C'est dans cette lignée aussi que nous vous demandons aujourd'hui de ne pas franchir ce pas en toute urgence et en période de crise, mais d'établir un principe de précaution numérique, de prendre le temps d'étudier les usages dérivés de cette technologie, qui pourrait, en matière de profilage, déclencher un effet de cliquet potentiellement discriminant, pour le ciblage publicitaire ou au bénéfice des compagnies d'assurances.
C'est dans cette lignée encore, et parce que nous ne sommes pas technophobes, que nous vous demandons de vous concentrer plutôt sur des usages vertueux du numérique en temps de crise : fabrication de matériel médical avec des imprimantes 3D, création d'applications d'information, optimisation de la distribution de masques et de tests, plateformes de solidarité et d'entraide, développement du télétravail.
C'est dans cette lignée enfin que nous vous demandons d'organiser une convention citoyenne sur le numérique, comme celle qui se tient pour le climat. En effet, le règlement général sur la protection des données – RGPD – ne couvre pas l'exhaustivité des considérations éthiques liées au numérique ; en outre, la rapidité des évolutions technologiques implique qu'un nombre croissant d'applications légales méritent réflexion et doivent faire l'objet de débats de société.
L'application StopCovid présente par ailleurs des risques techniques non négligeables, et nous pourrions discuter longuement des détails qui nous sont aujourd'hui présentés. Oui, le Bluetooth est moins intrusif que le GPS, mais son usage provoquera un grand nombre de faux positifs et de faux négatifs ; oui, le protocole Désiré est un progrès par rapport au protocole Robert, mais un protocole entièrement décentralisé et élaboré selon le principe de la confidentialité par conception aurait été largement préférable ; non, les débats sur le caractère centralisé ou décentralisé du protocole ne se chevauchent pas et ne sont pas nécessairement interdépendants avec les débats concernant notre souveraineté numérique ou notre dépendance à de grands groupes américains ; non, l'entièreté du code de StopCovid n'est pas encore disponible à ce jour.
Bref, ces discussions sont importantes, mais là n'est pas la question. Nous devons décider aujourd'hui si, oui ou non, nous voulons légitimer, et donc forcer l'acceptabilité sociale, de cette technologie qui numérise nos interactions, par un déploiement massif impulsé par l'État – ou bien si nous voulons poser les fondements d'un véritable humanisme du XXIe siècle.
Vous l'aurez compris, nous avons choisi la deuxième option. Les députés du groupe Écologie Démocratie Solidarité s'opposeront au déploiement de cette application,