Intervention de Bénédicte Taurine

Séance en hémicycle du mercredi 3 juin 2020 à 15h00
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine :

Le groupe de la France insoumise s'est opposé en première lecture à un texte qui multiplie les demandes d'habilitation à légiférer par ordonnances sur les sujets les plus divers. Au regard des nombreux problèmes qu'il continue de poser, vous me permettrez de douter que ces ordonnances soient susceptibles de répondre réellement à l'urgence et de doter notre pays d'une meilleure organisation sanitaire et économique, et c'est pourquoi nous continuerons de nous y opposer.

Le premier problème est celui de l'outil législatif. Les sénateurs, tout autant que les députés, ont particulièrement critiqué le nombre d'ordonnances prévu par ce texte. Au nombre de quarante dans le projet de loi initial, il en restait vingt-quatre à l'issue de l'examen par l'Assemblée nationale, puis dix après l'examen au Sénat, et celles qui n'ont pas été supprimées ont vu leur champ d'application réduit quand l'urgence ne suffisait pas à les justifier, ou ont été transformées en projets d'article quand le dispositif était suffisamment précis.

Rien ne justifie une telle généralisation des ordonnances. Le rôle du Parlement n'est pas de laisser le Gouvernement écrire la loi à sa place. Plus de cinquante ordonnances ont déjà été présentées en conseil des ministres pour faire face à l'urgence. La majorité s'y habitue peut-être, mais ce n'est pas notre conception du rôle de parlementaire. Non, les ordonnances ne sont pas le seul moyen de voter à temps les projets de loi que vous jugez nécessaires au vu de la situation. Cette généralisation bafoue le travail parlementaire, limite le débat et représente un danger pour la démocratie.

Aucune urgence ne justifie non plus une transformation du droit de travail qui aggrave la précarité des travailleurs, et c'est pourquoi nous nous y opposons fermement. Vous proposez par exemple de multiplier les possibilités de recourir aux CDD hors de toute contrainte, ou encore de déroger au nombre maximal de vacations dans toute une série de missions publiques. La plupart de ces affaiblissements du droit du travail pourront se prolonger six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. Alors que la crise économique menace, il est inacceptable d'y répondre par une réduction des droits des salariés et l'augmentation de la précarité : le CDI doit rester la norme.

Les textes que vous avez fait adopter depuis le début de l'épidémie de covid-19 multipliaient déjà les mesures antisociales. Je pense notamment, s'agissant du temps de travail, à celle qui permet aux patrons de contraindre les salariés à prendre leurs jours de congé pendant le confinement. En modifiant ainsi le code du travail pour une période qui s'étendra bien après la fin de l'état d'urgence, vous poursuivez cette politique, au détriment de ceux que vous avez applaudis pendant la crise, celles et ceux qui ont fait tourner le pays et qui continuent à le faire. Vous prouvez une nouvelle fois que vous n'êtes pas au service de l'intérêt général ni du bien commun.

Vous allez jusqu'à profiter de ce texte pour légiférer sur des matières relatives au Brexit. Quel rapport avec l'état d'urgence sanitaire ?

Des solutions et des propositions ambitieuses existent pourtant, qui permettraient de pallier la crise. Pourquoi ne pas instaurer des droits nouveaux, une réelle sécurité de l'emploi dans des temps qui vont continuer à être particulièrement difficiles pour des salariés que la crise frappe durement ? Pourquoi ne pas assurer à ceux qui sont sans emploi une protection leur garantissant une vie digne ? Pour nous, l'urgence serait par exemple de garantir à tous le gel des frais d'incident bancaire qui pénalisent des ménages déjà fragilisés par la crise, ou encore la gratuité des masques – il est inadmissible que leur prix ait augmenté cinq à dix fois durant la crise – ; de prolonger le droit à l'IVG pendant quatorze semaines ; d'assurer la gratuité des funérailles des victimes du covid-19 ; de créer une taxe sur les profiteurs de la crise ; d'instaurer un moratoire des loyers ou une aide alimentaire complémentaire au bénéfice des plus fragiles, notre pays ayant connu une augmentation de 30 % des demandes d'aide alimentaire.

Vous n'avez pas tenu compte de nos propositions tant vous êtes coupés des réalités immédiates et de l'urgence sociale. Votre texte n'est malheureusement pas à la hauteur des enjeux.

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