Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mercredi 3 juin 2020 à 15h00
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

En effet, l'article 38 de la loi fondamentale n'autorise le recours aux ordonnances que lorsqu'il est nécessaire de prendre des dispositions dont l'urgence ou la complexité ne s'accommodent pas aisément des règles de la procédure législative. Or nombre d'habilitations prévues par ce texte ne répondaient pas à ces conditions.

Si le nombre des habilitations et leur champ d'application ont pu être réduits, le texte issu de la CMP n'est pas totalement satisfaisant. En effet, certaines des dispositions maintenues vont entraîner une insécurité juridique. Nous pensons particulièrement à l'article 2 ter relatif à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dont, comme le Sénat, nous souhaitions la suppression. Nous pensons aussi à l'article 3 relatif à la centralisation des trésoreries, que la CMP a malheureusement rétabli. Certes, elle a exclu certains organismes de son champ d'application, mais elle n'a pas été suffisamment loin dans ce sens. Sans vouloir en dresser une liste à la Prévert, nous nous inquiétons, à l'image de ma collègue, de l'intégration des établissements de santé publics, privés d'intérêt collectif et privés dans le champ de l'habilitation.

Vous avez par ailleurs, comme à votre habitude, demandé au Parlement de vous habiliter à nouveau à légiférer par ordonnances alors que les précédentes n'ont pas encore été ratifiées – une cinquantaine à ce jour. Permettez-nous de vous appeler à un peu plus de sagesse en la matière. Le recours aux ordonnances ne peut pas devenir systématique sans être abusif.

Certes, le covid-19 a bouleversé le quotidien de chacun d'entre nous et nous y adapter suppose de prendre des mesures de court terme. Notre groupe a soutenu les dispositions d'urgence nécessaires, comme la prolongation de six mois de la validité des titres de séjour des étrangers et de trois mois des attestations de demandes d'asile, ainsi que celle de l'allocation pour les demandeurs d'asile. Nous saluons également l'adaptation des dispositions relatives aux CDD et aux contrats de travail temporaire, la prise en compte pour la retraite du dispositif d'activité partielle mis en place du fait de l'épidémie, la prolongation de la durée d'attribution de l'allocation des demandeurs d'emploi ou encore la prolongation de la trêve hivernale des expulsions de logement jusqu'au 10 juillet.

Attention cependant à la précipitation et à l'effet d'aubaine pour l'exécutif qui profiterait de cette situation pour, contournant le Parlement, faire passer des mesures telles que l'extension de l'expérimentation des cours criminelles, actuellement en cours dans neuf départements, et qui devait être étendue à trente départements à l'issue de l'examen par l'Assemblée nationale. Refusée par le Sénat, cette extension a finalement été limitée à dix-huit départements en CMP. Notre groupe, comme les avocats et certainement de nombreux justiciables, est opposé à l'instauration de telles cours criminelles, porte ouverte à la disparition des cours d'assises et, avec elles, des jurys populaires. En dépit du risque réel de dégradation de la qualité des débats du fait de la réduction de la place de l'oralité et alors que les expérimentations en cours ne nous permettent pas encore le recul nécessaire, vous avez décidé de les étendre à d'autres départements. Cette précipitation nous semble préjudiciable à l'efficacité du service public de la justice.

Chers collègues, en dépit des coups de ciseaux des députés et des sénateurs, ce projet de loi ne saurait satisfaire pleinement notre groupe. Il n'est pas à la hauteur des enjeux d'un état d'urgence sanitaire qui se prolonge et d'une deuxième phase du déconfinement qui commence, alors que s'annonce une crise économique et sociale d'ampleur. Ce projet de loi est un énième petit sac de cailloux difformes, qui ne sauraient paver le chemin d'un retour à la confiance. C'est la raison pour laquelle la quasi-totalité de notre groupe s'abstiendra.

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