Le Gouvernement a pleinement conscience des attentes légitimes exprimées à l'égard des assurances et de la couverture des risques que font courir à nos sociétés les menaces sanitaires graves. Une réflexion sur la création d'un régime de type assurantiel destiné à intervenir en cas de future catastrophe sanitaire majeure a d'ailleurs été entreprise dès la fin du mois d'avril à l'initiative du Gouvernement – notamment de Bruno Le Maire.
Le groupe de travail assemblé par la direction générale du Trésor réunit les principales parties prenantes. Il rendra ses conclusions sur la couverture de ce risque spécifique dans le courant du mois de juin. Sur la base de ses recommandations, des consultations plus larges seront menées au cours de l'été, afin d'aboutir, d'ici la fin de l'année, à un dispositif opérationnel pour les futures crises.
À ce propos, je tiens à saluer la mobilisation exceptionnelle des élus sur ce sujet sensible. Pas moins de onze propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale et au Sénat, dont celle dont nous débattons aujourd'hui. Par ailleurs, plusieurs élus participent activement au groupe de travail précité sur l'assurance des risques exceptionnels. Les échanges de vues en son sein sont riches en contenu, et procèdent d'un esprit constructif.
Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi constitue une pierre, digne d'intérêt, apportée à cet édifice collectif. Au demeurant, elle met en avant certains principes qui nous semblent légitimes. La solution que nous devons identifier, dans le cadre des travaux susmentionnés, doit être accessible au plus grand nombre et permettre une indemnisation rapide.
Toutefois, la présente proposition de loi soulève plusieurs problèmes de fond, au premier rang desquels l'adossement d'une garantie future au régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles – un excellent régime, dont nous pouvons être fiers, et qui a fait ses preuves à de nombreuses reprises depuis sa création en 1982.
En effet, comme le Gouvernement a eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, le risque pandémique est bien distinct du risque de catastrophe naturelle. Par nature systémique et global, il pose des difficultés particulières en matière de mutualisation du risque, notamment en matière de dimensionnement des provisions financières destinées à couvrir le risque de catastrophe naturelle. De mémoire, elles sont de l'ordre de 3 milliards d'euros ; s'agissant des pertes d'exploitation des entreprises pendant la période de confinement imposée par la pandémie de coronavirus, les masses critiques sont sensiblement supérieures. Si nous voulons placer une cotisation en face d'un risque, comme l'exige le principe de l'assurance, alors le régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles n'est pas adapté.
En outre, les enjeux sont distincts. Lors d'une pandémie, les pertes d'exploitation, dans l'immense majorité des cas, ne sont pas aggravées par des dommages matériels. Les modèles développés en catastrophe naturelle ne sont donc pas applicables en risque sanitaire.
Enfin, comme je l'ai dit à l'instant, le régime d'indemnisation des effets des catastrophes naturelles, qui a été fortement mobilisé au cours des dernières années, n'est pas financièrement dimensionné pour accueillir un tel risque. Il s'agit donc d'un sujet spécifique, qui doit faire l'objet d'un cadre spécifique et de cotisations spécifiques, et devra être traité, dans toute sa complexité, par le truchement d'un dispositif distinct.
Par ailleurs, certains aspects de votre proposition de loi demandent à être mûris. Les modalités d'indemnisation que vous proposez, par exemple, risquent de ne pas être applicables en pratique. Les expertises en matière de pertes d'exploitation sont particulièrement longues et complexes. Elles peuvent prendre plusieurs mois, ce qui n'est pas compatible avec l'objectif d'une indemnisation simple et rapide.
Nous devons donc envisager des modalités d'indemnisation prenant en considération ces aspects très concrets au bénéfice des assurés. Cela fait partie des points mis à l'étude par le groupe de travail que nous avons mis en place, dont l'objectif est d'identifier les enjeux et de déterminer dans quelle mesure une solution d'assurance peut être trouvée, offrant un service aux entreprises à un coût acceptable, tant pour l'assuré que pour l'État.
Ainsi, si nous comprenons les attentes légitimes des élus à ce sujet, il nous semble prématuré de décider dès aujourd'hui des contours exacts d'un futur dispositif. De nombreux points restent à expertiser, et des consultations plus larges devront être menées, afin de s'assurer de sa faisabilité technique et de l'acceptabilité de ses paramètres. Nous comptons sur l'entière coopération des élus au cours de cette période, afin de parvenir ensemble à un dispositif pertinent, utile et durable.