La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement no 18 à l'article 1er.
La parole est à M. Alexis Corbière, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir son amendement no 18 .
Nous poursuivons en effet le débat de ce matin, qui a déjà été riche.
Cet amendement vise à maintenir l'obligation de suivi par les banques des clients les plus susceptibles de subir la facturation de frais bancaires. À cette fin, je propose de remplacer la notion de fragilité financière, trop négative, par celle de difficulté financière, plus claire et plus objective. Surtout, je propose que les critères de difficulté financière soient redéfinis, après concertation avec l'ensemble des acteurs, pour inclure non seulement le montant des revenus, comme actuellement, mais aussi le niveau d'endettement.
Ce matin, le ministre Bruno Le Maire a indiqué qu'un client était considéré comme fragile au bout de cinq opérations rejetées, sans autre précision ; peut-être M. le secrétaire d'État chargé du numérique pourra-t-il nous détailler davantage les critères retenus.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique, pour donner l'avis du Gouvernement.
Substituer le mot « difficulté » au mot « fragilité » poserait problème eu égard au but poursuivi puisque cela obligerait à constater objectivement que le client est en difficulté, alors que la notion de fragilité permet de viser des personnes qui ne connaissent pas encore de difficultés financières mais sont exposées à ce risque, afin de le prévenir. De plus, la notion de fragilité apparaît dans les différentes démarches d'inclusion bancaire et est bien comprise des parties prenantes, de sorte qu'un changement de terminologie pourrait introduire de la confusion.
Pour le reste, d'après ce que je comprends, jusqu'à présent, le nombre d'incidents bancaires pris en compte pour déterminer la fragilité d'un client n'était pas le même d'une banque à l'autre, et la période de référence pour considérer ce nombre était de trois mois. Nous allons étendre par décret le nombre de bénéficiaires en nous fondant sur la survenue de cinq incidents en un mois, et en tenant compte du niveau de revenu, naturellement, car il ne s'agit pas de protéger des personnes négligentes ayant les moyens d'acquitter les frais bancaires. Tout client ainsi identifié bénéficie du plafonnement de ces frais pour trois mois au moins, une durée prolongée aussi longtemps que la fragilité perdure.
Les critères de détection d'un client fragile soulèvent en effet des questions. Le décret à venir clarifiera ces critères en imposant aux banques la transparence à leur sujet, ce qui constitue une étape importante, vous en conviendrez tous.
En outre, et nous nous sommes battus pour cela, il permettra de détecter plus rapidement la fragilité financière : alors que, jusqu'à présent, de graves incidents pouvaient s'accumuler pendant trois mois sans autre remède qu'un plafonnement à la fin de cette échéance, on pourra désormais annoncer dès le premier mois aux intéressés que leurs frais bancaires seront plafonnés les trois mois suivants. C'est une autre avancée majeure dans la politique d'inclusion bancaire que nous menons depuis deux ans.
Nous en revenons à l'un des principaux problèmes que soulève la proposition du Gouvernement : le dispositif va être défini dans un décret que nous ne pourrons pas du tout relire en amont. Ce matin, M. le rapporteur a fait état d'un problème : que se passe-t-il en deçà de cinq incidents bancaires ? De telles incohérences peuvent assurément être corrigées d'ici à la version définitive du décret. Il n'en est pas moins problématique que nous ne puissions en prendre connaissance. Je persiste à considérer que ce type de mesures doivent être inscrites dans la loi.
M. le rapporteur acquiesce.
L'amendement no 18 n'est pas adopté.
Cet amendement essentiellement rédactionnel n'a pas été adopté par la commission.
L'amendement no 15 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est prévu que le décret plafonne les frais à 2 euros par opération, 20 euros par mois et 200 euros par an. Or, on l'a dit à plusieurs reprises ce matin, pour certaines familles, 20 euros par mois, c'est encore trop, et cela peut même s'avérer dramatique. Nous proposons donc de ramener le plafond à 1 euro par opération, 10 euros par mois et 100 euros par an.
Les deux amendements ont été mis en discussion commune mais, en vérité, ils ne portent pas tout à fait sur le même sujet.
L'article 1er de ma proposition de loi inclut les frais d'agio pour découvert non autorisé dans le champ des frais soumis à plafonnement. Or, je l'ai évoqué dans mon intervention liminaire, les auditions d'associations de consommateurs m'ont convaincu de la nécessité de distinguer clairement les frais d'incident des frais d'agio rémunérant le crédit accordé sous forme de découvert bancaire. En effet, les frais d'agio ne sont justifiés que dans la mesure où ils correspondent strictement à la rémunération d'un découvert : ils ne doivent pas devenir une sorte de pénalité forfaitaire camouflée. Or c'est ce qui tend à se passer, du fait de la perception par les banques d'un minimum forfaitaire d'agio qui leur permet d'appliquer des frais dépassant le taux de l'usure.
Mon amendement no 16 vise donc à ce que les pratiques en matière d'agio respectent strictement les garanties offertes par le code de la consommation, notamment l'application d'un taux effectif global et l'interdiction du prêt usuraire. Il a été rejeté par la commission.
Quant à l'amendement no 9 , il a également été rejeté par la commission et j'y suis personnellement défavorable.
Vous ne serez pas surpris qu'il y soit défavorable.
En ce qui concerne l'amendement de Mme Rouaux, les clients éligibles à l'offre spécifique bénéficient déjà, grâce aux engagements pris par les banques en septembre 2018, d'un plafonnement des frais proche de celui qui figure dans la proposition de loi : 20 euros par mois et 200 euros par an. Ce niveau a été fixé en concertation avec les établissements afin d'améliorer la situation de la clientèle la plus fragile tout en tenant compte des conséquences financières pour les établissements. S'y ajoute le plafonnement des commissions d'intervention à 4 euros par opération et 20 euros par mois. De plus, l'offre spécifique inclut un plafonnement à 3 euros par mois des frais de tenue de compte. Elle permet ainsi de maîtriser l'ensemble des frais.
S'agissant de l'amendement de M. Corbière, les frais d'agio et les intérêts perçus en cas de dépassement d'une facilité de découvert ne sont pas concernés par l'obligation de calcul d'un TAEG – taux annuel effectif global – , conformément au droit européen, ni par celle de ne pas dépasser le taux de l'usure, en vertu du droit français. En effet, il convient de distinguer, d'une part, le montant forfaitaire rémunérant le service fourni par la banque et, d'autre part, le taux d'intérêt, qui couvre le coût de la liquidité mis à disposition ; la distinction est la même que celle entre frais de dossier et taux d'intérêt pour un crédit immobilier. Par un effet de vases communicants, la suppression de la commission forfaitaire conduirait probablement au renchérissement du taux d'intérêt ou d'autres éléments de frais, pour récupérer d'une main ce qui aurait été plafonné de l'autre.
Au nom de l'exigence de transparence, il tend à imposer au Comité consultatif du secteur financier de publier un rapport annuel sur les frais bancaires imputés aux personnes physiques.
Souvent d'accord avec ma collègue Rouaux, je serai favorable à d'autres de ses amendements, mais je ne le suis malheureusement pas à celui-là – par ailleurs rejeté par la commission – , car il supprime les alinéas confiant à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution la publication d'un tel rapport.
Je suis évidemment favorable à la transparence, je l'ai dit ce matin. Ainsi, aux collègues qui crient victoire en évoquant les mesures prises depuis 2018, je réponds que nous manquons d'éléments objectifs pour en juger, notamment d'une analyse détaillée par les banques des frais d'incident bancaire qu'elles perçoivent. Mais le Comité consultatif du secteur financier n'est pas l'instance la mieux dotée pour accomplir ce travail, à la différence de l'ACPR.
L'amendement no 10 est retiré.
L'amendement no 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 1er.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 19 .
Rejeté par la commission, il vise à ce que les banques proposent systématiquement aux clients en difficultés financières de souscrire un livret d'épargne populaire, ou LEP, plutôt que des produits d'épargne moins rémunérateurs. En effet, l'Observatoire de l'épargne réglementée a établi, dans son rapport annuel publié en juin 2019, que seulement 21 % des clients qui y sont éligibles détiennent un LEP, la moitié des autres détenant un livret A, dont on sait qu'il n'est rémunéré qu'à 0,5 %, tandis que le livret d'épargne populaire est défiscalisé et rémunéré au taux de 1 %. Avec cet amendement, on pourrait mettre fin à cette double peine que subissent les clients dont les revenus sont les plus faibles : non seulement ils subissent beaucoup plus que les autres les frais d'incidents bancaires, mais leur épargne de précaution est moins bien rémunérée qu'elle ne pourrait l'être.
Je crois que le rapporteur et moi nous rejoignons dans la volonté d'accroître le nombre d'utilisateurs du livret d'épargne populaire, et que nous souhaitons tous deux que les établissements bancaires soient encouragés à les proposer plus systématiquement. Mais sa proposition se heurte à un problème particulier : ce sont des critères fiscaux qui ouvrent droit au LEP, critères auxquels ces établissements n'ont pas accès, en raison du secret fiscal et plus globalement de la protection des données personnelles. Or la mesure proposée reviendrait à leur permettre de vérifier en amont l'éligibilité des clients au livret d'épargne populaire. Je rappelle par ailleurs que le Gouvernement a encouragé les établissements bancaires à proposer ce produit à leurs clients. J'ajoute que nous sommes favorables à une simplification des conditions de vérification du maintien de l'éligibilité au LEP – nous avons déjà formulé des propositions à ce sujet. L'avis est donc défavorable.
C'est le même combat que celui qu'il a fallu mener pour la diffusion de l'offre spécifique. Cet amendement met à juste titre sur la table la question de la diffusion du LEP parce qu'on sait que les gens qui disposent d'une épargne sont beaucoup moins frappés par le surendettement.
Je sais, monsieur Corbière, que ce serait moins contraignant, mais pourquoi ne pas intégrer votre proposition dans la charte bancaire, aux côtés des nôtres, pour que les banques diffusent le LEP de manière plus systématique ?
Ce n'est pas moi qui vais rédiger la charte, mais soyez sûr, cher collègue, que je la lirai attentivement ! Et je vous prends au mot : on verra si ma proposition y figure !
L'amendement no 19 n'est pas adopté.
On connaît bien peu de gens qui ont lu les tarifs bancaires : c'est écrit tout petit sur des pages entières.
Nous proposons d'inscrire dans la loi l'obligation pour les établissements bancaires de mettre à disposition de leur clientèle et du public une information claire et standardisée sur leurs tarifs, afin que chacun puisse choisir sa banque en connaissance de cause.
L'amendement n'a pas été examiné en commission, et je n'y suis pas favorable, parce que votre amendement suivant et celui de Mme Cariou correspondent plus précisément à ce que vous demandez. Vous proposez ici d'obliger les banques à indiquer les frais bancaires dans l'extrait standard des tarifs, mais cela ne changerait rien sur le fond à la réglementation actuelle, car les frais mentionnés ne comprendraient pas ceux portant sur d'autres services bancaires ponctuels, comme les nombreux frais d'incidents bancaires, comme les frais de rejet, les frais pour envoi de courrier, etc. Au contraire, votre amendement no 4 , qui reprend l'article 2 de la proposition de loi adoptée au Sénat, permettrait d'inclure les frais d'incidents bancaires dans le document d'information ; il va donc plus loin.
J'ai relevé par ailleurs que la secrétaire d'État Pannier-Runacher avait émis au nom du Gouvernement un avis défavorable sur l'amendement du sénateur Michel Canevet, devenu l'article 2 de la proposition de loi précitée, arguant que le document d'information tarifaire précisait déjà l'ensemble des frais, l'arrêté du 29 juillet 2009 prévoyant que les informations bancaires sur la gestion des comptes de dépôt couvrent les frais d'incidents. Mais il s'agit là d'un arrêté relatif aux annexes et à la convention de compte signées par le client, pas du tout à un document d'information tarifaire accessible à tous et régulièrement mis à jour.
J'espère avoir été clair, sur ce sujet assez technique. Je vous propose de retirer le présent amendement au profit de votre amendement suivant, le no 4, qui ajoute les frais d'incidents bancaires à la liste des informations que les banques seraient tenues de mettre à disposition de leur clientèle et du public.
Certes, les deux amendements se complètent puisque le premier porte sur les frais bancaires et le second sur les frais d'incidents bancaires, mais il a été relevé, lors des débats de ce matin, que les frais bancaires sont eux-mêmes de plus en plus considérables. Je pense que l'un ne va pas sans l'autre et qu'il est donc important pour le client de connaître aussi le prix des services que lui propose la banque, indépendamment du coût des incidents bancaires. Je maintiens donc cet amendement comme le suivant.
J'aurais pu déposer moi-même cet amendement, qui émane, je crois, d'UFC-Que choisir. Il y a un besoin de transparence sur la tarification bancaire. Je sais que la réglementation française prévoit qu'une liste de douze incidents bancaires doit figurer sur la première page du document d'information, mais aussi que cette norme semble en contradiction avec une autre norme européenne, ce qui est source de confusion. Je considère donc cet amendement comme un appel au Gouvernement à clarifier la situation en apportant plus de transparence au client de telle sorte que la concurrence puisse mieux jouer, sachant qu'elle sera facteur de la baisse du prix des services bancaires demandée par les clients.
L'amendement no 3 n'est pas adopté.
Il vise à apporter plus de transparence en prévoyant que l'information obligatoire sur la convention de compte de dépôt a aussi pour vocation d'indiquer au client tous les frais liés aux incidents et aux irrégularités sur un support papier disponible en agence.
Ces amendements n'ont pas été examinés en commission, mais j'y suis, cette fois, favorable. Il me semble, je le répète, beaucoup mieux correspondre à votre intention, madame Rouaux.
Ces amendements, d'après ce que je comprends, visent à modifier plusieurs articles du code monétaire et financier pour y insérer une mention explicite des frais d'incident. Il semble toutefois qu'ils soient déjà satisfaits puisque les informations sur ces frais font déjà partie de celles à fournir par les établissements dans le cadre des conditions générales relatives à la gestion d'un compte de dépôt ou de paiement. C'est d'ailleurs pour cette raison que les différents frais font l'objet d'une normalisation de leur dénomination en vertu de l'article D. 312-1-1 du code monétaire et financier. Une norme professionnelle de la FBF – la Fédération bancaire française – d'octobre 2019 établit du reste le format type des plaquettes tarifaires des banques, lequel inclut bien un chapitre consacré aux irrégularités et aux incidents bancaires. Considérant que ces amendements n'apporteraient aucune évolution à la situation existante, nous y sommes défavorables.
Je vous ai écouté, monsieur le secrétaire d'État, mais nous sommes tous à peu près d'accord pour reconnaître que les tarifs présentés aux clients sont complètement illisibles. Il est important de leur faire prendre conscience du coût des incidents bancaires. Il s'agit d'arriver à des tarifs plus lisibles et de ce fait plus abordables, afin que les personnes puissent choisir leur banque en toute connaissance de cause. On reçoit une feuille couverte de chiffres écrits tout petit… Ce n'est pas lisible ! Ce problème d'information vaut aussi pour l'offre spécifique : qui connaît ce dispositif à part les banques et les députés, à supposer qu'ils s'intéressent aux lois relatives aux frais bancaires ? Il n'y a pas suffisamment de communication sur ces sujets pour protéger les citoyens.
Les documents joints à un relevé de compte comme ceux envoyés annuellement sont illisibles pour l'ensemble de nos concitoyens. On ne peut pas en rester là.
Le Comité consultatif du secteur financier avait mené une étude sur la tarification bancaire, concluant à la nécessité de mettre au point un extrait standard des tarifs, ou EST, qui fasse consensus sur l'ensemble de la place. Le problème, c'est qu'est apparue entre-temps une directive européenne imposant un document d'information tarifaire succinct, ou DIT. Cette disposition européenne est venue contrarier l'engagement qu'avaient pris les banques d'élaborer des tarifs bancaires à la fois harmonisés, clairs, lisibles et accessibles à tous. Il y a là un vrai sujet, et nous devons y retravailler pour tenir compte des exigences de la directive européenne tout en rendant lisibles et accessibles les principaux tarifs proposées au sein des différentes agences.
Je rejoins les propos de notre dernier collègue sur le fait que c'est un vrai sujet : raison de plus pour qu'il soit clarifié par la loi. On pourrait fort bien, face à une demande européenne, défendre une forme de souveraineté nationale, au moins au nom du droit à l'information des clients.
Le secrétaire d'État a évoqué à juste raison l'article D. 312-1-1, qui fixe une liste des services les plus représentatifs attachés au compte de paiement et pour lesquels il y a donc obligation de publicité. Mais ces deux amendements portent sur la partie C des frais bancaires et cotisations, laquelle n'entre pas dans ce cadre. Il y aurait donc tout intérêt à adopter l'amendement de Mme Rouaux. J'ai compris que ce ne sera pas le cas, mais il faut travailler là-dessus. Il y a un maquis extrêmement complexe qui, selon moi, participe d'une forme de confusion volontaire…
… faisant que le client, le moins avisé possible, s'y perde, n'y comprenne plus rien, subissant souvent des frais bancaires sans même le savoir.
Il faut que ce soit des associations spécialisées qui les leur signalent. Je ne reviendrai pas sur la stratégie du Gouvernement : prenant la forme d'une succession de décrets, de chartes ou de concertations, elle participe à cette confusion.
Je précise, en réponse à M. le secrétaire d'État, que j'ai présenté ces amendements au gouverneur de la Banque de France, qui n'en a nullement été choqué : c'est bien qu'ils ont une utilité. Je tiens donc à signaler que ces amendements ont été adoptés par la majorité sénatoriale…
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 28 .
Chacun sait que les frais de tenue de compte forment un véritable marais. Il convient de les plafonner à 12 euros par an.
L'amendement n'a pas été examiné par la commission. J'y suis personnellement très favorable et je remercie notre collègue de l'avoir déposé. Les frais de tenue de compte ont explosé, ces dernières années : le tarif moyen affiché a augmenté de 164 % entre décembre 2012 et janvier 2019 ! L'enjeu est considérable.
On rejoint le débat de ce matin sur l'application de tarifs identiques à différentes populations et situations.
Votre amendement ne concerne pas les frais d'incidents bancaires, mais les frais de tenue de compte, lesquels rémunèrent un ensemble de services fournis par les établissements et recouvrent des services très variables selon les établissements et les populations auxquelles ils s'adressent. Fixer un plafond pour la tarification des frais de tenue de compte reviendrait donc à fixer un prix unique pour un ensemble de services hétérogènes. Les clientèles aisées paieraient ainsi le même tarif pour des services complexes que d'autres clients utilisant des services plus simples, ce qui ne semble pas constituer une mesure de justice. Une telle disposition pourrait également conduire les établissements à restreindre leur offre de services. Par ailleurs, d'un point de vue purement juridique, elle pourrait contrevenir directement au principe de liberté de fixation des prix énoncé à l'article L. 410-2 du code de commerce. Nous sommes donc défavorables à l'amendement.
L'amendement no 28 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 30 .
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour vos propos, qui me laissent penser qu'il verra cet amendement d'un oeil plutôt bienveillant.
Pour revenir sur votre interprétation de l'amendement précédent, son adoption n'aurait pas conduit à appliquer les mêmes frais à tous les clients indépendamment de leurs moyens, car il s'agissait de limiter les frais de tenue de compte à 12 euros, et non de les fixer systématiquement à ce niveau : les frais auraient pu varier entre 0 et 12 euros.
L'amendement no 30 concerne les sommes que les banques prélèvent actuellement pour gérer des comptes inactifs, c'est-à-dire des comptes pour lesquels elles n'ont rien à faire. Un compte est en effet considéré comme étant en déshérence lorsqu'il n'a fait l'objet d'aucune opération pendant douze mois consécutifs, et les frais de gestion afférents peuvent atteindre 100 euros par an, c'est-à-dire une somme non négligeable. L'amendement vise à ce que les banques ne prélèvent pas de frais de tenue de compte sur des comptes en déshérence ou inactifs.
Il me revient d'abord d'indiquer que l'amendement n'a pas été examiné en commission. Je précise ensuite, avec enthousiasme, que j'y suis favorable. Je remercie notre collègue Naegelen de pointer la contradiction qu'il y a à faire payer au client le fait de ne pas utiliser son compte ! J'espère que nous partageons tous cette opinion : qui saurait justifier une telle pratique ?
Je n'imagine pas M. le secrétaire d'État se risquer à cet exercice périlleux !
Sourires.
La facturation de ces frais illustre bien, me semble-t-il, à quel point tout est bon, aux yeux des banques, pour faire des petits profits, qui finissent par devenir grands.
Je suis donc personnellement très favorable à cet amendement, qui pointe justement une incohérence : un compte de dépôt inactif ne saurait se voir appliquer des montants de frais supérieurs à ceux qui auraient été facturés si une activité minimale avait été enregistrée. Cela me semble relever du bon sens.
Je vais prendre quelques risques, pour reprendre les termes employés par le rapporteur…
Je m'étonne des chiffres avancés par M. Naegelen, car les frais de tenue de comptes inactifs sont plafonnés : l'arrêté du 21 septembre 2015 fixe un plafond de 30 euros par an. Si des banques devaient déroger à ce plafond, elles seraient dans l'illégalité.
Même en s'en tenant à ce plafond de 30 euros, peut-être faut-il expliquer, comme le rapporteur m'a invité à le faire, à quoi correspond cette somme. Je rappelle d'abord que la loi limite à trois ou dix ans la durée de gestion d'un compte inactif qui s'écoule avant que les avoirs placés sur ce compte soient transférés à la Caisse des dépôts et consignations. Les établissements doivent s'acquitter, pendant cette période, d'une série d'obligations, parmi lesquelles : la consultation annuelle du RNIPP – répertoire national d'identification des personnes physiques – , pour s'assurer de la situation du titulaire ; l'information des représentants légaux lors de la constatation de l'inactivité et six mois avant le transfert à la Caisse des dépôts et consignations ; la conservation d'un certain nombre de documents. Les frais évoqués permettent de couvrir ces obligations, qui ont notamment pour but de retrouver le plus rapidement possible, le cas échéant, les héritiers légaux.
L'avis est défavorable.
L'amendement no 30 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 32 .
Je confirme, monsieur le secrétaire d'État, que l'exposé sommaire accompagnant l'amendement no 30 mentionne bien la somme de 30 euros. J'ai donc évoqué par erreur, à l'oral, la somme de 100 euros.
L'amendement no 32 concerne l'absence d'utilisation par un particulier de sa carte de paiement et vise à ce qu'elle ne donne pas lieu au prélèvement de frais de commission. Certaines banques – notamment des banques en ligne – facturent, jusqu'à 3 euros par mois ou 50 euros par trimestre, les clients qui ont une carte bancaire chez elles mais ne l'utilisent pas. L'amendement, dans le même esprit que le précédent, vise à ce qu'un particulier n'utilisant pas sa carte bancaire ne se voie pas prélever de frais.
L'amendement n'a pas été examiné en commission.
À titre personnel, je poserai à notre collègue, avec lequel j'ai été en accord depuis le début de sa série d'amendements, le problème suivant : je ne suis pas persuadé que l'utilisation de la carte bancaire fasse partie des frais d'incidents bancaires, d'autant que la concurrence entre les banques permet de choisir un établissement n'appliquant aucun frais pour l'utilisation de la carte bancaire, et que cette information est en général communiquée assez clairement. Les deux sujets ne sont donc pas exactement identiques.
Toutefois – peut-être me trouverez-vous machiavélique – , dans la mesure où je comprends l'état d'esprit qui anime l'auteur de l'amendement, j'émettrai un avis de sagesse, car il n'est pas idiot de considérer qu'il y a parfois des abus dans les frais facturés pour l'utilisation des cartes bancaires. Je suis en réalité un peu gêné ; en effet, s'il me semble exagéré de ranger les frais d'utilisation de la carte bancaire dans la catégorie des frais d'incidents bancaires, je dois avouer qu'il est assez choquant que les banques fassent payer le fait de ne pas utiliser sa carte bleue. Bref, l'amendement est mal calibré mais il tend à défendre une cause juste.
Aussi, dans un esprit très « en même temps », je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée. Peut-être même voterai-je finalement en faveur de l'amendement, tout en ayant pointé ses contradictions !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Je constate, monsieur le rapporteur, que vous cheminez vers le raisonnement « en même temps ». Vous verrez, on s'y habitue…
Revenons précisément sur la justification économique de ces frais, car il peut effectivement paraître quelque peu baroque de facturer la non-utilisation d'une carte bleue.
Toutes les banques n'appliquent pas ces frais : cette pratique est celle des banques en ligne, dont on sait qu'elles sont souvent moins chères, pour des raisons évidentes d'absence de réseau, qu'elles facturent moins de services et qu'elles sont plus intéressantes financièrement pour certaines populations. Ces dernières sont d'ailleurs celles qui y ont le moins recours, car elles sont moins bien informées et appartiennent aux catégories socioprofessionnelles qui ont le moins accès aux banques en ligne – il y a là un enjeu de fracture numérique, sur lequel nous ne reviendrons pas cet après-midi. Ces banques proposent en outre plus souvent des cartes bleues à titre gratuit, ce dont elles font d'ailleurs un argument commercial important.
Or mettre à disposition un compte et une carte bleue a un coût : si l'on souhaite que ces banques rentrent dans leurs frais et justifient cette gratuité, il faut bien que leurs clients ne soient pas fictifs et utilisent leur compte, car c'est ainsi qu'elles assurent leur rentabilité. Pour inciter leurs clients à utiliser leur compte, les banques en ligne leur proposent donc une carte bleue gratuite, mais leur expliquent qu'en contrepartie, s'ils n'utilisent pas leur carte, ils se verront facturer le service auquel ils ont souscrit. C'est ainsi que ce modèle, par ailleurs plus intéressant pour les clients en matière de frais bancaires, trouve son équilibre. Voilà ce qui justifie le fait que les banques en ligne fassent payer la non-utilisation de la carte bleue, ce qui peut effectivement paraître étonnant de prime abord : c'est la contrepartie de la gratuité de la carte. Les priver de cette possibilité pourrait conduire ces banques à facturer la carte bleue pour rentrer dans leurs frais.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement, qui, de prime abord, peut sembler frappé au coin du bon sens, car il importe de prendre en considération la typologie des modèles économiques des banques qui facturent ces frais.
Pour répondre au problème que m'a soumis M. le rapporteur, il existe certes une concurrence entre les banques. Imaginez cependant un couple qui, ayant fait appel à un établissement bancaire pour contracter un crédit immobilier, est extrêmement endetté. Croyez-vous réellement que ce couple fera appel à une autre banque pour obtenir une carte bancaire, sous prétexte qu'elle lui sera facturée un peu moins cher, alors que tous ses avoirs sont placés dans l'établissement auprès duquel il a fait un emprunt ? Tout le monde n'a pas les moyens de négocier avec différentes banques pour profiter des avantages de chacune d'entre elles.
L'amendement no 32 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 34 .
Il porte sur les frais de désolidarisation d'un compte joint. De nombreux couples possèdent un compte commun et décident, par exemple au moment d'un divorce, de se désolidariser. Cette désolidarisation peut être facturée jusqu'à 100 euros – voilà d'où provient, M. le secrétaire d'État, ma confusion lors de la présentation de l'amendement no 30 .
L'amendement no 34 vise à supprimer les frais de désolidarisation d'un compte joint. Celle-ci intervient dans un moment déjà difficile, notamment en cas de divorce ou du décès d'un des deux conjoints. L'objectif est de pousser les banques à faire preuve d'un peu d'humanité en ne facturant pas cet acte.
La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel je suis, à titre personnel, totalement favorable.
Parlons clair : cette disposition fait partie de celles qui devraient être inscrites depuis longtemps dans les bonnes pratiques des banques. De quoi s'agit-il ? De la vie concrète d'un grand nombre de personnes. Un couple – un homme et une femme, deux hommes, deux femmes, que sais-je – se sépare après avoir eu pendant des années un compte commun à la banque, grâce d'ailleurs à la grande loi républicaine de 1792, qui a consacré le droit au divorce. C'est la triste réalité de la vie et cela pose toute une série de problèmes. La banque ne doit pas profiter de l'occasion pour, au simple prétexte de séparer les comptes, prendre plusieurs dizaines d'euros à des couples qui ont bien d'autres sujets de préoccupation. C'est ce que je soulignais tout à l'heure.
Franchement, je n'ai rien contre les banquiers ! Quoique… S'ils profitent de chaque occasion pour nous prendre de l'argent, ça ne va pas ! Quand vous serrez la main à un banquier, recomptez vos doigts ensuite !
Approbations sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.
Je trouve choquant qu'ils profitent d'une telle situation, quand bien même ils ont affaire à des clients fidèles – même si ces derniers ne le sont pas sur le plan conjugal, si vous me permettez de plaisanter à propos d'un problème si douloureux.
Cher collègue, je suis d'accord avec le contenu de votre amendement, qui repose sur une très bonne idée, et vous remercie pour tous ces amendements qui enrichissent mon travail.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et Agir ens.
L'opération de désolidarisation, c'est-à-dire de division d'un compte joint en plusieurs comptes, est une demande spécifique de certains clients, différente de la simple clôture, laquelle est gratuite : un couple qui se sépare peut clôturer son compte sans frais, chacun pouvant ensuite en ouvrir un nouveau chez la même banque ou chez une autre. Nous jugeons assez normal que les banques facturent l'opération de désolidarisation, un service qui demande du temps car il suppose de retravailler les questions de prêts, de partage de fonds et de transfert, de suspension des échéances de crédits. Une intervention du législateur sur ce point ne nous semble pas justifiée. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 34 n'est pas adopté.
Ce matin, nous avons entendu beaucoup de chiffres, par exemple 3,6 millions, soit le nombre de personnes qui, bien qu'en proie à des difficultés bancaires, n'auraient pas bénéficié de l'aide spécifique. Cependant, nous ne connaissons pas réellement les conséquences des frais d'incident bancaire sur les personnes les plus démunies. Dans la même logique que l'amendement no 3 , rejeté tout à l'heure, il s'agit, avec l'amendement no 5 , d'informer le client du montant des frais d'incident bancaire, quand bien même ceux-ci s'élèveraient à 100 euros par an. Cet amendement vise donc à préciser les missions de l'Observatoire de l'inclusion bancaire, afin d'évaluer l'impact des frais d'incident bancaire, notamment pour les plus démunis.
L'amendement no 45 de Mme Émilie Cariou est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
De mon point de vue, ces amendements, qui n'ont pas été examinés par la commission, sont entièrement satisfaits par la rédaction actuelle du premier alinéa de l'article L. 312-1-1 B du code monétaire et financier, qui charge précisément l'OIB – l'Observatoire de l'inclusion bancaire – d'apprécier l'évolution des pratiques des établissements de crédit dans le domaine de l'inclusion bancaire, ce qui recouvre les pratiques en matière de droit aux banques, de droit aux comptes et d'identification et d'accompagnement des clients en situation de fragilité financière.
Par conséquent, je vous propose de retirer vos amendements, au bénéfice de mon amendement no 26 , que votre groupe avait d'ailleurs soutenu en commission, qui étend les missions de l'Observatoire de l'inclusion bancaire aux indépendants et microentrepreneurs, et modifie sa composition – notamment en prévoyant la possibilité d'accueillir des parlementaires – afin de lui donner toutes les garanties d'indépendance. À titre personnel, et avec regret parce que vous m'avez épaulé depuis le début, madame Rouaux, je demande donc le retrait de vos amendements.
Ces amendements étant satisfaits, l'avis est défavorable.
Il s'agit d'inscrire dans la loi – si toutefois le présent texte est adopté – le principe du « name and shame », ou plutôt du « nommer et couvrir de honte » puisque nous sommes en France, en République.
On pourra ainsi savoir quels établissements bancaires ne jouent pas le jeu.
Cet amendement a été rejeté en commission. Toutefois, en tant que rapporteur, j'y suis favorable car il vise à donner une base législative explicite à la pratique du « nommer et blâmer ». Cela permettra d'appliquer les contraventions prévues par le code monétaire et financier en cas d'infraction à certaines obligations des banques envers les clients, la loi ayant, hélas, oublié les infractions au plafond de frais d'incidents bancaires.
Par rapport à la version dont nous avons débattu en commission, je remercie le groupe Socialistes et apparentés d'avoir pris en considération les remarques que j'avais formulées et les sous-amendements que j'avais présentés, notamment en prévoyant que la publication devrait figurer sur le site internet de l'OIB. En effet, il ne suffit pas de dire qu'on va nommer et couvrir de honte, encore faut-il savoir sur quels espaces s'appliquera cette pratique – certains sont si confidentiels que le degré de honte pourrait être ridiculement faible à l'arrivée et donc représenter un coût bien peu élevé…
Je rappelle que l'OIB est pleinement compétent en la matière puisque le quatrième alinéa de l'article L. 312-1-1-B dispose : « Il peut également décrire et analyser les exemples de bonnes ou de mauvaises pratiques individuelles de certains établissements de crédit. »
Cet amendement est satisfait puisque, comme Bruno Le Maire s'y est engagé ce matin, le décret relatif à cette question sera publié en juillet. Par conséquent, aucune nouvelle disposition législative ne nous semble nécessaire. L'avis est défavorable.
Si nous n'intervenons pas, ce n'est pas parce que nous serions en désaccord concernant l'objet du débat ou avec les idées magnifiques proposées par mon collègue Naegelen. J'espère que le Gouvernement trouvera dans ce débat matière à enrichir son décret et mettra sur pied un véritable contrôle. Je nourris quelques doutes concernant le « name and shame ». Cela suscitera certes de la peur du côté des établissements bancaires, mais il faudrait faire figurer une garantie d'efficacité dans la rédaction du décret : son effet doit être réel afin que les pratiques des banques deviennent un peu plus vertueuses.
Bruno Le Maire a certes évoqué ce matin la publication du décret, mais je me méfie un peu des décrets. Pas plus tard qu'hier soir, en écoutant les actualités, j'ai appris que le décret, annoncé par le Gouvernement en avril, visant à plafonner à 95 euros l'utilisation des chèques-restaurant pour éviter aux citoyens d'aller faire les courses trop souvent, n'avait jamais été publié. La loi vaut donc plus que le décret – même si je sais bien qu'une loi doit être assortie de décrets. Je maintiens que certaines mesures doivent être inscrites dans la loi car les décrets ne sont pas forcément publiés.
L'amendement no 11 n'est pas adopté.
Il n'a pas été examiné par la commission, et peut-être présente-t-il certaines contradictions avec ceux qui suivront.
De quoi s'agit-il ? La crise économique et sociale qui succède à la crise sanitaire impose un moratoire sur les frais de commission pour incidents bancaires prélevés par la banque – nous serons, je l'espère, tous d'accord sur ce point, qui me semble une évidence. Or le Gouvernement n'a pas souhaité s'associer à cette demande. Il avait rejeté cette mesure lorsque le groupe La France insoumise l'avait proposée, au mois de mars, lors de l'examen du premier projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie du covid-19.
Je vous propose un amendement à visée large, qui aborde tous les cas de figure, qui concerne tous les clients identifiés comme étant en difficulté, tous ceux qui ont été mis en activité partielle, tous les indépendants qui ont touché le fonds de solidarité ainsi que tous les bénéficiaires des minima sociaux et les boursiers des CROUS – les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires.
Je propose en outre que, dans les quinze jours suivant la promulgation de la loi, les banques procèdent au remboursement des frais prélevés durant la période d'état d'urgence sanitaire. Je leur demande ainsi un geste de solidarité. Elles sont massivement soutenues par les États et les banques centrales, qui leur permettent de se refinancer quasi gratuitement. L'État leur accorde des garanties, jusqu'à 300 milliards d'euros, pour des prêts de trésorerie aux entreprises, ce qui leur permet bien sûr de soutenir les entreprises mais aussi de renforcer le lien avec leur clientèle professionnelle. En retour, il n'est pas excessif de demander aux banques d'exonérer leurs clients de frais d'incident bancaire durant cette période exceptionnelle.
Je conclurai en faisant observer qu'il serait paradoxal, dans ce moment difficile, d'accorder à des individus des aides publiques qui se transformeraient aussitôt, en raison des frais bancaires, en financement privé des banques. Cela s'apparenterait à une politique du panier percé, qui ne semble pas du tout à la hauteur du caractère exceptionnel de la situation. On pourrait donc au moins prévoir que, durant la période de confinement, aucun frais bancaire ne soit prélevé et que tous ceux qui l'ont déjà été soient remboursés aux clients. Cette mesure me semble juste.
Comme Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher l'ont rappelé ce matin, le Gouvernement est très attentif à la situation financière des Français, notamment des plus fragiles, pendant la crise que nous traversons – il l'a déjà montré au cours des dernières heures et continuera à le faire.
Il nous semble néanmoins que le dispositif actuel d'identification des clientèles fragiles permet déjà de repérer les Français qui pourraient être confrontés à des frais d'incident bancaire difficilement maîtrisables – ce sera probablement le cas, hélas, de certains de nos compatriotes. Davantage de personnes seront donc protégées par ce dispositif, qui, tel qu'il est défini et calibré, nous permet d'atteindre les personnes en difficulté, auxquelles il est destiné.
Je rappelle que, dans les prochaines semaines, le Gouvernement travaillera à l'amélioration de ce dispositif par voie réglementaire, afin de permettre une identification plus rapide – comme nous l'avons dit, les incidents seront pris en considération dès le premier mois où ils seront survenus – et plus durable, les personnes en situation de surendettement étant considérées comme fragiles pendant toute la période de traitement du dossier, de façon à ce qu'elles bénéficient du plafonnement des frais.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Je m'interroge sur le caractère opérationnel de la ristourne prévue par l'amendement. Les personnes qui touchent actuellement le RSA, le revenu de solidarité active, ou l'APL, l'aide personnalisée au logement, doivent-elles se présenter à la banque pour faire part de leur situation professionnelle et expliquer qu'elles ont besoin d'une telle remise ? Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, voire que ce soit très recommandé.
De plus, comme l'a dit le secrétaire d'État, il est très probable que la situation de fragilité financière s'applique déjà à certaines personnes et permette le plafonnement des frais d'incident bancaire. Pour la Banque postale, par exemple, le flux créditeur déterminant la situation de fragilité financière est de 1 041 euros, ce qui inclut la partie de la population qui se situe sous le seuil de pauvreté et bénéficie des minima sociaux. Le problème se résout donc de lui-même, sans que les personnes doivent expliquer leur situation professionnelle à leur banquier. Je trouve qu'une telle démarche serait encore plus stigmatisante.
Nous venons de vivre deux mois totalement exceptionnels, au cours desquels des personnes ont été mises au chômage partiel et n'ont perçu que 85 % de leur salaire. Mécaniquement, cela a bien sûr créé une situation un peu plus tendue pour beaucoup de nos compatriotes. C'est sans doute le cas dans vos circonscriptions ; je peux vous dire qu'en Seine-Saint-Denis, nous en sommes arrivés au point où, avec de nombreuses organisations politiques et associations, nous avons mis en place des collectes et des distributions de nourriture destinées à un public qui n'avait jamais été si nombreux. La situation sociale s'est dégradée. Or certains établissements bancaires profitent de l'occasion pour percevoir des frais d'incident bancaire ! Rien que sur le plan moral, n'est-ce pas déjà choquant ? Nous demandons à tous de faire des efforts, mais certains, pour lesquels il n'y a pas de petits profits, se servent au passage ! On devrait leur dire que ce n'est pas possible, alors que toute l'économie est à l'arrêt, et qu'ils doivent cesser ces pratiques !
Au-delà, je vous assure que je connais des gens qui, si nous adoptons l'amendement, seront contents d'aller récupérer les 300 euros que la banque leur a pris ! Ils sont à 300 euros près, ils sont même à 30 euros près !
Soyons sérieux et disons-le : les banques ont continué de faire les poches à des gens placés en chômage partiel qui ne percevaient plus que 85 % de leur salaire. Vous avez entendu mon cri de colère ce matin : que l'on fasse payer en frais d'incidents bancaires quinze à vingt fois plus que ce que ces incidents coûtent, par principe, quelles que soient les personnes concernées, cela me choque déjà ! Mais continuer à les réclamer durant la période de confinement, en particulier à ceux qui se retrouvent en difficulté, alors là ! Ce n'est plus de la politique, c'est de la morale : ceux qui font cela sont immoraux !
M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.
Nous devons leur dire, par la force de la loi, qu'ils n'ont pas le droit de profiter de la période de confinement pour continuer de prélever leur frais d'incidents bancaires !
Bon sang, votez pour mon amendement ! Il est de bon sens et de justice ! Je suis sûr qu'au fond de vous, vous partagez mon indignation. Quand vous serrez la main d'un banquier, il faut vraiment compter vos doigts : s'ils en sont à vous prélever de l'argent pendant le confinement, c'est vraiment inquiétant.
Approbations et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
Compte tenu de la période que nous venons de vivre et de la crise économique et sociale qui va s'aggraver, cet amendement devrait emporter l'adhésion des élus de tous les bancs. Le chômage partiel constitue une bonne mesure, mais 85 % du salaire net, ça ne suffit pas. D'ailleurs, dans les faits, nous avons tous rencontré, dans notre permanence ou dans notre entourage, des salariés qui, en nous montrant leur fiche de paie, nous ont expliqué qu'ils perdaient plus de 16 % de leur salaire net total. De nombreux salariés percevaient aussi des heures supplémentaires et primes diverses qui n'ont pas été prises en compte dans le salaire net de base.
J'ai, dans mon dossier, la fiche de paie d'une personne dont le salaire net de base s'élevait à 1 900 euros mais qui percevait régulièrement 2 200 euros grâce aux heures supplémentaires et à différentes primes. Pendant le chômage partiel, elle a perdu 800 euros par mois et non 200 euros ! Croyez-moi, 800 euros en moins par mois, on le ressent. Si, en plus, la banque vient se servir sur un déficit que vous n'avez en rien causé, où va-t-on ? Il faut faire un geste de solidarité, les banques ne peuvent pas s'y soustraire.
Monsieur Chassaing, ce qu'Alexis Corbière disait de la Seine-Saint-Denis doit être vrai dans d'autres départements : il y a tous les jours des queues devant les banques alimentaires, les Restaurants du coeur et le Secours populaire. Je pense que les gens, pour leur dignité, préfèrent aller voir leur banquier et lui demander de créditer leur compte des 200 ou 300 euros qu'il leur y a pris indûment, plutôt que de faire la queue, au vu de tout le monde, pour récupérer un panier alimentaire.
Je ne partage pas toujours le vocabulaire de M. Corbière, mais je partage totalement son indignation sur ce sujet précis. Les mesures de confinement ont mis toute l'économie du pays à l'arrêt, et des secteurs entiers se sont effondrés – nous avons évoqué, hier, la niche du groupe LR visant à une baisse de la TVA sur l'hôtellerie et la restauration. Certaines activités n'ont eu aucun choix et ont été privées de leur chiffre d'affaires. Le secteur bancaire est amené à facturer automatiquement des frais d'incidents bancaires à des personnes en très grande précarité ; il ne me paraît pas inconcevable qu'il se prive momentanément de cette recette dans une période extrêmement sensible.
Monsieur le président, je retirerai les trois amendements qui suivent sur le même sujet pour me rallier à celui-là. Il y a l'instant politique, mais il y a aussi ce que vivent nos concitoyens.
Imaginez que 50 % des salariés sont rémunérés au SMIC. Dans le secteur du bâtiment, qui s'est largement arrêté, les gens gagnent souvent 1 500 euros par mois, dont 200 euros de panier, qui correspondent à leur repas du midi : ils mangent des sandwichs et récupèrent 200 euros à la fin du mois. Finalement, 85 % de 1 300 euros, ce n'est pas beaucoup. Des gens qui ont toujours tenu parfaitement leur compte, qui veulent gagner leur vie en refusant de s'endetter doivent soudainement, en raison de la crise, payer des frais bancaires. C'est inadmissible !
Il est d'autant plus incompréhensible que nous ne fassions rien que l'on a souvent reproché aux députés de ne pas avoir abandonné 15 % de leur indemnité – je ne veux pas faire de démagogie, mais j'ai entendu cette réflexion. Nous avons aussi une image à donner. Quoi qu'il en soit, nous devons aider les gens concernés. Les banques ont suffisamment de réserves. Le ministre de l'économie et des finances évoquait ce matin leur activité de prêt, mais avouez qu'il leur est assez facile de distribuer des prêts cautionnés à 90 % par l'État !
Nous devons adresser un message à la population en refusant que les citoyens, comme les petites entreprises, paient des frais d'incidents bancaires pendant la crise.
M. Stéphane Peu applaudit.
L'amendement no 22 n'est pas adopté.
Je suis surpris que Mme Rouaux ait retiré ses amendements, mais je respecte sa décision.
L'amendement no 20 reste pertinent malgré le rejet du plafonnement global des frais d'incidents bancaires. Il vise à appliquer aux travailleurs indépendants le plafonnement actuel des commissions d'intervention, soit 8 euros par opération et 80 euros par mois. Les professionnels, qui se retrouvent souvent dans une situation de dépendance face aux banques, doivent disposer des mêmes protections que celles déjà évoquées. Nous rencontrons beaucoup de gens modestes dans nos permanences et nous avons tendance à parler d'eux – c'est d'ailleurs pour eux que nous défendons cette proposition de loi. Il n'en reste pas moins que de nombreux commerçants, des membres des professions indépendantes, des petits patrons…
Vous avez raison, ce sont souvent aussi des gens modestes, mais on y pense moins quand on emploie ces termes car, quand les choses vont bien, ils peuvent toucher des revenus tout à fait satisfaisants, même si tout peut basculer très rapidement en temps de crise, leur compte personnel étant parfois aussi celui de leur microentreprise. Voilà pourquoi il faut prévoir un dispositif qui les concerne aussi.
Il nous semble que la proposition d'application du plafonnement des frais d'incidents à la clientèle professionnelle n'est pour l'instant pas étayée par une analyse suffisamment complète de la situation de ces derniers. Un éventuel plafonnement des frais d'incidents des entreprises nécessiterait, en amont, un important travail d'harmonisation de la nomenclature des services aux entreprises, beaucoup plus variés que les services aux particuliers.
C'est un peu dans cet état d'esprit que le ministre de l'économie et des finances a confié à l'Observatoire du financement des entreprises la mission d'analyser, dans les prochains mois, les services bancaires à destination des TPE-PME, afin de s'assurer de l'adaptation de ces offres à leurs besoins. Cette analyse intégrera un volet sur les frais bancaires acquittés par les TPE et les PME ainsi que sur leur impact sur la situation financière de ces dernières, ce qui répond à la préoccupation et à l'amendement du rapporteur.
Une fois effectuée cette analyse, qui permettra de mieux comprendre la réalité de la situation et les modalités d'action à entreprendre le cas échéant, des décisions pourront éventuellement être prises.
Compte tenu du travail en cours, le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement, mais nous pourrons en reparler le moment venu.
Je crois que nous devons faire attention à ne pas tout mélanger. Certes, des professionnels peuvent être en difficulté, nous le savons parfaitement, et nous sommes en plein dedans. Si vous le souhaitez, nous pourrons voir, à la fin du mois, lors de l'examen du prochain projet de loi de finances rectificative, comment encore les accompagner.
Cependant il faut être prudent s'agissant de la question des frais bancaires. Le service rendu aux entreprises n'est pas du tout le même que celui destiné aux particuliers. Différentes gammes de produits sont réservées aux professionnels, parce qu'ils ont une activité, des relations clients, des besoins de fonds de roulement. Les concernant, la question des frais existe, je ne dis pas le contraire, mais le service dont ils bénéficient est très différent de celui rendu aux ménages.
Il me semble plus utile et plus conforme à la réalité de traiter des frais d'incidents bancaires pour les ménages et non pour les professionnels. Honnêtement, il n'y a pas d'abus de la part des banques sur les comptes de ces derniers.
M. Erwan Balanant émet un sifflement dubitatif.
En tout cas, pour ma part, je n'en constate pas.
Par ailleurs, il faut bien comprendre qu'un service pour les professionnels sans frais, cela n'existe pas. Je le répète, les chargés de clientèle pour les particuliers et les professionnels ne sont pas les mêmes. Comme l'a dit le secrétaire d'État, il faut bien mesurer la différence entre les deux avant de vouloir opérer un rapprochement, un peu trop rapide et facile à mon goût.
Monsieur Corbière, notre harmonie temporaire se brise sur cet amendement car je partage l'avis du secrétaire d'État et du rapporteur général : les comptes bancaires des professionnels et ceux des ménages ne relèvent pas du tout de la même problématique. Nous ne sommes pas favorables à l'amendement non plus.
J'ai compris que nous reparlerons de ce sujet ultérieurement. Permettez-moi toutefois d'ajouter qu'un entrepreneur dont les revenus sont inférieurs à 10 000 euros annuels utilise son compte personnel et qu'il se trouve donc concerné.
En effet, mais il n'en demeure pas moins que son compte lui permet de gérer une activité professionnelle directement concernée par des frais bancaires. Restons-en là, à ce stade !
L'amendement no 20 n'est pas adopté.
Il a été rejeté par la commission.
Nul n'est censé ignorer la loi et quiconque l'enfreint doit être sanctionné ; pourtant, aucune sanction pénale n'est prévue dans le cas où une banque applique des frais d'incidents bancaires supérieurs aux plafonds établis par la loi. Je propose de mettre en place cette sanction en appliquant les contraventions déjà prévues par la législation en cas de méconnaissance par les banques de leurs obligations en matière de droit au compte. Il s'agit de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, soit 1 500 euros au plus, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive.
Même si les banques peuvent se tromper de bonne foi, l'expérience nous incite franchement à veiller au respect de la loi, ce qui passe, hélas, par des sanctions. Cela permettra de créer un cercle vertueux et de rendre les banques beaucoup plus attentives à ne pas faire payer à leurs clients des frais d'incidents bancaires illégaux, en quelque sorte.
Il est défavorable. Les plafonnements prévus par la loi – frais de rejet de prélèvement, de rejet de chèque, de commission d'intervention – sont des obligations légales s'imposant aux établissements. Leur non-respect peut faire l'objet de sanctions en cas de litige porté devant une juridiction. Par ailleurs, comme cela a été dit ce matin, l'ACPR a pour mission de contrôler l'application de cette obligation, et ce contrôle peut donner lieu à des sanctions de la part de cette autorité. Enfin, comme cela a déjà été indiqué, le dispositif de plafonnement des frais d'incident des clients fragiles est contrôlé par l'ACPR en tant que norme professionnelle.
L'amendement no 21 n'est pas adopté.
L'amendement no 23 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est également rédactionnel et a également été rejeté par la commission.
Pourquoi rejeter un amendement rédactionnel ? Quel sens cela a-t-il de refuser un amendement qui cherche à corriger une erreur dans le texte ? À quoi cela sert-il, si ce n'est montrer qu'on ne veut vraiment pas d'un texte ? Même si l'on doit le rejeter, pourquoi ne pas faire en sorte qu'il contienne le moins de fautes possible ?
C'est édifiant, d'autant que vous ne donnez aucun argument de fond contre l'article 2. Le rejet des amendements rédactionnels m'apparaît confondant de sectarisme, il n'a pas lieu d'être.
Je rappelle qu'il est arrivé que des propositions de loi examinées dans le cadre de niches parlementaires et dont vous étiez persuadés qu'elles ne passeraient pas soient finalement adoptées, et nous souhaitons que cela puisse arriver de nouveau. Dans ce cas, même si vous êtes opposés au fond du texte, mieux vaut tout de même qu'il tienne debout puisqu'il sera appliqué à toutes et à tous. Lorsque vous nous présentez un texte, tout en nous y opposant, nous tentons de faire en sorte qu'il soit le meilleur possible. Nous vous invitons à respecter également ce principe ainsi que le travail effectué par l'opposition.
Madame Obono, madame Faucillon, en vous écoutant, je me suis dit que vous aviez tout à fait raison. Néanmoins, en relisant l'amendement, je me rends compte que, contrairement à ce que clame l'exposé des motifs, il n'est pas tout à fait rédactionnel puisqu'il introduit une différence de sens. Sur le fond, vous n'avez pas tort ; mais en fin de compte, si.
Sourires et commentaires.
Madame Obono, madame Faucillon, vous qui avez passé quelque temps dans cet hémicycle, vous savez parfaitement qu'il arrive au Gouvernement d'accepter des amendements rédactionnels de l'opposition. Cela m'est arrivé personnellement, ici comme au Sénat. Mais il se trouve que l'amendement en question n'est pas tout à fait rédactionnel.
Comme M. le rapporteur et moi-même voulions accélérer le rythme d'examen des amendements pour permettre au président Mélenchon de présenter le plus tôt possible sa proposition de résolution, nous avons choisi d'avancer. Mais l'amendement no 24 , qui relève du domaine réglementaire, n'est que faussement rédactionnel.
Nous l'avons rejeté non parce qu'il s'agissait d'une virgule à déplacer, mais parce qu'il posait un problème au fond. Nous serons très heureux, le cas échéant, d'accepter des virgules ou des améliorations de solidité juridique. Toutefois, compte tenu de la nature de cet amendement, nous y restons défavorables.
Ma rigueur ayant été mise en cause, je suis obligé de réagir. J'assume d'avoir voulu accélérer le débat, mais j'observe que la vigilance de mes collègues m'en empêche !
Sourires.
Franchement, il s'agit de remplacer quelques mots avec un sens équivalent ! Si ce n'est pas un amendement rédactionnel, qu'est-ce donc ? Dans le débat sur l'article 2, j'aurais pu développer des arguments sur l'avis à tiers détenteur et les frais qu'il peut occasionner, mais l'amendement no 24 ne visait qu'à remplacer quelques mots par d'autres, tout en gardant l'esprit initial de l'alinéa. Cela dit, le débat entre nous a été riche. Je souhaitais en effet aller plus vite, non seulement pour avoir le plaisir d'écouter le président Mélenchon, mais aussi parce que nous nous étions beaucoup donnés dans la discussion précédente. Cela ne fait rien, prenons notre temps !
L'amendement no 24 n'est pas adopté.
L'article 2 n'est pas adopté.
L'article 3 n'est pas adopté.
L'amendement no 41 est retiré.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 40 .
Le sujet est particulièrement important pour les Français de l'étranger. Nombre d'entre eux ayant choisi l'expatriation, sont contraints de résilier leur convention de compte de dépôt au moment du départ. Or cette mesure est discutable car, au-delà de l'aspect financier, un simple livret A ou PEL – plan d'épargne logement – , souvent détenu depuis l'enfance, représente le fruit d'une longue épargne mensuelle et constitue une sécurité financière dans l'hypothèse d'un retour prématuré. Je propose donc que nos compatriotes qui souhaitent vivre à l'étranger puissent demander le maintien de leur compte à la Banque de France pour pouvoir s'engager dans leur vie plus sereinement.
L'amendement n'a pas été examiné en commission. Je ne suis pas omniscient. Si je comprends bien, vous proposez de créer une voie de recours particulière pour les seuls clients de nationalité française établis hors de France. Les Français qui vivent à l'étranger peuvent déjà, comme les autres clients des banques, bénéficier de la procédure du droit au compte, c'est-à-dire du droit à l'ouverture d'un compte de dépôt, sous réserve d'être dépourvus d'un tel compte en France.
Votre amendement est à la limite du cavalier législatif car ce n'est pas vraiment l'objet du texte, mais il reste quand même dans le sujet plus large des préoccupations des Français face à leur établissement bancaire. Je suis plutôt favorable à votre proposition. Les Français de l'étranger rencontrent manifestement plus de difficultés pour faire jouer leur droit au compte. Vous proposez une approche préventive qui évite de rompre le lien bancaire préexistant en France. Pourquoi pas ; vous connaissez mieux que moi la situation des Français à l'étranger et avez, je présume, été confronté à ce problème. À ce stade, je suis donc favorable à votre amendement.
Il est défavorable car l'amendement donnerait aux Français résidant à l'étranger le droit de contester la résiliation de leur convention de compte par l'établissement, ce qui créerait une rupture de droit avec les Français résidant sur le sol national, qui n'en bénéficient pas. Par ailleurs, la résiliation d'une convention, par la banque ou par le client, relève de la liberté contractuelle tant qu'elle respecte le principe d'information préalable fixé à l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier, auquel il ne semble pas justifié de déroger ici.
L'amendement no 40 n'est pas adopté.
Tout à l'heure, nous avons parlé des missions que mon texte, s'il était adopté, donnerait à l'Observatoire de l'inclusion bancaire, l'OIB. L'amendement, qui a été rejeté par la commission, vise notamment à fixer au niveau législatif une partie de la composition de cet organisme. Celui-ci pourrait par exemple inclure des représentants des associations oeuvrant dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, des associations de consommateurs et des associations familiales, dont la participation, à ce jour, est seulement prévue par décret. On pourrait également imaginer la présence de représentants syndicaux du personnel des banques, dont nous avons peu parlé aujourd'hui, alors que les employés des établissements bancaires sont aussi les victimes de ce drame qu'ils vivent en première ligne : en contact direct avec les clients, ils souffrent souvent de devoir leur appliquer les frais d'incidents bancaires. Enfin, on pourrait prévoir la présence d'un député et d'un sénateur, ce qui est toujours utile. Cela alignerait la composition de l'OIB sur celle du Comité consultatif du secteur financier – nous en avons ici un membre éminent.
M. Daniel Labaronne adresse à M. le rapporteur un salut de la tête.
Leur participation, évidemment non rémunérée, apporterait des garanties supplémentaires pour que les travaux de l'Observatoire soient entendus et ses préconisations, suivies. La commission a rejeté l'amendement ; j'y suis toutefois favorable à titre personnel, vous l'avez compris.
Défavorable – cela ne vous surprendra pas.
L'amendement tend à élargir le champ des compétences de l'OIB à tous les clients, y compris professionnels. Le sujet de la clientèle professionnelle étant déjà traité par l'Observatoire du financement des entreprises, cette évolution ne nous semble pas nécessaire.
L'amendement ajoute que l'OIB « appuie l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans l'exercice de ses missions relatives au respect des obligations des établissements de crédits concernant les frais d'incidents de paiement ». Or c'est déjà le cas, comme le prévoient les articles R. 312-15 et R. 312-16 du code monétaire et financier, qui fixent les règles régissant les relations entre l'OIB et l'ACPR.
L'amendement prévoit par ailleurs de modifier la composition de l'OIB pour y inclure des représentants des associations luttant contre la pauvreté, des associations de consommateurs, des représentants du personnel des établissements, un député et un sénateur. Hormis les représentants du personnel des établissements et des parlementaires, la présence de ces catégories est déjà prévue dans la composition de l'OIB, fixée au niveau réglementaire.
Cela étant dit, même si nous sommes défavorables à l'amendement dans son ensemble, il nous semble qu'inclure des parlementaires dans la composition de l'OIB pourrait être souhaitable. Nous vous proposons, monsieur le rapporteur, d'y travailler dans le cadre d'un véhicule législatif ultérieur. Puisque vous avez fait un pas en direction du « en même temps », nous en faisons un, vous le voyez, vers le côté gauche de l'hémicycle.
Sourires.
J'ai vu cependant que vous alliez jusqu'à trouver des points d'accord avec son côté droit ; vous cheminez !
J'aurais adoré pouvoir appuyer cet amendement, en particulier la présence de parlementaires à l'OIB. Mais une sorte de jurisprudence sénatoriale veut que le président du Sénat refuse de nommer des sénateurs dans les observatoires dès lors que ceux-ci ne relèvent pas de la loi, ce qui est le cas de l'OIB.
J'ignore s'il convient d'élargir les missions de l'OIB ou d'en modifier la composition – nous n'avons naturellement rien contre. Ce qui est certain, et qui correspondrait à l'esprit de cette proposition de loi, c'est que l'ACPR, qui intervient en général dans des conditions de stabilité du système bancaire, pourrait se donner pour mission supplémentaire de réfléchir au rôle de l'activité bancaire, à l'insertion de celle-ci dans la société et même au contact entre le monde bancaire et les ménages.
L'amendement no 26 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 36 .
Nous savons tous – le ministre Le Maire l'a répété ce matin – que le code monétaire et financier prévoit une obligation d'information des consommateurs sur l'ensemble des frais relevant des agios. Le but de l'amendement est de préciser qu'on doit aussi informer les citoyens sur les intérêts débiteurs, qui représentent un coût relativement important. Ce serait normal !
L'amendement n'a pas été examiné par la commission. Je ne sais pas ce que je couve, mais je suis totalement d'accord avec vous, monsieur Naegelen !
Sourires.
Vous avez parfaitement raison : les intérêts débiteurs doivent faire partie des frais pour lesquels la banque doit respecter un délai de quatorze jours de prévenance. Toutes ces informations doivent en effet être données aux consommateurs. La mesure proposée est bonne, j'y suis favorable.
J'ai beaucoup de bonne volonté à l'égard du rapporteur, mais la mesure me semble difficile à appliquer techniquement. Un découvert fait l'objet d'un taux d'intérêt et celui-ci est public : on doit payer x % sur la somme qu'on doit à l'établissement. Selon qu'on a 100, 200, 500 ou 1 000 euros de découvert, en appliquant à la somme le taux d'intérêt, on peut calculer le montant des frais dont on sera redevable. Mais on ne peut pas le connaître avant de savoir à combien s'élève le découvert. Il est donc normal que l'établissement rende public le taux qui sera appliqué, mais il ne saurait donner un chiffre en valeur absolue, dans la mesure où il ne connaît pas par avance le montant du découvert. Il me semble donc matériellement impossible que les banques le fassent, même si elles étaient d'accord.
Vous l'avez dit, le taux d'intérêt est connu et le calcul peut en effet être compliqué à effectuer. Toutefois, dès lors qu'on connaît le taux d'intérêt et le maximum du découvert autorisé, la majorité des Français apprécierait de connaître la somme potentielle maximale des intérêts débiteurs, c'est-à-dire un vrai chiffre et non un taux exprimé en pourcentage.
Je vais abonder dans le sens de M. le secrétaire d'État : le calcul, qui est effectué ex post, est expliqué dans le relevé de compte des intérêts débiteurs lorsque ceux-ci sont prélevés. Cette explication peut être un peu compliquée lorsque le découvert a varié au cours des trente derniers jours : dans ce cas, le code monétaire et financier prévoit que le client peut demander à l'établissement de lui détailler le calcul.
Ce calcul étant effectué a posteriori, on ne peut pas demander à un établissement bancaire de se contenter de prendre le maximum du découvert et de le multiplier par le taux d'intérêt. C'est d'autant plus impossible à faire sur le plan technique que la plupart des taux d'intérêt sont indexés sur des taux publics et varient chaque mois ou chaque trimestre.
L'amendement no 36 n'est pas adopté.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 42 .
À l'heure où la crise du coronavirus braque les projecteurs sur la nécessité de renforcer notre partenariat avec l'Afrique, je vous propose une mesure très simple puisque je vois que le secrétaire d'État se montre très réceptif à nos propositions d'idées.
La mienne, qui est concrète et ne coûterait rien, permettrait à nos compatriotes et aux ménages africains de respirer pour zéro euro, monsieur le président Mélenchon. Elle consisterait à supprimer les frais bancaires sur les virements internationaux pendant un temps.
Elle peut paraître très simple mais je vous assure qu'elle aurait des conséquences importantes. Chaque année, les transferts d'argent effectués par les diasporas africaines représentent en effet plus de 86 milliards de dollars, soit plus de la moitié de l'aide publique au développement à destination de l'Afrique.
Le problème est qu'avec la pandémie de covid-19, ces transferts d'argent sont de plus en plus difficiles à effectuer, à tel point que la Banque mondiale estime qu'ils pourraient diminuer de 20 % cette année.
Il est donc temps d'activer ce levier pour montrer que notre pays est reconnaissant à l'égard de tous nos compatriotes travailleurs – agents d'entretien, petits commerçants, caissiers et autres – qui sont, pour nombre d'entre eux, issus des diasporas africaines, mais aussi à l'égard des populations africaines elles-mêmes, puisque ces fonds sont utilisés pour la consommation directe dans des pays dont les ménages et l'économie ont été fortement affectés par la crise sanitaire.
Nous leur devons bien cette reconnaissance, qui, je le répète, ne coûtera pas un euro à nos finances publiques.
Monsieur El Guerrab, je vous propose de soutenir l'amendement no 39 dans la foulée puisqu'il se rapporte au même sujet que le précédent.
Volontiers, monsieur le président.
Mes chers collègues, je vous propose de créer un article additionnel pour que ce texte couvre des situations que nombre d'habitants et de voyageurs de ma circonscription rencontrent au Maghreb et en Afrique de l'Ouest.
Nombre de nos concitoyens ont été bloqués au Maghreb, non seulement au Maroc et en Algérie, mais aussi dans d'autres pays africains. Ils se sont retrouvés dans des situations humaines dramatiques, terribles.
Tous ceux qui ont la chance de voyager hors de l'Union européenne ont eu un jour la mauvaise surprise de constater les commissions retenues par les banques, à raison d'un paiement par carte ou d'un retrait à l'étranger, voire d'un virement international.
Quand cela n'arrive qu'une fois, on peut trouver le montant modeste. En réalité, la facture peut vite devenir salée pour nos compatriotes établis hors de France ou pour les voyageurs qui font de longs séjours à l'étranger. En effet, chaque banque a sa propre grille tarifaire et les commissions peuvent aller du simple au triple selon les établissements.
Il apparaît donc nécessaire que nous fixions légalement des plafonds. Tel est le sens de ma démarche. Cette mesure simple permettrait à nos compatriotes les plus modestes, déjà durement touchés par la crise, de partir en vacances et de rentrer avec le sourire.
Ces deux amendements, qui n'ont pas été examinés en commission, ne traitent pas du même sujet même s'ils ont été présentés successivement par notre collègue.
Sourires.
Si j'étais taquin, je dirais que l'amendement no 42 – dont je comprends néanmoins parfaitement l'esprit – propose une sorte d'anti-taxe Tobin : ne taxons surtout pas les virements vers l'étranger ! Je ne suis pas d'accord avec cette façon d'envisager les choses.
Certains font des virements pour aller dans les îles Caïman ou à Monaco, et je ne suis pas sûr que la diaspora monégasque doive bénéficier de cet avantage assez incroyable.
Votre erreur est de considérer que les virements internationaux ne doivent subir ni frais ni commission. D'après votre présentation, je comprends que vous pensez à la diaspora qui fait la richesse de notre pays et de son histoire, notamment ces familles originaires de pays africains qui voyagent beaucoup et qui rencontrent des difficultés.
Il faudrait donc que nous puissions cibler les bénéficiaires de l'éventuelle suppression des taxes et des frais, afin de la réserver, par exemple, aux pays destinataires de l'aide publique au développement. Une telle rédaction me semblerait plus rigoureuse, mais ce n'est pas celle que vous avez choisie.
Je suis donc défavorable à cet amendement no 42 , même si j'en comprends parfaitement la philosophie. À l'occasion d'un autre débat, nous pourrions réfléchir à la manière de l'affiner pour le rendre efficace.
Quant à l'amendement no 39 , j'y suis plutôt favorable à titre personnel, malgré ses nombreuses ambiguïtés : j'en comprends l'esprit, les abus en la matière étant indiscutables.
Tout d'abord, je relève une difficulté : les banques françaises ou étrangères, qui mettent ces services à disposition, passent parfois par des plateformes technologiques étrangères sur lesquelles elles n'ont pas forcément la main en matière de facturation. Elles sont alors elles-mêmes dépendantes de ces frais.
Mon expérience fait que je connais moins les retraits en Afrique que ceux qui sont effectués dans les pays orientaux.
Dans les faits, certaines néobanques – malheureusement pas souvent françaises mais exerçant sur notre territoire – proposent des offres intéressantes. Je ne vais pas en faire la publicité ici, mais je peux indiquer que les virements et les retraits effectués au distributeur dans nombre de pays étrangers, y compris hors Union européenne, sont gratuits.
La concurrence pousse donc à la diminution des frais, ce qui fait que l'offre bancaire actuelle permet de répondre à la problématique que vous soulevez. Encore faut-il que les citoyens en aient connaissance. Compte tenu du rythme de développement de ces néobanques, je n'ai pas beaucoup de doute sur le fait que l'offre sera assez vite popularisée.
Avis défavorable aux deux amendements.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir émis un avis favorable à mon amendement no 39 . Quant à vous, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour vos explications.
Quoi qu'il en soit, je rappelle que des milliers de nos concitoyens sont encore bloqués à l'étranger où ils vivent des situations humaines terribles.
Peu de mes collègues, dans cet hémicycle, ne m'ont pas saisi pour que j'intervienne en faveur de telle ou telle personne. J'en ferai le décompte un jour, mais je peux dire qu'au moins une centaine de parlementaires m'ont demandé d'intervenir pour des compatriotes français bloqués à l'étranger.
Ce sont souvent des gens modestes, des camping-caristes, des citoyens aux petits revenus. Ils n'ont pas le profil de ceux qui se connectent pour changer de banque avant de partir à l'étranger. On a souvent le même compte bancaire depuis sa jeunesse et on n'en change pas pour faire un voyage ou un déplacement. Votre solution n'est donc pas vraiment réaliste, monsieur le secrétaire d'État.
Si vous en êtes au stade de la rédaction du décret, je vous fais cette proposition pour combler l'un des trous dans la raquette qui existent concernant les frais bancaires.
Rejeté par la commission, cet amendement concerne le Comité consultatif des services financiers – CCSF – , dont la mission est de rendre un rapport annuel sur les tarifs bancaires.
Déplorant que le champ de ce rapport soit actuellement restreint « aux clients personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels », je vous propose de supprimer cette restriction.
Cette mesure permettra au CCSF de présenter des avis sur ce sujet, issus de la consultation de l'ensemble de ses membres, alors qu'actuellement seule sa présidente peut, à titre personnel, présenter des rapports sur l'accès des travailleurs indépendants aux services bancaires et financiers. J'indique d'ailleurs que cette présidente, une personne dont les interventions sont passionnantes et très enrichissantes, a présenté un travail tout à fait intéressant sur le sujet.
Je propose également que le rapport sur les tarifs bancaires présente un état des lieux plus qualitatif sur l'action des banques, afin de prévenir les incidents ou irrégularités de fonctionnement des comptes.
Enfin, je propose d'inscrire dans la loi la participation des représentants syndicaux des personnels des banques. Elle n'est actuellement prévue que par décret alors que celles des représentants des banques et des clients figurent dans la loi.
Il s'agit de garantir que ce CCSF dispose de toutes les informations sur la manière dont les banques orientent concrètement le travail des conseillers en contact direct avec la clientèle.
Cet amendement n'a pas été adopté en commission, je le répète, mais le rapporteur que je suis y est favorable.
La clientèle des entreprises diffère de la clientèle de particuliers. Son suivi a été confié à l'Observatoire du financement des entreprises – OFE – qui dispose d'une expérience plus fine de ses besoins et de ses spécificités. Dans les prochains mois, l'OFE lancera d'ailleurs une étude sur les services aux petites entreprises et sur les frais bancaires qui leur sont appliqués.
J'en viens à la réalisation d'un état des lieux des pratiques des banques. Le CCSF travaille déjà, par l'intermédiaire de l'Observatoire des tarifs bancaires, au suivi des tarifs bancaires – incluant les frais d'incident – et aux pratiques des établissements.
En outre, l'OIB est chargé d'analyser les bonnes et mauvaises pratiques individuelles des établissements, notamment en ce qui concerne la prévention des incidents pour les clientèles fragiles. Dans ce contexte, les évolutions proposées ne nous semblent pas nécessaires. Avis défavorable.
Comme je crois savoir que notre collègue Fontenel-Personne s'apprête à retirer le prochain et dernier amendement, je profite de la discussion que nous avons sur celui-ci pour faire un tour d'horizon de nos échanges sur le texte.
Monsieur Corbière, je vous remercie d'avoir proposé ce texte qui nous a permis de débattre d'un sujet capital, celui des frais bancaires. Nous ne sommes cependant pas favorables à sa philosophie, car nous considérons qu'une baisse uniforme pour tous les clients ne répondra pas à l'objectif d'amélioration du pouvoir d'achat qui est poursuivi : cette baisse se traduira par l'augmentation d'autres frais.
De même, nous ne sommes pas sûrs que cette stratégie de baisse uniforme, qui revient à occulter la question de la fragilité financière, serait de nature à améliorer la situation.
Nous ne sommes pas d'accord non plus sur la méthode : nous préférons passer par les décrets et les arrêtés, ce qui nous a permis de beaucoup avancer sur le sujet depuis deux ans.
Le ministre de l'économie et des finances et le secrétaire d'État ont, ce matin, rappelé ces avancées. Nous nous sommes ainsi fortement mobilisés pour accélérer la détection des clients fragiles, qui a pu être réduite à un mois. Nous espérons que la publicité des critères de détection de la clientèle fragile permettra, à terme, leur harmonisation. Signalons aussi un reporting beaucoup plus fréquent et régulier sur cette population fragile.
Autre élément fondamental : l'ouverture de la documentation sur la vulnérabilité financière des très petites entreprises – TPE. Enfin, la rénovation de la charte permettra d'accompagner les clients fragiles.
Hier soir, je rencontrais les membres d'une association nationale qui me disaient que le sujet de l'inclusion bancaire n'avait jamais autant avancé que depuis deux ans.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Si nous avons bien compris, le dernier amendement va être retiré, ce que nous regrettons. Ce n'est pas que nous soyons fanatiques des rapports qui, comme chacun le sait, finissent généralement au fond d'un tiroir, mais celui-ci aurait quand même été intéressant.
À la suite de la crise des gilets jaunes, les banques avaient pris des engagements sur la limitation des frais bancaires et sur la clarification des conditions de contacts avec les ménages, qu'elles n'ont manifestement pas tenus.
Il aurait donc été intéressant que nous fassions le point, dans quelques mois, sur la limitation des frais bancaires, que la proposition de loi soit adoptée ou non.
L'amendement no 25 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Pascale Fontenel-Personne, pour soutenir l'amendement no 1 .
L'amendement vise à s'assurer du respect de leurs engagements par les banques. Cependant, M. le ministre de l'économie et des finances ayant annoncé ce matin l'application du principe du « name and shame », je le retire.
L'amendement no 1 est retiré.
Il a été retiré, monsieur Balanant ; ce n'est donc pas possible.
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.
L'ensemble des articles et des amendements portant article additionnel ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Jean-Luc Mélenchon déclarant la nécessité du rachat de la dette publique par la Banque centrale européenne – BCE – et de sa transformation en dette perpétuelle (no 2914).
La présente proposition de résolution invite l'Assemblée nationale de notre République à se prononcer sur une mesure de salut public qui, si elle était adoptée, ne serait pas immédiatement appliquée, puisqu'il faudrait convaincre nos partenaires de sa nécessité et prendre pour cela des initiatives diplomatiques : du moins, elle donnerait la force aux représentants français d'agir pour obtenir son application au plan européen. Cette mesure est l'annulation de la dette publique des États européens.
Je sais ce que le mot « annulation » peut susciter de surprise et d'émoi. Nous pouvons donc le remplacer, si cela vous arrange, par « dette perpétuelle » ou « dette pour toujours sans intérêt ». Peu importe.
Je comprends également que l'on ne saisisse pas d'entrée de jeu que cette annulation ne spoliera ni ne ruinera personne puisqu'il s'agit de titres et de dettes des États qui sont dans le bilan actuel de la Banque centrale européenne.
Beaucoup d'entre vous apprendront avec étonnement, j'en suis certain, que 45 % du bilan de la BCE est constitué de dettes des États membres de l'Union européenne. Ainsi, cette banque centrale dont le statut a disposé qu'elle était indépendante – j'ai personnellement voté contre ce statut – n'a pas le droit de prêter aux États, mais elle a désormais celui d'encaisser les intérêts que ces derniers paient pour leur dette : en effet, elle a racheté entre-temps les titres des dettes souveraines qui se trouvaient dans les banques privées, afin de leur donner des liquidités et des certitudes que ne leur garantissaient plus ces titres de dette.
C'est donc 45 % du bilan de la BCE qui est constitué de dettes des États membres. Quant à nous, Français, 18 % de notre dette souveraine se trouvent dans les caisses de la Banque centrale européenne – 20 % pour les Allemands.
Pourquoi prendre une telle mesure ? Parce que nous avons impérativement besoin que l'État recouvre une capacité d'intervention économique maximale. En effet, si la joie du déconfinement, bien naturelle, peut donner ici et là le sentiment que la page est tournée, ce serait une illusion que de s'y laisser prendre.
La crise ne fait que commencer, hélas, pour nous tous. Fort heureusement, il semble que le virus soit saisonnier ou, du moins, que le risque de contamination soit moins élevé que prévu – je n'en sais rien, évidemment, je n'ai pas autorité en la matière. Ce dont je suis certain, en revanche, c'est qu'arrive vers nous un véritable mascaret, qui résulte du croisement du calendrier et de la situation des personnes.
Au point que, pour une fois, je citerai à cette tribune le président du Mouvement des entreprises de France – MEDEF – , qui n'est pas une de mes références habituelles, mais il se trouve que, cette fois-ci, je suis entièrement d'accord avec lui : « On peut craindre que la crise économique ne se transforme en crise sociale puis démocratique. » Nous n'en sommes pas encore là ! « C'est, dit-il, grâce aux investissements de l'État que l'on va faire repartir l'économie. »
Le président du MEDEF ne vous dit pas que c'est le marché qui fera repartir l'économie : il vous dit que c'est l'État ! Encore faut-il que l'État puisse le faire. Et pour cela, il faut qu'il cesse d'être étouffé par la dette qui limite aujourd'hui ses possibilités d'intervention.
Alors, que va-t-il se passer ? Je vous invite, chers collègues, à prendre la mesure de l'événement que nous vivons, inouï, unique, sans précédent. En 2008, nous avons connu un choc financier gigantesque, qui a entraîné le recul de 3 % de la richesse nationale. Pour le combler, il nous a fallu quatre ans. Aujourd'hui, le recul de la richesse nationale est estimé à 11 % – personne ne dit d'ailleurs que ce chiffre est définitif. Si nous suivions le même rythme qu'en 2008, à supposer que tout se déroule de la même manière, il nous faudrait consacrer les douze prochaines années au rattrapage économique de notre pays. Autrement dit, nous vivrions dans le tohu-bohu de ce qui ne serait plus un chômage de masse, mais un chômage généralisé.
Au demeurant, il est à peu près certain que la façon avec laquelle se disloqueront – et se sont déjà disloquées – les longues chaînes d'interdépendance économique de la production sera différente de 2008, car celle-ci a, cette fois-ci, été atteinte dans sa substance. Il n'est aujourd'hui de production qui ne soit globalisée. Les Français ont découvert que même l'agriculture l'était et que, sans recours à ces longues chaînes de production, il ne pouvait y avoir de souveraineté alimentaire : nous ne pouvons plus écarter le risque de famine dans une grande nation agricole comme la nôtre.
Sans polémiquer, j'affirme qu'il n'est pas vrai que le plan de relance prévu en France et que celui annoncé par l'Union européenne soient suffisants pour remettre en route la machine. Il suffit de comparer les quantités qu'ils mettent en mouvement l'un et l'autre.
Pour ce qui concerne le plan européen, la masse dont il a été décidé représente 3,3 % du produit intérieur brut – PIB – de l'Europe, alors que celui-ci devrait reculer de 7,7 %. Quant à la France, ce qu'elle engage représente 2,5 % de son PIB, pour un recul de 11 %.
Mais tous les pays ne procèdent pas ainsi et permettez-moi, à présent, de me référer au ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire – vous voyez comme je choisis mes citations aujourd'hui ! Il a présenté, devant la commission, une analyse que je partage entièrement. Selon lui, si les pays européens sortent du confinement économique dans des conditions trop déséquilibrées, la zone euro ne résistera pas, ce qu'il considérerait comme une catastrophe. Il faut bien admettre que, si la zone euro venait à s'effondrer du fait d'un creusement des écarts entre les États, ce ne serait un bienfait pour personne. On doit toujours chercher à maîtriser la situation économique : personne n'a rien à gagner au désordre et au chaos dans ce domaine.
Observons que les États-Unis d'Amérique consacrent 10 % de leur PIB à relancer leur économie et, surtout, que la République fédérale d'Allemagne y consacre 20 % du sien. Quant au plan européen qui additionne les interventions de chacun des États européens pour produire l'intervention générale, 57 % de son montant concernent l'Allemagne. Inéluctablement, l'écart entre notre économie et l'économie allemande va se creuser. Il ne peut être question de rester les bras ballants face à un tel déséquilibre.
C'est pourtant dans la zone sud de l'Europe que se produit l'essentiel de la richesse européenne. S'il est vrai que l'Allemagne est la première puissance économique européenne, la deuxième, la troisième et la quatrième puissances sont la France, l'Italie et l'Espagne, qui la concurrencent dans maints domaines.
Nous ne pouvons donc pas continuer d'accepter que l'on nous présente la situation actuelle comme une évidence. Elle n'en est pas une pour moi et je sais que je ne suis pas le seul à le penser.
Que dire des efforts auxquels l'État devrait consentir s'il avait la volonté de planifier le déconfinement économique – comme il devrait l'être – , afin de privilégier certaines chaînes de production plutôt que d'autres ? Nous voulons bien convenir qu'il faut sauver l'industrie automobile et lui consacrer des milliards : toutefois, lorsque seulement 17 % des véhicules qui se vendent en France sont produits dans notre pays, il est certain que les aides allouées à ce secteur iront à des productions qui n'y sont pas situées.
Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Voici donc dressé le cadre général. Voyons maintenant comment il se télescope avec le calendrier.
Le mois de juin est le moment du benchmarking trimestriel et semestriel. Au cours de l'été, les entreprises discuteront avec leurs banques pour savoir comment seront reconduits les crédits. À la rentrée de septembre, 700 000 jeunes arriveront sur le marché du travail. Au mois de décembre, les emprunts contractés dans le cadre des plans de relance arriveront à terme. Un maximum de demandes et un minimum de moyens seront donc concentrés sur une période très courte : à la rentrée, en effet, les familles devront assumer de nombreuses charges, notamment celles liées à la rentrée scolaire et à l'achat de carburant pour le chauffage.
C'est la raison pour laquelle il faut d'urgence prendre une mesure forte. Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, en sont convaincus.
N'est-ce pas étonnant que l'ex-banquier central Mario Draghi soit, lui aussi, partisan de l'annulation de la dette, tout comme le gouverneur de la Banque de France et M. François Bayrou, cher à quelques-uns d'entre vous, estimé par les autres ?
Tous disent qu'il faut bloquer la dette de la France. Pour cela, deux étapes seront nécessaires. Tout d'abord, la petite annulation : 18 % de la dette des Français pourraient immédiatement être gelés, ce qui annulerait l'ensemble de la dette liée à la crise sanitaire due au covid-19.
Ensuite, la grande annulation : le reste de la dette continuerait d'être acheté par la Banque centrale européenne aux banques privées et gelé au fur et à mesure.
La mesure que je propose ne constitue une spoliation pour personne. Elle ne crée ni inflation ni désordre. Jamais, dans l'histoire, des dettes d'une telle ampleur n'ont été payées. Il n'y a, en vérité, que quatre solutions : le paiement de la dette – auquel il faudrait consacrer toute notre existence – , l'hyperinflation, la banqueroute ou la guerre. Nous ne voulons d'aucune d'entre elles. Il ne reste qu'une voie possible : l'annulation !
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC et GDR.
Notre pays vit l'une des plus graves crises économiques qu'il ait connues depuis 1945. Le niveau européen prend ici toute son importance. La coopération sanitaire et l'urgence de construire une Europe de la santé à l'avant-garde de la recherche sont essentielles. La coopération et le renforcement de la solidarité sont également de mise dans le domaine économique.
Le groupe Écologie démocratie solidarité est très attaché à la construction européenne et défend l'idée de construire la souveraineté technologique et industrielle européenne par la relocalisation et la réindustrialisation verte de l'économie française et européenne.
Nous défendons, au plan européen, la nécessité d'établir un taux minimal d'imposition respecté par les grandes entreprises, afin de lutter davantage contre l'optimisation fiscale et sociale des multinationales, grâce à des dispositifs fiscaux et à des réglementations sociales revisités.
Notre projet européen est aujourd'hui à un tournant. Il sera de plus en plus fortement remis en cause si nous ne nous montrons pas davantage solidaires. C'est pendant les crises qu'il doit montrer toute son importance.
Pour soutenir la reprise économique en Europe, le plan de relance proposé par la Commission européenne, doté de 750 milliards d'euros, est évidemment à saluer ; l'accord franco-allemand sur un plan de relance financé par une dette commune des États européens, émise par l'Union et dépensée par le biais du budget européen, constitue également une grande avancée vers la mutualisation de la dépense budgétaire. Aujourd'hui même, la BCE a annoncé qu'elle allait doter de 600 milliards d'euros une enveloppe d'achat de dettes, le montant de ses interventions dépassant ainsi 1 600 milliards. Néanmoins, notre politique européenne doit être déployée plus avant : il nous faut revoir les règles de concurrence, afin de construire de véritables champions industriels européens. La BCE pourrait, par exemple, refinancer auprès de notre Banque publique d'investissement une cinquantaine de milliards d'euros d'avances ou de subventions sans contreparties, à l'intention des ménages et des entreprises notamment.
Le groupe Écologie démocratie solidarité votera contre cette proposition de résolution. Nous reconnaissons qu'elle a le mérite de nous conduire à nous interroger sur certains éléments structurants de l'architecture budgétaire européenne. Cependant, elle fait peu de cas de l'attachement d'autres pays de la zone euro à l'indépendance de la BCE, indispensable à sa crédibilité et au respect de son mandat, tel qu'il est fixé par les traités. Elle fait peu de cas également de la nécessité de délibérer collectivement de ce que nous voulons pour l'avenir de l'Europe : la politique actuellement conduite par la BCE, qui lui permet d'acheter une quantité importante de titres publics, de maintenir des taux bas et de réinvestir des titres arrivant à échéance, constitue déjà un outil puissant pour soutenir les États de la zone euro.
La mise hors marché des biens communs que sont la santé et l'éducation est, bien sûr, nécessaire. Notre déficit, aujourd'hui record, doit s'accompagner de mesures de financement fortes, en faisant contribuer non seulement les plus aisés, mais aussi les entreprises intervenant sur notre marché européen commun. L'annulation globale des dettes immédiates et sans contrepartie écologique ne doit pas devenir la nouvelle formule magique politique de ceux qui croient que l'on fait preuve de solidarité en affirmant qu'il ne s'agit que de rayer une petite ligne comptable. Aussi notre groupe proposera-t-il de nombreuses mesures, y compris de financement, afin de renforcer, notamment sur le sol français, le niveau de service public. Certaines dispositions seront proposées, notamment dans le prochain projet de loi de finances. C'est pourquoi nous ne voterons pas cette proposition de résolution : pour être sérieusement solidaires, il nous faudra commencer par être solidaires sérieusement – c'est ce que nous verrons dans le prochain projet de loi de finances.
Le travail parlementaire a quelque chose de fascinant : tel le héros du roman de H. G. Wells, il permet d'explorer le temps, …
… la machine étant, dans notre cas, cette proposition de résolution. Ainsi va l'idée de dette perpétuelle, forme de crédit utilisée comme instrument de dette souveraine depuis la fin du Moyen Âge. La France a maintes fois eu recours à ce mécanisme, comme lors du premier emprunt public, émis en 1535 par François Ier, mais aussi en 1825.
Par un tour tel que l'histoire sait régulièrement nous jouer, c'est un certain Pierre-Joseph Cambon qui a créé le Grand Livre de la dette publique, lequel unifie l'ensemble des engagements de l'État sous forme de rente perpétuelle à 5 %, dont les deux tiers seront annulés en 1797.
Ce rappel est savoureux quand on sait que la Cour des comptes siège aujourd'hui dans la rue éponyme.
L'Arlésienne de la dette est sans doute le concept économique le plus vieux du monde, et le plus discuté. Un épisode récent l'a encore illustré, lorsque la France, par la voix du Président de la République, s'est courageusement prononcée en faveur d'une annulation massive de la dette africaine, celle-là que le regretté homme d'État burkinabé Thomas Sankara qualifiait de « reconquête savamment organisée de l'Afrique ». Il avait également, à propos des bailleurs de fonds, cette saillie pleine de dérision, que je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous : « des hommes dont le "bâillement" suffirait à créer le développement chez d'autres ».
En effet, toute dette a vocation à être remboursée et, comme dit le vieil adage auvergnat : « Qui doit n'a rien à soi. » Cette évidence, pleine de bon sens terrien, érigée en principe dans mon Cantal natal et partagée dans les territoires champenois, breton, alsacien, normand ou encore nordiste, dont sont issus les femmes et les hommes du groupe Agir ensemble, le fils de bûcheron que je suis, pour qui une grume est une grume, ne saurait que vous recommander de vous y tenir.
Par ailleurs, ces obligations n'ont de perpétuelles que le nom. En effet, si les porteurs n'ont pas le droit d'exiger un remboursement, l'émetteur peut décider à tout moment de rappeler sa dette, selon des échéances qu'il définit ; notre pays a ainsi racheté des obligations émises à la Libération. Qu'elles soient publiques ou privées, les dettes perpétuelles ont, dans les faits, quasiment toujours été remboursées par les émetteurs. Ce mécanisme est tombé en désuétude avec la fin des conflits mondiaux du XXe siècle et l'apparition de l'inflation – ces rentes étaient devenues des catastrophes financières pour les épargnants. En outre, puisqu'elles sont plus risquées que les dettes classiques, les taux d'intérêt sont plus élevés : avec un tel mécanisme, nous nous retrouverions à devoir payer la dette à vie, avec des taux d'intérêt plus importants qu'actuellement. L'augmentation des taux pourrait toutefois être limitée, voire nulle, si la Banque centrale décidait d'uniquement inscrire la dette publique à son bilan, sans recourir au marché obligataire.
Cependant, la proposition de résolution semble faire l'impasse sur le contexte et les discussions européennes.
Ainsi, pour parer aux conséquences du confinement et à la fermeture des frontières, la BCE a présenté le 18 mars dernier un plan de 750 milliards d'euros baptisé « programme d'achats d'urgence face à la pandémie ». La BCE espérait ainsi soulager les banques, tout en les incitant à relancer les prêts aux ménages et aux entreprises, pour éviter un arrêt de l'économie. Or, dans un arrêt rendu public le 5 mai dernier, le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe a demandé à la BCE de justifier sa politique d'achats d'actifs, avant août 2020 ; à défaut, la Bundesbank se verrait empêchée de participer au rachat massif d'obligations souveraines. Cette décision pourrait faire jurisprudence et remettre en cause la politique actuelle de soutien aux États européens. C'est pourquoi le groupe Agir ensemble préconise de saisir l'Assemblée parlementaire franco-allemande, jeune instance qui doit puiser à la crise sanitaire et économique sans précédent que nous traversons tout son poids et toute sa légitimité ; le couple franco-allemand, à l'origine, déjà, de la création d'un fonds de relance de 500 milliards d'euros, doit, plus que jamais, être à la manoeuvre sur ce sujet capital, qui engage notre génération ainsi que celle de nos enfants.
Je profite de ce débat pour avancer l'idée, soufflée par ma collègue Valérie Petit, de recourir à la souscription citoyenne, à l'image de la création du Fonds d'investissement et de reconstruction de l'eurozone impulsée par Axelle Lemaire : l'objectif est de conduire des actionnaires ou des prêteurs à investir avec un horizon décennal dans des entreprises de toutes tailles, avec une logique de filières et de territoires. Les initiatives privées comme celle-ci vont dans le bon sens et doivent être encouragées. Alors que l'Europe doit relever de multiples défis extérieurs, il n'est tout simplement pas raisonnable de remettre en cause le mandat et les statuts de la BCE, comme vous le recommandez dans cette proposition de résolution. « Rien n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les institutions », disait Jean Monnet : c'est pour cette raison que le groupe Agir ensemble votera contre cette proposition de résolution.
La crise du covid-19 a engagé l'État dans des dépenses publiques importantes pour soutenir notre système de soins, l'économie et – plus modestement, hélas – nos concitoyens les plus précaires. La crise a certainement rappelé à beaucoup les vertus de l'intervention publique, l'importance de services publics développés, notamment à une échelle de proximité. On a constaté combien il était indispensable d'accroître la dépense publique durant cette épreuve. La situation actuelle constitue une preuve supplémentaire, s'il en fallait une, qu'en période de grands bouleversements, de grands défis, l'intervention de la puissance publique constitue une nécessité impérieuse pour sortir par le haut de la situation. C'est ainsi que, durant la crise, le Gouvernement a fini par adopter – je dirais en dernier ressort – un principe simple : il est rationnel de s'endetter quand il y a urgence économique, sociale ou environnementale, d'autant plus quand les taux d'intérêt sont faibles.
Si cette crise fait passer notre dette publique à 115 % du PIB, il est fort à parier que l'augmentation ne s'arrêtera pas là, tant les besoins de financement public seront plus importants que jamais dans les mois, et même dans les années à venir, surtout si on pense que l'État – la puissance publique – , doit tenir un rôle de stratège pour relever des défis tels que la transition écologique ou le redressement de notre système de santé. Dès lors que cette dette s'accroît, même pour des raisons parfaitement légitimes, de grandes sirènes retentissent pour nous alerter sur les conséquences de ce fardeau. Nous devons apporter une réponse. Il semble, à nos yeux, essentiel d'éluder la solution habituelle, celle-là même qu'énoncent le ministre de l'économie et des finances ou le gouverneur de la Banque de France, affirmant qu'il faudra rembourser la dette dans un avenir proche.
En fait, aucun pays dans l'histoire n'a jamais remboursé sa dette publique en dégageant chaque année quelques économies. Infliger à notre pays de telles politiques budgétaires se révélerait à coup sûr mortifère – l'expérience grecque en est une preuve flagrante.
Ces économies en régime d'austérité, donc lourdes de conséquences pour nos concitoyens, ne permettraient pas même de rembourser cette dette. Il existe aussi une solution d'annulation pure et simple de la dette. Il existe encore une solution qui consiste à vivre avec cette dette en en limitant les effets nuisibles – c'est l'objet de cette résolution, qui propose de transformer les titres de dette publique, détenus par la Banque centrale européenne, en titres de dette perpétuelle à taux nul. Un tel dispositif aurait le mérite d'empêcher une augmentation des taux d'intérêt de la dette actuelle, puisqu'il ne serait plus nécessaire de refinancer régulièrement ; il réduirait également la charge considérable de 38 milliards d'euros payés annuellement pour les intérêts de la dette. Dans ces deux derniers cas, la solution est techniquement possible, puisqu'il n'y a aucun inconvénient à ce que la BCE assume des pertes ou exerce ses activités avec des fonds propres négatifs, puisqu'elle détient le monopole de la création monétaire.
Pour être complètement efficace, la solution proposée par le groupe de La France insoumise ou la solution d'annulation doit être couplée à un mécanisme de prêts directs aux États par la BCE. Il n'est aujourd'hui plus supportable que la BCE continue de verser massivement des liquidités sur les marchés financiers, en rachetant des titres de dette privée et publique. Au-delà des dérégulations économiques qu'elle implique, notamment avec l'apparition de bulles spéculatives, cette politique de rachats de titres profite en premier lieu aux banques et aux fonds de placement. Il est donc essentiel que la BCE injecte désormais des liquidités directement auprès des États – ainsi que des collectivités – , pour sécuriser les États lorsqu'ils devront contracter des dettes.
Vouloir relever les défis sociaux et environnementaux qui sont devant nous et dessiner une perspective écologique, sociale et solidaire impose de ne pas reproduire ce qui a été fait, par exemple, au moment de la crise de 2008, ce qu'évidemment beaucoup de nos concitoyens appréhendent. Ils redoutent en effet que les salariés, les précaires, toutes celles et tous ceux qui n'ont pas encore été suffisamment soutenus pendant la crise que nous traversons – je dis « encore » dans l'espoir que nous puissions les atteindre, alors qu'ils n'ont pas été suffisamment soutenus durant la crise – ne se retrouvent, encore une fois, être ceux qui payent cette dette. Une transformation radicale de notre système monétaire et économique est donc nécessaire et, dans cette perspective, la France devrait être à l'initiative d'un changement de doctrine monétaire en Europe et d'une remise à plat des statuts de la BCE. Vous l'aurez compris, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera en faveur de la résolution du groupe de La France insoumise.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Notre assemblée examine cet après-midi la proposition de résolution déclarant nécessaires le rachat de la dette publique par la Banque centrale européenne et sa transformation en dette perpétuelle. Cette proposition des membres du groupe de La France insoumise, qui porte sur deux questions, appelle selon moi trois types de remarques.
Le premier est juridique : les deux premiers points de cette proposition de résolution ne sont pas conformes au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Vous proposez que la BCE transforme la dette actuelle des État en dette perpétuelle à taux nul immédiatement. Nous sommes d'accord sur un point : la BCE, et les banques centrales nationales détiennent dans leur bilan des titres d'État achetés dans le cadre des programmes d'achat de titres que la BCE a adoptés, afin de rétablir les canaux de transmission de la politique monétaire. Cependant, a-t-elle la possibilité de transformer, comme vous le prônez, cette dette en dette perpétuelle ? Non !
L'article 123 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne interdit aux banques centrales « d'accorder des découverts ou tout autre type de crédits » aux États membres. L'exposé des motifs de votre proposition de résolution, évidemment, ne mentionne nullement cette interdiction, vous conduisant à des affirmations fausses.
Il en va de même pour votre proposition de racheter la dette sur les marchés secondaires, pour la geler progressivement. Contrairement aux assertions, fausses, de l'exposé des motifs, une modification du traité serait nécessaire.
Enfin, vous souhaitez que la BCE puisse acheter directement de la dette aux États, que ces derniers ne seraient pas dans l'obligation de rembourser. Cette opération est également interdite.
Par ailleurs, je relève qu'au deuxième point de l'article unique, vous prévoyez que la BCE « émette de la dette publique des États ». Cette formulation me semble, sur le plan juridique, maladroite, erronée, mal argumentée, parce que vous oubliez qu'il s'agit de deux personnes morales distinctes, et qu'une banque ne peut émettre de la dette pour un État – fait juridique essentiel. Cette proposition, ainsi, pose des difficultés de fond.
Ainsi, pour appliquer vos propositions, il conviendrait de modifier substantiellement les traités, et donc d'obtenir l'accord de tous les pays de la zone euro, ce qu'on peut déjà qualifier de mission impossible.
Il y a certainement d'autres problèmes, outre les quatre que je viens de citer. Clairement, cette proposition n'a pas de valeur juridique, puisque l'exposé des motifs indique souvent le contraire de l'article unique, ou n'en explique pas les dispositions.
Pour que le groupe de La République en marche accepte cette proposition, il faudrait donc entièrement la réécrire, sur le fond plus encore que sur la forme.
Ma deuxième série de remarques porte sur les conséquences économiques de vos propositions. Dans l'exposé des motifs, vous écrivez que les statuts et le mandat de la Banque centrale européenne « lui assurent une indépendance problématique et des objectifs contraires à l'intérêt général. »
En premier lieu, l'indépendance de la Banque centrale européenne lui permet de remplir son mandat plus efficacement. Toutes les études montrent que cette indépendance lui a permis de mieux atteindre les objectifs qui lui ont été attribués, en particulier en matière d'inflation et de croissance économique.
En second lieu, l'objectif de la Banque centrale européenne est de veiller à la stabilité du marché et des prix : c'est le coeur de sa mission. On ne peut pas dire, comme vous le faites dans l'exposé des motifs, que c'est contraire à l'intérêt général.
Vous souhaitez remettre en cause l'indépendance de la BCE et sa mission d'intérêt général. Nous n'y sommes évidemment pas favorables.
De plus, il est faux d'affirmer qu'il existe de l'argent facile. Les banques centrales ont aussi des obligations à respecter. Dans un monde globalisé, interconnecté, une annulation massive et soudaine d'environ 11 000 milliards d'euros de dette publique aurait des conséquences parfaitement inconnues et incontrôlables. C'est un risque qu'il est impossible de courir.
La BCE est un organe essentiel de la construction de la zone euro : sur le plan économique, elle a permis de stabiliser la monnaie ainsi que les mondes bancaires et financiers, et elle a logiquement protégé les petits épargnants.
Remettre en cause ses mandats et statuts est une chose – il est probable qu'ils doivent évoluer ; mais complètement les redéfinir en est une autre, et ce n'est pas à l'ordre du jour. L'urgence est tout autre : il faut travailler sur le financement de la relance, le rachat de la dette de certains pays, comme c'est le cas avec l'Italie actuellement.
Plutôt que de faire rêver, il faut être opérationnel, et utiliser les outils à notre disposition pour agir vite. On voit bien que La France insoumise se trompe de guerre : nous ne sommes plus en 2008 ni en 2009, mais en 2020.
Ma dernière série de remarques est d'ordre politique. Au niveau communautaire, l'application de vos propositions ne manquerait pas de provoquer une crise politique supplémentaire, alors qu'il nous faut déjà résoudre une crise économique et sanitaire.
Par ailleurs, alors que, dans ce texte, vous proposez de faire évoluer la Banque centrale européenne, dans votre programme initial, vous prévoyiez de la supprimer. C'est un sacré revirement, un sacré changement, puisque vous vous rendez compte que la BCE a une utilité, et pourrait en avoir d'autres ! En fait, tout en n'envisageant les choses que du point de vue de la souveraineté nationale, vous prenez conscience qu'un autre outil, européen, doit être central.
Après ce revirement total des dogmes de La France insoumise, êtes-vous prêts à nous rejoindre pour construire l'Europe et la zone euro, et les consolider ? Tel est en tout cas le sens de votre programme.
Or vous vous trompez de méthode pour y parvenir. Pour toutes les raisons juridiques, économiques, et évidemment politiques que j'ai données, le groupe de La République en marche ne votera pas en faveur de cette proposition de résolution.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le groupe MODEM et apparentés s'opposera à cette proposition de résolution de notre collègue de La France insoumise pour des raisons de fond mais aussi à cause de désaccords sur la forme, qui n'est, comme on l'a dit, que « le fond qui remonte à la surface ».
Sur le fond, je tiens à souligner que l'émission, ainsi que la transformation, de la dette publique en dette perpétuelle à taux nul équivaut à une monétisation directe de celle-ci. En effet, ni le principal, ni les intérêts, par définition, ne seront remboursés.
Cette monétisation, en conduisant à un accroissement de la masse monétaire plus rapide que la croissance risque d'engendrer de l'inflation, que ce soit dans l'économie réelle ou pour certaines classes d'actifs, comme l'immobilier ou les marchés financiers. Qui paiera cette inflation, quelle qu'en soit la forme ? Principalement les moins aisés. L'inflation, dans l'économie réelle, est une taxe supportée par tout le monde, particulièrement par les plus pauvres qui n'ont pas les moyens d'acheter des actifs de couverture comme la pierre. Ils sont aussi les principales victimes de l'instabilité financière, comme l'illustre malheureusement la récession de 2008-2010.
Toutefois, ma principale critique porte sur la forme. Vous proposez que l'Assemblée nationale « invite le Gouvernement à exiger de l'Union européenne que la Banque centrale européenne rachète les dettes publiques. »
Le sens premier d'exiger est de « demander quelque chose en vertu d'un droit légitime ou prétendu tel ».
Au sens figuré, il s'agit d'« obliger à certaines choses », ce qui traduit votre drôle de conception des relations entre États, entre partenaires européens.
Or je ne vois pas en vertu de quel droit légitime la France pourrait se permettre de formuler des exigences auprès de ses partenaires européens.
En revanche, elle peut, bien entendu, formuler des propositions et convaincre ses partenaires. L'Europe est une union, elle n'est pas la domination de l'un sur les autres.
Cette formule montre aussi votre manque de compréhension du système monétaire européen. La BCE est indépendante, ne vous en déplaise.
C'est ce qui lui a permis de sauver l'euro en 2012, alors que l'Eurogroupe était empêtré dans les désaccords entre États du Sud et du Nord.
Au fond, dans cette proposition de résolution, vous feignez de ne pas comprendre la réponse européenne à la crise du covid-19 et ses conséquences sur les économies européennes. La réponse européenne a, certes, pris du temps, mais elle est formidable et nombreux sont les observateurs à saluer son ampleur.
En 2008, nous avions commis la faute de ne pas répondre de manière coordonnée à la crise, laquelle a eu des conséquences dévastatrices pour les Européens deux ans plus tard. La crise des dettes souveraines est, au fond, un enfant de cette lacune.
Je veux maintenant m'attarder sur la réponse de la Banque centrale européenne, qui a annoncé, outre plusieurs dispositifs visant à faciliter l'accès aux liquidités dans l'économie, un programme d'achat massif, d'un montant total de 1 350 milliards d'euros, puisqu'elle a annoncé 600 milliards d'achats supplémentaires cet après-midi.
Dès l'annonce de ce programme d'achats d'urgence face à la pandémie, les écarts entre les taux d'intérêts des emprunts des différents États-membres ou spreads, se sont fortement restreints, et les taux d'intérêts des États européens eux-mêmes ont retrouvé leur niveau, historiquement faible, du début de l'année.
Si l'on écoute Olivier Blanchard, qui n'est pas un économiste ultralibéral, il n'est nul besoin de créer de la dette perpétuelle à taux nul, qui porte en elle trop de dangers. La situation actuelle, de taux bas voire négatifs, soutenus par la BCE apparaît comme un bien meilleur équilibre.
Enfin, la réponse budgétaire des États européens marque une rupture historique encore plus forte. D'un montant de 1 350 milliards d'euros, ce plan inaugure une nouvelle ère de l'histoire de l'Union européenne. Pour la première fois, nous disposons d'une réponse commune d'une ampleur adéquate. Ce véritable soutien européen doit aider les États les plus fragilisés par la crise sanitaire et ses conséquences économiques, l'Italie et l'Espagne en particulier.
Ce plan prend en compte les urgences auxquelles nous faisons face, au-delà de la simple crise sanitaire, comme la formation ou la transition énergétique. Contrairement à vos desiderata, il n'a pas été exigé par tel ou tel pays : il a été proposé par la France et l'Allemagne, puis discuté et amendé par les chefs d'État et le Parlement européen. Cette méthode a été la bonne.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Monsieur le président Mélenchon, vous m'avez épaté, je le dis franchement. Ce que vous avez proposé est absolument exceptionnel. Vous êtes très clairement le seul à l'avoir fait.
Évidemment, nous ne sommes pas d'accord sur tout. Je ne suis pas un grand spécialiste de la finance, loin de là – je connais mieux les varicelles.
Votre proposition porte sur deux points très différents. Premièrement, vous proposez que, globalement, la dette de la France soit en quelque sorte oubliée, ce qui ne me semble ni raisonnable ni raisonné.
Deuxièmement, vous proposez l'instauration d'une dette perpétuelle. Cette idée, essentielle, pourrait sauver notre pays, j'en suis absolument persuadé à titre personnel. C'est une évidence absolue.
Je ne suis pas le seul à le penser. Le gouvernement espagnol, socialiste, qui compte politiquement plutôt parmi mes amis, a exactement les mêmes idées que les vôtres, et demande : « Nom de nom, pourquoi ne pas instaurer un tel type de dette ? »
Un économiste nommé George Soros, que l'on ne comptera pas parmi les idiots – comme Éric Raoult – , considère, lui aussi, que l'idée n'est pas complètement stupide. Tout peut se passer très calmement, à droit constant, sans aucun problème.
La situation deviendrait plus compliquée, s'il fallait rediscuter l'article 123 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne – en faveur duquel je n'ai pas voté. C'est simple, je n'ai voté en faveur d'aucun accord européen, si bien que je peux aborder ces questions avec beaucoup de calme.
Votre proposition a deux composantes. La première implique de rediscuter les traités européens pour parvenir à un nouvel accord. La deuxième, en revanche, peut être appliquée à droit constant, et ne gêne personne.
Les Espagnols le demandent, Soros le demande, des gens intelligents et beaucoup d'économistes s'y intéressent. C'est une évidence absolue.
Je ne sais pas combien de temps il me reste, parce que trois minutes trente pour un groupe, c'est quand même terrible ! Plus il y a de groupes, moins il y a de possibilités de s'exprimer : c'est absolument terrible.
Je voudrais dire une dernière chose, très simple. Vous l'avez souligné, monsieur le président : il y a la guerre et il y a des dettes. À l'époque de Philippe le Bel, c'était facile, on brûlait les Templiers. Au temps des Capétiens, c'était simple, on virait les banquiers lombards en Hollande ou en Italie. En revanche, on perdait tout l'argent.
On peut accepter un certain nombre de choses… Le Brexit rappelle le comté d'Artois, mais c'est un mauvais exemple, parce que cela s'est mal terminé : Robert III d'Artois est passé chez l'ennemi et il en est mort. Tout cela est très logique. La dette de l'Allemagne a été effacée en 1953 : sans cette annulation, où en serions-nous aujourd'hui ? En 1947, la dette française représentait 297 % du PIB : nous étions laminés. Est-ce que l'Assemblée nationale aura l'intelligence de dire, aujourd'hui : « On arrête tout ça » ? Le Président de la République a dit que nous étions en guerre : eh bien, faisons une guerre !
Voilà, c'est tout ce que je voulais dire. Malgré toutes nos différences, je pense que le président Mélenchon a raison.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.
Je souhaiterais tout d'abord remercier nos collègues du groupe de La France insoumise pour deux raisons. Premièrement parce que, grâce à cette proposition de résolution, nous pouvons débattre du financement de la dette publique des États membres de l'Union européenne. Deuxièmement, parce que nous nous réjouissons de constater le tournant fédéraliste pris par le groupe de La France insoumise.
M. Mélenchon rit.
En effet, faire gérer et monétiser les dettes des États membres par la BCE, quelle belle preuve d'un désir de fédéralisme, monsieur le président Mélenchon ! Je salue cette démarche et cette initiative. Nous avons été ensemble députés au Parlement européen et je vois que vous vous épanouissez depuis lors.
Rires sur les bancs du groupe FI.
Bravo.
Pour en revenir au fond, selon le postulat de cette proposition de résolution, la transformation de la dette publique en dette perpétuelle permettrait de ne jamais avoir à la rembourser. Son principal avantage réside dans le fait que cette transformation permet de s'affranchir du besoin de refinancement de la dette quand celle-ci arrive à échéance. Mais, comme pour la dette actuelle, avec échéance, il faut payer des intérêts, une rente en l'occurrence.
De plus, la dette perpétuelle ne peut résoudre le problème de déficit perpétuel que connaît la France depuis 1974. Cette situation ne peut que contribuer à alourdir les intérêts de cette dette jusqu'à ce qu'elle ne soit plus soutenable. Vous connaissez tous le principe : si on ne rembourse pas sa dette, on reste dépendant, notamment des intérêts qui s'accumulent. Le mécanisme de la dette perpétuelle n'y échappe pas.
Les deux points fondamentaux du mécanisme de financement de la dette que vous proposez, monsieur Mélenchon, sont les suivants : une centralisation du stockage de la dette des États membres ; une centralisation des émissions de titres de dette au nom des États membres sur les marchés financiers par la BCE.
Tout d'abord, cette mise en tampon de la BCE n'est qu'un déplacement du problème du financement des États, qui risque d'être déresponsabilisant pour ces derniers, puisqu'ils n'auront plus à se soumettre aux marchés pour se financer.
Autre inconvénient, et pas des moindres : le mécanisme que vous nous proposez prévoit la disparition du marché secondaire et par extension, du quantitative easing, c'est-à-dire du rachat de la dette par la BCE. Ainsi, en raison de cet appel d'air, les taux d'intérêt et l'attractivité des titres de dette seront moins favorables, ce qui ne sera pas sans effet sur la BCE, lorsqu'elle essaiera de monétiser pour les États leur dette sur les marchés pour se financer.
Enfin, il existe également une incohérence entre l'établissement d'une dette perpétuelle à taux nul des États, stockée par la BCE, et l'émission par celle-ci de titres de dette à taux nul ou négatifs pour des maturités à long terme sur les marchés.
Quels investisseurs accepteraient de donner leur argent gratuitement, voire en payant ? L'hypothèse la plus réaliste est que la BCE paiera des intérêts pour se refinancer et s'endettera donc pour assurer la dette perpétuelle des États.
Mais si, c'est exactement ça ! Vous voyez également l'indépendance de la BCE comme un problème, alors qu'elle est, en fait, une garantie démocratique de stabilité. Elle nous assure contre des déstabilisations éventuelles de la zone euro – c'est une réalité et vous le savez – , si certains gouvernements européens étaient tentés de contrôler l'action de leur banque centrale. Car, sous couvert de démocratie, c'est avec l'argent de l'ensemble des Européens que vous souhaitez prendre des risques considérables.
La réponse européenne visant à créer une dette commune est d'ailleurs finalement bien plus appropriée en matière économique qu'en matière de solidarité.
Le groupe UDI et indépendants, qui a toujours soutenu la construction européenne, ne peut que se féliciter de ce progrès. Il votera contre cette proposition de résolution, car au-delà de la remise en cause des fondements mêmes de notre politique monétaire européenne, le système proposé nous cantonnerait à verser des intérêts, sans pour autant nous désendetter ou en tout cas nous pousser à le faire. C'est l'asservissement par la rente que vous nous proposez : nous ne pouvons pas vous soutenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LaREM.
La France et l'Europe sont entrées dans une des pires récessions de leur histoire récente : selon les estimations dont nous disposons, le PIB de la zone euro reculerait de 7,7 % en 2020. Cette vague a submergé les tabous maastrichtiens.
Nous rejoignons donc le Président de la République, pour une fois, lorsqu'il déclarait en novembre dernier que la règle des 3 % du PIB était un débat d'un autre siècle. Le même déclarait le 12 mars qu'il fallait sauver notre économie « quoiqu'il en coûte » ; « Quoi qu'il en coûte », a-t-il répété.
Nous avons donc voté deux lois de finances rectificatives faisant le choix de recourir massivement à la dépense publique et à l'emprunt pour éviter un effondrement économique et social. Cet engagement était nécessaire en situation d'urgence, bien que nous pensions que les prêts bancaires que l'on a fait contracter à tous crins sont dangereux. Mais à présent, quels engagements face aux autres urgences ?
Rappelons-nous qu'en avril 2019, le chef de l'État, à une soignante qui lui demandait plus de moyens pour les hôpitaux, avait répondu : « Il n'y a pas d'argent magique. » Rappelons-nous aussi des réponses à nos demandes d'augmenter l'investissement, notamment public, pour lutter contre l'urgence climatique et environnementale.
Quoi qu'il en soit, en 2020 le déficit public devrait dépasser 10 %, tandis que la dette publique sera sans doute supérieure à 115 % ou à 120 % du PIB, cela a été maintes fois relevé.
La pandémie de covid-19 touchant les autres pays membres de l'Union européenne et de la zone euro, la Banque centrale européenne a présenté, dès le 9 mars, un programme d'achats d'urgence face à la pandémie, de 750 milliards d'euros, pour tenter de contenir les répercussions de la pandémie sur l'économie. Ce dernier vient d'être enrichi de 600 nouveaux milliards et sera prolongé jusqu'à fin juin 2021 ; cette enveloppe pourrait d'ailleurs être rallongée dans les prochains jours.
En rachetant ainsi massivement de la dette sur les marchés, la BCE tente de soulager les banques et de les inciter à maintenir, voire à relancer les prêts aux ménages et aux entreprises pour soutenir la production et l'emploi. Notons d'ailleurs que la BCE veut organiser ces rachats sur le marché de manière flexible et mettre l'accent sur certains titres souverains en grande difficulté.
À titre de comparaison, de mars 2015 à décembre 2018, la banque centrale avait acheté des titres du secteur public, pour un total de 2 600 milliards. Ces interventions se situent, nous le savons, aux limites du mandat actuel de la BCE. C'est d'ailleurs ce qui alimente la controverse avec la cour constitutionnelle allemande.
Nos collègues du groupe de La France insoumise veulent aller plus loin. Ils nous proposent que la BCE, plutôt que de racheter aux banques privées des titres de dette des États, rachète directement de la dette publique des États membres pour la stocker comme dette perpétuelle à taux nul, c'est-à-dire sans donner lieu à paiement d'intérêts.
Pour les émissions de dettes futures, ils proposent que ce soit directement la BCE qui émette de la dette publique des États à taux nul ou à des taux négatifs pour les maturités à très long terme. L'approche est intellectuellement stimulante, il faut le reconnaître ; elle repose sur le postulat du caractère exceptionnel, global et inédit de la crise actuelle. Elle alimente d'ailleurs les débats d'économistes entre les partisans de la restructuration et ceux de la monétisation. À ce stade, elle se heurte au fait que la BCE s'interdit pour le moment d'acheter de la dette d'une maturité supérieure à trente ans, y compris dans son programme d'achats d'urgence face à la pandémie.
Plus globalement – c'est au demeurant le souhait de nos collègues de La France insoumise – cela suppose de remettre sur la table les dogmes économiques de l'Union européenne, les traités qui la régissent et, enfin, les statuts et le mandat de la BCE, y compris la sacro-sainte lutte contre l'inflation.
Cette proposition de résolution sans détour a le mérite de repenser notre endettement, même si elle se confronte, cela a été aussi souligné, à de nombreux obstacles.
Les députés du groupe Libertés et territoires n'ont pas le même avis à son sujet. À titre personnel, je voterai en sa faveur, parce qu'elle a le mérite de mettre à l'agenda européen des réponses inédites aux questions liées à la dette des pays européens. Le débat doit absolument cheminer en temps de guerre.
Nos échanges au sein de notre groupe ont montré qu'au-delà de nos divergences d'approche, nous nous rejoignons sur l'impératif que l'Union européenne ne sorte pas affaiblie de cette crise, car d'autres défis nous attendent : comment financer l'indispensable transition écologique, vecteur de croissance de demain, si notre taux d'endettement à l'issue de la présente crise est trop important ? Là encore, il nous faudra dépasser certains dogmes et croyances. Il est du rôle de la France de porter une voix singulière auprès des partenaires européens, afin qu'une politique monétaire audacieuse redonne des marges de manoeuvre budgétaires pour financer l'avenir. Nous en avons besoin.
Alors qu'un tsunami économique et social est devant nous, l'Europe est tétanisée, immobile, inconsciente. Le plan de relance français, comme l'a très justement souligné Jean-Luc Mélenchon, est très largement insuffisant. Le plan de relance de la Commission de Bruxelles et des États européens est sous-dimensionné et complexe. Il est, de surcroît, une très mauvaise affaire pour la France, puisque l'on apprend que les remboursements se feront sur la base de la contribution française au budget européen, soit 21 %, alors qu'on nous promet aujourd'hui 39 milliards sur les 500. L'Allemagne, qui mobilisera plus de 50 % des fonds de relance, est sur le point de distancer définitivement les autres pays : le fossé avec la France et l'Italie fera exploser la zone euro que vous chérissez tant.
Pour éviter le chaos économique et social à venir, la seule marge de manoeuvre est monétaire. Le Royaume-Uni l'a bien compris. Les États-Unis et la Chine en ont l'habitude puisque, pour eux, la monnaie est un moyen et non une fin en soi. Ces deux superpuissances ont, chacune à son tour, assis leur domination technologique sur leurs facilités monétaires – ce que n'a pas compris l'Europe, enfermée dans le malthusianisme.
Voilà pourquoi ce projet de résolution a le mérite de proposer la seule – je dis bien la seule – voie raisonnable et intelligente de sortie de crise. La transformation en dette perpétuelle à taux nul de la dette actuelle des États détenue par la BCE ne léserait personne : s'agissant des 18 % de la dette publique française stockés à la banque centrale, la mesure effacera à elle seule le coût de la dette liée au covid-19. Donnons une marge de manoeuvre à notre pays pour éviter la spirale de l'endettement, qui aboutit à la récession et au surendettement.
Certains membres de la majorité se sont inquiétés d'un autre point qui me semble au contraire être un avantage : cette disposition aurait le mérite de clarifier la position de l'Allemagne. Dans un espace de solidarité, aucun pays ne peut bâtir sa prospérité sur la ruine de ses voisins, avec lesquels il enregistre des excédents commerciaux gigantesques. Si l'Allemagne refusait, au moins les choses seraient-elles clarifiées et il pourrait être mis fin à l'euro de manière négociée.
Au-delà de cette question de la monétisation temporaire, il serait temps soit de permettre à la BCE de racheter les titres des États, soit de prendre acte de la situation et de rétablir des monnaies nationales flexibles et coordonnées. Il n'y a pas d'autre solution. Du reste, cela ne manquera pas d'arriver si vous restez les bras ballants. Même Michel Rocard, qui était pourtant comme vous un Européen convaincu – peut-être avec regret à la fin de sa vie – , déclarait ceci le 22 décembre 2012 sur Europe 1 : « Jusqu'en 1974, la Banque de France finançait l'État sans intérêts. Si on en était resté là, la dette française serait de 16 % à 17 % du PIB et non de 90 % » – comme à l'époque, car elle atteindra bientôt 115 % du PIB.
Hélas, comme vous le savez bien, la France, à l'image de certains pays développés, a choisi une autre voie qui s'est avérée un piège diabolique, en obligeant l'État à emprunter auprès des marchés financiers moyennant des intérêts. Les défenseurs du système actuel d'endettement auprès des marchés financiers osent prétendre que c'est la seule façon de bien gérer l'argent public, car les prêts sans intérêts des banques centrales inciteraient à dépenser sans compter et à créer de l'inflation. Oui, si ces emprunts sont excessifs ; non, s'ils sont réservés à l'investissement stratégique, comme je le propose.
Nous avons constaté le résultat de ce stratagème dangereux. D'une part, payer des intérêts n'a jamais limité le recours à l'emprunt par les gouvernements successifs, invoquant sans cesse les règles d'or et la bonne gestion tout en endettant les Français sans investir dans l'avenir. Plus aucun budget n'est à l'équilibre depuis 1974 ! D'autre part, l'accumulation des intérêts à payer et le service de la dette ont pris un poids considérable dans les dépenses de l'État, dépassant celui de services publics essentiels comme la sécurité ou l'investissement public.
La monétisation de la dette, bien gérée et réservée aux investissements stratégiques comme l'ont fait les États-Unis et la Chine, le Royaume-Uni et le Japon, est le seul moyen de conserver notre rang au XXIe siècle et d'éviter le déclassement stratégique de l'Europe et de la France, leur entraînement dans la spirale de la pauvreté de masse et de la révolte populaire qui viendra, à force de presser le citron.
En somme, la monétisation de la dette, qui est depuis longtemps l'un de mes combats politiques, est vitale pour l'indépendance du pays et pour la prospérité de l'Europe. Contrairement à ce que vous prétendez, ce débat n'oppose pas le libéralisme au collectivisme mais la démocratie à l'oligarchie. Il ne fait aucun doute que des pays libéraux n'hésitent jamais à monétiser la dette, parce qu'encore une fois, ils savent que la monnaie doit être non pas un esclavage, mais au service des nations, et qu'il appartient à la représentation populaire de l'organiser.
Voilà pourquoi ce projet de résolution constitue une excellente étape, mais je regrette une fois de plus que, soumis à l'Allemagne et à l'instance supranationale européenne, vous ne précipitiez notre pays dans le chaos. Un jour ou l'autre, la vérité apparaîtra !
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
À dix-sept heures cinquante, Mme Laetitia Saint-Paul remplace M. Sylvain Waserman au fauteuil de la présidence.
Le débat est intéressant, monsieur le président Mélenchon, et la crise du covid a d'ailleurs fait évoluer la doctrine budgétaire et la doctrine d'intervention financière, y compris de l'Europe – puisque les annonces de la France et de l'Allemagne et le plan de Mme von der Leyen montrent que les lignes bougent dans la bonne direction, une direction que la France prône du reste de manière transpartisane depuis plusieurs années.
S'agissant des mesures d'amortissement et de relance prises par l'État pendant la crise, vous avez cité le chiffre de 2,5 % du PIB. Sachez que, globalement, l'intervention de l'État – c'est-à-dire les garanties de prêts et l'ensemble des autres mesures – représente 20 % du PIB, soit un peu moins de 500 milliards d'euros – sans compter les mesures de relance et de sauvetage de certains secteurs que le Gouvernement n'a pas encore annoncées. Aux 750 milliards de crédits budgétaires prévus par l'Europe, il faut donc ajouter l'intervention de chacun des pays et, en ce qui concerne la France, la somme est très supérieure.
Ensuite, vous avez évoqué plusieurs éléments relatifs à l'annulation de la dette et à la dette perpétuelle – deux points qui ne me semblent pas tout à fait équivalents. En soi, la question de la dette perpétuelle est intéressante et mérite d'être débattue.
La proposition a en effet été formulée par le gouvernement socialiste espagnol et suscite l'intérêt parmi les tenants de positions économiques pourtant différentes.
Elle soulève plusieurs questions, ne serait-ce que parce que, pour placer une dette, il faut des acheteurs. Il existe sur les marchés financiers actuels des acheteurs qui achètent de la dette à une échéance de cinquante ans ; certains pourraient être intéressants. Rappelons que seuls 13 % des placements de dette française courent au-delà de dix ans.
Encore une fois, la question est légitime et doit faire l'objet de débats. Cela étant, plus la durée de remboursement est longue, plus les taux d'intérêts sont élevés ; actuellement, les taux d'intérêts à dix ans sont nuls. Je suis plus sceptique quant à l'idée de l'annulation des dettes. En tout état de cause, cela ne se décide pas d'un claquement de doigts : il faut des débats économiques plus approfondis et, de surcroît, cette proposition ne fait pas l'objet d'un consensus européen. Le débat intellectuel avec vous mérite néanmoins d'avoir lieu, même si je ne crois pas qu'il suffise de décréter que la dette perpétuelle est la solution. La dernière fois que la France a choisi cette voie, c'était sous François Ier et, à chaque fois, elle s'en est sortie en faisant défaut – c'est une perspective qu'il faut avoir à l'esprit. Le débat économique peut certes avoir lieu, mais il n'est pas certain que cette solution soit la meilleure.
Vous proposez grosso modo l'annulation de la dette des États détenue par la BCE ou la monétisation des dettes, c'est-à-dire l'émission de dette par la BCE pour le compte des dépenses budgétaires des États. Cela me semble poser des problèmes d'ordre économique et d'ordre politique.
Remarquons d'emblée qu'aucune grande banque centrale ne pratique, à proprement parler, la monétisation de la dette. En outre, vous écartez d'un revers de main le risque inflationniste : c'est un sujet de débat. L'idée selon laquelle la monétisation de la dette – soit l'équivalent d'une dévaluation – n'aurait pas d'effets sur l'inflation fait débat entre économistes, en particulier compte tenu de la surface de l'euro, de sa crédibilité et de son importance dans les moyens de paiement internationaux. Quoi qu'il en soit, ce risque ne peut pas être ignoré, surtout si l'on considère que la BCE doit perdre son indépendance et monétiser la dette des États, d'où des répercussions sur la crédibilité de la monnaie, car il faut bien des actifs face au passif.
Il en va de même de l'annulation de la dette : vous proposez que la BCE, qui détient des dettes des États, annule ses créances, car les États eux-mêmes ne peuvent pas faire défaut, auquel cas ils le feraient vis-à-vis de tous leurs créanciers. En clair, on annulerait un passif sans actif pour le compenser, mais l'actif en question, c'est la monnaie. Dès lors, les incidences sur la crédibilité de l'euro et sur les prix pourraient être majeurs. Encore une fois, on ne saurait écarter d'un revers de main le risque inflationniste en prenant exemple sur les États-Unis – la place du dollar étant différente – et sur la Chine – dont la structure économique lui permet d'agir ainsi. L'annulation des 2 400 milliards d'euros de dette de l'eurosystème pourrait produire des effets considérables.
De façon générale, je rappelle que notre capacité à placer la dette française dépend de la crédibilité non seulement de la BCE, mais aussi de celle de la monnaie. Lors du dernier placement de dette française à vingt ans, il y a quelques jours, plus de 40 % des acquéreurs se trouvaient hors de l'Union européenne. Un tel mouvement pourrait donc produire des effets systémiques massifs, y compris sur la vie économique des pays concernés.
Notre désaccord est aussi d'ordre politique. Sophie Auconie l'a dit : la décision de monétiser la dette, c'est-à-dire de la mutualiser en partant du principe, toutes choses étant égales par ailleurs, que l'Europe émettra la dette pour le compte des États, aura pour conséquence de mutualiser les politiques économiques et budgétaires, donc les dépenses budgétaires. On ne saurait laisser la France ou l'Italie décider de leurs propres politiques publiques alors que l'Europe émet la dette. Non : l'émission de dette au niveau européen suppose de fédéraliser les dépenses budgétaires – ce qui peut constituer un projet politique.
En attendant, on ne peut monétiser la dette au niveau européen sans fédéraliser les politiques économiques – lesquelles, vous l'aurez noté, ne font pas l'objet d'un consensus.
En somme, votre proposition de monétisation de la dette aurait deux conséquences possibles : la fédéralisation des politiques budgétaires ou, comme l'a dit Nicolas Dupont-Aignan, au-delà de ses outrances, la sortie de l'Europe, qui permettrait à la France de monétiser sa propre dette avec toutes les conséquences économiques que cela implique en termes d'inflation – certains ont essayé et ont eu des problèmes, si j'ose dire.
Surtout, ce débat, qui agite les bancs de cette assemblée et au-delà, me semble assez anachronique alors qu'au fond, l'Europe et la BCE font ce qu'elles ont à faire. Elles montrent qu'elles sont là, face à la crise. Chacun peut nourrir son insatisfaction face à l'Europe : elle est parfois trop lente, parfois trop bureaucratique, et peut-être a-t-elle mis un peu de temps à réagir au début de la crise.
Aujourd'hui, cependant, ces préventions n'ont plus lieu d'être. La BCE annonce un rachat de dette supplémentaire à hauteur de 600 milliards d'euros, soit une intervention totale de 1 350 milliards d'euros !
Encore une fois, il me semble anachronique de privilégier la monétisation des dettes européennes. L'Europe est au rendez-vous. Mieux encore : si nous nous en sortons, ce sera grâce à elle. Au-delà de la question de la dette perpétuelle qui peut être débattue, y compris entre économistes, le Gouvernement ne soutiendra pas la proposition de résolution.
Vraiment, nous nous serons très mal compris : vous n'avez pas répondu aux questions que je soulève, monsieur le secrétaire d'État, pas plus que certains de mes collègues, dont M. M'jid El Guerrab, qui fait comme si je parlais de la dette détenue par des intervenants privés. Or je parle de la dette souveraine, qui se trouve dans le coffre de la Banque centrale européenne. Je ne parle pas d'une autre dette, je ne propose pas d'émettre des titres de dette : je parle de titres déjà émis et de leur transformation en titres de dette perpétuelle sans intérêts.
Où est le problème ? Vous arguez, monsieur le secrétaire d'État, que cette mesure pourrait avoir une conséquence inflationniste : or vous savez comme moi que la BCE est déjà intervenue à hauteur de 2 800 milliards d'euros, sans que cela induise un seul point d'inflation. Le précédent plan de relance, élaboré par M. Jean-Claude Juncker, s'élevait à 400 milliards d'euros, à un moment où l'on craignait une récession de 1 point de PIB, alors qu'elle est aujourd'hui de 11 points !
Je propose que la dette soit annulée et transformée en dette perpétuelle sans intérêts ; il ne s'agit pas d'en émettre, il s'agit d'en transformer le sens. L'un de nos collègues dit que la BCE vient de décider de racheter 600 milliards d'euros supplémentaires. Un rachat de quoi ? De la dette des États, mais qu'elle rachètera non pas à eux, mais aux banques privées qui les possèdent. Vous n'êtes pas sûr, monsieur le secrétaire d'État, qu'elles veuillent bien les vendre. Là réside le principal problème de la BCE : les banques privées ne souhaitent pas vendre leurs titres d'État, parce qu'ils sont stables.
Vous dites que la mesure nuirait à la crédibilité de l'euro : pardon de vous rappeler que le ministre Bruno Le Maire, qui n'est pas exactement l'un de vos adversaires politiques, …
… affirme que la zone euro éclaterait si les pays ressortaient du confinement économique avec un trop grand déséquilibre politique. Le tribunal constitutionnel de Karlsruhe a décidé, de manière insupportable, …
… de remettre en cause la position de la BCE, ce qui a immédiatement augmenté le coût des emprunts souscrits par l'Italie et la France : …
… la plus grande menace pour la zone euro serait que des pays ne soient plus en état de payer.
Voilà la vérité ! J'espère que tout le monde a bien compris que je propose ni de monétiser la dette, ni d'émettre des titres de dette, mais d'en transformer le contenu. Point barre. Cela ne coûterait rien à personne !
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Christian Hutin applaudit également.
J'ai très bien compris votre proposition de résolution : vous voulez restructurer les 18 points de dette souveraine française qui se trouvent dans le bilan de la BCE, pour les transformer en dette perpétuelle…
… à zéro d'intérêt.
Mon collègue Christophe Jerretie a déjà expliqué que le groupe de La République en marche voterait contre cette proposition de résolution : je voudrais donner une autre raison à ce vote. Le bilan de la Banque centrale européenne contient 18 % de la dette française, et cette proportion ne baissera pas. À maturité, cette dette sera rachetée : là réside tout l'intérêt du quantitative easing.
Non, on ne s'en fiche pas, monsieur, puisque cet argument répond à celui du président Mélenchon.
Dans les faits, la dette est déjà perpétuelle. Que se passerait-il si nous l'annulions ? Les fonds propres de la BCE deviendraient négatifs si tous les pays le faisaient.
Que se passerait-il si les fonds propres de la BCE devenaient négatifs ? Il faudrait les renflouer, sous peine pour les banques centrales nationales de ne plus pouvoir récupérer la contribution annuelle de la BCE. Je vais reprendre un argument de Henri Sterdyniak, économiste plutôt hétérodoxe, vous en conviendrez : à ses yeux, il s'agit d'une entourloupe comptable, parce que la disparition des 18 points de dette française du bilan de la BCE diminuerait, c'est vrai, d'autant le ratio d'endettement national, pour le ramener à 100 % du PIB, mais nous serions obligés de renflouer les fonds propres de la BCE. Cette opération circulaire est un masque comptable !
Si la France rencontrait un problème de refinancement pour financer ses grands projets d'investissements de demain, cette mesure de baisse du taux d'endettement pourrait s'envisager, afin de contracter une nouvelle dette, puisque tel est votre projet. Mais la France n'a aucun problème d'endettement : regardez les chiffres, il y a une surdemande de titres de dette français. Votre proposition de résolution a le grand mérite de nous donner l'occasion de débattre de la dette publique, mais elle est profondément inutile, puisque notre pays n'en a pas besoin pour financer ses investissements publics, ce qui est votre but. Surtout, elle n'est rien d'autre qu'un masque comptable, puisque la charge ôtée à la dette française serait transférée au bilan de la Banque centrale européenne.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Le groupe Socialistes et apparentés remercie Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise d'avoir ouvert ce débat, qui a alimenté des discussions au sein de notre groupe. Cette question est importante, car elle recouvre celles de la vision de l'Europe, de la cohérence des politiques européennes et du fédéralisme, qui ont fait l'objet d'interventions très intéressantes.
Dans notre groupe, il se trouvait des partisans de cette proposition de résolution, qui défendaient le besoin d'un volontarisme européen, même s'il paraît paradoxal au regard de votre défiance envers les initiatives prises par la chancelière allemande et le président de la République français.
Les questions des traités et de la finalité des liquidités remises sur le marché nous ont conduits à choisir l'abstention. L'annulation et la reprise des dettes ne se conçoivent que dans le cadre d'un nouveau pacte fédéral, qui pourrait être le green deal, fondé sur une vision commune de l'Europe sur la lutte contre le changement climatique. Ce pacte pourrait justifier l'utilisation d'instruments monétaires et financiers originaux, mais, à droit constant et dans la seule perspective de financer des politiques budgétaires non harmonisées, les mesures que vous proposez nous paraissent contraires à l'esprit de la construction européenne, tel que nous l'avons défendu comme sociaux-démocrates jusqu'à présent.
Nous vous remercions pour le débat ouvert sur la dette perpétuelle, défendue par les socialistes espagnols, George Soros et des voix fort diverses, …
… mais les propositions de résolution ne pouvant être amendées, nous choisissons la prudence de l'abstention.
M. Michel Lauzzana applaudit.
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 562
Nombre de suffrages exprimés 527
Majorité absolue 264
Pour l'adoption 36
Contre 491
La proposition de résolution n'est pas adoptée.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La crise du covid-19 ayant fait apparaître une large faille dans le système assurantiel, à savoir l'absence de couverture des pertes d'exploitation des entreprises résultant d'une épidémie ou d'une pandémie, ce texte appelle les compagnies d'assurances, peu touchées par la crise, à participer à la solidarité nationale avant de participer à la solidarité actionnariale. Il faut instaurer un nouveau régime de garantie contre les pertes d'exploitation des entreprises induites par une épidémie ou une pandémie, afin de les y contraindre.
Je me félicite que ces discussions, décisives pour les intérêts économiques des PME et des TPE, ainsi que pour l'emploi en France, s'ouvrent au Parlement et débouchent sur des mesures concrètes, attendues de tous.
Qui sont les principales victimes économiques de la crise du covid-19 ? Les entreprises, TPE, PME et artisans, ont été contraintes d'arrêter tout ou partie de leur activité, ce qui a entraîné une forte baisse de leur chiffre d'affaires. Parmi les secteurs les plus touchés, figurent le commerce et l'artisanat, l'hôtellerie et la restauration et, plus largement, le tourisme.
Les entreprises se sont tournées vers leur assureur, afin d'obtenir la compensation des pertes d'exploitation subies du fait du confinement et des restrictions administratives. Peu d'entre elles ont obtenu gain de cause à ce jour. En effet, les grandes compagnies d'assurance ont adopté une interprétation restrictive des contrats, excluant toute couverture des pertes d'exploitation résultant de la crise du covid-19, y compris quand des garanties assez explicites avaient été souscrites.
Elles ont engagé une épreuve de force contre les assurés, d'abord dans les médias, en produisant une estimation des pertes d'exploitation induites par la crise extravagante. La Fédération française de l'assurance – FFA – a ainsi annoncé 50 à 60 milliards d'euros, sans préciser le périmètre ni l'intervalle de temps considérés, pour impressionner et suggérer que les sociétés d'assurance seraient condamnées à la faillite si elles devaient indemniser.
Ensuite, elles ont engagé une autre épreuve de force devant les tribunaux, devant lesquels les assurés sont résolus à faire reconnaître leurs droits. Le nombre de contentieux augmente tous les jours, et les premiers jugements ébranlent les certitudes juridiques affichées par les multinationales du secteur.
Cependant, pendant la période du confinement, quelques gestes extracontractuels ont été accordés sous la pression. D'abord, une contribution de 400 millions d'euros a été apportée au fonds de solidarité pour les TPE, indépendants et micro-entrepreneurs. Puis, un programme d'investissements de 1,5 milliard d'euros a été lancé pour soutenir les fonds propres des PME et des ETI – entreprises de taille intermédiaire – , mais sa logique consiste davantage à profiter de la misère pour accaparer quelques ressources futures qu'à engager une action de solidarité économique. Surtout, ces gestes ne sont pas à la hauteur de la situation, les montants étant très faibles au regard des capacités financières des compagnies d'assurances. En effet, les montants des bénéfices et des dividendes distribués par certaines d'entre elles sont considérables et se chiffrent en milliards d'euros.
Alors, quand les assureurs ont agité les 50 à 60 milliards d'euros de pertes d'exploitation – soit dit entre nous, on les a connus plus précis – , ils ont oublié de donner tous les chiffres. Je vais en rappeler quelques-uns, utiles au débat. Le chiffre d'affaires annuel de l'assurance s'élève à 210 milliards d'euros ; les cotisations perçues pour les garanties de dommages et de responsabilité atteignent 125 milliards d'euros par an, quand le versement des charges liées aux sinistres est de 84 milliards d'euros, soit un solde annuel positif, pour les caisses des assurances, de 41 milliards d'euros. Les fonds propres éligibles au capital de solvabilité requis, que les assureurs nous ont présentés comme très fragiles, représentent 313 milliards d'euros, au moment où je vous parle. Enfin, les montants des dividendes versés par les cinq plus grands groupes d'assurances sont de l'ordre de 3,5 à 4 milliards d'euros pour chacun d'entre eux chaque année, soit près de 20 milliards d'euros au total. Vous comprenez alors la logique du mode de financement, sur laquelle je reviendrai, du dispositif que je propose. Les assureurs aussi l'ont bien comprise, puisque la société AXA a annoncé, en début de semaine, une diminution de moitié de ses dividendes versés au titre de l'année 2019.
Je tiens à le souligner : la différence d'approche et de traitement de la question entre les assureurs mutualistes et les compagnies d'assurances privées est grande – vous avez constaté comme moi la divergence des deux philosophies, mariées comme la carpe et le lapin au sein de la FFA.
La nécessité de garantir une couverture pérenne et équitablement financée contre le risque d'épidémie et de pandémie n'est plus discutable, ni discutée. Contrairement aux crises sanitaires précédentes, celle du covid-19 doit faire réagir. La création d'une couverture des pertes d'exploitation dues aux épidémies et aux pandémies répond à une demande, ou plutôt, à un besoin. Pour s'en persuader, il suffit de constater que onze propositions de loi ont été déposées en ce sens à l'Assemblée nationale ou au Sénat depuis le début de la crise. Un groupe de travail a été mis en place par le ministère de l'économie et des finances, même s'il n'associe pas toutes les oppositions et ne permet pas un vrai véritable dialogue entre les entreprises et les compagnies d'assurances.
À ce jour, les objectifs poursuivis sont clairs et font, semble-t-il l'unanimité, mais des questions demeurent.
Voici les principaux objectifs du texte : mutualiser le risque de pertes d'exploitation en cas d'épidémie ou de pandémie ; clarifier une situation juridique pour le moins instable ; garantir une véritable solidarité entre les entreprises ; limiter les dégâts économiques et sociaux subis par les PME, les TPE, les travailleurs indépendants et les micro-entrepreneurs, tous pourvoyeurs d'emplois, et dont les activités ne sont pas délocalisables. Il faut, me semble-t-il, adopter un dispositif susceptible d'être déclenché rapidement, tout en conciliant le versement immédiat d'une part forfaitaire et le versement ultérieur d'une part indemnitaire.
Soyons clairs : les problèmes posés par l'absence de modélisation fine du risque épidémique ou pandémique, ainsi que par la faiblesse des calculs actuariels en matière de catastrophe sanitaire, demeurent irrésolus. À ce jour, nous ne disposons d'aucune certitude sur la fréquence à laquelle se produiront les épidémies et les pandémies de grande ampleur. La seule certitude dont nous disposons est la suivante : leur multiplication est inévitable. Dans ces conditions, il faut instaurer un dispositif dont l'usage soit régulier, afin d'en rendre les coûts acceptables et la souscription utile.
Le choix qui s'offre à nous est le suivant : partir d'une feuille blanche et mettre en place un système totalement nouveau, présentant des caractéristiques inédites, adaptées à la couverture recherchée, ou s'inspirer des dispositifs assurantiels exceptionnels en vigueur. Nous pourrions notamment nous inspirer de l'organisme de gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme – GAREAT – , qui gère l'assurance et la réassurance contre les risques de dommages et de pertes d'exploitation causés par un attentat ou un acte de terrorisme. Il pourrait être judicieux de créer une structure analogue, plus adaptée à la couverture des pertes d'exploitation sans dommage.
Nous pourrions également étendre la couverture offerte par le régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles, créé en 1982, qui fonctionne de façon satisfaisante ; il permet notamment d'indemniser les dommages et les pertes d'exploitation à un coût supportable pour les assurés, et fait intervenir l'État en dernier recours, par le truchement de la garantie illimitée accordée à la caisse centrale de réassurance – CCR.
C'est de ce choix pragmatique que procède la présente proposition de loi. Elle vise à intégrer la couverture des risques épidémique et pandémique au sein du régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles, ce qui présente plusieurs avantages à mes yeux. Tout d'abord, cela permet de prendre appui sur le régime en vigueur, qui a largement fait ses preuves depuis 1982. En outre, son coût est supportable pour les assurés. Ensuite, cela permet de faire jouer les mécanismes de réassurance auprès de la CCR, ainsi que la garantie illimitée de l'État, et de mutualiser les moyens en créant une cagnotte commune qui servirait en cas de catastrophe naturelle, d'épidémie et de pandémie. Enfin, cela permet d'établir un lien entre le changement climatique et les épidémies ainsi que les pandémies, lesquelles sont favorisées par la destruction des écosystèmes provoquée par l'homme.
Une question a été soulevée de façon récurrente : celle du financement d'une telle mesure. Il doit être supportable par les assurés et suffisant pour couvrir le risque. Pour éviter la hausse des primes d'assurance supportées par les assurés, je propose d'inscrire dans la loi le taux applicable aux primes additionnelles du régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles. À l'heure actuelle, ce taux, qui s'élève à 6 % ou à 12 % selon les contrats, est fixé par voie réglementaire.
Afin d'éviter tout déséquilibre du régime, il faut à l'évidence identifier de nouvelles ressources. Pour moi, le choix est clair : il s'agit d'instaurer une nouvelle taxation sur les dividendes, les stock-options et autres résultats exceptionnels versés aux actionnaires par les compagnies d'assurances. Je propose de lui appliquer le taux maximal des primes additionnelles supportées par les assurés, soit 12 %, ce qui permet de ne pas faire peser l'intégralité des surcoûts induits sur l'État, susceptible d'intervenir en dernier recours.
Quel que soit le sort réservé à la présente proposition de loi, j'ai à coeur de faire avancer la réflexion, et surtout de modifier le cadre législatif, pour placer chacun devant ses responsabilités. Nous ne pouvons plus, collectivement, accepter le dévoiement – qui n'a que trop duré – du métier d'assureur par les multinationales du secteur, qui refusent de jouer leur rôle de mutualisation des risques – pour y faire face solidairement – et n'ont qu'une boussole morale : le profit.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Le Gouvernement a pleinement conscience des attentes légitimes exprimées à l'égard des assurances et de la couverture des risques que font courir à nos sociétés les menaces sanitaires graves. Une réflexion sur la création d'un régime de type assurantiel destiné à intervenir en cas de future catastrophe sanitaire majeure a d'ailleurs été entreprise dès la fin du mois d'avril à l'initiative du Gouvernement – notamment de Bruno Le Maire.
Le groupe de travail assemblé par la direction générale du Trésor réunit les principales parties prenantes. Il rendra ses conclusions sur la couverture de ce risque spécifique dans le courant du mois de juin. Sur la base de ses recommandations, des consultations plus larges seront menées au cours de l'été, afin d'aboutir, d'ici la fin de l'année, à un dispositif opérationnel pour les futures crises.
À ce propos, je tiens à saluer la mobilisation exceptionnelle des élus sur ce sujet sensible. Pas moins de onze propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale et au Sénat, dont celle dont nous débattons aujourd'hui. Par ailleurs, plusieurs élus participent activement au groupe de travail précité sur l'assurance des risques exceptionnels. Les échanges de vues en son sein sont riches en contenu, et procèdent d'un esprit constructif.
Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi constitue une pierre, digne d'intérêt, apportée à cet édifice collectif. Au demeurant, elle met en avant certains principes qui nous semblent légitimes. La solution que nous devons identifier, dans le cadre des travaux susmentionnés, doit être accessible au plus grand nombre et permettre une indemnisation rapide.
Toutefois, la présente proposition de loi soulève plusieurs problèmes de fond, au premier rang desquels l'adossement d'une garantie future au régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles – un excellent régime, dont nous pouvons être fiers, et qui a fait ses preuves à de nombreuses reprises depuis sa création en 1982.
En effet, comme le Gouvernement a eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, le risque pandémique est bien distinct du risque de catastrophe naturelle. Par nature systémique et global, il pose des difficultés particulières en matière de mutualisation du risque, notamment en matière de dimensionnement des provisions financières destinées à couvrir le risque de catastrophe naturelle. De mémoire, elles sont de l'ordre de 3 milliards d'euros ; s'agissant des pertes d'exploitation des entreprises pendant la période de confinement imposée par la pandémie de coronavirus, les masses critiques sont sensiblement supérieures. Si nous voulons placer une cotisation en face d'un risque, comme l'exige le principe de l'assurance, alors le régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles n'est pas adapté.
En outre, les enjeux sont distincts. Lors d'une pandémie, les pertes d'exploitation, dans l'immense majorité des cas, ne sont pas aggravées par des dommages matériels. Les modèles développés en catastrophe naturelle ne sont donc pas applicables en risque sanitaire.
Enfin, comme je l'ai dit à l'instant, le régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles, qui a été fortement mobilisé au cours des dernières années, n'est pas financièrement dimensionné pour accueillir un tel risque. Il s'agit donc d'un sujet spécifique, qui doit faire l'objet d'un cadre spécifique et de cotisations spécifiques, et devra être traité, dans toute sa complexité, par le truchement d'un dispositif distinct.
Par ailleurs, certains aspects de votre proposition de loi demandent à être mûris. Les modalités d'indemnisation que vous proposez, par exemple, risquent de ne pas être applicables en pratique. Les expertises en matière de pertes d'exploitation sont particulièrement longues et complexes. Elles peuvent prendre plusieurs mois, ce qui n'est pas compatible avec l'objectif d'une indemnisation simple et rapide.
Nous devons donc envisager des modalités d'indemnisation prenant en considération ces aspects très concrets au bénéfice des assurés. Cela fait partie des points mis à l'étude par le groupe de travail que nous avons mis en place, dont l'objectif est d'identifier les enjeux et de déterminer dans quelle mesure une solution d'assurance peut être trouvée, offrant un service aux entreprises à un coût acceptable, tant pour l'assuré que pour l'État.
Ainsi, si nous comprenons les attentes légitimes des élus à ce sujet, il nous semble prématuré de décider dès aujourd'hui des contours exacts d'un futur dispositif. De nombreux points restent à expertiser, et des consultations plus larges devront être menées, afin de s'assurer de sa faisabilité technique et de l'acceptabilité de ses paramètres. Nous comptons sur l'entière coopération des élus au cours de cette période, afin de parvenir ensemble à un dispositif pertinent, utile et durable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La présente proposition de loi n'a pas connu la malchance de bon nombre de nos propositions de loi, vidées de leur contenu au point de les rendre caduques à nos propres yeux. Elle a simplement été repoussée par la commission, qui a émis un vote négatif sur chacun de ses articles.
Il s'agit d'une chance, qui nous offre la possibilité de la défendre à nouveau, dans l'hémicycle, en tenant compte des diverses objections – parfois de principe – qui lui ont été opposées. Elle vise à étendre à la couverture du risque épidémique ou pandémique le régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles, pour protéger nos entreprises, notamment les TPE et les PME, d'une perte de chiffre d'affaires découlant de l'arrêt contraint de leur activité.
Le Gouvernement a d'ores et déjà pris bon nombre de mesures pour sauver les entreprises : recours au chômage partiel, augmentation de la dotation du fonds de solidarité à hauteur de 7 milliards d'euros, reports ou annulations de charges, prêts garantis par l'État. Nous nous en félicitons.
Toutefois, tout cela ne saurait compenser la perte de chiffre d'affaires des entreprises les plus fragiles, qui risque de leur être fatale. Même si le Président de la République a martelé « L'État paiera ! » – donc le contribuable, in fine – , il est bon de rappeler que les acteurs privés, en l'espèce les assurances, doivent aussi concourir à l'effort national.
Il existe un consensus, me semble-t-il, sur la nécessité de faire jouer un rôle aux assurances. D'après un sondage récemment publié par Harris Interactive, les Français approuvent l'extension du régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles à la couverture du risque épidémique. Au demeurant, le Gouvernement a mené une réflexion à ce sujet, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, et plusieurs propositions de loi ont été déposées en ce sens.
Il existe également un consensus sur le principe d'une adaptation de la loi, en l'espèce le code des assurances, aux nouvelles réalités du monde que sont les risques d'épidémie et de pandémie, dont de nombreux experts et scientifiques s'accordent à penser qu'ils ne sont plus conjoncturels, mais structurels.
Quelles dispositions faut-il impérativement adapter ? Sur quels points les objections portent-elles ? À l'heure actuelle, pour que le dispositif d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles ouvre droit à une indemnisation des pertes d'exploitation par l'assureur, une reconnaissance de dommages matériels directs, tels qu'ils sont définis à l'article L. 125-1 du code des assurances, est impérative. Par ailleurs, l'indemnisation porte pour l'essentiel sur les locaux.
Lors de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de covid-19, c'est l'activité économique elle-même qui a été considérablement ralentie, voire interrompue : fermeture administrative des restaurants et de la plupart des lieux accueillant du public, prestations de services et loisirs en berne en raison du confinement généralisé de la population, perspectives de reprise incertaines en raison d'une probable perte de pouvoir d'achat des consommateurs. Afin d'indemniser ces pertes d'exploitation, il faut impérativement élargir le champ du régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles, en y incluant par exemple l'indemnisation des conséquences des mesures de confinement sur le chiffre d'affaires.
Toutefois, s'il existe une unanimité de principe sur la nécessité d'adapter le fonctionnement du secteur au risque pandémique, plusieurs objections ont été formulées, motivant le rejet en bloc du texte, notamment par l'ancienne et la nouvelle droite de cet hémicycle.
Rires sur les bancs du groupe FI.
Tout d'abord, on a opposé à l'élargissement du champ du dispositif relatif aux catastrophes naturelles la nécessité de créer un régime spécifique.
Ensuite, des inquiétudes ont été exprimées au sujet du coût et du financement d'une pareille extension du champ de l'assurance contre le risque de perte d'exploitation. Le chiffre de 60 milliards d'euros, annoncé par la Fédération française de l'assurance, ne mettrait-il pas en péril jusqu'au métier même d'assureur ? Enfin, on nous a objecté que, si le code des assurances doit certes être adapté, une telle opération doit préalablement faire l'objet d'un nouveau cycle de concertations, de négociations et d'études d'impact, permettant de souligner la portée de notre proposition de loi.
Une seule objection nous a semblé pertinente ; au demeurant, elle a motivé le dépôt d'un amendement par nos collègues socialistes. Elle porte sur le risque de faire d'une durée quelconque de confinement une référence du dispositif, alors même que la gestion d'une crise pandémique – si l'on dispose de masques et de tests en abondance, par exemple – pourrait prendre d'autres formes qu'un confinement généralisé de la population, tout en ayant des conséquences durables sur l'activité économique. Hormis cette objection, la plupart des arguments que l'on nous a opposés s'apparentent en vérité à des manoeuvres dilatoires, voire à la reprise de certaines fausses idées répandues par la Fédération française de l'assurance.
Ainsi, j'écarterai immédiatement l'argutie selon laquelle l'État n'aurait aucun rôle à jouer puisque le risque pandémique n'a, par définition, pas de frontières. Rejeter la responsabilité sur l'Union européenne, c'est véritablement éviter le sujet et renvoyer aux calendes grecques la recherche d'une solution.
Quant à l'imprévisibilité du risque pandémique, c'était déjà l'argument qui était avancé par les assurances avant 1982 au sujet des catastrophes naturelles elles-mêmes.
Concernant le coût financier exorbitant pour le secteur, permettez-moi de faire observer que si celui-ci a déjà versé plus de 3 milliards d'euros d'aides diverses, cette somme ne représente qu'une goutte d'eau au regard de son chiffre d'affaires faramineux. À titre de comparaison, les cinq principales compagnies d'assurances reversent chacune, en moyenne, 3 milliards d'euros de dividendes par an – même si AXA a récemment décidé de renoncer à la moitié des versements cette année. Le secteur est donc financièrement solide.
Il est vrai que, comme l'a fait remarquer une collègue, l'indemnisation de la garantie d'exploitation ne doit pas être répercutée sur le montant des primes payées par l'assuré. C'est pourquoi la proposition de loi prévoit de geler le taux de cotisations et de financer la réassurance par une taxe de 12 % sur les dividendes.
Enfin, contrairement à ce que certains prétendent, il est pertinent d'étendre le champ du risque de catastrophe naturelle plutôt que de créer un nouveau risque. Par principe, tout d'abord, puisque le risque pandémique est lié aux catastrophes naturelles et plus généralement aux événements extrêmes résultant de la crise écologique que nous traversons. La destruction des habitats naturels, la métropolisation, la globalisation, l'accélération du transport d'hommes et de marchandises concourent à faciliter la diffusion d'épidémies à l'échelle d'un monde qui n'a plus de bords.
Ce choix est aussi pertinent pour l'assuré. En couplant la protection contre le risque sanitaire et contre les catastrophes naturelles, on encourage les acteurs économiques à souscrire des contrats qui, de fait, couvrent mieux des risques plus variés et plus fréquents.
Dans cette enceinte, l'intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers et nous devons nous soustraire aux pressions et à l'influence de compagnies souvent peu scrupuleuses et ne lésinant pas sur le lobbying.
Il ne faut pas avoir peur. Pour la seule assurance non-vie, ce sont près de 41 milliards qui sont engrangés chaque année par les compagnies. Il suffirait pourtant de quelques milliards pour indemniser dans sa totalité le secteur de la restauration et de l'hôtellerie qui a bien pâti de la crise du covid-19.
À l'aune de ces différents éléments, et parce que la proposition est mesurée, plébiscitée par nos compatriotes et attendue par la quasi-totalité des acteurs économiques, je vous demande, chers collègues, de voter en faveur du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La pandémie actuelle a indéniablement modifié notre quotidien depuis des semaines. Les citoyens sont nombreux à espérer que nous saurons en tirer les leçons nécessaires afin que la crise ait un impact favorable sur notre société et nous permette de redéfinir notre agenda pour un avenir plus durable.
L'ensemble des textes étudiés depuis ce matin et les positions exprimées par tous les groupes semblent montrer que nous, responsables politiques, avons entendu – du moins je l'espère – le désir irrépressible des citoyens de voir le développement durable occuper la place qu'il mérite dans toutes les politiques publiques.
Le coût de l'épidémie est d'abord humain. Mais il sera aussi social et économique.
L'éventualité d'une telle crise était annoncée par les scientifiques. Qualité de l'air, déforestation et perte de biodiversité sont autant de paramètres susceptibles d'influer sur les épidémies d'origine zoonotique. Peut-on pour autant classer les épidémies parmi les catastrophes naturelles ? Nous savons que l'activité humaine et son influence sur la nature sont à l'origine d'épidémies et favorisent leur expansion. Nombre des catastrophes naturelles actuelles trouvent naissance dans notre inconséquence, celle qui provoque de manière irréversible un changement climatique que l'on ne peut plus nier, à moins peut-être d'être le président démagogue d'un pays en rupture.
Je suis élue dans le Nord et, depuis plus de deux ans, avec mes collègues issus de tous les bancs, nous luttons pour obtenir la reconnaissance de l'état de sécheresse dans notre département. Le 29 mai 2020, le préfet a de nouveau déclaré l'alerte sécheresse sur l'ensemble des bassins versants du Nord ; nous n'aurons connu depuis le début de 2019 qu'un seul mois hors sécheresse. Et pourtant, les sinistrés voient toutes leurs demandes de reconnaissance rejetées par des arrêtés obscurs, pris sur la base de données partiellement erronées, sans que les représentants des territoires puissent faire valoir la réalité dans la décision technocratique.
Nos politiques de prévention et d'indemnisation des catastrophes naturelles ne sont tout simplement pas à la hauteur des dérèglements climatiques. C'est la raison pour laquelle les amendements que nous avons déposés visent à démocratiser le processus de décision et à reprendre les pistes de réforme tracées par le Sénat dans la mission d'information de juillet 2019 sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation.
Il est évidemment nécessaire de développer une vraie culture de risque, de réformer le régime actuel afin de le rendre plus équitable, efficace et transparent, peut-être même de revoir la définition de la catastrophe naturelle et d'en étendre le champ aux crises sanitaires. Cependant, mes chers collègues du groupe La France insoumise, votre proposition n'est pas, en l'état, satisfaisante. Elle ne comporte ni étude d'impact ni simulations financières, même sommaires, alors qu'il est nécessaire de garantir l'équilibre financier d'un régime d'indemnisation.
De plus, en dépit du gel des taux prévu par le texte, le risque n'est pas négligeable que son application se traduise par une augmentation des primes d'assurance.
S'agissant de la participation des sociétés d'assurance à la solidarité nationale, il est vrai que l'effort consenti en faveur du fonds d'investissement a été trop timoré. Contrairement à ce qui a été affirmé, la FFA ne prévoit qu'une contribution de 400 millions d'euros, puisque les autres aides prévues par son plan ne sont que des garanties déjà acquises ou des apports en capital qui relèvent d'une activité normale de placement.
Certains assureurs du secteur mutualiste ont cependant décidé de dépasser la lecture stricte des clauses des contrats d'assurance et ont accepté d'indemniser les pertes d'exploitation : leurs versements spontanés atteignent déjà 1 milliard d'euros. Ce chiffre aurait été doublé si les assureurs du secteur commercial avaient adopté la même pratique, preuve s'il en fallait que la somme de 400 millions d'euros est bien trop modeste. Afin de mieux faire participer les sociétés d'assurance à la solidarité nationale, nous déposerons dans les futures lois de finances des amendements visant à instaurer des contributions obligatoires sur leurs réserves non fiscalisées.
En 2017, le Président de la République avait promis de remettre à plat la prise en charge des effets des catastrophes naturelles. Alors, engageons-nous à réformer complètement ce régime d'indemnisation créé en 1982 plutôt que d'adopter à la va-vite une proposition de loi répondant à l'émotion du moment.
Parmi les travaux évoqués par M. le secrétaire d'État, nous souhaitons que soit inscrite à l'ordre du jour la proposition de loi sénatoriale présentée par Nicole Bonnefoy. Nous pourrions travailler sereinement à améliorer celle-ci, notamment grâce aux auditions et au travail entrepris avec d'autres collègues du Nord sous l'égide de Vincent Ledoux.
Vous l'aurez compris, le groupe Écologie démocratie solidarité ne peut pas, en l'état actuel, voter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.
Doit-on contraindre les assureurs à indemniser leurs clients professionnels pour les pertes d'exploitation liées à la crise sanitaire actuelle ?
Le débat, qui dure depuis maintenant plusieurs mois, oppose ceux qui considèrent que la raison même d'un assureur est de couvrir de telles pertes et ceux pour lesquels, au contraire, l'aléa sanitaire est par définition inassurable.
La proposition de loi cherche à trancher le débat en étendant aux épidémies et aux pandémies le champ d'application des arrêtés de catastrophe naturelle.
Les arguments en faveur d'une prise en charge par les assurances des pertes liées à la crise sanitaire peuvent s'entendre. En effet, plusieurs chefs d'entreprise se sentent abandonnés par les assureurs. Je pense notamment aux professionnels de la restauration et du tourisme, qui, jusqu'à récemment, ne pouvaient reprendre leurs activités et sont donc particulièrement fragilisés par la crise.
Ce sentiment se retrouve renforcé chez ceux qui pensaient pouvoir se prévaloir des clauses couvrant les pertes d'exploitation dans leur contrat. Or la couverture du risque pandémique n'y est jamais inscrite. Cette particularité juridique a pu nourrir un sentiment d'injustice. Je sais de quoi je parle, car nombre de mes compatriotes sont encore aujourd'hui coincés à l'étranger à cause la pandémie et ne peuvent pas se faire rembourser leur billet d'avion, par exemple, ou ne peuvent même pas solliciter leur assurance. C'est une véritable catastrophe.
De l'autre côté, les arguments avancés par le secteur de l'assurance peuvent également se comprendre.
Sur le plan strictement juridique tout d'abord, l'assurance repose sur le principe de la mutualisation des risques ; autrement dit, un groupe d'individus met en commun des primes pour indemniser un ou plusieurs de ses membres au titre d'un sinistre précis. Or, dans le cas de la pandémie de covid-19, la totalité de la population est susceptible d'être concernée, qui plus est en même temps, par le sinistre. De la difficulté juridique découle un problème économique. Si le secteur assurantiel est obligé de couvrir l'ensemble des pertes d'exploitation de toutes les entreprises sur le territoire national, sa propre viabilité sera sérieusement remise en question puisqu'il faudrait mobiliser près de 60 milliards d'euros.
Cela conduirait de facto à aggraver la crise actuelle ou celle qui résulterait d'éventuelles prochaines épidémies nécessitant un confinement partiel ou total de la population. L'extension du champ d'application des arrêtés de catastrophe naturelle aux épidémies et pandémies revient finalement à déplacer le problème : soutenir un secteur pour fragiliser un autre, soit déshabiller Pierre pour habiller Paul – ou déshabiller Rachid pour habiller Saïd, dirait-on dans ma circonscription.
Le secteur de l'assurance a déjà pris plusieurs engagements pour un montant total de 3,2 milliards d'euros.
En effet, le secteur s'est engagé à contribuer au fonds de solidarité à hauteur de 400 millions d'euros et a promis d'investir 1,5 milliard d'euros dans l'économie, au profit des ETI, des PME et du secteur de la santé. Sur ce montant, 150 millions d'euros seront destinés spécifiquement au secteur du tourisme qui a grandement besoin de soutien pour assurer sa viabilité. En parallèle, plusieurs compagnies d'assurances ont pris des engagements en faveur de leurs clients, notamment celui de leur verser une partie des économies réalisées du fait de la quasi-absence d'accidents de la route durant le confinement. Ces différentes initiatives méritent d'être saluées. Cependant, je partage avec vous, monsieur le rapporteur, le constat selon lequel le secteur des assurances peut faire encore plus pour soutenir notre économie et participer à l'effort national au regard des marges de manoeuvre dont il dispose.
Enfin, les discussions avec l'État sont ouvertes sur la création d'un produit assurantiel couvrant le risque sanitaire, qui va se révéler majeur à l'avenir. Il va de soi que la création d'un tel régime est désormais essentielle. Néanmoins, elle doit donner lieu à une concertation avec les parties prenantes – assurés, assureurs, Gouvernement et représentation nationale – , et non en cédant à l'émotion, car il faut trouver une réponse équilibrée, conforme aux attentes des professionnels et soutenable pour le secteur.
Il pourrait notamment être intéressant d'étudier ce qui a été instauré en Allemagne et plus précisément dans le Land de Bavière. Partant du constat que l'État allemand couvrait déjà environ 70 % des pertes liées à la crise sanitaire par le biais des aides accordées, la Bavière a, en effet, conclu un accord avec plusieurs professionnels de l'assurance, dont Allianz, pour que ceux-ci prennent en charge jusqu'à 15 % des pertes d'exploitation de certains secteurs, parmi lesquels l'hôtellerie et la restauration.
Compte tenu des difficultés juridiques et des enjeux économiques mis en avant par chacun des acteurs, il convient de prendre un peu plus de temps afin de faire aboutir les négociations entre les parties prenantes, notamment au sein du groupe de travail auquel le secrétaire d'État a fait référence.
C'est pourquoi le groupe Agir ensemble ne votera pas la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se félicite que cette proposition de loi déposée par nos collègues de La France insoumise permette d'enfin ouvrir le débat sur la mise à contribution des assurances dans la crise que nous traversons. Ce texte dépasse d'ailleurs le cadre de la crise du covid-19, puisqu'il est proposé d'inscrire le risque de crise sanitaire dans un dispositif pérenne déjà en vigueur, celui des catastrophes naturelles.
Notre groupe avait déjà tenté d'aborder la question lors de l'examen des projets de loi de finances rectificative, en mars et en avril. En effet, nous avions demandé que soit instaurée une taxe sur les réserves de capitalisation des assurances, afin que ces dernières abondent le fonds de soutien aux entreprises, ce qui aurait permis d'élargir les critères d'éligibilité et le montant des aides.
Toutefois, le rapporteur général n'a pas suivi nos amendements, préférant attendre que le niveau de mise à contribution du secteur soit décidé hors de ces murs, entre le lobby des assurances et le ministre de l'économie et des finances. Il est regrettable que l'Assemblée nationale, qui aurait dû légiférer sur cette question, ne s'en saisisse que maintenant, et ce après l'engagement – entre guillemets – pris par les assurances à la suite à de leurs discussions informelles avec Bercy.
Regardons précisément le montant de leurs contributions. Elles ont versé 400 millions d'euros au fonds de soutien aux entreprises, qui a vocation à indemniser de manière limitée les petites entreprises et tient donc le rôle d'une assurance. En parallèle, elles se sont engagées à verser 3 milliards d'euros dans différents fonds pour l'investissement des entreprises.
Notons d'abord que ce montant de 3 milliards d'euros est manifestement insuffisant au regard des capacités financières des assurances. Ensuite, si l'on peut se féliciter de ce soutien à l'investissement, ce n'est pas leur rôle : les assurances auraient dû être mises à contribution pour la tâche qui leur incombe, à savoir indemniser des entreprises.
Dans ce contexte, nous nous félicitons de la décision rendue le 22 mai dernier par le tribunal de commerce de Paris, qui a demandé à une compagnie d'assurance de dédommager un restaurateur qui avait souscrit une police pour perte d'exploitation. Au demeurant, notre proposition de taxation sur les réserves de capitalisation tient toujours et nous espérons qu'elle sera davantage considérée à l'avenir, car il convient que les assurances renforcent leur soutien aux entreprises qui ont été les plus touchées par la crise et le confinement.
À l'heure où les conséquences économiques du confinement vont clairement apparaître, ce texte exprime ainsi une volonté à laquelle nous souscrivons pleinement et qui se trouve au coeur de l'actualité.
La mise à contribution des assurances, lors des crises pandémiques ou sanitaires, doit être inscrite dans la loi et faire l'objet d'un dispositif juridique et non pas de discussions de couloir entre la Fédération française de l'assurance et le ministre de l'économie, quel qu'il soit. Il est essentiel de combler le vide contractuel qui existe autour de la question des crises sanitaires. Cette proposition de loi fait le choix de l'action en proposant un dispositif juridique pérenne et cofinancé par les différents acteurs. Elle met aussi l'accent sur la nécessité de repenser le dispositif de catastrophe naturelle, et en particulier les risques couverts qui, avec le dérèglement climatique, évoluent de manière significative.
Nous voterons donc cette proposition de loi, car elle permet de faire entrer dans notre assemblée un débat que la majorité avait, depuis le début de la crise, souhaité laisser de côté et permet d'exprimer la volonté d'aider les entreprises de notre pays à se relever de cette crise.
La crise que nous traversons est une crise majeure, non seulement sanitaire, mais aussi sociale et économique. Elle nous oblige donc à faire preuve de réactivité, d'inventivité, et de solidarité, car toutes les composantes de notre pays sont touchées.
Cette proposition de loi qui nous est proposée aujourd'hui part d'un constat qui, je le crois, est partagé par tous les groupes politiques de l'Assemblée. Nous avons constaté la survenue d'un nouveau risque très important pour les entreprises et pour l'économie du pays, celui d'épidémie ou de pandémie. Ce risque n'était quasiment pas couvert par les assurances, même si une décision de justice a récemment été rendue pour contraindre une compagnie à dédommager une entreprise pour perte d'exploitation – mais uniquement parce que le contrat prévoyait une telle indemnisation dans le cas d'une fermeture administrative.
Il convient donc que les politiques se penchent sur le problème. Mais soyons clairs : il n'est pas question ici d'adopter des dispositions à effet rétroactif. Le Conseil constitutionnel est formel, ce serait inconstitutionnel. L'objet de ce débat n'est donc pas la participation des assurances à l'amortissement de la crise.
De cette participation, nous avons d'ailleurs déjà longuement parlé, comme lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative. Certes, les assurances ont décidé de participer au fonds de solidarité créé par le Gouvernement, mais leur premier engagement, à hauteur de 200 millions d'euros, était manifestement insuffisant. Nous avons tous fait le constat que les assurances devaient s'engager de manière plus importante, et, je vous l'assure, le groupe La République en marche n'a aucun état d'âme en la matière. Les députés et le Gouvernement ont d'ailleurs fait pression…
… pour que ce montant soit doublé et complété par d'autres financements. L'accord obtenu porte sur un montant total de 3,2 milliards d'euros. J'entends bien que certains puissent estimer que cette aide est partiellement en trompe-l'oeil, mais sans l'action déterminée du Gouvernement et des députés, nul doute que la somme eut été plus réduite.
Nous ne souscrirons pas à votre proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons. La première est que le régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles n'est pas adapté au risque d'épidémie et de pandémie. En effet, les catastrophes naturelles sont circonscrites géographiquement et de durée plutôt réduite. La crise que nous traversons génère des pertes beaucoup plus importantes car elle touche la quasi-totalité des acteurs économiques. De plus, ce sont les dommages matériels qui sont indemnisés dans le cadre des catastrophes naturelles. Elles sont donc, vous en conviendrez, d'une nature différente de celle des catastrophes sanitaires, d'autant qu'elles sont définies selon des critères spécifiques rendant complexe le calcul des risques.
Ensuite, le mode de financement que vous nous proposez ne nous paraît pas adapté. Vous prévoyez un prélèvement sur ce que versent les compagnies à leurs actionnaires, alors que le système assurantiel est fondé sur des risques et des primes couvrant ce risque. C'est d'ailleurs ce qui avait été décidé en 1982 s'agissant des catastrophes naturelles, qui concernent des montants beaucoup moins élevés. Votre proposition risque de susciter l'apparition de surprimes dissimulées, même si vous proposez de geler le taux de celles dont le produit est affecté à la CCR.
En outre, vous n'avez pas réalisé d'étude d'impact, même minime. Or les montants d'indemnisation sont potentiellement très élevés. Il convient de mesurer les effets de votre proposition sur le secteur des assurances, que nous ne pouvons nous permettre de déstabiliser, car il gère une grande partie du patrimoine des Français, et pas que des plus riches – les encours des contrats d'assurance-vie ne représentent pas moins de 1 800 milliards d'euros.
Enfin, à votre démarche qui porte la marque de votre idéologie et emploie la contrainte, nous préférons une démarche contradictoire destinée à élaborer un dispositif à la fois plus efficace et plus adapté. Quatre parlementaires, dont deux sont présentes ici, Mmes Faure-Muntian et Hai, font ainsi partie d'un groupe de travail constitué sous l'autorité du ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire.
Ce groupe de travail, qui comprend également des parlementaires de l'opposition, des représentants des assurances et des représentants des entreprises clientes, est chargé de définir un cadre assurantiel à même de couvrir ce nouveau risque – ce qui nous est apparu, comme à vous, nécessaire. Je vous donne donc rendez-vous à la fin du mois de juin pour discuter, amender ou voter les propositions qu'il nous aura faites. Dans l'immédiat, nous ne voterons pas votre proposition de loi.
Je terminerai par un clin d'oeil : bien que cette disposition soit de pure forme, je suis très heureux que vous gagiez cette proposition de loi par un relèvement du taux de la taxe sur les services numériques, que vous n'avez malheureusement pas votée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La proposition de loi vise à étendre aux catastrophes sanitaires le champ d'application du dispositif d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles. Motivés par les réelles difficultés rencontrées par les entreprises, notamment les restaurateurs, durant la pandémie de covid-19, nos collègues FI se sont interrogés pour savoir si les pertes d'exploitation de ces professionnels ne pouvaient pas s'apparenter aux pertes d'exploitation subies lors des épisodes plus communs de catastrophe naturelle.
Les catastrophes naturelles que je qualifierais de « classiques » sont des épisodes climatiques particulièrement dévastateurs : orages – par exemple les orages de grêle qu'a connus ces derniers jours toute la moitié sud de notre pays ; pluies diluviennes entraînant des inondations et des coulées de boue, comme il y en a récemment eu chez moi, dans le Pas-de-Calais ; périodes de sécheresse ; raz-de-marée ; tremblements de terre ; tempêtes…
C'est vrai, mais sécheresses et coulées de boue y sont fréquentes.
Les territoires ultramarins, quant à eux, connaissent des ouragans et des cyclones. La liste n'est pas exhaustive et, du reste, il n'existe pas à proprement parler de définition juridique de la catastrophe naturelle.
Ces épisodes climatiques violents sont toutefois très circonscrits dans l'espace et souvent très limités dans le temps. Ils causent essentiellement des dégâts matériels, si bien que c'est le patrimoine des entreprises – biens immobiliers et mobiliers, stocks, outils de production, équipements – qui est touché, voire détruit. Le cas échéant, un arrêté interministériel de reconnaissance de catastrophe naturelle est pris, souvent à la demande des communes sinistrées, pour que ces entreprises puissent être indemnisées. Les difficultés financières liées à la baisse de leur activité sont, quant à elles, garanties au titre de l'assurance des pertes d'exploitation. Cette garantie peut être incluse dans un contrat multirisques ou faire l'objet d'un contrat séparé.
En tout état de cause, le dispositif d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles, en vigueur depuis 1982, est un modèle de garantie associant sociétés d'assurance privées et puissance publique. Les rédacteurs de la proposition de loi souhaiteraient qu'il s'applique également pour la pandémie de covid-19 et proposent donc d'inclure les dommages non matériels dans le champ d'application du dispositif.
J'estime néanmoins qu'apparenter les crises sanitaires aux catastrophes naturelles n'est pas à la hauteur de la situation. Il conviendrait plutôt de créer un nouveau type de risque, pris en charge par un autre type de régime assurantiel. En effet, une catastrophe sanitaire comme celle que nous traversons n'est pas circonscrite localement, alors que les catastrophes naturelles sont reconnues à l'échelle infradépartementale, voire communale.
En outre, l'extension de ce régime d'indemnisation fragiliserait son équilibre financier. En effet, alors que le montant des dommages causés chaque année par les catastrophes naturelles atteint un total de l'ordre de 1,7 milliard d'euros, les pertes d'exploitation liées à l'épidémie s'élèvent déjà à plusieurs dizaines de milliards d'euros. Les ordres de grandeur sont donc très différents. Non seulement les assureurs, en dépit de toutes nos protestations, augmenteraient le montant de leurs primes, mais il nous faudrait également relever le niveau des prélèvements obligatoires.
Par ailleurs, en raison du changement climatique, nous allons connaître un nombre croissant de catastrophes naturelles éligibles au dispositif, y compris dans des territoires jusqu'alors épargnés. Le montant requis pour indemniser ces sinistres devrait d'ailleurs doubler d'ici à 2050.
C'est pourquoi, si nous comprenons parfaitement vos objectifs et bien que, selon nous, le monde des assurances n'ait pas été à la hauteur de ses responsabilités depuis le début de l'épidémie, je vous invite à contribuer à la création d'un régime assurantiel spécifique. Ce travail est en cours, et nous devrons veiller à ce qu'il se concrétise prochainement. Pour l'instant, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés ne peut que s'opposer à votre proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue David Habib, qui n'a pas pu nous rejoindre aujourd'hui, François Bayrou ayant décidé que l'ensemble des possibilités de voyage depuis le Béarn pouvaient se résumer peu ou prou à la calèche.
Des Hauts-de-France au Béarn, nombre de nos concitoyens sont soumis aux contingences : 380 000 à 400 000 commerçants et artisans, qui travaillent de manière indépendante, comme l'ont fait mes parents et, peut-être, les vôtres, ne s'en sortent plus. Ils ont de gros problèmes : un jour, ils ont souscrit une assurance ; en vingt ou trente ans, ils n'ont jamais rien demandé ; or, aujourd'hui, on ne reconnaît pas la légitimité de leurs demandes d'indemnisation des pertes liées à l'épidémie. Cela n'est pas toujours vrai : 1 % ou 2 % des contrats les prennent en considération. Ensuite, il y a 3 % ou 4 % de cas limites, dont certains donnent lieu à des procès. De petits commerçants ont ainsi gagné contre Axa, tels David contre Goliath, et nous sommes fiers d'eux.
Le problème est tout nouveau, vous l'avez dit, ce n'est jamais arrivé. Pourquoi ne pas définir un nouveau risque ? Pourquoi ne pas assurer contre ce risque ? Pourquoi ne pas traduire cela dans la loi, pour que les choses soient très claires ? Des épidémies, nous allons en avoir, et il faut que les assurances fassent très attention !
À mon sens, il est absolument nécessaire de traiter le problème au cours de cette législature ou, à défaut, de la suivante. Il nous faut combler un véritable vide juridique en matière d'assurance contre les drames sanitaires ; nous sommes pleinement d'accord sur le principe. Le groupe Socialistes et apparentés a d'ailleurs déposé, le 9 avril dernier, une proposition de loi en ce sens. Bien évidemment, chacun peut choisir de s'assurer ou non, mais, si l'on s'assure, on doit être indemnisé, c'est la moindre des choses.
Néanmoins, nous pouvons avoir quelques désaccords avec ce qui est prévu dans la proposition de loi.
Premièrement, le risque assurantiel étant mutualisé, si les 37 à 40 milliards d'euros dont disposent les assurances dans leurs caisses sont mangés par l'indemnisation de l'ensemble des conséquences de la crise sanitaire, d'autres gens, eux aussi confrontés à des drames – je pense à l'amiante ou aux accidents de la route – , ne pourront pas être aidés, ce qui serait inhumain. Il faut donc trouver une solution différente ou intermédiaire. Reste qu'il faut combler le vide juridique et répondre à la volonté clairement exprimée de s'assurer contre les risques épidémiques, qui vont devenir majeurs.
Deuxièmement, cette proposition de loi est positive, mais elle est rétroactive. Nous sommes l'un et l'autre de gauche, monsieur le rapporteur, et nous savons que la seule fois où des lois rétroactives ont été prises, c'était sous Pétain, avec les tribunaux d'exception.
Même si le dispositif que vous proposez fonctionnait aujourd'hui, il ne pourrait pas fonctionner ensuite.
Votre idée est merveilleuse, mais légiférons pour l'avenir. Et pourvu que ça dure !
J'ai été un peu long, et je vous prie de m'en excuser. Mon débit est ralenti par la maladie ; j'ai fait ce que j'ai pu.
Compte tenu de son ampleur et de sa puissance, la crise sanitaire que vous traversons aura des conséquences très difficiles – le mot est faible – pour notre pays. Notre économie, frappée par deux mois de confinement, est sévèrement touchée. Cette situation a fait apparaître des manquements en matière de prise en charge par les assurances des pertes subies en cas de catastrophe sanitaire. À cet égard, je salue le travail réalisé par notre collègue Loïc Prud'homme et le fait que son groupe ait inscrit ce sujet d'importance à l'ordre du jour. Je tiens également à féliciter mon collègue du groupe UDI et indépendants, Pierre Morel-À-L'Huissier, qui a lui aussi déposé, en avril dernier, une proposition de loi portant sur cette question.
Monsieur le rapporteur, vous proposez très justement de reconnaître que les épidémies et pandémies relèvent des catastrophes naturelles et de préciser les modalités d'indemnisation. Je pense que nous partageons cette volonté sur tous les bancs de l'hémicycle. Durant ces semaines de confinement, nous avons tous pu mesurer combien la question de l'indemnisation des pertes était centrale pour les acteurs économiques de nos territoires respectifs. Or, même lorsqu'une clause de leur contrat offre une garantie contre les pertes d'exploitation, les chefs d'entreprise ne pourront pas la faire appliquer, car le risque pandémique n'est pas pris en considération.
La rupture est telle que l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie a récemment déclaré vouloir développer son propre système assurantiel, en dehors des structures traditionnelles. L'économiste américain Kenneth Arrow, spécialiste des questions de confiance dans l'économie et lauréat du prix Nobel en 1972, disait : « La confiance est une institution invisible qui régit le développement économique. » Dans cette période particulière et troublée, notre rôle de parlementaire est central ; notre responsabilité est plus grande encore : il s'agit de maintenir la confiance des Français par notre engagement et notre capacité à trouver ensemble des compromis et des solutions dans l'intérêt commun.
Cependant, le groupe UDI et indépendants s'interroge sur la soutenabilité du financement de la mesure proposée. En effet, les pertes d'exploitation des entreprises sont estimées à plus de 60 milliards d'euros. Bien sûr, un mécanisme financier structuré, suffisamment abondé et solide doit être mis en place, mais il ne faut pas faire exploser les coûts pour les assurés. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons apporter notre contribution à ce débat, dans un esprit constructif et avec le souci d'être utiles à nos concitoyens. Nous avons déposé plusieurs amendements portant sur les modalités de financement de cette mesure et sur la prise en charge des pertes – nous aurons l'occasion d'y revenir au cours des débats.
Nous souhaitons notamment que le Gouvernement s'inspire de ce qu'ont entrepris nos voisins bavarois en Allemagne. Ce Land a obtenu la signature d'un accord par lequel les assurances s'engagent à couvrir au moins 15 % des pertes d'exploitation des entreprises fermées pour cause de pandémie. Monsieur le secrétaire d'État, si une région allemande a mené avec succès une telle négociation, je ne vois pas pourquoi ni comment l'État français ne pourrait pas réussir une opération analogue. De plus, la souveraineté économique n'étant plus un gros mot désormais, il serait normal que les assurances fassent preuve d'une réelle solidarité envers nos acteurs économiques, faute de quoi elles risquent de mettre en danger l'appareil productif français.
Étant l'avant-dernière à prendre la parole dans la discussion générale, je ne vais pas répéter ce qui a été dit. En revanche, permettez-moi de faire une légère digression : je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous transmettiez l'analyse que nous faisons concernant le fonds Barnier, lequel permet d'indemniser les victimes de catastrophes naturelles.
Du fait du changement climatique, les épisodes météorologiques violents s'intensifient sur la planète, en particulier en France, ce qui entraînera une augmentation du montant des indemnisations dans les années à venir – et je ne parle pas des maisons fissurées, dans la France entière, en raison de fortes précipitations faisant suite à une période de forte sécheresse. Si nous devons ajouter à cela la prise en charge de futures crises sanitaires, il nous faut anticiper les besoins financiers.
Le produit de la taxe affectée au fonds Barnier s'élève au total à 210 millions d'euros par an, mais a été plafonné à 131,5 millions depuis le projet de loi de finances pour 2018. Ce sont donc près de 80 millions qui sont prélevés pour alimenter le budget de l'État et ne sont plus mobilisés pour indemniser les catastrophes naturelles.
Je mesure ce manque de moyens dans une commune de ma circonscription, Montbazon, où des maisons ont été détruites en décembre dernier. Sept mois plus tard, les victimes n'ont touché aucune indemnisation, n'ont reçu la visite d'aucun expert et n'ont que très peu de nouvelles de la part des compagnies d'assurance – et je ne vous parle pas des conditions de prêt que leur proposent les banques, autre sujet que nous devrons aborder.
C'est une situation difficile. Nous en reparlerons, mais il importe que nous mesurions à quel point nous devons améliorer les indemnisations par le fonds Barnier.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
L'épidémie qui se répand depuis plusieurs mois à l'échelle mondiale et ses multiples conséquences ont jeté une lumière crue sur la fragilité de nos modèles sanitaire et économique. Elle a aussi révélé des zones d'ombre dans la couverture assurantielle de nos entreprises. Leurs dirigeants ont en effet constaté avec amertume que l'immense majorité des contrats d'assurance ne couvraient pas le risque de pertes d'exploitation en cas de pandémie. Or certains facteurs liés principalement au dérèglement climatique – hausse des températures, fonte de la cryosphère, déforestation – augmentent le risque d'apparition de nouveaux virus. D'aucuns imaginent même que l'épidémie de covid-19 n'est que la première d'une série de pandémies à venir.
À ce stade, avant d'aborder le contenu de la proposition de loi, constatons que les assureurs n'ont pas été à la hauteur de la solidarité que la gravité de la situation imposait. Je ne nie pas leurs engagements – participations au fonds de solidarité, suspensions de loyer pour les TPE-PME contraintes d'interrompre leur activité, mesures extracontractuelles, annonce d'un programme d'investissement global – , mais, nous le répétons, le compte n'y est pas.
À titre d'illustration, je mentionnerai brièvement le contentieux qui oppose un restaurateur au groupe Axa concernant l'interprétation d'une clause prévoyant une indemnisation en cas de fermeture administrative. Environ 10 % des contrats liant des restaurateurs à cet assureur contiennent une telle clause. En première instance, le tribunal de commerce de Paris a donné raison au restaurateur. Depuis lors, nous avons appris que l'assureur négociait avec d'autres détenteurs de tels contrats et qu'il verserait tout de même des dividendes à ses actionnaires, d'un montant certes réduit de moitié mais qui pourrait être réévalué en fin d'année.
Partant du constat que l'assurance pertes d'exploitation étendue aux effets des catastrophes naturelles exclut les catastrophes sanitaires, le texte qui nous est soumis propose donc simplement d'intégrer ce dernier risque à l'état de catastrophe naturelle.
Or, si nous partageons l'objectif de nos collègues – mieux indemniser les effets des catastrophes sanitaires – , nous divergeons d'eux quant à la méthode. Car indemniser l'assuré automatiquement, sans qu'il ait à souscrire une assurance contre les pertes d'exploitation, risque d'entraîner une forte augmentation des primes d'assurance dommages aux biens, en particulier celles concernant les immeubles et véhicules, dont dépend la couverture des effets des catastrophes naturelles. Certes, aux termes de l'article 3, « la couverture des pandémies par le régime des catastrophes naturelles ne peut ouvrir droit à aucune augmentation des cotisations », mais le risque constitutionnel qu'il comporte ne permet pas de nous prémunir à coup sûr contre cette éventualité.
En revanche, les députés de notre groupe sont sensibles aux propositions des groupes Socialistes et Les Républicains concernant la création d'un régime propre au risque épidémique. Un amendement en ce sens, tendant à réécrire l'article 1er, retiendra toute notre attention.
Plusieurs raisons expliquent notre préférence. Alors que le régime de catastrophe naturelle possède un caractère local, les pandémies sont internationales, ce qui justifie un nouveau régime. Nous proposons d'y réfléchir à l'échelle européenne, pour une meilleure répartition des risques. La définition d'un seuil d'intervention de l'État serait tout aussi nécessaire.
Les députés de la majorité ont renvoyé les auteurs de la proposition de loi aux conclusions du groupe de travail associant Bercy et les assureurs en vue d'améliorer la couverture des pertes d'exploitation dues à une pandémie. Nous les attendons donc avec une grande impatience, mais sans naïveté.
Au surplus, constatant que les assureurs n'ont pas suffisamment fait preuve de solidarité dans la période que nous vivons, nous considérons avec intérêt la proposition, formulée par nos collègues du groupe Socialistes, d'instituer une contribution exceptionnelle des assureurs au soutien des entreprises fragilisées par l'épidémie de covid-19.
En effet, alors que, je l'ai dit, Axa s'apprête à verser des dividendes à ses actionnaires, nombre des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises qui maillent notre territoire risquent de disparaître au cours des prochaines semaines.
La réponse doit être à la hauteur du risque : massive et résolue.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
En commission, monsieur le rapporteur, vous avez fait, me semble-t-il, un aveu : l'article 1er serait mal ficelé – c'est l'ensemble du texte qui l'est, d'ailleurs.
Nous constatons avec vous que l'action des assureurs a été très timide au début de la pandémie, mais nous avons aussi observé que certaines compagnies, comme la MAIF ou le groupe Covéa, ont pris l'initiative de soutenir leurs assurés pendant la crise.
Si un groupe de travail a été créé par le ministre de l'économie et des finances, c'est bien parce qu'il est complexe d'établir une couverture assurantielle à ce stade. Il n'est pas question de le faire au doigt mouillé : il faut définir plusieurs éléments, dont la nature des événements déclenchant le dispositif, le type de préjudice indemnisé, les entreprises concernées et le secteur dont elles relèvent, enfin les modalités de financement permettant de garantir la solvabilité des assureurs sans asphyxier les entreprises par un niveau de cotisation trop élevé.
Or, les pertes d'exploitation représentant 90 milliards d'euros – et non 60, madame Auconie, puisqu'il faut compter 30 milliards mensuels sur trois mois – , il est impossible de les couvrir par des dispositifs existants sans accroître considérablement le montant des cotisations d'assurance. Asphyxier les entreprises n'est sans doute pas l'objectif de la proposition de loi ; en tout cas, ce n'est pas le nôtre.
Il serait également dangereux de puiser dans les réserves du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, car il faudra pouvoir faire face à de telles catastrophes dans les temps à venir.
Pour ces raisons, il n'est pas possible d'adopter l'article en l'état – ni le reste de la proposition de loi.
L'intervention qui vient d'avoir lieu me fournit l'occasion d'une clarification.
Nous constatons unanimement l'indigence de l'effort de solidarité consenti par le secteur de l'assurance. C'est décisif, car c'est ce qui conduit à remettre en cause le rôle actuel des entreprises d'assurance et à appeler celles-ci à revenir à l'essence même de leur profession : mutualiser les risques. À cet égard, j'établis une distinction entre les mutuelles, qui lui restent fidèles, et les assureurs privés, qui l'ont oubliée, préférant faire de leur métier une source de profit.
Non, la proposition de loi n'est pas « mal ficelée ». Si l'on créait un nouveau risque, il pourrait ne pas être sollicité et tomber aux oubliettes ; voilà pourquoi nous préférons étendre le régime existant d'indemnisation des catastrophes naturelles.
Quant au mode de financement, qui est au coeur de nos débats, nous ne prétendons pas détenir la vérité. Je remercie nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine de leur proposition de taxer les réserves de capitalisation. Nous avons également parlé en commission du déclenchement du dispositif : faut-il ou non se limiter à la période de confinement ? C'est ainsi que nous concevons le rôle du Parlement : plutôt que de vous soumettre une proposition à prendre ou à laisser, nous souhaitons mettre l'intelligence collective au service de la recherche de la meilleure solution possible. Je propose donc un mode de financement qui, sans être la panacée, me paraît juste ; nous pouvons en discuter – j'imagine que nous n'avons pas la même idée de la justice.
Ne dites donc pas que le texte est mal ficelé : …
… dites simplement que vous n'êtes pas d'accord avec les modalités de financement qui y figurent, et proposez-en d'autres qui permettent d'étendre l'assise financière du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, comme l'a dit M. Duvergé. Puisque nous allons devoir affronter des catastrophes naturelles plus régulièrement qu'auparavant, il faut consolider ce régime ; la fusion des deux risques en fournit l'occasion en créant un régime mieux doté financièrement et qui, étant fréquemment sollicité, sera réellement utile. C'est ainsi que nous pourrons réagir à des pandémies elles aussi appelées à se multiplier.
Le rapporteur, que je ne crois pas hostile à cet amendement de David Habib, en parlera mieux que moi. Nous voulons défendre les commerçants, les artisans, les pauvres types qui ne s'en sortent pas et qui n'arrivent pas à trouver, sur les lignes en petits caractères de leur contrat d'assurance, une mention qui leur permettrait d'être couverts. Seules deux ou trois compagnies ont joué le jeu. Quelques assurés ont aussi gagné des procès : c'est formidable ; pourvu que cela continue. Car pour mon collègue David Habib et pour moi, dans le Sud comme dans le Nord, les petites gens ont droit au respect.
Cet amendement, dont nous devons l'initiative à Pierre Morel-À-L'Huissier, vise à étendre le bénéfice de l'article L. 125-1 du code des assurances au risque de catastrophe sanitaire.
Il vient également encadrer juridiquement l'indemnisation des effets des catastrophes sanitaires en la limitant aux seules pertes économiques directes ayant eu pour cause déterminante la présence d'agents pathogènes indépendants de toute action humaine délibérée, si les mesures habituelles pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises.
En ce qui concerne l'amendement no 1 , j'ai remercié en commission mes collègues du groupe Socialistes de leur intéressante contribution, notamment concernant les modes de déclenchement du régime d'indemnisation et les délais d'indemnisation. Toutefois, n'étant pas favorable, pour les raisons que j'ai exposées, à la création d'un régime spécifique, je ne le suis pas non plus, à titre personnel, à cet amendement qui a été rejeté par la commission.
Quant à l'amendement n° 6 , qui n'a pas été examiné en commission, je me réjouis qu'il reprenne l'idée d'étendre le régime de catastrophe naturelle aux catastrophes sanitaires, même si je ne peux être favorable à la réécriture complète de l'article 1er qu'il propose. Cette convergence de vues confirme la nécessité de débattre au Parlement plutôt que de s'en remettre à des discussions de couloir à Bercy : nous devons jouer notre rôle de législateur en encadrant les pratiques du secteur pour pouvoir faire face ensemble à des risques inédits ; nous ne pouvons le déléguer.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.
S'agissant de l'amendement no 1 , déposé par David Habib, le Gouvernement partage ses doutes et ceux des cosignataires quant à la possibilité de couvrir la nouvelle catégorie de risques par le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, déjà sous tension en raison d'une forte sinistralité ces dernières années. Le groupe de travail que j'ai évoqué envisage plusieurs options de couverture des risques exceptionnels, parmi lesquelles une extension de garantie couvrant les conséquences d'une mesure administrative résultant d'une pandémie ou d'un autre risque sanitaire grave. Toutefois, comme je l'ai rappelé dans mon allocution introductive, il paraît prématuré d'en préempter les conclusions, d'autant plus que plusieurs élus sont associés à ce groupe de travail. C'est la raison pour laquelle l'avis est défavorable.
J'en viens à l'amendement no 6 : le Gouvernement est défavorable à l'extension aux risques sanitaires du régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles, car cela engendrerait une hausse disproportionnée des coûts pour l'ensemble des assurés concernés par ledit régime, qu'il s'agisse des particuliers ou des entreprises. L'avis est donc, ici aussi, défavorable.
L'amendement de M. Habib donne un argument supplémentaire à notre groupe pour rejeter cette proposition de loi. Nous pensons en effet, comme M. le secrétaire d'État, que le risque sanitaire doit faire l'objet d'un cadre spécifique. Je précise à M. Prud'homme qu'il ne s'agit pas par cette réponse d'éluder le débat : des propositions vont être avancées en ce domaine qui seront sûrement aussi de niveau législatif. Le travail fouillé qui va être mené sous l'égide du Gouvernement permettra de définir une base de discussions sur laquelle nous devrions tomber souvent d'accord. Ainsi, j'ai lu des amendements qui m'ont paru intéressants ; ils ne seront évidemment pas retenus puisque nous rejetterons l'ensemble de la proposition de loi, mais leur contenu pourrait être repris dans un autre cadre.
L'amendement no 11 de M. Loïc Prud'homme est rédactionnel.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
J'appelle l'attention de la députée Obono sur ce qui est en train de se passer dans l'hémicycle : l'amendement du rapporteur étant purement rédactionnel, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Sourires.
À l'inverse de M. le secrétaire d'État, j'estime qu'à partir du moment où nous sommes contre cette proposition de loi, il n'y a pas de raison de chercher à l'améliorer par des amendements rédactionnels. Il serait illogique d'en adopter des bribes ! Nous voterons donc contre l'amendement, conformément à la position générale du groupe sur le texte.
Monsieur Lauzzana, ce que vous venez de dire est absolument extraordinaire ! Votre groupe étant majoritaire, il peut décider de rejeter les propositions de loi du groupe LFI aujourd'hui comme il l'a fait hier pour celles des groupes Socialistes et apparentés ou LR, mais vous n'avez pas le droit de remettre en question la légitimité même du débat ! Ici, c'est la République, ici, on a le droit de déposer des propositions de loi et d'en discuter, et vous n'avez certainement pas celui de dire : « Parce que nous sommes majoritaires, nous avons décidé que tout cela ne serait rien. »
« Il n'a pas dit cela ! » sur les bancs du groupe LaREM.
D'ailleurs, vous êtes de moins en moins majoritaires : nous allons terminer la législature avec soixante-sept groupes – j'exagère à peine – , dont les représentants auront en tout et pour tout deux minutes trente pour s'exprimer ; ce sera fascinant !
Vous refusez de discuter de cette proposition de loi alors que, sur un tel sujet, nous aurions pu trouver un point d'accord.
L'amendement no 11 n'est pas adopté.
Même si elle n'est pas adoptée, nos réflexions seront utiles à l'avenir.
Cet amendement a été repoussé par la commission. Il vise à préciser que la garantie des pertes d'exploitation ne s'appliquera pas uniquement aux entreprises dont l'activité aurait été totalement arrêtée en raison du confinement, mais aussi à celles qui auraient conservé une activité partielle.
Avis défavorable puisque, comme indiqué précédemment, le Gouvernement ne souhaite pas préempter les conclusions du groupe de travail. La question du ou des événements déclencheurs d'une indemnisation figure parmi celles posées sur la table ; plusieurs options sont à l'étude et il est important de rappeler que la définition des événements retenus aura des conséquences importantes sur le dimensionnement financier du régime et donc sur son coût pour les entreprises et pour l'État.
Je ne peux pas laisser passer ce qu'a dit M. Hutin : mon propos ne concernait que les amendements purement rédactionnels. J'avais d'ailleurs bien précisé auparavant que certains amendements contenaient des propositions intéressantes qui pourraient être reprises plus tard dans un futur projet de loi. Car, soyons clairs, il y en aura un sur le sujet.
L'amendement no 12 n'est pas adopté.
L'article 1er n'est pas adopté.
La parole est à M. Cédric Villani, pour soutenir l'amendement, no 4 , portant article additionnel après l'article 1er.
Cet amendement déposé à l'initiative de ma collègue Jennifer de Temmerman vise à augmenter fortement les primes d'assurance dues par les acteurs économiques dont l'activité contribue à la déstabilisation des écosystèmes. La liste des activités concernées serait établie par arrêté.
L'objectif visé par l'amendement, lutter contre la déstabilisation des écosystèmes, m'inciterait plutôt à en faire une lecture bienveillante. Cependant, l'institution d'une surprime sur les contrats d'assurance dans des cas énumérés par un arrêté ministériel constituerait une immixtion dans les relations contractuelles entre assureurs et assurés. De plus, la destination du produit de ces surprimes n'est pas précisée. Je m'interroge donc sur le caractère applicable de la disposition proposée.
Par ailleurs, je pense que cet amendement est assez éloigné par son objet de ma proposition de loi. Je l'aurais mieux compris s'il avait visé à instaurer une nouvelle contribution sur les activités polluantes destinées à alimenter un régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles et à participer à la nouvelle garantie contre les épidémies et les pandémies mais, en l'état, j'en demande le retrait. À défaut, l'avis serait défavorable à titre personnel, étant précisé qu'il n'a pas été examiné en commission.
Cet amendement n'est en effet pas directement lié à l'objet de la proposition de loi, mais le Gouvernement comprend et salue l'engagement des élus pour la protection de l'environnement et des écosystèmes. Cela étant, toute assurance repose sur le principe de la mutualisation des risques et des primes. La fixation d'une surprime non liée directement aux risques couverts pour une catégorie d'assurés romprait donc cet équilibre global. En outre, elle exigerait au préalable la définition d'une taxonomie des activités concernées. Enfin, elle impliquerait que les assureurs soient capables de séparer, pour chacun de leurs clients, ce qui relève ou non desdites activités, ce qui pourrait s'avérer particulièrement complexe. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 4 n'est pas adopté.
Pour répondre à ce qu'a dit M. le rapporteur à propos du groupe de travail organisé par M. Bruno le Maire à la demande de M. le Premier ministre, je confirme qu'il ne s'agit pas de mener de petites négociations de couloir mais bien d'effectuer un véritable travail avec les acteurs économiques concernés par le nouveau risque ainsi que les représentants du secteur de l'assurance. Ce groupe, qui je le rappelle comprend aussi des parlementaires – deux députés et deux sénateurs issus de la majorité comme de l'opposition – se réunit chaque semaine.
Par ailleurs, votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, ne fait que maintenir le statu quo dans la mesure où il reviendra de toute façon à l'État, donc in fine au contribuable, de régler la note. Je rappelle que le produit des surprimes perçues au titre du régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles va à la Caisse centrale de réassurance, laquelle bénéficie d'une garantie illimitée de l'État. Dès lors qu'il n'y aura pas suffisamment de capitaux pour indemniser les pertes d'exploitation – soit approximativement 30 milliards d'euros par mois de confinement – , c'est bien le budget de l'État qui paiera en dernier ressort. Ce dernier devra indemniser la totalité des pertes d'exploitation et non pas seulement intervenir comme aujourd'hui au nom de la solidarité pour préserver les emplois et nos entreprises.
En tant que co-présidente du groupe d'études Assurances, je suis bien évidemment contre cette proposition de loi ; je vous propose, monsieur le rapporteur, de travailler ensemble à partir des conclusions du groupe de travail en espérant qu'elles vous intéresseront.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il faut bien s'entendre sur ce dont on parle : toutes les surprimes ne vont pas à la Caisse centrale de réassurance puisque 44 % de leur produit revient dans les caisses des assureurs, 12 % alimente directement le fonds Barnier et 44 % va à la CCR.
Quant à la question du financement, elle est en effet centrale dans cette affaire. Le chiffre souvent cité pour l'estimation du montant total des pertes d'exploitation – 60 milliards, bientôt 90 – , est le fruit d'un calcul au doigt mouillé distillé par la Fédération française de l'assurance.
Il s'agit avant tout de savoir à quel niveau d'indemnisation on veut se placer. Je propose à cet égard qu'une partie de celle-ci soit assurée sur une base forfaitaire, les besoins de financement connus dans l'immédiat pouvant dans l'avenir être complétés, dans des conditions soumises à discussion, par une indemnisation calculée sur une base plus réelle à partir d'une expertise des pertes d'exploitation – avec éventuellement la participation du corps des experts-comptables pour réduire les délais très longs qu'évoquait M. le secrétaire d'État.
Tout cela nécessite du travail, en effet, mais cette proposition de loi est elle-même le fruit d'une certaine somme de travail et d'expertise, y compris pour analyser les dispositifs existants. Nous ne sommes pas tout à fait d'accord sur la façon d'aborder le sujet, ma chère collègue, mais vous pouvez compter sur moi pour avoir toujours un esprit affûté et critique sur les propositions qui seront faites en ce domaine et vous faire des contre-propositions afin de parvenir à couvrir le risque de pandémie et d'épidémie.
Il a été rédigé par mon collègue Morel-À-L'Huissier et s'inscrit dans la continuité de l'amendement déposé à l'article 1er. Rédactionnel, il vise à étendre l'article L. 125-2 du code des assurances aux risques de catastrophes sanitaires.
Il s'agit effectivement d'un amendement de coordination avec l'amendement no 6 , sur lequel j'avais exprimé, à titre personnel, un avis défavorable. Il n'a pas non plus été examiné en commission. Par souci de cohérence, j'émets un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exprimées précédemment.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le Gouvernement est défavorable à la couverture des effets des risques sanitaires par la garantie prévue pour les catastrophes naturelles, car cela entraînerait une hausse disproportionnée des coûts pour l'ensemble des assurés.
L'amendement no 7 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel. Il a été rejeté par la commission. À titre personnel, par cohérence avec l'ensemble des corrections que j'ai apportées au texte, j'émets un avis favorable.
L'amendement no 13 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 n'est pas adopté.
Il a été rédigé par mon collègue Morel-À-L'Huissier et vise à étendre l'article L. 125-5 du code des assurances aux risques de catastrophes sanitaires, à l'image des amendements déposés sur les précédents articles.
Même motif, même punition : par cohérence, s'agissant d'un amendement de coordination avec l'amendement no 6 , j'émets un avis défavorable – à titre personnel, la commission n'ayant pas examiné cet amendement.
Il est défavorable, pour les mêmes raisons.
L'amendement no 8 n'est pas adopté.
Je maintiens cet amendement rédactionnel qui a été rejeté par la commission.
Il me semble qu'il ne s'agit pas tout à fait d'un amendement rédactionnel, puisqu'il tend à modifier la loi du 13 juillet 1982. Nous sommes y défavorables.
L'amendement no 14 n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 15 .
La commission a rejeté cet amendement, dont je me permets de rappeler l'objet : à la lumière des informations que j'ai recueillies au cours des nombreuses auditions réalisées, il m'est apparu inutile de conférer un monopole juridique à la Caisse centrale de réassurance. En effet, en raison de la garantie illimitée de l'État dont elle bénéficie, celle-ci dispose déjà d'un quasi-monopole de fait. L'amendement vise ainsi à maintenir l'équilibre actuel dans le positionnement de la CCR, entre les assureurs et la garantie en dernier recours de l'État.
Le Gouvernement se réjouit du retrait de la proposition consistant à confier un monopole à la CCR, qui posait de sérieuses difficultés. Pour autant, l'amendement maintient le principe d'un contrôle parlementaire très strict sur les activités de la CCR, ses résultats, ses fonds et ses ratios de solvabilité, ce qui ne semble pas justifié. Pour rappel, la CCR, en tant que société anonyme de droit privé, respecte les mêmes exigences en matière de fonds et de ratios de solvabilité que l'ensemble des réassureurs, sous le contrôle de l'ACPR – Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. L'État, en tant que seul actionnaire de la société, siège à son conseil d'administration ainsi qu'à l'ensemble des comités, notamment au comité d'audit et au comité des comptes, dont le rôle est de se prononcer sur les décisions importantes de l'entreprise et d'examiner les comptes et résultats de la CCR.
Par ailleurs, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, les engagements financiers de l'État au titre des garanties octroyées à la CCR figurent au compte général de l'État et font donc l'objet d'un examen par la Cour des comptes. Enfin, l'ensemble des activités et informations financières de la CCR figurent dans ses rapports annuels, qui sont disponibles sur son site internet.
Avis défavorable.
L'amendement no 15 n'est pas adopté.
Cet amendement rédactionnel a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission. Je le présente à nouveau par souci de cohérence du texte.
L'amendement no 16 , rejeté par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 n'est pas adopté.
Il a été rédigé par mon collègue Morel-À-L'Huissier et vise à apporter de la sécurité aux entreprises d'assurance dans le cadre d'un état de catastrophe sanitaire, en excluant du dispositif les sociétés en procédure de redressement judiciaire, en procédure de sauvegarde ou en liquidation, à l'exception toutefois des entreprises capables de démontrer qu'elles sont tombées sous ces régimes du fait de l'état de catastrophe sanitaire. Il est précisé que les sociétés faisant l'objet d'une procédure préventive comme une conciliation ou un mandat ad hoc sont bien incluses dans le dispositif.
Enfin, l'amendement prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe le pourcentage de la garantie de l'assuré prévue à l'article L. 125-1 du code des assurances ainsi que les modalités de sa répartition entre les entreprises affectées.
La commission n'a pas examiné l'amendement. J'y suis défavorable à titre personnel, pour deux raisons. D'abord, vous prévoyez d'exclure du dispositif les sociétés en procédure de redressement judiciaire, en procédure de sauvegarde ou en liquidation, à l'exception de celles qui seraient capables de démontrer qu'elles sont tombées sous ces régimes du fait de l'état de catastrophe sanitaire. Il me semble que cela aurait pour conséquence de condamner à coup sûr les entreprises soumises à de telles procédures au moment où survient la catastrophe sanitaire : par définition, ces entreprises étaient en difficulté avant la crise, laquelle ne peut qu'aggraver leur situation. Les priver de toute couverture me semble aller à l'encontre de l'objectif premier du dispositif, qui est d'atténuer et d'amortir les dégâts économiques et sociaux de telles crises.
En outre, il y a, me semble-t-il, une incohérence à dissocier ainsi la couverture pour catastrophe naturelle de la couverture pour catastrophe sanitaire, alors même que votre amendement à l'article 1er visait à les rassembler au sein d'un régime unique. Avis défavorable.
L'amendement no 9 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de précision, quasi rédactionnel, sur lequel la commission a émis un avis défavorable.
Je me permets de prendre la parole, pour faire part de mon sentiment : il arrive à cette proposition de loi ce qui arrive traditionnellement à toutes les propositions de loi défendues dans le cadre des journées de niche parlementaire, quel que soit d'ailleurs le groupe concerné – je dois avouer qu'il n'y a, sur ce plan, aucune discrimination : vous trouvez le sujet très intéressant, mais vous y réfléchissez dans un autre cadre. En l'espèce, vous dites avoir créé un groupe de travail incluant les assureurs et le Gouvernement. C'est exactement la méthode que j'évoquais tout à l'heure : concerter, négocier, éluder, …
… comme si nous n'avions pas, nous aussi, rencontré les assureurs ! Nous ne tirons pas nos propositions de loi de notre chapeau ! Et puis, si vous aviez tant d'éclaircissements à apporter, vous n'aviez qu'à déposer des amendements ! Pourquoi ne pas nous faire profiter de vos échanges ?
Exclamations sur certains bancs du groupe LaREM.
Je veux réaffirmer que cette proposition de loi présente l'avantage de prendre appui sur un dispositif qui existe déjà et qui fonctionne. Si l'on sait que les pandémies vont se reproduire, on ne sait ni à quel rythme ni quel sera leur impact économique, d'où l'intérêt de les raccrocher au système qui prévaut pour les catastrophes naturelles. Enfin, ce serait un mécanisme très juste que de financer le dispositif par la taxation des dividendes, lesquels sont, on l'a vu, largement suffisants pour répondre de manière occasionnelle au besoin d'indemnisation des personnes concernées – puisqu'on ne sait pas, précisément, à quel rythme ce besoin se fera sentir.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je réagirai d'un mot à l'intervention que nous venons d'entendre. Madame Rubin, le groupe auquel vous appartenez avait déposé trois propositions de loi sur lesquelles nous avions travaillé, comme vous…
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – Protestations sur les bancs du groupe FI
Non ! Pour répondre exactement à l'objection qui vient de nous être faite, nous avions accepté d'amender le texte et de l'enrichir. Vous étiez tellement mécontents que nous adoptions cette stratégie d'ouverture que vous avez choisi de les retirer.
Ce n'était plus des propositions de loi, c'était des demandes de rapport !
Si vous voulez ne conserver dans vos niches parlementaires que les propositions de loi conçues pour être refusées, vous obtiendrez exactement le résultat recherché.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je souhaite intervenir en tant que député n'appartenant pas au groupe majoritaire, pour demander à notre collègue Rubin d'arrêter de présenter les choses de façon aussi stéréotypée. Le rapporteur de la présente proposition de loi n'a accepté aucun des amendements que nous avons déposés : ce que vous reprochez au groupe majoritaire, vous le faites vous-mêmes lorsque vous êtes sur les bancs de la commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.
Par ailleurs, depuis trois ans que nous siégeons ensemble dans cet hémicycle, des propositions de loi présentées par des groupes autres que celui de La République en marche ont été adoptées.
Ce n'est pas compliqué, ma chère : vous avez dit qu'il n'y en avait aucune. Or il y en a eu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Nous avons passé une journée très constructive, notamment lors de l'examen de la proposition de loi présentée par Alexis Corbière. Nous avons eu des échanges très riches, au cours desquels nous avons pu débattre de manière cohérente. Pourtant, vous ne pouvez vous empêcher de conclure la séance par un spectacle : c'est ce à quoi vous nous avez habitués chaque fois que vous êtes sur le devant de la scène.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Vous devriez raison garder, rester cohérents, et reconnaître que, quand vous êtes sur les bancs des commissions, vous êtes vous-mêmes incapables d'accepter les amendements défendus par d'autres députés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'article 4 n'est pas adopté.
Nous avons achevé la discussion des articles.
L'ensemble des articles et des amendements portant article additionnel ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Projet de loi portant annulation du second tour des élections municipales et report des élections consulaires.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra