L'épidémie qui se répand depuis plusieurs mois à l'échelle mondiale et ses multiples conséquences ont jeté une lumière crue sur la fragilité de nos modèles sanitaire et économique. Elle a aussi révélé des zones d'ombre dans la couverture assurantielle de nos entreprises. Leurs dirigeants ont en effet constaté avec amertume que l'immense majorité des contrats d'assurance ne couvraient pas le risque de pertes d'exploitation en cas de pandémie. Or certains facteurs liés principalement au dérèglement climatique – hausse des températures, fonte de la cryosphère, déforestation – augmentent le risque d'apparition de nouveaux virus. D'aucuns imaginent même que l'épidémie de covid-19 n'est que la première d'une série de pandémies à venir.
À ce stade, avant d'aborder le contenu de la proposition de loi, constatons que les assureurs n'ont pas été à la hauteur de la solidarité que la gravité de la situation imposait. Je ne nie pas leurs engagements – participations au fonds de solidarité, suspensions de loyer pour les TPE-PME contraintes d'interrompre leur activité, mesures extracontractuelles, annonce d'un programme d'investissement global – , mais, nous le répétons, le compte n'y est pas.
À titre d'illustration, je mentionnerai brièvement le contentieux qui oppose un restaurateur au groupe Axa concernant l'interprétation d'une clause prévoyant une indemnisation en cas de fermeture administrative. Environ 10 % des contrats liant des restaurateurs à cet assureur contiennent une telle clause. En première instance, le tribunal de commerce de Paris a donné raison au restaurateur. Depuis lors, nous avons appris que l'assureur négociait avec d'autres détenteurs de tels contrats et qu'il verserait tout de même des dividendes à ses actionnaires, d'un montant certes réduit de moitié mais qui pourrait être réévalué en fin d'année.
Partant du constat que l'assurance pertes d'exploitation étendue aux effets des catastrophes naturelles exclut les catastrophes sanitaires, le texte qui nous est soumis propose donc simplement d'intégrer ce dernier risque à l'état de catastrophe naturelle.
Or, si nous partageons l'objectif de nos collègues – mieux indemniser les effets des catastrophes sanitaires – , nous divergeons d'eux quant à la méthode. Car indemniser l'assuré automatiquement, sans qu'il ait à souscrire une assurance contre les pertes d'exploitation, risque d'entraîner une forte augmentation des primes d'assurance dommages aux biens, en particulier celles concernant les immeubles et véhicules, dont dépend la couverture des effets des catastrophes naturelles. Certes, aux termes de l'article 3, « la couverture des pandémies par le régime des catastrophes naturelles ne peut ouvrir droit à aucune augmentation des cotisations », mais le risque constitutionnel qu'il comporte ne permet pas de nous prémunir à coup sûr contre cette éventualité.
En revanche, les députés de notre groupe sont sensibles aux propositions des groupes Socialistes et Les Républicains concernant la création d'un régime propre au risque épidémique. Un amendement en ce sens, tendant à réécrire l'article 1er, retiendra toute notre attention.
Plusieurs raisons expliquent notre préférence. Alors que le régime de catastrophe naturelle possède un caractère local, les pandémies sont internationales, ce qui justifie un nouveau régime. Nous proposons d'y réfléchir à l'échelle européenne, pour une meilleure répartition des risques. La définition d'un seuil d'intervention de l'État serait tout aussi nécessaire.
Les députés de la majorité ont renvoyé les auteurs de la proposition de loi aux conclusions du groupe de travail associant Bercy et les assureurs en vue d'améliorer la couverture des pertes d'exploitation dues à une pandémie. Nous les attendons donc avec une grande impatience, mais sans naïveté.
Au surplus, constatant que les assureurs n'ont pas suffisamment fait preuve de solidarité dans la période que nous vivons, nous considérons avec intérêt la proposition, formulée par nos collègues du groupe Socialistes, d'instituer une contribution exceptionnelle des assureurs au soutien des entreprises fragilisées par l'épidémie de covid-19.