Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du lundi 15 juin 2020 à 21h30
Dette sociale et autonomie — Article 2

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

À l'occasion de ce projet de loi, qui transfère une part de dette à la CADES, le Gouvernement a décidé qu'il était temps de concrétiser une promesse maintes fois répétée, année après année, mais qu'il a toujours été compliqué d'honorer, pour des raisons budgétaires – nous ne jetons la pierre à personne. Cette promesse consiste à élargir le périmètre de la sécurité sociale, ce qui n'avait pas été fait depuis plus de soixante-dix ans, en créant un cinquième risque. Cette promesse très forte, nous devrons la tenir. Nous sommes au pied du mur, car la population vieillit ; le baby-boom est devenu papy-boom ; la dépendance et la perte d'autonomie sont une réalité dans notre pays et augmenteront encore très fortement au cours des prochaines années. Le rapport Libault et d'autres, comme celui de Myriam El Khomri, sont très clairs à ce sujet. Les besoins de ressources seront extrêmement importants, dépassant largement les 2,3 milliards qui sont transférés depuis la CADES par le biais de la CSG. Personne n'a jamais dit à aucun moment que c'était pour solde de tout compte. Les rapports se sont succédé, soulignant que des financements plus importants seront nécessaires.

Le Gouvernement a réaffirmé ses objectifs : augmenter le taux d'encadrement – je sais que Mme Fiat y tient – , améliorer la formation, les compétences, les métiers et l'attractivité. Une partie de ces enjeux font d'ailleurs partie intégrante des discussions du Ségur de la santé. Mais il faudra que nous soyons aussi capables de diversifier, d'augmenter et d'améliorer les taux d'encadrement, de mener une vraie politique de l'offre, de moderniser, de restaurer et d'équiper les établissements, ainsi que de répondre à la demande légitime d'un très grand nombre de Français, qui souhaitent rester le plus longtemps chez eux avant de partir en institution – si vraiment cela s'avère nécessaire. Il s'agit, au fond, de traiter avec humanité et modernité le sujet de la perte d'autonomie liée à l'avancée en âge. Mais j'envisage difficilement d'aborder le sujet de l'autonomie sans parler aussi de handicap. Avec Sophie Cluzel, nous travaillons à faire en sorte que le champ du handicap rejoigne le sujet plus général de l'autonomie. Or l'opportunité qui nous est donnée d'acter juridiquement la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale est aussi l'occasion de le faire.

Les débats sur le financement nous occuperont pendant encore quelques années. Vous posez des questions tout à fait légitimes, monsieur le député, mais je vous signale déjà un indice : créer un risque au sein de la sécurité sociale, c'est déjà faire appel à la notion de solidarité nationale. C'est l'engagement pris par le Président de la République il y a deux ans. Il aurait pu prendre un autre engagement, en renvoyant par exemple le sujet à l'assurance privée, mais il a déclaré que la dépendance relèverait de la solidarité nationale. Nous ne serions pas en train d'évoquer l'élargissement du périmètre de la sécurité sociale si une autre direction avait été prise.

Se posent néanmoins les questions de l'offre, de la demande, du reste à charge. Vous avez également posé des questions légitimes quant à la part de financement qui pourrait être confiée à des organismes complémentaires, par exemple. On sait qu'aujourd'hui, ces mécanismes ne sont pas très attractifs. En effet, la perte d'autonomie concerne 10 à 15 % de la population, si bien que le risque n'est pas suffisamment élevé pour être « attractif » – en termes d'assurance. Il faut parfois cotiser très longtemps pour obtenir un rendement qui n'est pas toujours très élevé. Mais ce constat n'empêche pas de travailler à trouver des solutions adéquates à cette question – y compris en s'interrogeant sur l'obligation alimentaire, qui demeure dans le droit français depuis des années, grevant le budget de nombreux ménages sans toujours constituer une solution.

Tous ces enjeux sont devant nous. Aujourd'hui, nous posons une pierre très importante, nous ancrons la cinquième branche dans le droit et nous identifions un mécanisme complémentaire – et non pas principal – de financement avec ce qui sera mis en place après 2024. Je comprends le sens des amendements que vous avez déposés pour avancer la date à 2021. Ce n'est pas le choix du Gouvernement et ce n'est pas celui que je défends devant vous aujourd'hui.

Mais le Premier ministre a annoncé l'organisation d'une conférence des financeurs pour identifier, dès 2021, de premières solutions de financement. Je suis en mesure de vous dire que toutes les options seront sur la table pour l'année 2021 et que, dans le cadre de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, au moins 1 milliard d'euros sera consacré à l'abondement de la CNSA

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