Si l'épidémie de covid-19 montre des signes de ralentissement, au moins temporaire, nous commençons à peine à mesurer les dégâts qu'elle a causés dans les différents pans de notre société, à commencer par l'économie.
En mars dernier, face à cette crise d'une ampleur inédite, le Gouvernement a décidé d'imposer un confinement à la quasi-totalité de la population. Cela a eu pour conséquence de freiner considérablement notre activité économique, nous obligeant en définitive à choisir entre cette dernière et notre santé. À court terme, cette décision a permis d'éviter la saturation du système de santé et, surtout, de limiter le nombre de victimes, déjà extrêmement élevé, mais nous pouvons d'ores et déjà prévoir des dégâts majeurs à long terme, sur la santé de ceux qui ont reporté leurs soins ou qui ne se sont pas fait dépister à temps, ainsi que sur l'économie et l'emploi, avec l'explosion du chômage et de la pauvreté.
La menace d'une crise sociale durable doit nous inciter à prendre dès aujourd'hui des mesures ambitieuses, justes et solidaires.
Le groupe Libertés et territoires déplore l'état dans lequel se trouvent nos entreprises et appréhende les conséquences que cet arrêt économique aura sur l'emploi. D'ores et déjà, pour le seul mois d'avril, plus de 840 000 demandeurs d'emploi supplémentaires ont été recensés.
Déployé en pleine crise, le dispositif d'activité partielle a été plus que salutaire. Il a permis de maintenir un lien entre les employeurs et les salariés, et de sauvegarder le savoir-faire et l'emploi. Toutefois, il ne peut s'inscrire dans la durée : le chômage partiel ne doit pas se transformer en chômage réel et pérenne. Le déconfinement et le ralentissement de l'épidémie depuis ces dernières semaines nous invitent à adapter le dispositif d'activité partielle et à accompagner la reprise du travail. Cela doit néanmoins se faire avec prudence, car l'épidémie n'est pas derrière nous. L'Académie de médecine nous invite même à envisager son éventuelle reprise à l'automne.
Aussi, bien que nous comprenions son intérêt, la présente proposition de loi soulève plusieurs interrogations et suscite quelques réserves au sein de notre groupe.
D'abord, les exonérations de cotisations sociales jusqu'à 4,5 SMIC nous laissent perplexes : cela va peser sur les comptes de la sécurité sociale, déjà très fragilisés par la crise sanitaire.
Ensuite, si la reprise du travail nous paraît nécessaire, elle ne doit pas se faire au détriment de la santé et de la sécurité des salariés. L'apparition ces dernières semaines de multiples foyers sur les lieux de travail doit nous inciter à la prudence. En outre, les mesures de sécurité sont parfois difficiles à mettre en place, et représentent un coût important pour les employeurs. Aussi le délai de cinq jours ouvrés prévu par le texte nous paraît-il bien court ; il ne laisserait pas aux entreprises le temps de s'organiser et de s'équiper. Pour accompagner la reprise, une plus grande attention devrait être accordée à la médecine du travail, afin de limiter au maximum le risque épidémique et de protéger la santé des salariés.
Enfin, il nous paraît nécessaire de privilégier le dialogue social. Or la proposition de loi repose sur une décision unilatérale de l'employeur.
Notre groupe estime que la période actuelle requiert des réponses rapides, mais adaptées et durables, par branche et par secteur, et associant les partenaires sociaux. C'est pourquoi nous attendons beaucoup du travail que le Gouvernement est en train de mener avec les syndicats, travail qui devrait déboucher sur un nouveau système d'activité partielle de longue durée. Il s'agit en effet non seulement de relancer l'activité, mais aussi d'accompagner dans la durée les entreprises et leurs salariés, confrontés à une baisse d'activité durable. Nous attendons donc les annonces du Gouvernement en ce sens – et nous serons vigilants et exigeants.