Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du jeudi 4 juin 2020 à 15h00
Champ d'application et financement des arrêtés de catastrophe naturelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Tout d'abord, on a opposé à l'élargissement du champ du dispositif relatif aux catastrophes naturelles la nécessité de créer un régime spécifique.

Ensuite, des inquiétudes ont été exprimées au sujet du coût et du financement d'une pareille extension du champ de l'assurance contre le risque de perte d'exploitation. Le chiffre de 60 milliards d'euros, annoncé par la Fédération française de l'assurance, ne mettrait-il pas en péril jusqu'au métier même d'assureur ? Enfin, on nous a objecté que, si le code des assurances doit certes être adapté, une telle opération doit préalablement faire l'objet d'un nouveau cycle de concertations, de négociations et d'études d'impact, permettant de souligner la portée de notre proposition de loi.

Une seule objection nous a semblé pertinente ; au demeurant, elle a motivé le dépôt d'un amendement par nos collègues socialistes. Elle porte sur le risque de faire d'une durée quelconque de confinement une référence du dispositif, alors même que la gestion d'une crise pandémique – si l'on dispose de masques et de tests en abondance, par exemple – pourrait prendre d'autres formes qu'un confinement généralisé de la population, tout en ayant des conséquences durables sur l'activité économique. Hormis cette objection, la plupart des arguments que l'on nous a opposés s'apparentent en vérité à des manoeuvres dilatoires, voire à la reprise de certaines fausses idées répandues par la Fédération française de l'assurance.

Ainsi, j'écarterai immédiatement l'argutie selon laquelle l'État n'aurait aucun rôle à jouer puisque le risque pandémique n'a, par définition, pas de frontières. Rejeter la responsabilité sur l'Union européenne, c'est véritablement éviter le sujet et renvoyer aux calendes grecques la recherche d'une solution.

Quant à l'imprévisibilité du risque pandémique, c'était déjà l'argument qui était avancé par les assurances avant 1982 au sujet des catastrophes naturelles elles-mêmes.

Concernant le coût financier exorbitant pour le secteur, permettez-moi de faire observer que si celui-ci a déjà versé plus de 3 milliards d'euros d'aides diverses, cette somme ne représente qu'une goutte d'eau au regard de son chiffre d'affaires faramineux. À titre de comparaison, les cinq principales compagnies d'assurances reversent chacune, en moyenne, 3 milliards d'euros de dividendes par an – même si AXA a récemment décidé de renoncer à la moitié des versements cette année. Le secteur est donc financièrement solide.

Il est vrai que, comme l'a fait remarquer une collègue, l'indemnisation de la garantie d'exploitation ne doit pas être répercutée sur le montant des primes payées par l'assuré. C'est pourquoi la proposition de loi prévoit de geler le taux de cotisations et de financer la réassurance par une taxe de 12 % sur les dividendes.

Enfin, contrairement à ce que certains prétendent, il est pertinent d'étendre le champ du risque de catastrophe naturelle plutôt que de créer un nouveau risque. Par principe, tout d'abord, puisque le risque pandémique est lié aux catastrophes naturelles et plus généralement aux événements extrêmes résultant de la crise écologique que nous traversons. La destruction des habitats naturels, la métropolisation, la globalisation, l'accélération du transport d'hommes et de marchandises concourent à faciliter la diffusion d'épidémies à l'échelle d'un monde qui n'a plus de bords.

Ce choix est aussi pertinent pour l'assuré. En couplant la protection contre le risque sanitaire et contre les catastrophes naturelles, on encourage les acteurs économiques à souscrire des contrats qui, de fait, couvrent mieux des risques plus variés et plus fréquents.

Dans cette enceinte, l'intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers et nous devons nous soustraire aux pressions et à l'influence de compagnies souvent peu scrupuleuses et ne lésinant pas sur le lobbying.

Il ne faut pas avoir peur. Pour la seule assurance non-vie, ce sont près de 41 milliards qui sont engrangés chaque année par les compagnies. Il suffirait pourtant de quelques milliards pour indemniser dans sa totalité le secteur de la restauration et de l'hôtellerie qui a bien pâti de la crise du covid-19.

À l'aune de ces différents éléments, et parce que la proposition est mesurée, plébiscitée par nos compatriotes et attendue par la quasi-totalité des acteurs économiques, je vous demande, chers collègues, de voter en faveur du texte.

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