Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mardi 9 juin 2020 à 22h30
Débat sur le fonctionnement de la justice pendant la crise du covid-19

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

… contrairement à ce que j'ai trop souvent lu et à ce que vous venez d'affirmer, monsieur Viry. La justice n'a pas montré son « état de délabrement » – je reprends vos propos – mais, au contraire, sa capacité à agir dans le cadre d'une crise sanitaire totalement inédite.

Pour décrire cette capacité à agir, j'utiliserai une image que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer, celle de l'iceberg. Les lieux de justice sont par définition des lieux de rencontre, où les justiciables se croisent et rencontrent les avocats et magistrats. Durant la période de crise sanitaire que nous avons traversée, nous avons dû les fermer. Mais fermer un lieu de justice ne signifie pas suspendre l'activité des tribunaux. La partie immergée de l'iceberg, la plus importante, a continué à fonctionner. C'est ce que je voudrais brièvement vous exposer.

Je voudrais dresser quatre constats. D'abord, comme cela a été dit par certains d'entre vous, la justice a travaillé. Je ne citerai que quelques chiffres, pour ne pas prolonger le débat. Les urgences ont été prises en charge au pénal, au civil et au commercial de façon tout à fait correcte.

Au pénal par exemple, du 16 mars au 11 mai, les permanences du parquet ont enregistré 170 000 plaintes et engagé des poursuites devant le tribunal correctionnel dans 24 000 affaires, dont près de 4 600 en comparution immédiate. Face à de tels chiffres, peut-on dire que la justice était totalement à l'arrêt ? Les tribunaux correctionnels ont jugé pendant cette période plus de 18 000 affaires. Les juges de la liberté et de la détention ont rendu 18 175 décisions pendant le confinement, soit 7 % de plus qu'en 2019 pendant la même période. Cela a vraiment du sens, d'autant que cette activité soutenue était évidemment liée à des demandes de mise en liberté.

Au civil, selon des données encore provisoires, les juges aux affaires familiales auraient rendu plus de 5 000 décisions au mois d'avril. Enfin, un seul chiffre résume à lui seul de façon emblématique le fait que, contrairement à ce que certains d'entre vous ont dit et contrairement à ce que j'ai trop souvent lu dans la presse, les juridictions ont effectivement travaillé : à Paris, 5 650 jugements civils ont été rédigés pendant le confinement.

Deuxièmement, cette période va bien sûr conduire à allonger les délais de jugement, mais elle ne va pas nécessairement accroître fortement les stocks. En effet, si le nombre d'audiences a été considérablement baissé, à quelques exceptions près, l'activité pénale a également été réduite du fait de l'absence, ou de la forte réduction, de la délinquance de rue. Les stocks ne se sont donc pas accrus au pénal.

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