En 2017, donc, l'inscription dans la loi du délit d'entrave à l'IVG a constitué un grand progrès en pénalisant les sites qui cherchaient à dissuader les femmes d'avorter. Mais cette loi est difficile à faire appliquer : depuis sa promulgation, aucune condamnation n'a été prononcée. La culpabilisation des femmes et les discours angoissants sur d'éventuelles complications sont les principaux ressorts utilisés, rendant l'entrave à l'IVG plus insidieuse. L'action des associations anti-choix cible également les milieux médicaux, car la double clause de conscience dont bénéficient les médecins est un levier permettant de freiner l'accès à l'IVG. Aucune statistique en France ne met en lumière la proportion des médecins qui font jouer cette clause de conscience, mais le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes évoque une pénurie de médecins pratiquant l'IVG. Sur le terrain, les effets sont concrets : en 2018, par exemple, dans la Sarthe, l'hôpital du Bailleul ne pouvait plus pratiquer d'IVG car trois des quatre médecins compétents avaient invoqué la clause de conscience.
Ainsi, des questions fondamentales se posent : combien de médecins refusent de pratiquer des IVG ? Leur nombre va-t-il en augmentant ? La clause de conscience liée à l'IVG est-elle encore nécessaire, ou ne répondait-elle qu'au contexte des années 1970, celui de la dépénalisation de l'avortement ? Faciliter l'accès à l'IVG n'est pas la banaliser, mais permettre aux femmes de disposer librement de leur corps, de faire un choix que ne devraient entraver ni leurs moyens financiers, ni leur origine sociale. Défendre ce droit, c'est affirmer que les femmes ne sont pas soumises et qu'elles seules disposent de leur corps. Alors que d'autres pays semblent le remettre en cause, il est indispensable de continuer à le défendre comme une liberté fondamentale.