Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du mercredi 27 mai 2020 à 15h00
Transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Ce ne sont pas des réponses économiques immédiates, mais c'est du baume au coeur, et c'est important pour ces producteurs de qualité, enracinés dans nos territoires, engagés souvent dans une économie sociale, qu'ils utilisent ou pas la forme coopérative. Ces entreprises à taille humaine avaient besoin d'un signal, et cette loi arrive, je le redis, à point nommé.

Nous l'avons amendée, améliorée, en concertation avec le Sénat. Je m'en félicite. Puisque nous allons vers un vote unanime, j'aimerais simplement souligner une petite différence qui me sépare ici de mon collègue et ami François Ruffin. Les questions d'étiquetage ne sont pas secondaires ! Elles participent pleinement des questions de régulation. Les produits agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres ; l'agriculture, l'alimentation doivent faire l'objet d'un dialogue avec la puissance publique à l'échelle nationale, européenne et internationale.

Au-delà des désordres non pas insignifiants mais contenus qu'a connus notre pays, grâce à la concertation entre le public et le privé qui s'est organisée, n'oublions pas que des millions de personnes, par l'effet des secousses économiques créées par le covid-19 dans les différentes filières mondialisées, souffrent de la faim. Pour nourrir le monde, pour nourrir tout le monde avec une nourriture de qualité, une régulation est nécessaire. Elle passe par une nouvelle génération de traités internationaux, nous nous rejoignons sur ce point. Elle passe par une régulation des marchés européens qui fait terriblement défaut dans les grandes filières, notamment celles de la viande et du lait. Nombre d'entre nous militent aussi pour une loi foncière qui permette d'éviter l'accaparement et la spéculation, car le foncier doit rester un bien commun au service du renouvellement des générations. Nous avons besoin de mieux construire les prix agricoles – nous en parlions encore ce matin, grâce à une proposition de loi de La France insoumise qui a permis d'ouvrir le débat sur les attentes et les carences qui demeurent après la loi EGALIM : nous avons évoqué les besoins de régulations nouvelles, avec des appellations d'origine protégée, et des fonds européens qui soutiendraient l'organisation des producteurs à l'échelle de bassins capables de fabriquer des indicateurs de prix. Bref, nous avons besoin de nouvelles régulations.

Mais le langage que nous utilisons, cher François Ruffin, est essentiel : s'il est fallacieux, s'il n'est que le langage du marché ou de légendes urbaines, alors nous faisons le lit du marché et nous laissons l'opinion publique se tromper ; nous fragilisons le dialogue entre l'agriculture et la société et nous nourrissons tous ces démons parfois présents dans notre société.

Ce langage commun, c'est celui des signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine, les SIQO que nous évoquons aujourd'hui, avec les corrections que nous allons apporter grâce au travail de notre rapporteure, Barbara Bessot Ballot, que je salue au passage pour son travail fin, précis et mené dans la concertation.

Mais ce langage, c'est aussi la haute valeur environnementale, défendue par le groupe Socialistes, mais pas seulement – vous faites partie de ses partisans, monsieur le ministre, et je m'en réjouis. Au-delà de l'origine géographique, la responsabilité sociale et environnementale attachée à un produit, à son process de fabrication, à tout ce qui a construit sa valeur nutritionnelle et gastronomique, mais aussi économique, doit être reconnue. C'est une bataille que nous sommes nombreux à mener, et dans ce moment post-covid, l'heure de la HVE est venue : c'est le moment de choisir un langage commun à la société et à l'agriculture. C'est l'une des marques de différenciation de la politique agricole commune. Elle est profondément libérale, au sens de ce terme au XIXe siècle, puisqu'elle laisse – comme le label « agriculture biologique » – une grande liberté à l'entreprise pour atteindre les objectifs collectivement fixés. Elle nous affranchit des normes fabriquées par la grande distribution et l'industrie agroalimentaire. Elle est démocratique. Elle peut entraîner vers l'agroécologie la grande majorité de nos agriculteurs, et réconcilier l'agriculture avec notre société : nous en avons terriblement besoin pour inscrire la France dans le grand récit du Green Deal européen.

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