Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mardi 7 novembre 2017 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Je ne sais pas si ce sera suffisant, mais en tout cas, mon plan doit permettre d'être encore plus innovant, et je suis certaine que la Mayenne sera à la hauteur des défis.

Pour ce qui est de la contractualisation des médecins sur le territoire, nous renforçons les dispositifs existants grâce au plan destiné à aider les jeunes médecins à s'installer, notamment en payant leurs études en contrepartie d'une installation et d'un maintien sur place durant quelques années.

Augmenter le numerus clausus me paraît être une fausse bonne idée car, si on le fait en 2018, les premiers médecins à en bénéficier n'auront terminé les quatre années d'internat exigées pour la médecine générale qu'entre 2030 et 2035. Or, si la démographie médicale va diminuer jusqu'en 2025, elle devrait ensuite repartir à la hausse, puisque le numerus clausus a été largement augmenté depuis 2005. À partir de 2025, la progression de la démographie va être supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui : si nous ouvrons aujourd'hui le numerus clausus, nous risquons d'avoir trop de médecins en 2035.

Il convient donc de réfléchir pour tenter de déterminer aussi précisément que possible quels seront les besoins en médecins en 2035, mais aussi quel sera l'exercice de la médecine – je pense notamment au développement de la santé numérique et des algorithmes décisionnels. En d'autres termes, nous devons savoir anticiper mieux que ne l'ont fait nos prédécesseurs, dont les décisions ont conduit à la situation insatisfaisante que nous connaissons.

Vous le savez, je ne crois pas à la coercition. Si une réglementation coercitive peut donner de bons résultats pour réduire les effectifs de certains professionnels lorsque ceux-ci sont pléthoriques – c'est le cas pour les infirmières, par exemple –, elle est inopérante dans le cas d'une démographie médicale faible. En effet, il y a déjà tellement de postes vacants – y compris en exercice salarié : médecine du travail, médecine scolaire, médecine en laboratoire – que les médecins préfèrent un poste salarié dans une zone qui leur convient plutôt qu'une installation à leur compte. On ne peut pas utiliser le même outil pour remédier à des situations diamétralement opposées.

Contrairement à ce que vous dites, mon plan est très innovant. J'ai prévu énormément de dérogations réglementaires, beaucoup de financements permettant des innovations organisationnelles. Sur la base du principe consistant à projeter du temps médical, on a créé 400 postes d'assistants partagés entre les hôpitaux et les zones sous-dotées ; on encourage les stages hospitaliers des externes et des internes dans les territoires ; on favorise le cumul emploi-retraite pour les médecins qui souhaitent continuer à travailler ; enfin, on a multiplié par trois le plafond du cumul emploi-retraite. D'autres dispositifs restent à mettre en oeuvre, et je pense qu'il convient d'attendre que le plan ait été complètement appliqué pour évaluer ses effets et déterminer s'il est nécessaire de recourir à des mesures coercitives dans trois ou quatre ans.

Je me suis rendue à Mayotte le mois dernier afin de faire par moi-même le constat de la situation, que j'ai effectivement trouvée très préoccupante, et pas seulement pour la santé. Afin d'améliorer cette situation, il faut progresser par étapes, et nous en avons plusieurs à franchir avant de pouvoir appliquer le code de la santé à Mayotte.

Le Comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO) a retenu un projet de rénovation et d'extension du site actuel du CHM pour un montant total de 172 millions d'euros, en plusieurs phases : une phase 1, imminente, de 70 millions d'euros, qui va permettre une hausse du capacitaire de 60 % – ce qui représente plus de 150 lits supplémentaires, ainsi que la création de dix salles de bloc opératoire –, et une phase 2 de 102 millions d'euros, prévoyant le renforcement du pôle mère-enfant, car on compte actuellement un très grand nombre de maisons de naissance à Mayotte.

Par ailleurs, nous avons confié une mission à l'IGAS, qui doit rendre ses conclusions en janvier 2018 : il s'agit d'évaluer la situation financière de l'établissement et de formuler des propositions d'organisation. Ce que je souhaite, c'est accompagner Mayotte sur le long terme, en tenant compte des recommandations qui vont être faites par l'IGAS, et travailler à un plan d'action – partagé, notamment avec l'ARS – visant l'amélioration du système de santé dans sa globalité.

Le plan de lutte contre les déserts médicaux va permettre à Mayotte de réorganiser son offre de soins. De nombreuses infirmières m'ont fait part du fait qu'elles avaient de facto des délégations de tâches – non couvertes, en l'absence de médecins – les conduisant à effectuer des tâches médicales telles que l'adaptation des traitements anticoagulants. Le plan de renforcement de l'accès territorial aux soins prévoit que les territoires puissent organiser des délégations de tâches, ce qui permettra aux infirmières de Mayotte d'être couvertes pour de nombreux actes médicaux, qui feront désormais l'objet de procédures d'évaluation et de suivi. Je pense donc que le plan de renforcement de l'accès territorial aux soins répondra en partie aux problèmes que connaît Mayotte.

Plus largement, je pense que la santé dans les DOM est un problème particulier, auquel nous devons nous atteler. De ce point de vue, Mayotte n'est pas le seul territoire concerné : les situations de la Guyane et des Antilles, sont également très préoccupantes. La stratégie nationale de santé comporte un chapitre dédié aux départements d'outre-mer, et mon ministère devra vraiment faire preuve d'inventivité pour trouver des solutions susceptibles d'améliorer les conditions de santé dans ces territoires et départements d'outre-mer.

Monsieur Borowczyk, vous avez raison de considérer que les maisons de santé pluriprofessionnelles ne sont pas le modèle unique. Je pense que nous devons développer les centres de santé, où l'exercice de la médecine est salarié, mais aussi les réseaux de santé qui, dans une situation où les professionnels sont en nombre insuffisant, permettent de répondre aux enjeux de couverture territoriale. Cette pratique, consistant à faire travailler en réseau des médecins qui ne sont pas forcément installés au même endroit, sera promue.

Les maisons de santé pluriprofessionnelles peuvent répondre aux besoins de certains territoires périurbains – la Mayenne, par exemple – où les jeunes professionnels craignent parfois de venir s'installer, notamment en raison de problèmes de sécurité. Je le répète, il n'y a pas de modèle unique : chaque territoire doit trouver celui qui lui convient le mieux.

Enfin, vous m'avez interrogée sur la prévention et sur notre capacité à former les professionnels de santé dans ce domaine. Je pense effectivement que le fait que les médecins soient formés à soigner, mais pas à prévenir, est l'un des défauts de notre système de santé : il faudra y remédier, et j'y vois un enjeu énorme. Je souhaite également que la formation à la prévention soit promue dans le cadre des prochaines réformes des études médicales.

Monsieur Hammouche, vous avez évoqué la question de l'obésité. Si l'obésité morbide s'est stabilisée à environ 17 %, un chiffre qui n'évolue plus depuis quelques années, elle est le reflet de très grandes inégalités sociales et territoriales : nous devons donc travailler sur les déterminants sociaux et territoriaux si nous voulons lutter contre l'obésité.

La chirurgie bariatrique est pour moi un vrai sujet d'inquiétude. Cette chirurgie, qui répond à une demande, s'est développée très vite. Elle avait initialement été bien cadrée par des recommandations de la Haute autorité de santé, qui avaient défini les indications et la procédure de suivi. Malheureusement, ces recommandations ne sont respectées que dans 40 % des cas par les établissements de santé, ce qui pose la question de la pertinence et de la qualité des actes effectués. Je pense qu'à l'heure actuelle, on laisse faire un peu n'importe quoi dans le domaine de la chirurgie bariatrique, et j'ai donc vraiment l'intention de prendre le problème à bras-le-corps, en commençant par accroître la surveillance de cette activité.

Par ailleurs, j'estime que nous devons faire mieux en matière de repérage précoce. Pour cela, nous avons prévu avec Jean-Michel Blanquer de rendre disponible, pour 100 % des enfants, la visite médicale à six ans. Il faut également accompagner la parentalité, au sein de l'école ou d'autres lieux, en aidant les parents à améliorer l'alimentation de leurs enfants et à prévenir l'obésité.

Enfin, si on décide d'une prise en charge psychologique pour l'obésité, il va falloir le faire également dans d'autres domaines, ce qui risque de nous entraîner très loin. C'est pourquoi j'estime qu'aujourd'hui, il vaut mieux travailler à d'autres pistes, notamment la forfaitisation des parcours, consistant à rembourser un parcours de soin dans lequel peuvent figurer une activité physique adaptée ou une prise en charge psychologique. En acceptant de procéder à une tarification des actes de psychologie, nous risquerions vraiment d'ouvrir la boîte de Pandore.

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