J'avoue avoir été quelque peu surprise par l'intitulé de la question choisi par le groupe LaREM pour proposer ce débat, mais il y a en fait deux sujets en un : l'insincérité des comptes publics, d'une part, et le soutien budgétaire à l'économie dans la crise du covid, de l'autre part. Si on lie les deux sujets comme le suggère l'intitulé choisi, la réponse est tout de même assez simple : la France est sans doute un des pays de l'Union européenne entré dans la crise avec le moins de ressources et le moins de marge de manoeuvre budgétaire, ce qui conduit le Gouvernement à faire financer la totalité de ses plans de relance par de la dette. Pour vous en convaincre, je vais citer le communiqué de presse d'Eurostat du 22 avril dernier concernant les comptes publics pour 2019 : le Danemark présentait un excédent budgétaire de 3,7 %, celui du Luxembourg était de 2,2 %, celui de la Bulgarie de 2,1 %, celui des Pays-Bas de 1,7 %, celui de la Grèce de 1,5 %, celui de l'Allemagne de 1,4 %, tandis que deux États membres affichaient un déficit supérieur ou égal à 3 % du PIB – c'est-à-dire de la richesse nationale – , de 3 % pour la France et de 4,3 % pour la Roumanie. Par conséquent, il est clair que nous avons pris de plein fouet la pandémie dans une situation déjà délicate et alors qu'être la deuxième économie de la zone euro nous donne une responsabilité quant à la reprise européenne.
Au-delà de ce constat, au-delà de la réponse à cette première question – je n'ai toujours pas compris pourquoi le groupe majoritaire souhaitait lier ces deux sujets – , la vraie question me semble être la suivante : quel bilan tirer de la gestion des finances publiques depuis 2017 ?
Le déficit public était de 2,9 % en 2017, de 3,6 % en 2018, du fait de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales, pour ne retomber qu'à 3 % en 2019, sans doute, me direz-vous, à cause des gilets jaunes. Quelles que soient les justifications, c'est sous ce quinquennat que le déficit est reparti à la hausse et s'est maintenu au-dessus des 3 %, alors qu'entre 2012 et 2017, il avait baissé chaque année, après un point de départ situé à 5 % du PIB.
S'agissant des moyens de financement, l'évolution à l'oeuvre est, là aussi, assez intéressante. Le déficit de l'État est passé de 74 milliards en 2017 à 85,8 milliards en 2019, si l'on compte les ODAC, les organismes divers d'administration centrale. En revanche, les collectivités locales sont proches de l'équilibre, leur solde budgétaire excédentaire d'1,6 milliard en 2017 étant devenu légèrement négatif, à moins 900 millions, en 2019. S'agissant des moyens de financement des administrations de sécurité sociale, j'attends quelques éclaircissements de votre part, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics. En effet, l'excédent est passé de 4,9 milliards en 2017 à 14 milliards en 2019, ce qui est tout de même beaucoup d'argent. On sait que, chaque année, entre 1,5 milliard et 2 milliards restent inutilisés par la CADES – la caisse d'amortissement de la dette sociale – et que la dynamique de la CSG et de la CRDS procure des ressources en plus pour les administrations de sécurité sociale, mais j'aimerais en savoir davantage, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, sur ces 14 milliards d'euros, parce que cela, pour le coup, constitue un vrai excédent.
Enfin, parlant sous le contrôle de Joël Giraud, ancien rapporteur général du budget, je rappelle que l'on peut analyser la dépense publique par types d'administration, mais aussi par natures : les intérêts, les dépenses de fonctionnement, les dépenses sociales et les dépenses d'investissement. À cet égard, la dynamique à l'oeuvre depuis 2017 est intéressante : les intérêts sont tombés de 2 % à 1,6 % du PIB – c'est seulement 0,4 point de PIB, mais 0,1 point de PIB représente tout de même 2 milliards d'euros, ce qui fait une marge de manoeuvre significative – ; les dépenses de fonctionnement sont restées très stables, oscillant de 18,26 à 18,29 % ; les dépenses sociales, qui avaient un peu baissé en 2018, ont remonté, en 2019, de 26,3 à 26,55 %, sans doute sous l'effet des mesures adoptées durant le mouvement des gilets jaunes.
Étant libre de critiquer, je le suis aussi de saluer quand je note des points positifs : la marge de manoeuvre dégagée par la baisse des intérêts a été consacrée aux dépenses d'investissement – y compris donc celles des collectivités locales et des administrations de sécurité sociale – , qui sont passées de 3,5 % à 4 %, soit une augmentation de 0,5 point de PIB. Cela paraît peu mais je maintiens que c'est un bon point.