Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du vendredi 5 juin 2020 à 9h00
Annulation du second tour des municipales et report des élections consulaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Alors que nous vivons une nouvelle étape d'une crise sanitaire inédite, nous devons être guidés avant tout par le bon sens – ce bon sens propre aux territoires, qui leur a permis de faire preuve d'agilité, d'efficacité et de réactivité, de commander des masques pour faire face au manque, de maintenir la concorde pendant un confinement difficile pour les citoyens et pour le tissu économique et social ; ce bon sens qui leur permet d'accompagner le déconfinement le plus sereinement possible.

Le bon sens, c'est anticiper, en fonction de l'état sanitaire du pays, une éventuelle annulation du second tour des élections municipales prévues le 28 juin. Une telle décision aurait de nombreuses conséquences, qu'il est indispensable de prévoir pour mieux y répondre. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires salue l'initiative du présent projet de loi. La commission y a apporté quelques modifications facilitant le recours au vote par procuration, autorisant notamment un même mandataire de détenir deux procurations. Il serait souhaitable que cette mesure s'applique à d'autres élections, tout comme il devrait être possible de donner une procuration à une personne inscrite sur une liste électorale d'une autre commune que la sienne. Cela poserait certes des difficultés techniques, mais une réflexion approfondie permettrait certainement de les surmonter.

D'autres évolutions doivent être examinées en séance, comme celle visant à sécuriser la possibilité d'annuler le second tour du scrutin dans un territoire où un foyer de covid-19 se serait déclaré. Notre groupe soutiendra l'amendement du Gouvernement allant en ce sens.

Au-delà du texte lui-même, l'anticipation nous impose de travailler à la meilleure manière de voter en période de crise sanitaire, en instaurant un processus plus souple, sécurisé et fiable. Cela touche notamment aux procurations, mais aussi au vote électronique et par correspondance. À titre personnel, je ne suis favorable à aucune de ces deux dernières modalités, ni pour le scrutin du 28 juin ni pour les autres. Le scrutin électronique comporte d'importants risques de fraude : déni de service, virus ou attaques dites de l'homme du milieu permettant de modifier le vote. Le vote par correspondance, quant à lui, a été supprimé en 1975 parce qu'il présentait plusieurs difficultés dont celle liée au circuit d'acheminement : il n'est pas possible d'exercer une surveillance suffisamment sécurisée et continue de ce tunnel opaque. De plus, cette modalité ne supprime pas les risques sanitaires, puisqu'elle oblige à se déplacer dans les bureaux de poste.

Le bon sens, c'est aussi agir de manière appropriée, notamment en ce qui concerne les modalités de la campagne électorale. Celle-ci sera différente, compte tenu des préconisations sanitaires du conseil scientifique. C'est pourquoi notre groupe nourrit une véritable inquiétude quant à la sincérité du scrutin. La campagne a été allongée, ce qui était indispensable à double titre : d'abord parce que le premier tour s'est tenu plus de trois mois avant le second, ensuite parce que la prime aux sortants sera certainement accentuée, les équipes en place ayant géré la crise sanitaire bénéficiant d'une visibilité accrue. Si l'allongement de la durée de la campagne est une mesure d'équité électorale, il ne suffira pas à rendre cette période pleinement satisfaisante sur le plan démocratique.

En commission et aujourd'hui en séance, monsieur le ministre, vous avez évoqué le recours au numérique pour compenser la diminution des contacts sociaux et physiques durant la campagne. C'est un leurre de croire que le numérique est une solution technologique suffisante et appropriée : son utilisation n'est pas assez développée lors des campagnes électorales, et les électeurs ne l'ont pas suffisamment intégrée. Ils sont nombreux à ne pas suivre les réseaux sociaux et à ne pas utiliser internet pour chercher des informations sur les candidats et leurs programmes. En outre, le recours au numérique n'est pas toujours possible ou aisé dans certains territoires.

Le bon sens, c'est enfin diffuser l'information le plus en amont possible. Les candidats nous témoignent de leur inquiétude quant au déroulement de la campagne du second tour des élections municipales. C'est pourquoi il est essentiel, monsieur le ministre, que vous leur donniez rapidement des informations concernant les modalités de cette campagne inédite, la possibilité d'organiser des réunions publiques dans les zones vertes et orange, et, plus largement, ce qu'il leur sera autorisé ou interdit de faire.

Anticipation, action, information : ces trois mots-clés nous permettront de faire du bon sens le fil rouge de cette fin de processus électoral. Si des ajustements resteront nécessaires en dehors du cadre de la loi, le texte nous semble aller dans la bonne direction.

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