Intervention de Véronique Louwagie

Réunion du mardi 7 novembre 2017 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Pour 2018, le Gouvernement propose que les crédits de la mission « Santé » s'élèvent à 1,41 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), ce qui représente une augmentation significative par rapport à 2017.

La mission « Santé » porte les crédits de la politique de santé de l'État. Elle se compose de deux programmes : le programme 183 « Protection maladie », qui finance quasi-exclusivement l'aide médicale d'État, c'est-à-dire l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, et absorbe environ deux tiers des crédits de la mission ; le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui représente environ un tiers des crédits de la mission et comporte notamment les subventions pour charges de service public versées aux agences de santé.

Le projet de loi de finances pour 2018 propose une hausse des crédits du programme 183 exclusivement dédiée à ceux alloués à l'AME de droit commun et une hausse des crédits de la prévention du programme 204 qui n'est en réalité qu'un trompe-l'oeil.

Pour ce qui est du programme 183, la logique observée depuis 2013, à savoir une augmentation systématique des crédits ouverts au titre de l'AME, semble pouvoir être inversée, mais des incertitudes demeurent.

Pour 2018, les crédits demandés s'élèvent, en AE et en CP, à 923 millions d'euros : concrètement, ce sont 109 millions d'euros qui sont ajoutés à l'AME de droit commun. Cette augmentation soulève plusieurs questions :

Les crédits de l'AME de droit commun votés en loi de finances initiale pour 2017 s'élevaient à 772 millions d'euros. Le taux de consommation de ces crédits au 15 octobre s'établit aux alentours de 70 %, et la direction de la sécurité sociale m'a indiqué qu'ils ne seraient sans doute pas consommés intégralement en année pleine. L'hypothèse d'une consommation à hauteur de 745 millions d'euros a été avancée. Je m'interroge dès lors sur la pertinence de cette augmentation de 14 % des crédits, qui apparaît en décalage avec les dernières évolutions constatées. Madame la ministre pouvez-vous nous éclairez sur ce point ?

Plus généralement, l'évolution du nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun est orientée à la baisse depuis la fin de l'année 2016 : comment expliquez-vous ce phénomène ? Est-il conjoncturel ou structurel ?

En ce qui concerne le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », on constate là aussi une augmentation des crédits de 9,8 % en AE et de 9,5 % en CP, alors même que l'Agence de la biomédecine et l'École des hautes études en santé publique (EHESP) sont désormais financées par les crédits de l'assurance maladie.

Cette augmentation ne traduit pourtant pas un effort particulier en direction de la prévention, puisque les agences du programme continuent à diminuer leurs dépenses de fonctionnement et à subir une baisse de leurs équivalents temps plein de 2,5 %. Cette évolution est plus défavorable pour l'ANSES que pour l'ANSM, la nouvelle agence Santé publique France présentant une situation particulière sur laquelle je vais revenir.

En réalité, cette augmentation des crédits est presque entièrement consacrée à l'action 11, dont l'objet est de rationaliser et de mieux piloter les actions de santé publique. Le PLF pour 2018 propose en effet d'augmenter ses crédits de 34 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2017. Pour autant, cette croissance ne reflète pas une attention accrue apportée aux actions de partenariat, de veille ou d'études et de recherches ; elle correspond à la croissance exponentielle de la ligne budgétaire consacrée aux actions juridiques et contentieuses.

En effet, à côté de la subvention pour charges de service public de l'ANSP, qui s'élève à 151,3 millions, c'est la dotation de 77,7 millions prévue pour le financement du dispositif d'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés, comme la Dépakine, dispositif géré par l'ONIAM, qui explique la croissance des crédits de cette action. Ce niveau très important de dotation a été défini compte tenu du nombre potentiel de dossiers, de la ventilation des dommages par pathologies et par gravité, et des frais de fonctionnement du dispositif.

L'indemnisation de ces personnes est certes une bonne chose, pour autant, cette augmentation des crédits ne se traduit pas réellement par un abondement des mesures de pilotage de la politique de santé publique qui sont le coeur de cette action ; il s'agit donc d'une augmentation en trompe-l'oeil. Par ailleurs, cette procédure d'indemnisation étant récente, quelles évolutions anticipez-vous pour les exercices à venir ? Je souhaiterais également que vous nous donniez le montant des crédits du FIR dédiés à la prévention, afin d'avoir une vue plus exacte du budget consacré à cette dernière.

Pour en revenir à la situation de Santé publique France, je souhaite appeler votre attention sur la montée en puissance des dépenses au titre de la réserve sanitaire gérée par l'équipe de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). Le rôle que remplit la réserve sanitaire est absolument nécessaire et très efficace, on l'a vu lors du passage de l'ouragan Irma à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Mais l'envoi sur place de 350 réservistes a coûté près de 4 millions d'euros : des évolutions sont-elles envisagées pour prendre en compte ce poste de dépenses grandissant ?

Plus globalement, je déplore que la prévention soit, au sein du budget de la mission « Santé » une variable d'ajustement, dont les crédits ont baissé d'environ un tiers, entre la loi de finances initiale pour 2013 et ce PLF pour 2018 alors que, dans le même temps, les crédits du programme 103 qui finance l'aide médicale d'État ont augmenté de 40 %.

Pour l'ensemble de ces éléments, je donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».

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