Ils s'abstiendront. En effet, monsieur le ministre, ces deux textes sont ambivalents, pour ne pas dire schizophréniques.
Il y a un premier volet raisonnable, pragmatique et responsable visant à faire en sorte que la dette sociale liée à crise sanitaire ne soit pas transmise aux générations futures. Cette crise sanitaire se transforme en crise économique et sociale qui met en quelque sorte à terre les équilibres des comptes sociaux – même si on pourrait discuter du fait qu'ils aient été véritablement équilibrés.
Cela impose que le remboursement intervienne à échéance de dix ans grâce au mécanisme déjà utilisé en 2011, après la crise de 2008-2009. Il consiste à prolonger l'existence de la CADES et la durée d'amortissement de la dette sociale. Cet aspect des textes, si l'on met à part la prise en compte d'un tiers de la dette des hôpitaux, ne nous pose pas de problème. Bien au contraire, nous soutenons plutôt cette démarche que j'ai qualifiée de raisonnable et responsable.
S'agissant des hôpitaux, nous nous interrogeons sur le périmètre de leur dette et sur les établissements concernés. En commission spéciale, nos questions sur le sujet n'ont pas reçu des réponses identiques selon que nous avions affaire à M. le ministre ou à M. le secrétaire d'État. Qu'en est-il des établissements privés participant à des groupements de coopération sanitaire qui peuvent avoir créé de la dette pour investir ? Qu'en est-il des établissements privés exerçant des missions de service public pour le compte de l'hôpital public ? Sont-ils concernés par la prise en charge d'une partie de la dette ?
Une fois que des éclaircissements nous seront apportés sur ces points, nous serons à peu près au clair sur les objectifs poursuivis, tout en regrettant que l'on fasse en quelque sorte peser la dette spécifique de l'hôpital sur la sécurité sociale. Elle subit en effet une double peine : elle a été soumise à des contraintes très fortes, et elle voit ses recettes encore amputées de 13 milliards.
Vient ensuite le deuxième volet du projet, relatif à la création du cinquième risque, celui de la dépendance. Personne, ici, n'y est opposé par principe ; mais, comme je le disais au secrétaire d'État tout à l'heure, votre Gouvernement, pas plus que d'autres auparavant, n'a traité le problème. Ce n'est pas parce qu'on l'inscrit dans la loi, fût-ce au travers d'amendements parlementaires – avec tout ce que cela suppose de bienveillance de votre part et d'espoir de la part des collègues qui les ont déposés – , qu'on résout la difficulté. Tant que nous n'aurons pas réglé le problème du financement de la prise en charge globale du grand âge, nous n'aurons pas avancé. Les départements seront incapables, demain, de continuer à verser l'allocation personnalisée d'autonomie – APA – , tant ils sont étranglés par ailleurs. Mais nous savons, de toute façon, que le choc démographique et civilisationnel que représente l'explosion de la dépendance est sans commune mesure avec notre capacité de prendre celle-ci en charge. Tant que nous n'aurons pas décidé quelle fiscalité et quel principe de solidarité doivent présider à la prise en charge du grand âge, inscrire la cinquième branche et le cinquième risque dans le marbre de la loi ne constituera qu'un effet d'annonce.
Pardon de vous le dire, mais prendre ce genre de décisions est aujourd'hui encore plus dangereux que par le passé, tant la parole publique est décrédibilisée. Nos concitoyens ne croient plus dans une parole publique qui n'a pas un effet concret sur leur vie quotidienne. Adopter cette loi juste après la crise du covid-19, au moment où nous devrons gérer la crise économique et faire face aux peurs de nos concitoyens, c'est donner du grain à moudre aux populistes et aux extrêmes. C'est une responsabilité supplémentaire que vous prenez et que nous n'acceptons pas.