Madame Louwagie, nous observons en effet, depuis la fin de 2016, une baisse continue du nombre des bénéficiaires de l'AME, baisse qui n'avait donc pas été prise en compte lors de la budgétisation de 2017. On explique mal cette baisse, dont on ne sait si elle correspond uniquement à une baisse des effectifs – c'est ce qui apparaît pour les trois premiers trimestres de 2017 – ou à une diminution des demandes de soins.
Si la baisse des effectifs se confirme, la réserve de précaution de 63,5 millions d'euros devrait non seulement permettre de couvrir les dépenses de l'année mais également d'effacer la dette de l'État, d'un montant de 11,5 milliards d'euros. Il est vrai que, dans ce cas, les crédits alloués pourraient être trop importants, mais nous avons opté pour la prudence et nous sommes fondés sur l'évolution tendancielle de ces dernières années, afin d'éviter une sous-budgétisation.
Reste que nous avons du mal à prévoir avec précision l'évolution de l'AME, car, par définition, nous connaissons mal les populations concernées, puisqu'il s'agit pour l'essentiel d'étrangers en situation irrégulière. L'état de santé de ces personnes varie selon leur pays d'origine et leur mode de vie, et il est difficile de prévoir leur durée de séjour.
Pour ce qui concerne la Dépakine, comme pour les victimes du Mediator, les crédits inscrits correspondent au fonctionnement des instances d'expertise et d'indemnisation des victimes de la Dépakine et de ses dérivés, qui siègent auprès de l'ONIAM, ainsi qu'à la réparation des dommages qui n'auraient pas été pris en charge par les responsables identifiés. Le collège d'experts a tenu sa première séance le 12 octobre 2017 et a examiné une dizaine de dossiers. Il est donc un peu tôt pour inférer quoi que ce soit quant aux indemnisations ou à d'éventuelles difficultés. Les prévisions de dépenses sont encore sujettes à de fortes évolutions, le calibrage du fonds ayant été réalisé assez largement, de façon à permettre un processus d'indemnisation fluide. Un suivi constant de l'évolution des dossiers est assuré en lien avec l'ONIAM, afin d'ajuster au fil de l'eau les prévisions, dont les variations dépendent à la fois de l'ampleur des dommages constatés chez les personnes et de l'attitude de ceux qui auront été désignés comme responsables, à commencer par les exploitants du produit.
Vous m'avez également interpellée sur les crédits du FIR, notamment qui sont orientés vers la prévention. Je rappelle que le FIR assume cinq missions principales : la prévention, l'organisation des soins, la permanence des soins, la répartition de l'offre, l'efficience et la démocratie sanitaire. Les crédits de la mission 1 – promotion de la santé et prévention – représentaient en 2016 479 millions d'euros et 14,4 % du total du fonds, en nette progression par rapport à 2015 : 439 millions d'euros.
Pour mémoire, les crédits du FIR vont augmenter en 2018 de 3,1 %, soit nettement plus qu'au cours des trois années précédentes : 2,1 % en 2017 comme en 2015 et 1 % en 2016. Nous aurons donc des marges de manoeuvre supplémentaires.
Le cadre d'emploi de la réserve sanitaire sera actualisé en 2018 par la Direction générale de la santé (DGS) en prenant en compte le retour d'expérience de la gestion des conséquences du passage de l'ouragan Irma.
Je rappelle qu'il s'agit de la plus importante mobilisation de la réserve sanitaire en dix ans d'existence, dont le coût final sera supporté par le programme 204 dans une régularisation budgétaire habituelle, qui ne pèsera pas sur les crédits de prévention.
M. Vercamer m'a interrogée au sujet des liens existant entre l'Agence nationale de santé publique et les agences régionales de santé. Comme vous l'indiquez dans votre rapport, les relations entre ces organismes sont organisées sur la base d'une convention type prévue par le code de la santé publique.
Cette convention avait initialement pour objet de tirer les conséquences de l'intégration à l'ANSP des cellules d'intervention en région (CIRE). Plus largement, cette convention définit les conditions d'accomplissement des missions de l'Agence dans ses relations avec les ARS. Elle prévoit notamment la possibilité de mise à disposition pour les agences par l'ANSP d'une expertise en prévention et promotion de la santé.
Comme vous, je souhaite que ce qui est aujourd'hui possible devienne une réalité, et que les ARS et l'Agence nationale de santé publique collaborent de façon plus effective. L'ANSP peut ainsi appuyer les ARS en fournissant des recommandations de bonnes pratiques, des référentiels et des tutoriels relatifs aux actions de prévention, des stratégies d'intervention – voire d'innovation – scientifiquement fondées, et apporter son aide méthodologique.
Pour avoir présidé un certain nombre d'agences sanitaires, j'observe que la plupart d'entre elles sont assez récentes – une dizaine d'années. C'est par des conventions qu'elles ont appris à travailler ensemble, à éviter les doublons, et à coopérer plutôt que de se concurrencer. Ces relations de coopération tissées au fil du temps entre l'Agence nationale de santé publique et les agences régionales de santé, comme entre les agences sanitaires elles-mêmes concourent ainsi à une meilleure efficacité du système.
Vous avez par ailleurs évoqué la constitution d'un ONDAM consacré à la prévention ; il est évidemment nécessaire de suivre l'évolution des dépenses de prévention au sein du système de santé, et je m'étais posé cette question lors de mon arrivée au ministère.
L'annexe VII du PLFSS donne déjà des indications relatives au montant des dépenses engagées au titre de la prévention institutionnelle, qui sont évaluées à 5,6 milliards d'euros. Les dépenses de prévention imputées sur les dépenses courantes de santé sont elles évaluées à 9,3 milliards.
La création d'un ONDAM de prévention n'est pas pertinente parce que les dépenses concernées sont très difficiles à isoler. De fait, la qualification des dépenses de prévention obéit à certaines conventions, et, en l'état actuel des connaissances, il est plus indiqué d'opérer un suivi statistique au lieu d'un suivi comptable qu'exigerait un ONDAM.
En outre la création d'un sous-objectif dans l'ONDAM nécessite un pilotage réalisé à travers des opérateurs clairement identifiés. Or, par essence, les dépenses de prévention sont transverses et sont engagées par de multiples acteurs et de très nombreux opérateurs ; à ce titre il est très malaisé de les retracer.
Enfin, le champ de la prévention est par nature bien plus large que celui du soin et celui des professionnels de santé, il inclut nombre de dépenses n'apparaissant pas dans le PLFSS – médecine du travail, la médecine scolaire, les centres de Protection maternelle et infantile (PMI). Il est donc très difficile d'identifier ce que nous dépensons collectivement pour les enjeux de prévention. J'ai commandé à la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS) et à la Commission des comptes de la santé un rapport afin qu'elles approfondissent leurs travaux et consolident l'ensemble de ces budgets.
Vous m'avez encore demandé si l'ANSP pourrait bénéficier de recettes fiscales supplémentaires, notamment d'une fraction du fonds de lutte contre le tabac. L'ANSP bénéficie déjà d'une taxe sur les jeux ainsi que d'une taxe sur les dépenses de promotion ; pour autant les sommes collectées ne sont pas très élevées : 5 millions d'euros pour la première et 300 à 500 millions pour la seconde. J'entends diversifier les ressources de l'Agence ; toutefois, dans un souci de saine gestion, l'État est réticent à disperser l'affectation de recettes fiscales à de multiples opérateurs et préfère recourir à des concours budgétaires comme c'est le cas pour l'ANSP.
Par ailleurs, l'ANSP, comme l'INCa, est susceptible de bénéficier des financements dans le cadre des projets qui seront soumis au conseil de gestion du fonds de lutte contre le tabac, notamment pour l'intensification de l'opération « Mois sans tabac » et la diversification des outils propres à améliorer son efficacité. Les flux financiers entre le fonds de lutte contre le tabac et l'Agence sont donc déjà rendus possibles ; j'en avais d'ailleurs bénéficié pour financer des études interventionnelles sur le tabac lorsque je présidais l'INCa.
Le rendement de la taxe sur la promotion des produits gras, salés et sucrés est très faible, il devrait augmenter quelque peu en 2017 du fait de l'augmentation du taux de la taxe de 1,5 % à 5 % obtenue dans le cadre de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Les montants n'en demeureront pas moins modestes : 356 000 euros perçus par l'ANSP en 2016, 500 000 euros prévus en 2017. Nous avons budgété 300 000 euros pour 2018. Ce faible rendement s'explique par le fait que les annonceurs préfèrent intégrer les informations à caractère sanitaire aux publicités plutôt qu'acquitter la taxe.
On peut donc considérer que l'objectif est atteint, les enquêtes réalisées montrant d'ailleurs que les messages ont contribué à la notoriété des repaires nutritionnels du Programme national nutrition santé (PNNS). La question est donc moins celle de l'augmentation de la taxe que celle de l'efficacité et de la persistance des messages de santé publique.