeux plafonnée à 5 millions d'euros ; la taxe sur les dépenses de promotion des annonceurs de produits gras, salés et sucrés, dont le produit n'excède pas 150 000 euros, en raison d'un mécanisme d'exonération.
Comment accroître la diversification des ressources de l'agence ? Ne pourrait-elle bénéficier d'autres recettes fiscales, notamment d'une fraction du fonds tabac ?
Par ailleurs les recettes de la taxe sur les dépenses de promotion étant limitées par les possibilités d'exonération offertes aux annonceurs de produits gras, salés et sucrés, ne serait-il pas judicieux de revoir le mécanisme de cette taxe ?
Madame Louwagie, nous observons en effet, depuis la fin de 2016, une baisse continue du nombre des bénéficiaires de l'AME, baisse qui n'avait donc pas été prise en compte lors de la budgétisation de 2017. On explique mal cette baisse, dont on ne sait si elle correspond uniquement à une baisse des effectifs – c'est ce qui apparaît pour les trois premiers trimestres de 2017 – ou à une diminution des demandes de soins.
Si la baisse des effectifs se confirme, la réserve de précaution de 63,5 millions d'euros devrait non seulement permettre de couvrir les dépenses de l'année mais également d'effacer la dette de l'État, d'un montant de 11,5 milliards d'euros. Il est vrai que, dans ce cas, les crédits alloués pourraient être trop importants, mais nous avons opté pour la prudence et nous sommes fondés sur l'évolution tendancielle de ces dernières années, afin d'éviter une sous-budgétisation.
Reste que nous avons du mal à prévoir avec précision l'évolution de l'AME, car, par définition, nous connaissons mal les populations concernées, puisqu'il s'agit pour l'essentiel d'étrangers en situation irrégulière. L'état de santé de ces personnes varie selon leur pays d'origine et leur mode de vie, et il est difficile de prévoir leur durée de séjour.
Pour ce qui concerne la Dépakine, comme pour les victimes du Mediator, les crédits inscrits correspondent au fonctionnement des instances d'expertise et d'indemnisation des victimes de la Dépakine et de ses dérivés, qui siègent auprès de l'ONIAM, ainsi qu'à la réparation des dommages qui n'auraient pas été pris en charge par les responsables identifiés. Le collège d'experts a tenu sa première séance le 12 octobre 2017 et a examiné une dizaine de dossiers. Il est donc un peu tôt pour inférer quoi que ce soit quant aux indemnisations ou à d'éventuelles difficultés. Les prévisions de dépenses sont encore sujettes à de fortes évolutions, le calibrage du fonds ayant été réalisé assez largement, de façon à permettre un processus d'indemnisation fluide. Un suivi constant de l'évolution des dossiers est assuré en lien avec l'ONIAM, afin d'ajuster au fil de l'eau les prévisions, dont les variations dépendent à la fois de l'ampleur des dommages constatés chez les personnes et de l'attitude de ceux qui auront été désignés comme responsables, à commencer par les exploitants du produit.
Vous m'avez également interpellée sur les crédits du FIR, notamment qui sont orientés vers la prévention. Je rappelle que le FIR assume cinq missions principales : la prévention, l'organisation des soins, la permanence des soins, la répartition de l'offre, l'efficience et la démocratie sanitaire. Les crédits de la mission 1 – promotion de la santé et prévention – représentaient en 2016 479 millions d'euros et 14,4 % du total du fonds, en nette progression par rapport à 2015 : 439 millions d'euros.
Pour mémoire, les crédits du FIR vont augmenter en 2018 de 3,1 %, soit nettement plus qu'au cours des trois années précédentes : 2,1 % en 2017 comme en 2015 et 1 % en 2016. Nous aurons donc des marges de manoeuvre supplémentaires.
Le cadre d'emploi de la réserve sanitaire sera actualisé en 2018 par la Direction générale de la santé (DGS) en prenant en compte le retour d'expérience de la gestion des conséquences du passage de l'ouragan Irma.
Je rappelle qu'il s'agit de la plus importante mobilisation de la réserve sanitaire en dix ans d'existence, dont le coût final sera supporté par le programme 204 dans une régularisation budgétaire habituelle, qui ne pèsera pas sur les crédits de prévention.
M. Vercamer m'a interrogée au sujet des liens existant entre l'Agence nationale de santé publique et les agences régionales de santé. Comme vous l'indiquez dans votre rapport, les relations entre ces organismes sont organisées sur la base d'une convention type prévue par le code de la santé publique.
Cette convention avait initialement pour objet de tirer les conséquences de l'intégration à l'ANSP des cellules d'intervention en région (CIRE). Plus largement, cette convention définit les conditions d'accomplissement des missions de l'Agence dans ses relations avec les ARS. Elle prévoit notamment la possibilité de mise à disposition pour les agences par l'ANSP d'une expertise en prévention et promotion de la santé.
Comme vous, je souhaite que ce qui est aujourd'hui possible devienne une réalité, et que les ARS et l'Agence nationale de santé publique collaborent de façon plus effective. L'ANSP peut ainsi appuyer les ARS en fournissant des recommandations de bonnes pratiques, des référentiels et des tutoriels relatifs aux actions de prévention, des stratégies d'intervention – voire d'innovation – scientifiquement fondées, et apporter son aide méthodologique.
Pour avoir présidé un certain nombre d'agences sanitaires, j'observe que la plupart d'entre elles sont assez récentes – une dizaine d'années. C'est par des conventions qu'elles ont appris à travailler ensemble, à éviter les doublons, et à coopérer plutôt que de se concurrencer. Ces relations de coopération tissées au fil du temps entre l'Agence nationale de santé publique et les agences régionales de santé, comme entre les agences sanitaires elles-mêmes concourent ainsi à une meilleure efficacité du système.
Vous avez par ailleurs évoqué la constitution d'un ONDAM consacré à la prévention ; il est évidemment nécessaire de suivre l'évolution des dépenses de prévention au sein du système de santé, et je m'étais posé cette question lors de mon arrivée au ministère.
L'annexe VII du PLFSS donne déjà des indications relatives au montant des dépenses engagées au titre de la prévention institutionnelle, qui sont évaluées à 5,6 milliards d'euros. Les dépenses de prévention imputées sur les dépenses courantes de santé sont elles évaluées à 9,3 milliards.
La création d'un ONDAM de prévention n'est pas pertinente parce que les dépenses concernées sont très difficiles à isoler. De fait, la qualification des dépenses de prévention obéit à certaines conventions, et, en l'état actuel des connaissances, il est plus indiqué d'opérer un suivi statistique au lieu d'un suivi comptable qu'exigerait un ONDAM.
En outre la création d'un sous-objectif dans l'ONDAM nécessite un pilotage réalisé à travers des opérateurs clairement identifiés. Or, par essence, les dépenses de prévention sont transverses et sont engagées par de multiples acteurs et de très nombreux opérateurs ; à ce titre il est très malaisé de les retracer.
Enfin, le champ de la prévention est par nature bien plus large que celui du soin et celui des professionnels de santé, il inclut nombre de dépenses n'apparaissant pas dans le PLFSS – médecine du travail, la médecine scolaire, les centres de Protection maternelle et infantile (PMI). Il est donc très difficile d'identifier ce que nous dépensons collectivement pour les enjeux de prévention. J'ai commandé à la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS) et à la Commission des comptes de la santé un rapport afin qu'elles approfondissent leurs travaux et consolident l'ensemble de ces budgets.
Vous m'avez encore demandé si l'ANSP pourrait bénéficier de recettes fiscales supplémentaires, notamment d'une fraction du fonds de lutte contre le tabac. L'ANSP bénéficie déjà d'une taxe sur les jeux ainsi que d'une taxe sur les dépenses de promotion ; pour autant les sommes collectées ne sont pas très élevées : 5 millions d'euros pour la première et 300 à 500 millions pour la seconde. J'entends diversifier les ressources de l'Agence ; toutefois, dans un souci de saine gestion, l'État est réticent à disperser l'affectation de recettes fiscales à de multiples opérateurs et préfère recourir à des concours budgétaires comme c'est le cas pour l'ANSP.
Par ailleurs, l'ANSP, comme l'INCa, est susceptible de bénéficier des financements dans le cadre des projets qui seront soumis au conseil de gestion du fonds de lutte contre le tabac, notamment pour l'intensification de l'opération « Mois sans tabac » et la diversification des outils propres à améliorer son efficacité. Les flux financiers entre le fonds de lutte contre le tabac et l'Agence sont donc déjà rendus possibles ; j'en avais d'ailleurs bénéficié pour financer des études interventionnelles sur le tabac lorsque je présidais l'INCa.
Le rendement de la taxe sur la promotion des produits gras, salés et sucrés est très faible, il devrait augmenter quelque peu en 2017 du fait de l'augmentation du taux de la taxe de 1,5 % à 5 % obtenue dans le cadre de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Les montants n'en demeureront pas moins modestes : 356 000 euros perçus par l'ANSP en 2016, 500 000 euros prévus en 2017. Nous avons budgété 300 000 euros pour 2018. Ce faible rendement s'explique par le fait que les annonceurs préfèrent intégrer les informations à caractère sanitaire aux publicités plutôt qu'acquitter la taxe.
On peut donc considérer que l'objectif est atteint, les enquêtes réalisées montrant d'ailleurs que les messages ont contribué à la notoriété des repaires nutritionnels du Programme national nutrition santé (PNNS). La question est donc moins celle de l'augmentation de la taxe que celle de l'efficacité et de la persistance des messages de santé publique.
D'autres pays ont adapté des taxes sur ce type de produits avec un système de barème, et les producteurs et les distributeurs ont ainsi été conduits à réorienter leur commerce vers des produits beaucoup plus light. Cela prouve que les taxes peuvent inciter au changement.
Le programme 204 de la mission « Santé » est consacré à la prévention, la sécurité sanitaire et l'offre de soins.
Or, l'engagement prioritaire actuel dans le secteur de la santé, tant pour le Gouvernement que pour le Parlement – j'interviens au nom du groupe La République en Marche –, est d'organiser la révolution de la prévention, domaine relativement négligé par le passé en France. Nous saluons, madame la ministre, les avancées déterminées dans l'application des vaccinations ainsi que dans la lutte contre le tabagisme.
Il importe d'étendre et de compléter ces actions de prévention, notamment dans le domaine de la santé sexuelle. Il est bon qu'une nouvelle stratégie de santé sexuelle pour les années 2017 à 2030 ait été élaborée. Il est important que soit fixé l'objectif de mettre un terme à l'épidémie de sida ainsi qu'à d'autres infections sexuellement transmissibles (IST).
L'expérience des dernières décennies prouve que cela ne se décrète pas, mais se réalise de concert avec l'ensemble des acteurs : professionnels de santé et de la prévention, malades et usagers, et, bien sûr, associations. Le rôle de ces dernières a été déterminant dans le contrôle des infections au VIH ou au virus de l'hépatite. Aujourd'hui, ces associations se plaignent de la réduction des crédits, qui les conduisent à licencier leurs salariés, et de l'insuffisance en moyens comme en personnels pour assurer leurs missions.
Pouvez-vous nous rassurer quant aux budgets qui seront alloués à l'avenir à ces acteurs de premier plan, associations et organismes, particulièrement ceux qui sont engagés dans la lutte contre le sida ?
Comment sinon faire reculer ce chiffre de 6 000 nouvelles contaminations par le VIH chaque année en France ? Comment assurer le dépistage des 25 000 à 30 000 séropositifs qui ignorent leur état et partant, ne prennent pas de traitement et propagent le virus ? Comment garantir que les 150 000 Français qui vivent avec le VIH auront une bonne observance de leur traitement antirétroviral indispensable pour leur état de santé autant que pour empêcher la transmission du virus ?
Je souhaite ouvrir à nouveau le dossier de l'aide médicale de l'État, en évitant une confusion dans les arguments. Vous avez exprimé votre attachement à l'AME au titre de la protection des populations, et considéré que c'était l'honneur de la France de garantir ce type de protection.
Il ne s'agit pas, dans l'esprit du groupe Les Républicains de supprimer l'aide médicale de l'État, mais de proposer, notamment par voie d'amendement, qu'une cotisation, un forfait ou un paiement, même minime, soit acquitté par ceux qui en bénéficient. Et cela est tout différent de ce que proposait votre collègue Bruno Lemaire, qui en février 2016, considérait que l'AME devait être supprimée, car son coût explosait et devenait incontrôlable. Vous pouvez constater que, même au sein de votre gouvernement, une polyphonie d'avis peut exister à ce sujet.
De fait, le cap symbolique du milliard d'euros sera sans doute dépassé cette année ; devant une telle dépense, il faut s'interroger sur l'évolution du système. Or, nous ne sommes pas totalement rassurés par vos propos, car vous indiquez que le calcul a été élaboré par rapport au tendanciel constaté ces dernières années. Pour 2017 ce chiffre est de plus 13 %, alors qu'entre 2009 et 2015, la hausse des dépenses de l'AME s'établissait à 38 % ; j'éprouve donc quelque difficulté à comprendre comment vos calculs ont été établis.
Le sujet est celui de l'égalité entre les Français qui ont cotisé toute leur vie pour bénéficier d'une protection médicale et des personnes entrées illégalement sur le territoire national, et pour lesquels les mêmes soins ne coûtent rien sans qu'aucune contribution soit versée.
Que l'on ne nous dise pas que les intéressés ne sont pas en mesure de payer, un article récemment publié dans l'hebdomadaire Marianne et intitulé « Le téléphone portable, un instrument de survie pour les réfugiés », montre que 98 % des populations du Proche-Orient et d'Afrique du Nord possèdent ces appareils, et que les immigrés clandestins en sont tous équipés. Quand on a les moyens de payer le forfait d'un téléphone portable, on est en mesure d'acquitter ponctuellement 30 euros pour l'aide médicale de l'État !
M.Cyrille Isaac-Sibille. Les priorités de la mission « Santé » du projet de loi de financement de la sécurité sociale complètent celles du PLFSS.
Les députés du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés se réjouissent qu'au sein de ce budget, la prévention, que le premier axe de la mission 203 vise à renforcer, permette de réduire les inégalités sociales et territoriales dans le domaine de la santé. En fléchant le financement des actions de chacun des acteurs – nationaux à l'échelle de l'ANSP et régionaux à celle des ARS –, le Gouvernement se dote d'une méthodologie efficace.
Par ailleurs, il prolonge ses efforts de simplification des acteurs tant sur le plan financier par le décroisement des financements entre l'État et l'assurance maladie, mais aussi sur le plan opérationnel par le recentrage en quatre opérateurs chargés de missions de sécurité sanitaire.
L'action 19 « Modernisation de l'offre de soins » fait progresser les systèmes d'information, notamment dans le cadre du projet « Hôpital numérique ». Il nous semble toutefois que les crédits alloués ne permettent pas une modernisation suffisante de notre système de soins.
Dans son rapport du mois de juin dernier consacré aux achats hospitaliers, commandé par notre commission des affaires sociales et la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), la Cour des comptes considère que le problème « d'une évolution inaboutie de la fonction « achats » pour les 878 établissements médicaux publics » est posé. Ce manque de définition de la fonction « achats » s'explique par l'absence de systèmes d'information et d'outils de gestion et de suivi propres à traiter cette fonction.
Nous souhaitons donc que le Gouvernement prenne acte des conclusions de la Cour et se donne les moyens d'aider les établissements hospitaliers en les dotant d'une assistance à maître d'ouvrage.
Les moyens consacrés à la mission « Santé » pour l'année 2018 augmentent de 12 % et les crédits de la mission 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de 10 %.
Le groupe Les Constructifs salue les premières mesures prises en faveur de la vaccination obligatoire et de la lutte contre le tabagisme. Mais, comme l'a observé M. Touraine, de nombreux chantiers restent à ouvrir dans le domaine de la prévention. Ainsi,, nous souhaiterions connaître vos projets, par exemple pour la prévention de l'alcoolisme, singulièrement chez les jeunes.
Compte de la réduction du périmètre due au transfert de la biomédecine et de l'École des hautes études en santé publique à l'Assurance maladie, les crédits de ce programme sont en progression. Toutefois, selon l'avis du rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Vercamer, cette augmentation profite principalement aux frais de justice. Ainsi, les crédits dévolus à l'administration centrale baissent de 8 millions.
Les crédits du programme 183 « Protection maladie » consacré à l'aide médicale d'État augmentent fortement. Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2016, la Cour des comptes avait relevé une nette sous-budgétisation de l'AME de droit commun. La hausse des crédits consacrés à ce programme doit donc être saluée, qui participe à l'effort de sincérité annoncé par le Gouvernement.
Notre groupe suivra l'avis du rapporteur et votera les crédits de la mission « Santé ».
La mission « Santé » se compose des deux programmes 204 et 183. Les crédits du programme 204, consacré à la prévention, sont en baisse, en termes non pas de masse globale mais de lignes budgétaires : pour la prévention des maladies chroniques de 7 %, et pour la prévention des risques liés à l'environnement et l'alimentation de 6 %.
Le Gouvernement diminue les crédits alloués à la prévention des maladies neurodégénératives (MND) ainsi qu'aux maladies résultant du vieillissement. Les crédits consacrés à la lutte contre le cancer et à la prévention des dépendances subissent le même sort alors même que la lutte contre le tabagisme était présentée la semaine dernière, lors de l'examen du PLFSS, comme une priorité.
Le Gouvernement réduit aussi les crédits dévolus à la lutte contre les troubles mentaux ainsi qu'à la lutte contre les infections par le VIH, les IST, les hépatites et la tuberculose.
Les crédits destinés à la politique de santé et de la qualité des pratiques de soins diminuent quant à eux de 6,7 %.
Pour leur part, les crédits du programme 183 relatifs à l'aide médicale de l'État augmentent de 8 % ; nous nous en félicitons car il est nécessaire de financer la hausse tendancielle de la dépense.
Aussi, si nous avions eu à nous prononcer sur ces deux programmes pris séparément, aurions-nous voté contre le programme du Gouvernement consacré à la prévention du fait de la diminution de ses crédits. En revanche, nous aurions été favorables à l'adoption des crédits dévolus à l'aide médicale de l'État, dispositif essentiel sur le plan tant sanitaire qu'humanitaire, ainsi que des crédits destinés à l'indemnisation des victimes de l'amiante.
En conséquence, le groupe Nouvelle gauche s'abstiendra.
Le groupe La France insoumise se félicite que les crédits dévolus à l'AME soient maintenus, car ce dispositif très important nous est cher.
De leur côté, les crédits alloués à la prévention baissent. Je ne vous étonnerai pas en affirmant que nul n'est mieux placé que les soignants pour mener la prévention. Pourtant, les moyens nécessaires ne sont pas engagés pour qu'un nombre suffisant de ces personnels soit disponible pour échanger avec les patients. Nous entrons d'ailleurs dans la période où il serait bienvenu que les soignants aient un peu de temps pour discuter avec les patients du vaccin contre la grippe.
Ce n'est évidemment pas l'argent qui consolera les parents des enfants atteints d'autisme à cause de la Dépakine, même si l'indemnisation n'est bien sûr pas à négliger. De ce point de vue, il est curieux que la totalité de la dépense incombe à l'État : une participation a-t-elle été demandée au laboratoire Sanofi ?
Le budget consacré à la mission « Santé » est en augmentation. Toutefois, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine constate que les crédits du programme 204 ont été redistribués, ce qui entraîne une baisse des moyens alloués à certaines actions.
Comme au cours des années précédentes, la prévention demeure le parent pauvre de ce budget. À cela s'ajoutent de nouvelles suppressions d'emploi. Dans ces conditions, comment comprendre que les crédits de l'action « Santé des populations » diminuent de moitié et que ceux de l'action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » baissent de 4 millions ?
Au-delà des chiffres, la politique de prévention proposée entend éduquer et informer sur les pratiques à risque conduisant à des maladies graves. Bien que nécessaire, cette approche comportementaliste ne saurait masquer le fait que, plus que les mauvais comportements, ce sont les inégalités sociales et économiques qui se révèlent déterminantes.
Si la France dispose de l'un des systèmes de santé les plus performants au monde, elle est également l'un des pays européens où les inégalités sociales de santé sont les plus importantes. Ainsi, à 35 ans l'espérance de vie d'un ouvrier est inférieure de 5 ans à celle d'un cadre, et l'écart pour l'espérance de vie en bonne santé atteint 9 ans ; voilà la réalité.
La vraie prévention consisterait donc à s'attaquer aux déterminations structurelles de la santé, ce que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) nomme « cause des causes » : conditions de vie, de travail, de logement, répartition des richesses, du pouvoir d'achat et du savoir dans la société, poids des rapports sociaux inégalitaires entre groupes sociaux plus ou moins exposés aux inégalités, discriminations d'âge, de sexe, d'origine, de classe.
Alors que vous avez fait de la prévention votre priorité : comment pouvez-vous conduire votre action avec des moyens en diminution ?
Enfin, pourquoi 57 postes sont-ils supprimés, après que 40 l'ont déjà été en 2017 ?
Monsieur Touraine, le programme 204 a toujours consacré une forte contribution au financement des associations. Cet effort est maintenu, particulièrement en faveur des associations qui luttent contre le VIH et sont actives dans la prévention.
Les associations ont pu s'inquiéter que la présentation du budget qui laisse apparaître une diminution des crédits qui leur sont attribués. Mais cette baisse résulte principalement de la suppression des 1,6 million de la réserve parlementaire, dont 694 000 euros dévolus à la lutte contre le VIH.
Les associations doivent donc être rassurées, car cette réserve sera transférée à un fonds de 25 millions d'euros qui leur sera destiné : les moyens que le ministère consacre aux associations demeurent constants.
Les associations se sont encore inquiétées du maintien des emplois ; à cet égard, je rappelle que le transfert du crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) vers une baisse de charge leur apportera plus de 1,5 milliard d'euros supplémentaires. Ainsi, elles seront gagnantes à la fin de l'année 2018.
Monsieur Aubert, l'AME est un serpent de mer… Il n'est pas bien d'opposer les cotisations des Français à l'aide médicale d'État car leurs logiques sont totalement différentes. L'AME relève de l'action humanitaire, du droit à la santé, mais aussi de la protection de nos populations.
À chaque fois que l'on tente de raboter quelques euros sur l'AME, en instituant par exemple un droit de timbre, les bénéficiaires accèdent plus lentement aux soins, arrivent bien plus malades dans les hôpitaux, ce qui, in fine, coûte beaucoup plus cher, sans compter le risque d'exposition infectieuse de la population française.
Ne mettez donc pas inutilement les Français en opposition : leurs cotisations servent bien à payer les dépenses de l'assurance maladie et de la sécurité sociale ; l'AME ressortit au budget de l'État, il n'y a aucun flux financier entre les deux. En outre le panier de soins des bénéficiaires est extrêmement réduit, il est plus faible que celui de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Ils n'ont par ailleurs pas accès à un grand nombre de médicaments de confort.
Les soins ainsi remboursés sont donc absolument nécessaires : il ne faut pas jouer avec ces choses-là !
Enfin, la comparaison avec un forfait de téléphonie mobile à 20 euros est malvenue : quand on bénéficie de l'AME et qu'on souffre d'une tuberculose résistante, le problème n'est pas de payer 30 euros pour une consultation (Vifs applaudissements.). Pardonnez ma fougue mais je pense qu'il faut vraiment faire attention.
En effet, Monsieur Isaac-Sibille, la Cour des comptes s'est montré critique sur la question des achats hospitaliers. Je rappelle toutefois que l'une des grandes orientations des groupements hospitaliers de territoire (GHT) consiste à rationaliser les achats. Un rapport récent a souligné l'existence d'un gisement d'économie potentiel d'un milliard d'euros. Ces économies sont donc identifiées dans le cadre de l'ONDAM hospitalier discuté lors de l'examen du PLFSS.
Nous ménageons ainsi une large marge de manoeuvre au secteur hospitalier grâce à la pratique des achats groupés au sein des GHT dans le cadre du programme Performance hospitalière pour des achats responsables (PHARE).
Mme Firmin Le Bodo m'a interrogée sur les actions qui demeurant à mener dans le secteur de la prévention ; je répondrai aussi à M. Bruneel, à Mme Fiat ainsi qu'à M. Aviragnet.
Vous n'êtes pas sans savoir que la prévention est ma priorité, et que je souhaite un changement de paradigme dans notre société. La prévention ne se résume pas à un budget du programme 204, loin de là ; et je considère la vision que nous en avons depuis quelques années est quelque peu restrictive et has been.
Nous savons que les grandes campagnes de prévention menées dans les médias sont très coûteuses, alors que leur impact sur la société et les comportements est extrêmement faible. Nous devons introduire de la prévention dans l'ensemble de nos politiques publiques, c'est-à-dire dans la médecine scolaire, dans la médecine du travail, dans la protection environnementale, dans l'éducation et la promotion de la santé à l'école, dans des villes promotrices de santé qui aident par exemple à la marche à pied. Or, ces actions ne trouvent pas leur traduction dans le programme 204.
Il me semble par ailleurs qu'à l'heure du marketing social, il est vain de dépenser quatre ou cinq millions d'euros dans une grande campagne télévisée en faveur de l'arrêt du tabac, dont nous connaissons la grande modicité de l'impact. En comparaison, la communication dans les réseaux sociaux pour le mois sans tabac ou contre l'alcoolisme des jeunes est beaucoup plus efficace et touche énormément de monde avec des budgets cinq à dix fois moins importants.
Vous ne pouvez donc pas juger ma politique de prévention en vous fondant sur les seuls crédits du programme 204, notamment s'agissant des maladies chroniques.
Je concède très volontiers à Mme Fiat que les soignants et l'ensemble des professionnels de santé sont d'excellents promoteurs de prévention ; mais ils ne sont pas aujourd'hui incités à aborder ce sujet avec leurs patients, tout simplement parce que cette démarche n'est pas tarifée ; elle ne constitue pas un acte médical.
Si nous voulons que les professionnels de santé s'emparent des enjeux de prévention, les recommandations de bonnes pratiques doivent présenter la prévention comme relevant du soin, au même titre qu'un médicament, ce que j'avais entrepris de faire à la Haute Autorité de santé, en incluant dans les recommandations de bonnes pratiques du traitement des maladies chroniques, non pas seulement le traitement médicamenteux de l'hypertension artérielle mais aussi l'éducation à la santé, à l'activité physique ainsi qu'à l'alimentation.
Par ailleurs, nous devons changer le mode de tarification de la médecine : il faut cesser la tarification à l'acte et passer au forfait. Ce forfait, ce parcours de soins, prendra la prévention en compte. Je suis en train de changer tout le système de santé en modifiant les modes de tarification des professionnels pour que les enjeux de prévention fassent partie de leur quotidien.
Afin que ces enjeux soient bien intégrés dans la politique générale du Gouvernement, un comité interministériel dédié à la politique de santé se tiendra au mois de décembre sous la présidence du Premier ministre.
La politique de prévention que je souhaite mener me tient tellement à coeur que je souhaite que vous sortiez de cette salle en étant convaincus qu'elle ne peut en aucun cas se résumer au programme 204
Madame Fiat, le fonds d'indemnisation des victimes de la Dépakine doit seulement permettre de dédommager ces dernières le plus rapidement possible, et d'éviter qu'elles n'aient besoin d'attaquer elles-mêmes le laboratoire – avec les délais que cela supposerait. La création de ce fonds ne signifie en aucun cas que nous ne nous retournerons pas contre Sanofi, car ce n'est évidemment pas à l'État de payer.
L'AME suscite toujours des réactions irrationnelles et vous avez, Madame la ministre, parfaitement répondu à la question à ce propos.
La non-assistance à personne en danger ne fait pas partie de l'ADN de notre pays. Pourtant, créer un ticket qui permette d'accéder à l'AME signifierait bien que son bénéfice ne serait pas accordé à ceux qui n'auraient pas payé ! Mais je ne connais pas une blouse blanche dans ce pays, à l'hôpital ou en cabinet de ville, qui refusera de soigner un malade parce qu'il ne dispose pas du bon document. Quelqu'un qui est malade, c'est quelqu'un qui est malade !
Considérer qu'il faut introduire un droit de timbre pour accéder à l'AME ou même qu'il faut revenir sur ce dispositif, comme le proposait le programme du candidat Fillon pendant la campagne présidentielle, revient à croire que, demain, des médecins, en ville ou à l'hôpital, seraient capables de refuser des soins à un malade sous prétexte qu'il n'aurait pas le bon tampon. J'affirme que cela n'existe pas en France.
Si vous restreignez l'accès à l'AME, vous ferez peser le coût des soins, qui seront malgré tout dispensés, sur les hôpitaux et sur la médecine de ville. À mon sens, même dans une logique d'offre et d'accès aux soins, l'AME est un système de solidarité qui ne se discute pas.
Si l'épidémiologie doit être le corollaire de la prévention, comme le dit M. François Bourdillon, directeur de l'ANSP, si cela nous conduit à repenser le modèle de la prévention, il nous faut nous interroger sur les résultats obtenus en termes d'indice de santé au regard des moyens déployés.
Les résultats attendus ne sont pas toujours à la hauteur des espérances, notamment auprès des populations fragilisées. Cela implique de juger de l'efficience des campagnes de prévention, fondées notamment sur de l'information pure mais pouvant s'avérer peu performantes en termes de proximité, et d'en évaluer l'impact en tenant compte du facteur temps. Madame la ministre, quelles réponses et quels moyens proposez-vous pour repenser le modèle de prévention afin d'améliorer sa mise en oeuvre sur le terrain et son efficience, en cohérence avec les actions pilotées par l'ANSP et les ARS ?
L'Institut national du cancer, groupement d'intérêt public, est chargé de coordonner la lutte contre le cancer et de piloter le plan 2014-2019 qui comporte dix-sept objectifs opérationnels. En France, 355 000 personnes sont concernées par un diagnostic de cancer chaque année, et 3 millions de personnes vivent avec ou après un cancer. Malgré tous les progrès médicaux, le cancer demeure la première cause de mortalité. C'est dire l'importance du sujet qui dépasse le cadre de ce budget, mais sur lequel je voudrais vous entendre, madame le ministre, puisque vous faites de la prévention votre priorité.
UNICANCER, qui réunit tous les centres de lutte contre le cancer (CLCC), a présenté soixante propositions au nouveau Président de la République. Quelles réponses leur apportez-vous ?
La cancérologie française doit évoluer pour intégrer les progrès de la recherche, les nouvelles attentes des patients, l'e-santé, ou la chirurgie ambulatoire. Tous les professionnels s'accordent sur l'idée qu'il faut optimiser le pilotage de l'organisation de la lutte contre le cancer. Un certain nombre de priorités sont évoquées, comme les impacts organisationnels des nouvelles thérapies, la diffusion de l'expertise entre professionnels, l'évolution des modèles de prise en charge, l'accompagnement des soignants vers de nouveaux métiers, le rôle de coordination des établissements de santé, les relations avec les professionnels de ville, l'organisation territoriale, le digital.
Quels efforts entreprendrez-vous en faveur de la prévention du cancer ? Quel regard portez-vous sur le plan cancer 2014-2019 ? Quelles priorités mettrez-vous en avant pour le quatrième plan que vous préparez déjà, en particulier pour favoriser des dispositions plus précoces en termes de prévention et de prise en charge, pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales, et pour accélérer l'émergence de l'innovation au bénéfice des patients ?
Monsieur Perrut, peut-être ne le savez-vous pas : j'ai écrit le plan cancer. Il est donc difficile pour moi de porter un jugement sur un travail auquel j'ai consacré cinq ans de ma vie et sur un plan que j'ai piloté.
J'ai voulu qu'il comporte absolument tous les objectifs possibles et imaginables pour améliorer la prise en charge des patients atteints de cancer dans notre pays. Je souhaite que 100 % de ces objectifs soient atteints. Je suis, avec une très grande attention, le pilotage de ce plan par l'INCa afin de m'assurer que nous y parviendrons, et je ne voudrais pas réfléchir à un autre plan tant que cela ne sera pas le cas. Le plan en cours est en effet extrêmement ambitieux en termes de dépistage et de prévention.
Il ne manquait qu'un seul élément essentiel à la panoplie nécessaire à la lutte contre le cancer : l'action contre tabac. J'avais du mal à obtenir des arbitrages favorables. Dès que j'ai pris mes nouvelles fonctions, j'ai pu « m'arbitrer » moi-même – c'est plus simple : j'ai augmenté de trois euros le prix du tabac.
Le dépistage n'est plus standardisé : nous avons prévu sa personnalisation en fonction des niveaux de risque. Nous avons travaillé sur les déterminants sociaux et géographiques du cancer. Beaucoup reste à faire mais, en la matière, tout ne dépend pas d'une agence sanitaire : il faut mettre en oeuvre des politiques de la ville, des politiques de l'emploi, des politiques de l'école. En nous intéressant aux déterminants de santé, nous atteignons la limite d'un plan cancer.
S'agissant de l'organisation des soins, nous avions bien anticipé les questions de l'ambulatoire, de la prise en charge des patients qui prennent des médicaments per os, et de l'organisation territoriale, avec des plateformes territoriales d'appui.
Nous avons beaucoup travaillé sur la qualité de vie. J'ai négocié afin d'obtenir le droit à l'oubli pour les patients. Je pense que l'on peut aller encore plus loin dans ce domaine : j'attends de l'INCa qu'il me propose des évolutions.
La recherche française sur le cancer est l'une des plus visibles dans le monde, et des plus performantes, en particulier grâce à des crédits dédiés et au pilotage stratégique par l'INCa.
Je peux vous garantir que je porte une attention particulière à ce sujet. Malheureusement le nombre de personnes atteintes d'un cancer a encore augmenté dans notre pays jusqu'à 385 000 nouveaux malades en 2016. Tant que ces chiffres ne baisseront pas, nous n'aurons pas gagné cette bataille.
Monsieur Delatte, j'ai déjà répondu à propos de la prévention en termes de tarification, de parcours, de forfait. J'ai parlé d'une politique générale gouvernementale dans tous les milieux, au travail et à école, par exemple.
Il faut encore mieux articuler des travaux des agences, en particulier ceux des ARS et de l'ANSP, et ceux de l'ANSP et de l'INCa. Il est possible d'améliorer l'efficience de notre système en renforçant les conventions existantes afin de supprimer les éventuels doublons. Le fait, par exemple, qu'une agence régionale produise elle-même des documents d'éducation à la santé, alors que l'ANSP fournit des documents à l'échelon national, constitue à mon sens à la fois une perte de temps et d'argent. Il faut éviter que l'expertise se répète à chaque niveau du territoire. Vous pouvez compter sur moi pour veiller à mettre de l'ordre dans tout cela et à bien coordonner les actions des uns et des autres.
Le 13 octobre dernier, le Gouvernement a présenté un plan de lutte contre les zones déficitaires en matière de démographie médicale, et annoncé un nouveau zonage dès 2018.
Les zones déficitaires établies par les ARS pour l'attribution des aides financières et l'application de mesures favorisant l'installation sont très souvent inadaptées. Quels critères proposerez-vous pour les redéfinir ?
Aujourd'hui, en zone de revitalisation rurale (ZRR), nous disposons de divers instruments favorables à l'installation : exonération fiscale pendant cinq ans, puis pendant trois ans supplémentaires, exonération de toutes les taxes locales, loyer gratuit pour le cabinet et pour le logement, achat d'équipements, aides financières à l'installation de la part de la commune, de la communauté de communes, du département, de la région. Pourtant il reste difficile de trouver des médecins. Que peut faire l'élu local qui est très peu accompagné par les ARS et qui se trouve confronté à une véritable pénurie de médecins en mieux rural ?
Le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » comporte des moyens consacrés à la politique de prévention en santé à destination des jeunes.
Par leur âge charnière entre l'enfance et l'âge adulte, les jeunes et les adolescents sont une population clé en termes de santé publique, et je me réjouis de constater que le projet de loi de finances pour 2018 réaffirme leur importance en permettant le financement de politiques et d'actions spécifiques pour la réduction des pratiques à risque, la lutte contre les addictions, la santé sexuelle, la santé mentale, ou encore la réduction des inégalités territoriales de santé, notamment dans les quartiers prioritaires.
Dans ce contexte, je m'interroge sur les actions à destination des jeunes contre l'usage nocif d'alcool. Les derniers chiffres publiés par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), en 2015, sont particulièrement alarmants. En dix ans, la proportion des 18-25 ans qui ont connu au moins une ivresse dans l'année est passée de 33 à 46 %, et elle a presque doublé pour ceux qui en ont connu au moins trois, passant de 15 % à 29 %. Un quart des 15-25 ans a expérimenté au moins une fois dans l'année des comportements d'alcoolisation massive, plus connu chez nos voisins anglo-saxons sous le terme de binge drinking. Ces pratiques, directement dommageables pour la santé des jeunes, favorisent les attitudes violentes, les agressions sexuelles et les accidents de la route.
Madame la ministre, comment cette problématique est-elle appréhendée aujourd'hui dans les politiques de prévention-santé destinées aux jeunes ? Constituera-t-elle un axe structurant du futur plan contre les drogues et les conduites addictives, qui couvrira la période 2018-2023 ?
Ma première question visait à relayer les inquiétudes des associations relatives aux crédits consacrés à la prévention, mais vous y avez largement répondu.
Ma seconde question concerne les addictions, en particulier la consommation abusive d'alcool. Nous devons mener une politique volontaire en la matière, car cette consommation est à l'origine de drames pour les consommateurs eux-mêmes, pour leur entourage et pour la société tout entière.
La Réunion connaît à la fois un taux d'abstinents particulièrement élevé – 18 % – et l'une des consommations d'alcool les plus fortes de notre pays, consommation véritablement mortifère. Lorsque les jeunes et les moins jeunes consomment, c'est pour se faire du mal et faire du mal aux autres, en particulier à leurs proches. Peut-être est-ce un raccourci, mais je crois que cette consommation n'est pas sans lien avec les chiffres élevés des violences dans les familles ou des violences envers les femmes. Comment pouvons-nous lutter ensemble contre ce très grave phénomène ?
Monsieur Morel-À-L'Huissier, j'ai présenté, le 13 octobre dernier, un plan d'accès territorial aux soins. La question de l'installation des médecins n'est désormais que l'une des composantes d'un plan qui vise à projeter le temps médical dans les territoires sous-dotés, et à développer l'interdisciplinarité – la pluriprofessionalité doit permettre à différents professionnels de se coordonner pour assurer un meilleur accès aux soins.
Le zonage, qui sert à définir le ciblage de l'État pour l'installation des médecins, devient un élément moins essentiel du plan que ce qu'il pouvait être lorsque la seule façon de remédier aux déserts médicaux consistait à s'imaginer que l'on réussirait à installer un médecin dans chaque territoire sous-doté.
Parce qu'il est clair que nous aurions un mal fou à simplement compenser par des installations les évolutions de la démographie médicale actuelle et la perte d'attractivité de certains territoires, j'ai décidé de changer de paradigme et de faire en sorte que les médecins hospitaliers ou libéraux donnent du temps médical dans des territoires sous-dotés. C'est tout l'esprit du plan.
Le zonage persiste parce que, si des médecins souhaitent s'installer dans les zones sous-dotées, il faut bien entendu que nous puissions les aider. Les critères retenus pour établir le nouveau zonage, qui sera publié prochainement par arrêté, ne prennent pas seulement en compte la densité médicale, ils intègrent l'accessibilité de la région. Ce nouveau zonage permet que 18 % du territoire bénéficie d'aides, au lieu de 7 % précédemment. Notre perception des zones sous-dotées a été élargie. Ce zonage n'est pas parfait, mais dès lors qu'il ne résume pas mon action en la matière, je n'en fais pas l'alpha et l'oméga de la politique de lutte contre les déserts médicaux.
Monsieur Mesnier, lorsque l'on veut faire de la prévention, on a tout intérêt à investir dans la jeunesse. Des études anglaises ont montré qu'un euro dépensé pour s'adresser aux enfants a le même effet que 50 euros visant les adultes. La stratégie nationale de santé comporte sept champs en matière de prévention parmi lesquels la santé sexuelle, la santé des jeunes, les addictions et la santé psychique. Nous rencontrons un énorme problème de dépistage précoce d'un certain nombre de troubles psychiques, en particulier les troubles « dys » de l'enfant.
Comme Mme Bareigts, vous m'avez interrogé sur la consommation excessive d'alcool qui constitue la deuxième cause de mortalité prématurée après le tabac. Si l'on additionne les décès causés par l'alcoolisme chronique et ceux dus à des accidents, sans même compter ceux consécutifs aux violences intrafamiliales ou aux violences faites aux femmes dont vous parliez, madame la députée, l'alcool est responsable d'environ 48 000 à 50 000 morts par an. Le coût de cette hécatombe est estimé à 7,5 milliards d'euros. Il est urgent d'agir.
Il est toutefois difficile de parler de l'alcool globalement. Il faut mener des politiques différentes, avec des outils différents, selon que l'on veut traiter le binge drinking qui concerne aujourd'hui les jeunes garçons comme les jeunes filles, l'alcoolisme chronique dans certains territoires, ou encore l'alcoolisme mondain. Cette politique complexe sera déclinée dans le programme national de santé publique qui sera rédigé en janvier. Il s'agit d'un axe de la stratégie nationale de santé.
J'ai évidemment l'intention de travailler à la réduction de l'alcoolisme des jeunes mais aussi de l'alcoolisme chronique qui est aujourd'hui la deuxième cause de cancer dans notre pays.
Madame Bareigts, vous avez évoqué La Réunion. Il est vrai qu'il existe des problèmes spécifiques à certains territoires. Les alcools consommés ne sont pas les mêmes partout – la question des taxes peut donc se poser différemment selon les lieux. De la même façon que nous faisons du marketing social en matière de prévention, je crois que notre approche doit être adaptée aux territoires et aux populations ciblées.
Je m'intéresse aux conséquences du décret modifiant les conditions d'exercice et de remplacement au sein des pharmacies à usage intérieur (PUI), qui soulève de nombreuses difficultés, j'ai pu le constater dans mon département de Meurthe-et-Moselle.
Dorénavant tout pharmacien qui souhaite exercer au sein d'une PUI devra être titulaire de l'un des diplômes d'études spécialisées. Ce texte s'applique à tous les pharmaciens, quel que soit leur statut, y compris lorsqu'ils assurent uniquement des remplacements.
Cette extension aux remplaçants pose des problèmes, notamment en dehors des métropoles, comme je peux le constater dans l'établissement de la Croix-Rouge française de Blamont, qui accueille des enfants, des adultes et des adolescents polyhandicapés. Il n'est pas évident de trouver des remplaçants justifiant des diplômes requis. La nouvelle restriction est d'autant plus regrettable que le nombre de pharmaciens diplômés n'est actuellement pas suffisant pour couvrir les besoins des établissements de santé.
Madame la ministre, avez-vous l'intention d'accorder une certaine souplesse afin de permettre à des pharmaciens d'officine d'effectuer des remplacements dans les PUI, comme cela se faisait jusqu'à maintenant – cela permet aux titulaires de prendre des vacances ? Comptez-vous promouvoir une validation des acquis de l'expérience pour ceux qui n'ont pas le diplôme exigé mais qui assurent ces remplacements depuis des années sans aucun problème ? Pourriez-vous autoriser les établissements à regrouper les pharmacies dans une seule entité ? Je pense aux groupements de coopération sanitaire (GCS), aux groupements d'intérêt économique (GIE), ou à la signature de conventions.
Sans ces assouplissements, le décret menace clairement l'existence de certaines pharmacies à usage intérieur, et il menace surtout la continuité des soins, la prise en charge de qualité, et la sécurisation du circuit médicamenteux.
Madame la ministre, vous connaissez les énormes difficultés que rencontre le centre hospitalier Andrée-Rosemon de Cayenne. Depuis des années déjà, élus et personnels de santé tirent la sonnette d'alarme pour dénoncer l'état catastrophique de l'offre publique hospitalière en Guyane. Incapacité à faire face aux créances à cause d'une trésorerie en permanence dans le rouge, vétusté des locaux et sous-effectif chronique figurent parmi les maux dont souffre l'hôpital de Cayenne qui doit, en plus, composer avec l'absence de nombreuses unités de soins et de spécialités médicales et chirurgicales.
Dans ce contexte compliqué, le personnel a obtenu le 9 juin dernier, au prix d'une grève de deux mois, la signature d'un protocole d'accord historique qui non seulement prévoit cent dix recrutements, mais promet également la transformation de l'établissement en centre hospitalier régional universitaire, ainsi que la création de centres hospitaliers à Saint-Georges et à Maripasoula, deux communes du littoral, éloignées et isolées, qui n'en sont pas moins de vrais bassins de vie.
La décision inattendue du Président de la République de ne plus construire d'hôpital à Maripasoula a semé le doute quant à la volonté du Gouvernement de mettre en place l'intégralité des mesures pourtant négociées alors qu'il était déjà en responsabilité. Six mois plus tard, les acteurs locaux ne peuvent cacher leurs inquiétudes quant à la concrétisation de cet accord, et l'on constate, de fait, un regain de tension au sein de l'hôpital de Cayenne.
Madame la ministre, lorsque nous l'interrogeons sur la qualité des soins dispensés, l'État nous répond par des chiffres en exigeant, étonnamment, des retours sur investissement. Pour l'heure, de nombreux fournisseurs de l'hôpital envisagent de déposer le bilan à cause des retards de paiement. Aussi, sans ignorer l'augmentation des crédits de la mission 183, qui répond à une vraie demande sociale d'ordre humanitaire et sanitaire, notamment en Guyane, je vous remercie de bien vouloir m'éclairer sur l'état d'avancement de l'application de l'accord du 9 juin 2017, ainsi que sur sa traduction budgétaire dans le PLF pour 2018.
Ma question porte sur la communication qui accompagnera l'élargissement de l'obligation vaccinale. L'article 34 du PLFSS pour 2018 prévoit, à juste titre, d'étendre la vaccination obligatoire en ajoutant huit vaccinations, aujourd'hui recommandées, aux trois déjà obligatoires. Cette obligation n'est pas assortie de sanctions, et elle a vocation à être levée lorsque les couvertures vaccinales appropriées seront atteintes, et que cette levée ne risquera pas d'entraîner une baisse des vaccinations.
Afin d'enrayer un mouvement général de méfiance envers la vaccination en France, il est important d'associer à cette mesure une action de communication de grande ampleur et de faire de la pédagogie autour des enjeux de la vaccination. Il me semble qu'il s'agit de la condition sine qua non pour obtenir durablement une couverture vaccinale maximale, et ainsi éliminer efficacement tout risque d'épidémie. Cette démarche s'inscrit dans la philosophie de la stratégie nationale de santé dont la prévention est l'axe majeur.
Madame la ministre, pouvez-vous nous donner davantage de précisions sur ce que vous comptez entreprendre pour améliorer la pédagogie en matière de vaccination ?
Monsieur Serville, le versement rapide d'une aide de 20 millions d'euros en trésorerie est prévu pour que le centre hospitalier puisse payer ses fournisseurs. La dette de l'établissement est évaluée à 30 millions d'euros, avec des délais de paiements qui mettent effectivement en danger ses créanciers.
Le versement d'une aide supplémentaire de 40 millions d'euros destinée à l'investissement dépendra de la qualité du projet soumis par le centre hospitalier, dès ce mois de novembre, au comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (COPERMO). Il sera donc possible de respecter les engagements pris. Nous attendons le dossier du centre hospitalier.
Monsieur Bazin, le projet de décret relatif aux conditions d'exercice dans les PUI est aujourd'hui en cours de concertation. Le Conseil d'État n'en a pas encore été saisi. Un certain nombre de pharmacies travaillent déjà à des regroupements afin qu'un pharmacien puisse assurer la surveillance des PUI qui ne parviennent pas à recruter des personnels remplissant les conditions nécessaires.
J'entends bien ce que vous me dites des difficultés de fonctionnement que connaissent les PUI des petits établissements du fait de ce décret, mais il faut bien comprendre que si la réglementation a été durcie, c'était pour permettre une meilleure sécurité des patients, en garantissant à chacun, où qu'il se trouve, de trouver un pharmacien de qualité, capable d'évaluer les risques potentiels de surdosage ou d'interaction médicamenteuse et de valider les processus et les procédures internes, afin d'assurer une qualité optimale de suivi et de traçabilité des médicaments.
En fait, beaucoup d'établissements se sont organisés au moyen d'un conventionnement entre hôpitaux, ce qui permet aux pharmaciens de s'assurer, en toute responsabilité, que ce qui est fait au sein des petits établissements est conforme aux procédures en vigueur et à la qualité attendue. Évidemment, l'idée n'est pas de mettre en difficulté les hôpitaux qui ne sont pas dotés actuellement d'un pharmacien titulaire du diplôme exigé : je pense qu'il y aura un accompagnement territorial par les ARS et, en tout état de cause, le décret fait l'objet d'une concertation, au terme de laquelle il sera sans doute un peu remanié. Cela dit, nous ne devons pas perdre de vue la balance bénéfice-risque : bien sûr, nous préférerions qu'il y ait des pharmaciens dans tout le territoire, mais nous devons également avoir des exigences de qualité en matière de contrôle et de suivi de la délivrance des médicaments.
Madame Fabre, je vous remercie de votre question sur l'obligation vaccinale, qui me donne l'occasion de préciser que cette obligation ne va évidemment pas se résumer à imposer des vaccins à compter du 1er janvier prochain, sans prévoir un accompagnement. Je sais que les Français expriment une certaine inquiétude à ce sujet, que les élus subissent de plein fouet dans leurs circonscriptions. Une grande campagne d'information, que nous nous efforçons de rendre aussi pédagogique que possible, est en cours d'élaboration avec l'ANSP et le service de communication du ministère.
Il se trouve que j'ai assisté hier à une réunion du G7 à Milan, où mon homologue italienne Béatrice Lorenzin nous a expliqué avoir promulgué cet été une loi rendant dix vaccins obligatoires, ce qui a suscité les mêmes difficultés qu'en France et nécessité une campagne d'accompagnement – dont nous avons pu constater qu'elle était de très bonne qualité. J'en ai parlé avec le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, ainsi qu'avec le commissaire européen à la santé, qui souhaitent nous accompagner dans notre campagne d'information, mais aussi pouvoir montrer en exemple les mesures prises en France et en Italie. J'ai saisi par courrier les musées nationaux concernés, notamment l'établissement public Universcience, afin de leur demander une information pédagogique sur le thème des vaccins, à l'image de l'exposition que prépare le musée des technologies de Milan. Une exposition au niveau européen est désormais envisagée, qui se tiendrait dans les musées de sciences et de technologie des différents États, afin d'informer sur l'histoire de la vaccination, son fonctionnement, ses bénéfices et ses risques. Cette idée me paraît extrêmement intéressante. En tout état de cause, nous nous efforçons de rassurer nos concitoyens par tous les moyens.
Mon propos rejoint celui de notre collègue Pierre Morel-À-L'Huissier, car je suis moi aussi un élu d'un territoire rural – la Mayenne – touché par ce fléau qu'est la désertification médicale.
Si de nombreuses initiatives ont été prises depuis des années pour lutter contre ce phénomène, force est de constater, malheureusement, que les dispositifs retenus ne permettent pas une répartition équilibrée des médecins sur notre territoire. Dans le cadre du PLFSS, vous avez proposé des solutions que les acteurs de terrain estiment insuffisamment innovantes : ils ont déjà testé ces dispositifs par le passé et jugent qu'ils n'apportent pas les résultats escomptés. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait aller plus loin et inciter les médecins à s'installer dans les zones sous-dotées, grâce à un dispositif de régulation semblable à celui qui existe déjà pour d'autres professionnels de santé, tels les pharmaciens ou les infirmiers ?
On pourrait ainsi envisager de conditionner le conventionnement à l'assurance maladie d'un nouveau médecin à la cessation d'activité libérale d'un médecin exerçant dans la même zone, de régionaliser le numerus clausus pour former des médecins là où on en a besoin, ou encore de contractualiser avec les jeunes médecins pour qu'ils exercent pendant cinq années dans une zone sous-dotée. Quand comptez-vous adopter des mesures véritablement innovantes, afin d'éviter d'aggraver une fracture médicale dont nous mesurons tous les jours les conséquences sur les populations de nos territoires ?
Il existe un territoire de la République où il y a trois moins de médecins par habitant que la moyenne – et vingt-cinq fois moins de médecins libéraux ; un seul centre hospitalier pour deux cent trente mille habitants ; quatre fois moins de spécialités médicales et chirurgicales ; quatre fois plus de mortalité infantile ; 7,3 % des enfants de moins de cinq ans en situation de sous-nutrition aiguë ; enfin, un effort financier de la collectivité nationale six fois moindre.
Ce territoire, qui est le plus grand désert médical de France, c'est Mayotte. Les statistiques de l'Agence régionale de santé de l'Océan Indien (ARS OI) sont sans appel : les ruptures de parcours de soins sont multiples, les structures sont surchargées dans des proportions inégalées – plus 25 % d'activité en trois ans à structure égale – et les personnels de santé sont en sur-mobilisation établie. Le centre hospitalier est devenu un immense service d'urgence dans lequel il n'y a presque plus de chirurgie programmée.
S'ajoute à cette situation l'absence de couverture santé pour la plupart des résidents étrangers, puisqu'ils sont clandestins. Ainsi, la majorité des dépenses de santé publique engagées à Mayotte, en particulier les 190 millions d'euros de dotations versées au centre hospitalier de Mayotte (CHM), sont une AME de fait, qui ne dit pas son nom. Nous avons donc affaire à une sous-évaluation du programme 183, ce qui pourrait conduire à douter de la sincérité de ce budget.
Madame la ministre, pourquoi refuse-t-on d'appliquer le code de la santé à Mayotte, qui est un département français ?
Pourquoi les Mahorais, qui sont des Français comme les autres, ne peuvent-ils pas bénéficier de l'application du droit de la santé ?
Pourquoi refuse-t-on d'étendre à Mayotte les dispositifs de l'AME, alors qu'ils auraient vocation à s'y appliquer ? Si le Président de la République a affirmé à juste titre en Guyane que nous devions soigner toutes les personnes se trouvant sur notre territoire, à Mayotte, la charge qui en résulte ne saurait être mise uniquement sur le dos des Mahorais. Madame la ministre, pouvez-vous me dire ce qui explique ce refus persistant d'appliquer l'AME à Mayotte ?
En ce qui concerne les zones démédicalisées, je vous rejoins, madame la ministre, sur le fait que le redéploiement des médecins déjà installés ou en cours d'installation au moyen de missions ponctuelles, parfois d'une seule journée, en un lieu précis, correspond plus aux pratiques actuelles des jeunes médecins. Le regroupement de médecins dans des maisons médicales ne doit pas forcément s'entendre par un lieu unique de pratique : la maison médicale n'est pas nécessairement une entité immobilière unique. Une pratique regroupée peut se concevoir sous la forme d'une équipe pluridisciplinaire axée sur un projet commun, basé sur un parcours complet de soins et le recours à des moyens informatiques partagés. De fait, chaque professionnel peut se rendre dans des lieux de consultation multiples, dont il fera usage ponctuellement – le maillage du territoire n'en sera que meilleur dans les zones les plus vastes et les plus déficitaires – et nous devons réfléchir à cette idée innovante.
Cela dit, madame la ministre, je souhaite surtout vous interroger sur la prévention. Vous avez prononcé tout à l'heure le mot-clé d'efficience, qui consiste à obtenir un maximum de résultats avec un minimum de coûts. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, cette pratique visant l'efficacité maximale, plutôt que l'accumulation de crédits, est particulièrement intéressante, comme le souligne le rapport de M. Vercamer. Ne pourrait-on envisager de pérenniser et renforcer cette efficience en intensifiant l'enseignement des méthodes préventives, plutôt que curatives, dans la formation initiale, mais aussi et surtout dans la formation continue des professionnels de santé ?
Je note avec satisfaction la stabilisation de la dotation de l'État au fonds d'indemnisation des victimes, notamment de l'amiante, à hauteur de 8 millions d'euros pour environ 18 000 bénéficiaires. Je salue également l'augmentation des moyens dévolus à l'AME.
Ma question concerne l'obésité morbide et sa prévention, qui ont fait l'objet de travaux de l'Académie nationale de chirurgie, repris dans un récent rapport de nos collègues de la commission des finances, qui ont évoqué, entre autres, le développement de la chirurgie bariatrique. Contrairement à ce que recommandent les bonnes pratiques, cette opération, dont le nombre a triplé entre 2006 et 2015, ne donne pas lieu systématiquement à un véritable suivi diététique et psychologique, ni à une reprise d'activité, ce qui risque évidemment d'être très dangereux pour les patients concernés.
Je me félicite que vous soyez sensible à la prévention et au dépistage des troubles psychiques, et j'aimerais savoir si a été mise en oeuvre une stratégie globale de la prise en charge de l'obésité morbide, comportant un suivi bio-psycho-social – je pense notamment à la prise en charge psychothérapeutique des manifestations comportementales qui expriment une véritable souffrance psychique. En d'autres termes, n'est-il pas temps d'envisager un remboursement pérenne des psychothérapies, qui permettrait de désengorger les centres médico-psychologiques (CMP), de répondre plus rapidement aux demandes de consultation et de prise en charge, et de prévenir, par les mots, l'apparition des maux ?
Enfin, pour ce qui est de la réadaptation à l'activité sportive, pensez-vous généraliser le financement par les ARS de l'accès aux activités effectuées dans le cadre d'associations sportives, afin de permettre à chacun de conserver un esprit sain dans un corps sain – mens sana in corpore sano, comme le disait Juvénal ?
Je commencerai par répondre à M. Favennec, en rappelant que la Mayenne est un territoire exemplaire, qui fait l'objet d'une certification médicale et a vu l'émergence de maisons de santé pluriprofessionnelles de très grande qualité, bénéficiant d'organisations extrêmement innovantes.
Je ne sais pas si ce sera suffisant, mais en tout cas, mon plan doit permettre d'être encore plus innovant, et je suis certaine que la Mayenne sera à la hauteur des défis.
Pour ce qui est de la contractualisation des médecins sur le territoire, nous renforçons les dispositifs existants grâce au plan destiné à aider les jeunes médecins à s'installer, notamment en payant leurs études en contrepartie d'une installation et d'un maintien sur place durant quelques années.
Augmenter le numerus clausus me paraît être une fausse bonne idée car, si on le fait en 2018, les premiers médecins à en bénéficier n'auront terminé les quatre années d'internat exigées pour la médecine générale qu'entre 2030 et 2035. Or, si la démographie médicale va diminuer jusqu'en 2025, elle devrait ensuite repartir à la hausse, puisque le numerus clausus a été largement augmenté depuis 2005. À partir de 2025, la progression de la démographie va être supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui : si nous ouvrons aujourd'hui le numerus clausus, nous risquons d'avoir trop de médecins en 2035.
Il convient donc de réfléchir pour tenter de déterminer aussi précisément que possible quels seront les besoins en médecins en 2035, mais aussi quel sera l'exercice de la médecine – je pense notamment au développement de la santé numérique et des algorithmes décisionnels. En d'autres termes, nous devons savoir anticiper mieux que ne l'ont fait nos prédécesseurs, dont les décisions ont conduit à la situation insatisfaisante que nous connaissons.
Vous le savez, je ne crois pas à la coercition. Si une réglementation coercitive peut donner de bons résultats pour réduire les effectifs de certains professionnels lorsque ceux-ci sont pléthoriques – c'est le cas pour les infirmières, par exemple –, elle est inopérante dans le cas d'une démographie médicale faible. En effet, il y a déjà tellement de postes vacants – y compris en exercice salarié : médecine du travail, médecine scolaire, médecine en laboratoire – que les médecins préfèrent un poste salarié dans une zone qui leur convient plutôt qu'une installation à leur compte. On ne peut pas utiliser le même outil pour remédier à des situations diamétralement opposées.
Contrairement à ce que vous dites, mon plan est très innovant. J'ai prévu énormément de dérogations réglementaires, beaucoup de financements permettant des innovations organisationnelles. Sur la base du principe consistant à projeter du temps médical, on a créé 400 postes d'assistants partagés entre les hôpitaux et les zones sous-dotées ; on encourage les stages hospitaliers des externes et des internes dans les territoires ; on favorise le cumul emploi-retraite pour les médecins qui souhaitent continuer à travailler ; enfin, on a multiplié par trois le plafond du cumul emploi-retraite. D'autres dispositifs restent à mettre en oeuvre, et je pense qu'il convient d'attendre que le plan ait été complètement appliqué pour évaluer ses effets et déterminer s'il est nécessaire de recourir à des mesures coercitives dans trois ou quatre ans.
Je me suis rendue à Mayotte le mois dernier afin de faire par moi-même le constat de la situation, que j'ai effectivement trouvée très préoccupante, et pas seulement pour la santé. Afin d'améliorer cette situation, il faut progresser par étapes, et nous en avons plusieurs à franchir avant de pouvoir appliquer le code de la santé à Mayotte.
Le Comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO) a retenu un projet de rénovation et d'extension du site actuel du CHM pour un montant total de 172 millions d'euros, en plusieurs phases : une phase 1, imminente, de 70 millions d'euros, qui va permettre une hausse du capacitaire de 60 % – ce qui représente plus de 150 lits supplémentaires, ainsi que la création de dix salles de bloc opératoire –, et une phase 2 de 102 millions d'euros, prévoyant le renforcement du pôle mère-enfant, car on compte actuellement un très grand nombre de maisons de naissance à Mayotte.
Par ailleurs, nous avons confié une mission à l'IGAS, qui doit rendre ses conclusions en janvier 2018 : il s'agit d'évaluer la situation financière de l'établissement et de formuler des propositions d'organisation. Ce que je souhaite, c'est accompagner Mayotte sur le long terme, en tenant compte des recommandations qui vont être faites par l'IGAS, et travailler à un plan d'action – partagé, notamment avec l'ARS – visant l'amélioration du système de santé dans sa globalité.
Le plan de lutte contre les déserts médicaux va permettre à Mayotte de réorganiser son offre de soins. De nombreuses infirmières m'ont fait part du fait qu'elles avaient de facto des délégations de tâches – non couvertes, en l'absence de médecins – les conduisant à effectuer des tâches médicales telles que l'adaptation des traitements anticoagulants. Le plan de renforcement de l'accès territorial aux soins prévoit que les territoires puissent organiser des délégations de tâches, ce qui permettra aux infirmières de Mayotte d'être couvertes pour de nombreux actes médicaux, qui feront désormais l'objet de procédures d'évaluation et de suivi. Je pense donc que le plan de renforcement de l'accès territorial aux soins répondra en partie aux problèmes que connaît Mayotte.
Plus largement, je pense que la santé dans les DOM est un problème particulier, auquel nous devons nous atteler. De ce point de vue, Mayotte n'est pas le seul territoire concerné : les situations de la Guyane et des Antilles, sont également très préoccupantes. La stratégie nationale de santé comporte un chapitre dédié aux départements d'outre-mer, et mon ministère devra vraiment faire preuve d'inventivité pour trouver des solutions susceptibles d'améliorer les conditions de santé dans ces territoires et départements d'outre-mer.
Monsieur Borowczyk, vous avez raison de considérer que les maisons de santé pluriprofessionnelles ne sont pas le modèle unique. Je pense que nous devons développer les centres de santé, où l'exercice de la médecine est salarié, mais aussi les réseaux de santé qui, dans une situation où les professionnels sont en nombre insuffisant, permettent de répondre aux enjeux de couverture territoriale. Cette pratique, consistant à faire travailler en réseau des médecins qui ne sont pas forcément installés au même endroit, sera promue.
Les maisons de santé pluriprofessionnelles peuvent répondre aux besoins de certains territoires périurbains – la Mayenne, par exemple – où les jeunes professionnels craignent parfois de venir s'installer, notamment en raison de problèmes de sécurité. Je le répète, il n'y a pas de modèle unique : chaque territoire doit trouver celui qui lui convient le mieux.
Enfin, vous m'avez interrogée sur la prévention et sur notre capacité à former les professionnels de santé dans ce domaine. Je pense effectivement que le fait que les médecins soient formés à soigner, mais pas à prévenir, est l'un des défauts de notre système de santé : il faudra y remédier, et j'y vois un enjeu énorme. Je souhaite également que la formation à la prévention soit promue dans le cadre des prochaines réformes des études médicales.
Monsieur Hammouche, vous avez évoqué la question de l'obésité. Si l'obésité morbide s'est stabilisée à environ 17 %, un chiffre qui n'évolue plus depuis quelques années, elle est le reflet de très grandes inégalités sociales et territoriales : nous devons donc travailler sur les déterminants sociaux et territoriaux si nous voulons lutter contre l'obésité.
La chirurgie bariatrique est pour moi un vrai sujet d'inquiétude. Cette chirurgie, qui répond à une demande, s'est développée très vite. Elle avait initialement été bien cadrée par des recommandations de la Haute autorité de santé, qui avaient défini les indications et la procédure de suivi. Malheureusement, ces recommandations ne sont respectées que dans 40 % des cas par les établissements de santé, ce qui pose la question de la pertinence et de la qualité des actes effectués. Je pense qu'à l'heure actuelle, on laisse faire un peu n'importe quoi dans le domaine de la chirurgie bariatrique, et j'ai donc vraiment l'intention de prendre le problème à bras-le-corps, en commençant par accroître la surveillance de cette activité.
Par ailleurs, j'estime que nous devons faire mieux en matière de repérage précoce. Pour cela, nous avons prévu avec Jean-Michel Blanquer de rendre disponible, pour 100 % des enfants, la visite médicale à six ans. Il faut également accompagner la parentalité, au sein de l'école ou d'autres lieux, en aidant les parents à améliorer l'alimentation de leurs enfants et à prévenir l'obésité.
Enfin, si on décide d'une prise en charge psychologique pour l'obésité, il va falloir le faire également dans d'autres domaines, ce qui risque de nous entraîner très loin. C'est pourquoi j'estime qu'aujourd'hui, il vaut mieux travailler à d'autres pistes, notamment la forfaitisation des parcours, consistant à rembourser un parcours de soin dans lequel peuvent figurer une activité physique adaptée ou une prise en charge psychologique. En acceptant de procéder à une tarification des actes de psychologie, nous risquerions vraiment d'ouvrir la boîte de Pandore.
La réunion de la commission élargie s'achève à vingt-deux heures cinquante.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale