La crise actuelle marquera profondément notre société, au point de remettre en question nos certitudes sur nos modes de consommation et, plus généralement, nos modes de vie ; notre assemblée n'échappera pas à cette profonde mutation. Cette crise, dont les aspects sanitaires sont toujours bien présents et à cause desquels il est impératif que nous restions vigilants, se double d'une crise économique majeure. Alors qu'au début de l'année 2020, grâce à l'action menée par le Gouvernement depuis 2017, tous les indicateurs économiques semblent être au vert, la situation s'est dégradée de façon vertigineuse en trois mois seulement : le déficit public devrait atteindre 11,4 % du PIB en 2020, ce qui ne s'est jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale, la dette publique devrait atteindre plus de 115 % du PIB et le taux de chômage devrait dépasser 11 %.
Ces chiffres sont évidemment terribles et, plus que jamais, la solidarité doit jouer pour que nous puissions ensemble relever le défi de la relance économique. S'il s'annonce particulièrement difficile, il aurait pu l'être encore davantage si l'État n'avait entrepris, ces dernières années, un important travail de sincérisation budgétaire et de rétablissement des finances publiques. En 2018 comme en 2019, aucun décret d'avance en cours d'année n'a été nécessaire, alors que les gestions annuelles précédentes en avaient nécessité deux ou trois. De même, les sous-budgétisations atteignent 1,44 milliard d'euros en 2019, soit un niveau très proche de celui de 2018, alors qu'elles atteignaient 4,4 milliards d'euros en 2017. En outre, les ouvertures et les annulations de crédits réalisées dans le cadre des lois de finances rectificatives sont les plus basses depuis une dizaine d'années. Avec le recul, ce travail massif de sincérisation budgétaire, maintes fois recommandée par la Cour des comptes, est particulièrement bienvenu. Il nous permet d'aborder la gestion de la crise avec une vue d'ensemble sur les capacités budgétaires de l'État. Au contraire des législatures précédentes, en évitant l'écueil d'une évaluation lacunaire, nous sommes en mesure d'appréhender plus efficacement nos marges de manoeuvre.
Cependant, notre déficit public est en augmentation, étant passé de 67,7 milliards d'euros en 2017 à 92,7 milliards en 2019. Il s'accroît et, avec lui, notre dette publique a augmenté de près de 200 milliards d'euros, pour atteindre 2 380 milliards d'euros fin 2019.
Malgré ces résultats inquiétants, l'État a bien entrepris des efforts de réduction des déficits, si l'on exclut les mesures temporaires. Ainsi, en 2019, le solde budgétaire était de -92,7 milliards d'euros, mais il atteignait en réalité -68,3 milliards d'euros, soit une baisse de 7,7 milliards d'euros par rapport à 2018, si l'on soustrait le cumul temporaire du dispositif du CICE et des allégements de cotisations sociales qui le remplacent, ainsi que les pertes temporaires liées à la mise en oeuvre du prélèvement à la source avec le décalage d'un mois sur les prélèvements.
Sans ce travail de sincérisation budgétaire et cette volonté concrète de réduction des déficits, la France n'aurait sans doute pas été en mesure d'emprunter aussi facilement sur les marchés les sommes nécessaires pour financer les mesures d'urgence instaurées dans le cadre de la crise du covid-19. C'est ce travail enclenché depuis 2017 qui permet à l'État d'être crédible sur les marchés et de pouvoir emprunter pour mettre en place le prêt garanti par l'État à hauteur de 300 milliards d'euros, qui bénéficie à près de 500 000 entreprises sur le territoire. C'est également grâce à lui que nous pouvons financer les dispositifs d'activité partielle, dont le coût avoisine 25 milliards d'euros et qui a permis à près de 12 millions de salariés de conserver leur emploi et une rémunération. Par ailleurs, c'est par ce même travail que des dispositifs innovants, comme Action coeur de ville ou Territoires d'industrie ont pu voir le jour dès 2018 afin d'accompagner nos collectivités territoriales dans la redynamisation économique. Ces outils ont démontré leur efficacité et devront d'ailleurs être renforcés dans le cadre du grand plan de relance. Nous savons que les collectivités territoriales auront un rôle essentiel à jouer, rendu possible par le maintien de leur dotation depuis 2017 pour soutenir localement commerces et entreprises.
Plus que jamais, toutefois, cette crise démontre plus que jamais combien il est primordial de faire de la réduction de nos déficits l'une de nos priorités en temps de paix économique, afin que nous puissions disposer de marges de manoeuvre saines le jour où surviennent de tels événements. Sans doute nous faudra-t-il aussi réinventer nos politiques publiques au moyen de nouveaux outils qui permettraient d'associer notamment des partenariats public-privé, pour ne plus faire peser exclusivement sur l'État l'effort de solidarité. Alors, pour l'avenir, soyons audacieux en la matière et agissons ensemble pour notre pays.