Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du mardi 9 juin 2020 à 22h30
Débat sur l'austérité dans la santé et la casse de l'hôpital public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

À l'initiative du groupe La France insoumise, nous débattons cette semaine de la politique d'austérité menée dans la santé et de ses conséquences désastreuses pour l'hôpital public.

Voilà maintenant trois décennies que la France mène une politique d'austérité en matière de santé. Cela a commencé dans les années 1990, sous le gouvernement d'Alain Juppé, avec la création de l'ONDAM. À l'époque, le Gouvernement avait décidé, par voie d'ordonnance, de fixer un plafond aux dépenses de santé qui, comme nous le savons, est défini chaque année dans la loi de financement de la sécurité sociale. L'objectif, clairement assumé par le gouvernement Juppé, était de réduire de 100 000 lits, soit près du tiers de sa capacité, le parc hospitalier français.

Dans un premier temps, ce sont donc les plus petits établissements de santé qui ont fermé, délaissant par là même les territoires reculés et augmentant de fait la désertification médicale. À ce titre, entre 2003 et 2016, plus de 60 000 places d'hospitalisation à temps complet ont disparu, dont près de la moitié en médecine et en chirurgie. Depuis, les gouvernements se sont succédé, le plafond de dépenses qu'est l'ONDAM devient de plus en plus coercitif. Or, parallèlement, la population française augmente et vieillit, ce qui accentue le nombre de personnes fragiles.

Cette politique d'austérité s'est poursuivie en 2007 lors du second mandat de Jacques Chirac. Son ministre de la santé Jean-François Mattei a ainsi présenté en 2004 une réforme de la santé dans le cadre du plan Hôpital 2007 qui a institué la tarification à l'acte, responsable de la logique marchande à l'oeuvre dans le secteur de la santé en France.

Une nouvelle fois mise en oeuvre en ayant recours à des ordonnances, cette réforme modifie le mode de financement des hôpitaux. Ces derniers reçoivent un budget en fonction du nombre d'actes qui y sont réalisés. Chaque acte a une tarification particulière. Plus il y en a, plus le budget augmente. Exeunt, donc, les notions de service public, d'aide rendue à la population et de soutien apporté aux territoires. Cette réforme, qui a privilégié les actes techniques et quantifiables, a eu pour effet de délaisser le travail de suivi, d'accompagnement et d'échange avec les patients. Les hôpitaux et les soignants ont donc été soumis à plus de pression et à une politique de rentabilité désastreuse.

C'est également avec le plan Hôpital 2007 que Jean-François Mattei a poussé les hôpitaux à s'endetter pour se moderniser et renouveler leurs équipements, des dépenses certainement nécessaires mais rendues possibles par de l'emprunt sur les marchés financiers. Or, avec la crise économique de 2008-2009, ces emprunts se sont souvent révélés toxiques et ont fortement dégradé la situation financière de nos hôpitaux publics.

Entre 2002 et 2012, la dette de ces derniers a été multipliée par trois en France. En 2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la ministre de la santé Roselyne Bachelot a fait voter une nouvelle loi sur la santé qui a renforcé la centralisation hospitalière. La même démarche a été adoptée par la ministre Marisol Touraine en 2016, de sorte que la réduction du nombre de lits et la fermeture de services au sein des hôpitaux ont été encouragées pour réduire l'endettement hospitalier. Voilà une grave erreur qui se paie encore aujourd'hui à l'hôpital, même si le précédent quinquennat aura au moins eu le mérite de rétablir les comptes sociaux et d'assainir les finances de la sécurité sociale.

Depuis 2017, cette politique d'austérité a été renforcée par des ONDAM trop bas à chaque vote de PLFSS, projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors que la reprise économique aurait permis une autre politique pour l'hôpital. De même, la loi Ma santé 2022 a eu pour effet de renforcer la centralisation hospitalière, la fermeture d'hôpitaux ruraux et de services dans différentes hôpitaux dits de proximité – je pense en particulier à la gériatrie alors que les personnes âgées sont les principales victimes du covid-19.

En 2018, à grand renfort de communication, vous annonciez la fin du numerus clausus et une vague de nouveaux médecins pour les prochaines années. J'ai vérifié quel était le niveau de l'augmentation des étudiants admis en médecine cette année : il est similaire à celui des années précédentes. Pas d'augmentation du nombre de médecins en perspective. Par conséquent, voici peut-être ce qui définit le mieux le macronisme : les grandes annonces face caméra et les petites décisions dans le silence.

Pour faire face à la crise des urgences, des hôpitaux et des EHPAD, ces deux dernières années, le Gouvernement a annoncé à l'automne 2019 un grand plan pour l'hôpital. Celui-ci s'est traduit par des mesures insignifiantes et insuffisantes : pas de hausse des salaires, pas de réouverture de lits, pas de recrutement. Aujourd'hui, alors que l'encre de votre dernier plan pour l'hôpital n'est pas encore sèche, vous lancez un Ségur de la santé. Sans doute accouchera-t-il lui aussi d'une souris : toujours pas de hausse des salaires ni de réouverture de lits ni de nouveau recrutement en vue.

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