La crise ne fait que commencer, hélas, pour nous tous. Fort heureusement, il semble que le virus soit saisonnier ou, du moins, que le risque de contamination soit moins élevé que prévu – je n'en sais rien, évidemment, je n'ai pas autorité en la matière. Ce dont je suis certain, en revanche, c'est qu'arrive vers nous un véritable mascaret, qui résulte du croisement du calendrier et de la situation des personnes.
Au point que, pour une fois, je citerai à cette tribune le président du Mouvement des entreprises de France – MEDEF – , qui n'est pas une de mes références habituelles, mais il se trouve que, cette fois-ci, je suis entièrement d'accord avec lui : « On peut craindre que la crise économique ne se transforme en crise sociale puis démocratique. » Nous n'en sommes pas encore là ! « C'est, dit-il, grâce aux investissements de l'État que l'on va faire repartir l'économie. »
Le président du MEDEF ne vous dit pas que c'est le marché qui fera repartir l'économie : il vous dit que c'est l'État ! Encore faut-il que l'État puisse le faire. Et pour cela, il faut qu'il cesse d'être étouffé par la dette qui limite aujourd'hui ses possibilités d'intervention.
Alors, que va-t-il se passer ? Je vous invite, chers collègues, à prendre la mesure de l'événement que nous vivons, inouï, unique, sans précédent. En 2008, nous avons connu un choc financier gigantesque, qui a entraîné le recul de 3 % de la richesse nationale. Pour le combler, il nous a fallu quatre ans. Aujourd'hui, le recul de la richesse nationale est estimé à 11 % – personne ne dit d'ailleurs que ce chiffre est définitif. Si nous suivions le même rythme qu'en 2008, à supposer que tout se déroule de la même manière, il nous faudrait consacrer les douze prochaines années au rattrapage économique de notre pays. Autrement dit, nous vivrions dans le tohu-bohu de ce qui ne serait plus un chômage de masse, mais un chômage généralisé.
Au demeurant, il est à peu près certain que la façon avec laquelle se disloqueront – et se sont déjà disloquées – les longues chaînes d'interdépendance économique de la production sera différente de 2008, car celle-ci a, cette fois-ci, été atteinte dans sa substance. Il n'est aujourd'hui de production qui ne soit globalisée. Les Français ont découvert que même l'agriculture l'était et que, sans recours à ces longues chaînes de production, il ne pouvait y avoir de souveraineté alimentaire : nous ne pouvons plus écarter le risque de famine dans une grande nation agricole comme la nôtre.