La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
C'est à 30 milliards, à 70 milliards, et maintenant à 95 milliards d'euros que s'élèvent les plafonds de dette à court terme autorisés ces derniers mois pour l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Ces montants sont exceptionnels : nous ne les avions jamais connus auparavant.
La question qui se pose aujourd'hui est celle du transfert d'une partie de cette dette à la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, ainsi que de ses objectifs à plus ou moins long terme. Les 31 milliards constituant la dette de l'ACOSS à la fin de l'année 2019, comme nous le savons tous, seront transférés dans un premier temps, avant juin 2021. Suivront à partir de 2021 les 13 milliards de dette repris aux hôpitaux, qui constituent bien une dette sociale, puisque la dette des hôpitaux est dorénavant payée par la CNAM, la Caisse nationale d'assurance maladie. Enfin viendront les 92 milliards qui vont nous permettre de reprendre les dettes de 2020 à 2023, à raison de 40 milliards par an.
M. de Courson nous avait interrogés, en commission spéciale, au sujet de ce rythme et de ces priorités. Le rythme est simple et clair : 40 milliards par an permettront d'abaisser le plafond d'endettement de l'ACOSS afin que celle-ci ne porte pas seule, à court terme, puisqu'elle s'endette pour douze mois au plus, une dette qui dépasse aujourd'hui 90 milliards d'euros. Il faut absolument que nous lui permettions de gérer son endettement de manière plus raisonnable.
Cet article 1er a également pour but de mieux nous informer de la répartition de ces sommes. Ma collègue Bénédicte Peyrol a déposé à ce propos un amendement qui sera d'une grande utilité pour éclairer encore davantage le Parlement au fur et à mesure du transfert de cette dette à la CADES.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cet article 1er du projet de loi ordinaire est particulièrement important, puisqu'il concerne le transfert à la CADES de 136 milliards d'euros de dette : 31 milliards de déficits cumulés non repris constatés au 31 décembre 2019, 92 milliards au titre des futurs déficits de 2020 à 2023, 13 milliards de dette de nos hôpitaux – dette d'investissement et non de fonctionnement, je tiens à le rappeler, car il peut y avoir confusion sur ce point.
On notera que le fait d'endetter la CADES pour financer, non plus un déficit constitué ou seulement prévisible, mais la dotation versée à un régime obligatoire de base de la sécurité sociale, ne peut se justifier que par des conditions économiques, démographiques et structurelles particulières. Bien sûr, a priori, de telles mesures ne relèvent pas d'une gestion saine des finances publiques ; mais à circonstances exceptionnelles, décisions exceptionnelles.
S'agissant du dispositif de reprise de dette, le Conseil d'État estime dans son avis « qu'en excluant du bénéfice de cette mesure les établissements de santé privés assurant le service public hospitalier, notamment les établissements de santé privés d'intérêt collectif – ESPIC – , les dispositions en cause créent une différence de traitement qui n'est pas en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et méconnaît le principe d'égalité ». Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous apportiez des éclaircissements sur ce point. J'ai moi-même été saisi aujourd'hui par les établissements spécialisés dans la lutte contre le cancer, regroupés notamment au sein d'Unicancer ; ils sont très inquiets qu'un alinéa de cet article introduise un ordre de priorité dans les transferts financiers et renvoie ces choix politiques au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je souhaiterais donc avoir des précisions concernant les modalités de ces remboursements et l'équité de traitement entre établissements, particulièrement ceux qui exercent une mission de service public. Monsieur le rapporteur, l'article 1er vous fournit précisément l'occasion d'apporter ces précisions. Aucun établissement ne doit être oublié, surtout pas ceux qui, comme le centre Léon Bérard de Lyon, font un travail admirable pour combattre la terrible maladie qu'est le cancer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, nous avons déjà longuement parlé de ces dispositions lors de l'examen du projet de loi organique, mais je voudrais néanmoins vous poser quelques questions.
Premièrement, êtes-vous certain que la reprise de dette sous forme d'annuités pour les établissements participant au service public hospitalier, c'est-à-dire le C de l'article, est eurocompatible ? Avez-vous saisi l'Union européenne pour vous en assurer ? Le Conseil d'État avait soulevé dans son avis le problème des établissements privés relevant du service public hospitalier ; vous avez corrigé votre texte en ce sens ; mais quid des cliniques privées ? N'y a-t-il pas rupture d'égalité si vous allégez la dette des établissements publics ou privés participant au service public hospitalier, et non celle des autres ?
Deuxièmement, expliquez-nous pourquoi, si l'on met en regard le A et le B de l'article, vous reprenez la dette cumulée au 31 décembre 2019 de la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, mais non son déficit considérable, qui augmente chaque année au point qu'il dépassera très vite les 2 milliards et atteindra plus de 7 milliards pour la période 2020-2023.
Troisièmement, bien que cette question vous ait déjà été posée, quelle logique y a-t-il à prévoir la reprise des déficits publics futurs ? C'est une grave innovation. Nous n'avons jamais repris autre chose que les déficits passés et le déficit prévisionnel de l'année.
Ce n'est pas vrai !
Vous avez évoqué 2008. J'en parlais avec Jean-Pierre Door : à l'époque, de mémoire, il n'avait pas été question de reprendre des déficits à venir ! Du reste, pourquoi prévoir 40 milliards pour 2021, mais aussi pour 2022 et pour 2023 ? Par quel calcul obtenez-vous ce chiffre ? Vous n'avez répondu sur ce point ni en commission spéciale, ni ici, en séance publique. Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous ne pouvons voter en faveur de ces dispositions. J'attends donc avec grande impatience que vous répondiez à ces questions de manière précise.
Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 1, 13, 25, 29 et 48, tendant à la suppression de l'article 1er.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1.
J'ai déjà développé les raisons pour lesquelles cet article 1er, tel qu'il est rédigé, ne peut être que rejeté.
Nous demandons la suppression de cet article, présenté comme permettant un transfert de dette sociale. L'emploi de l'adjectif « social » me laisse sceptique, car je tiens à souligner que les 136 milliards en cause ne relèvent qu'en partie de la dette sociale, et pour le reste de la dette gouvernementale.
Cette mesure constitue à la fois une injustice et une très mauvaise opération financière. Une injustice, car sous couvert d'impératifs budgétaires visant à préserver les finances sociales, elle permet au Gouvernement de recréer le trou de la sécu et de maintenir ainsi sous pression les dépenses de protection sociale ; c'est la même logique qui justifie depuis des années les coupes pratiquées dans les dépenses hospitalières. Une injustice, aussi, car le Gouvernement aurait pu choisir de faire supporter cette dette par l'État, considérant qu'elle présente un caractère exceptionnel et qu'elle ne résulte pas d'une mauvaise gestion des deniers publics par les différentes branches de la sécurité sociale, mais de décisions prises par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire – entre autres l'instauration du dispositif d'activité partielle, qui n'engendre pas de recettes sociales.
Enfin, ce transfert de dette est une très mauvaise opération financière, car il reporte mécaniquement de 2024 à 2033 l'extinction de la dette sociale. Par conséquent, à compter de 2024, cette solution privera la sécurité sociale de ressources supplémentaires – 17 milliards d'euros par an de CRDS, contribution au remboursement de la dette sociale, et de CSG, contribution sociale généralisée – au moment même où les besoins de protection sociale iront croissant. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 1er.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 25.
Cet amendement de suppression s'inscrit dans la logique de tout ce qui vient d'être dit : nous refusons de différer la fin du trou de la sécu, actuellement prévue en 2024.
Par cet amendement de suppression, nous souhaitons marquer notre opposition à la démarche du Gouvernement, qui a inspiré ses décisions lors de la pandémie. Au lieu de faire contribuer chacun en fonction de ses capacités et d'aider chacun en fonction de ses besoins, il décide de faire reposer la dette générée par cette crise sur l'ensemble de la population : il met 136 milliards d'euros à la charge de la sécurité sociale. Pour financer un déficit de cette ampleur, il faudra lui sacrifier des décennies de cotisations sociales, au lieu de les employer à fonder un système de protection sociale plus juste.
Affamer la sécurité sociale fait partie de la méthode du Gouvernement : il pourra justifier un nouveau cycle de politiques d'austérité par cette dette sociale qu'il aura créée de toutes pièces. C'est à la créer que tend ce projet de loi. Nous nous y opposons fermement ; vous savez très bien que nous avons besoin de notre sécurité sociale, ne serait-ce que pour nos établissements de santé.
Le Président de la République a déclaré qu'il fallait changer, et qu'il commencerait par lui-même ; nous espérions donc trouver dans le règlement financier de cette crise l'occasion de plus de justice et de plus d'égalité. Conformément à notre conception de la justice, nous pensions que le financement de la « dette covid » de la sécurité sociale serait progressif, en fonction des facultés contributives des Français.
Le choix d'un financement proportionnel revient à faire payer ceux que nous avons applaudis tous les soirs à vingt heures. Il ne répond pas à l'idée que nous nous faisons de la justice. Le Gouvernement est mis dès à présent à l'épreuve du monde qu'il prétend construire demain.
La parole est à M. Thomas Mesnier, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission.
Ces amendements visent à supprimer l'article 1er du projet de loi, c'est-à-dire le transfert à la CADES de 136 milliards d'euros de dette, pour différents motifs. Le premier argument avancé est l'origine d'une partie de cette dette, due à des circonstances extérieures à l'ACOSS, et qui ne constituerait donc pas une dette sociale. Je ne reviendrai pas sur la démonstration que M. le ministre nous a faite cet après-midi : la nature de cette dette est profondément sociale.
Monsieur de Courson, les hypothèses de prévision du déficit sont effectivement incertaines, mais nous avons eu ce débat en commission spéciale.
Prévoir les dettes à venir, c'est tout bonnement le choix de la responsabilité, déjà fait en 2010 avec la prévision des déficits de la CNAV, la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Ne pas procéder à ce transfert, c'est risquer de ne plus pouvoir verser de prestations et de pensions aux Français. Il a été question de tout cela en commission spéciale, ainsi que lors de l'examen du projet de loi organique. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
M. le rapporteur a tout dit. Monsieur de Courson, je ne veux pas ne pas vous répondre, car vous me reposeriez vos questions, ce qui serait bien légitime. Je vais donc m'efforcer de vous répondre un bon coup, si vous me permettez l'expression.
L'habilitation au service public hospitalier, qui suppose des critères, des normes, constitue un motif justifiant un traitement différencié. C'est sur ce point que nous avions consulté le Conseil d'État, qui nous a enjoint d'étendre la mesure à tous les établissements habilités ; tous pourront donc bénéficier de la reprise de dette. Par conséquent, le dispositif est conforme à l'avis du Conseil d'État. Quant à sa conformité au droit européen, elle a été vérifiée et revérifiée, comme vous pouvez le supposer.
Vous prétendez par ailleurs que ce serait la première fois qu'un déficit serait repris au-delà d'une année, mais – pardonnez-moi de vous le rappeler, monsieur de Courson – en 2011, la CADES a repris les déficits de 2011 à 2016, avec une provision de l'ordre de 68 milliards d'euros pour tenir compte des cinq années qui allaient suivre. Ce n'est certainement pas la première fois que cet exercice est réalisé, et je crois même que vous l'aviez approuvé.
Je me trompe peut-être. En tout cas, je le disais sans ironie, car cette décision avait été largement adoptée par la majorité.
Je me souviens d'ailleurs que les députés de gauche, qui ont de la suite dans les idées, s'étaient fortement opposés à cette mesure, contre laquelle le président de la commission des finances de l'époque avait tenu des propos assez durs.
Quant à votre question concernant la différence entre le régime général et la CNRACL, rappelons que le régime des agents des collectivités locales est censé être équilibré, en raison notamment d'une démographie dynamique. Il ne s'agit donc pas de réfléchir à une reprise de la dette, mais plutôt à des réponses structurelles. C'est pour cette raison que nous ne traitons pas cette caisse de la même manière que le régime général.
Avis défavorable à ces amendements.
Pardonnez-moi de vous contredire, monsieur le ministre, mais il ressort de vos études d'impact, que je lis, que le déficit de la CNRACL s'élevait à 0,6 milliard en 2018 et à 1,3 milliard en 2019 et s'élèvera à 1,3 milliard en 2020, à 1,6 milliard en 2021, à 2,1 milliards en 2022 et à 2,8 milliards en 2023. Ce que vous dites ne correspond donc pas aux conclusions des études d'impact que vous nous fournissez.
S'agissant de la conformité de cette disposition avec les règles européennes, rappelons que le Conseil d'État a appelé « l'attention du Gouvernement sur l'utilité d'informer au plus tôt la Commission européenne des dispositions organisant le financement et le versement de cette dotation [… ]. Cette information, qui ouvrira un dialogue avec la Commission, est la condition nécessaire pour rechercher en commun si l'on est en présence d'une aide d'État et, dans le cas d'une réponse affirmative, à quelle procédure elle doit être soumise. » Vous n'avez pas répondu à ma question : avez-vous saisi la Commission européenne ? Il serait préférable, en effet, que nous ne nous retrouvions pas une énième fois dans la situation où la dotation, considérée comme une aide d'État, doit être reversée.
Avez-vous, oui ou non, saisi la Commission européenne ? Si oui, quelle est sa position ?
Les amendements identiques nos 1, 13, 25, 29 et 48 ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 53.
Cet amendement tend à limiter le transfert à la CADES de la dette de 136 milliards d'euros pour ne retenir que la dette liée au déficit des hôpitaux, à savoir les 13 milliards d'euros, et celle des établissements médico-sociaux.
Par ailleurs, je partage les interrogations de M. de Courson concernant les déficits de la CNRACL. Il paraît en effet incohérent, ou du moins illogique, de reprendre les déficits antérieurs et non les déficits prévisionnels, sauf à considérer que suite à l'adoption de la loi de transformation de la fonction publique, ou loi Dussopt, nous ne retrouverons pas demain les chiffres de déficit prévus par les études d'impact.
Enfin, je me permets de poser à nouveau une question à laquelle vous n'avez pas répondu – à moins que je n'aie pas été attentive, auquel cas je vous prie de m'excuser. J'aimerais avoir le détail des 52 milliards. J'ai bien compris que 8 milliards étaient dus à une progression de l'ONDAM, mais qu'en est-il des 44 milliards restants ?
J'ai donné le détail tout à l'heure.
Cet amendement s'inscrit dans le débat précédent. Si nous limitions le transfert de la dette à celle des hôpitaux, nous ferions courir à l'ACOSS le risque de ne pas pouvoir transférer, dès 2020, les 25 milliards à la CADES, ce qui la mettrait face à de graves difficultés financières.
Par ailleurs, votre amendement ne permet pas de transférer le déficit cumulé au 31 décembre 2019, qu'il faudrait de toute manière réaliser puisque nous prenons en compte la dette de l'existant.
Avis défavorable.
L'amendement no 53, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 2, 15, 26 et 56.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 2.
Je pose la question pour la troisième fois, monsieur le ministre, puisque vous n'y avez toujours pas répondu.
Avez-vous, oui ou non, comme vous y invitait l'avis du Conseil d'État, saisi la Commission européenne ?
Si oui, quelle a été sa réponse ? Si non, pourquoi n'avez-vous pas suivi l'avis du Conseil d'État ? J'avais déjà interrogé les rapporteurs, qui ne m'ont pas davantage répondu.
Par ailleurs, le Conseil d'État a soulevé, dans son avis, la question du respect du principe d'égalité. Vous en avez d'ailleurs tenu compte, puisque le texte intègre les établissements qui, sans être des établissements publics, participent au service public hospitalier. Mais qu'en est-il des cliniques privées qui participent aussi au service public et sont financées, comme les hôpitaux publics, par la tarification à l'activité ?
J'ai déjà répondu.
N'y a-t-il pas une rupture d'égalité entre les cliniques privées et l'ensemble des établissements visés dans votre texte ? Par ailleurs, n'y a-t-il pas une rupture d'égalité entre les établissements participant au service public hospitalier ? En effet, monsieur le ministre, aucun critère ne se dégage de votre texte pour déterminer comment vous reprendrez ces 10 milliards de dette. Si vous voulez maintenir l'égalité entre les structures publiques, il faut au moins que la loi définisse les grands critères selon lesquels la dette sera reprise en tout ou partie – en moyenne, un tiers, mais la proportion peut varier selon les établissements.
Où en êtes-vous de votre réflexion ?
Cet amendement tend à supprimer l'alinéa 12. Le groupe Les Républicains propose que soit retirée du montant total de la dette reprise par la CADES la part qui correspond à la dette des établissements relevant du service public hospitalier, soit 13 milliards d'euros. Nous ne sommes pas opposés, bien sûr, au principe d'une reprise partielle de cette dette, qui permettrait aux établissements hospitaliers de retrouver des marges de manoeuvre, mais les moyens ne nous semblent pas adéquats. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à le dire, puisque les partenaires sociaux, qui n'ont même pas été associés à cette décision, ont été surpris du choix retenu, qui va à l'encontre des annonces faites par le Gouvernement en novembre dernier.
En effet, une fois de plus, vous ne distinguez pas le périmètre du budget de la sécurité sociale de celui de l'État. Or, la somme concernée ne résulte pas d'une mauvaise gestion des comptes sociaux, mais de décisions politiques, d'annonces, que le Gouvernement doit assumer.
De surcroît, les choix que vous faites réduiront les marges de manoeuvre des dépenses sociales, puisque si l'on replace la dette de l'hôpital au sein de la CADES, ce sont autant de ressources qui ne pourront pas être consacrées à d'autres priorités – alors que les besoins sont immenses, notamment dans le domaine de l'autonomie.
La création d'une cinquième branche est une mesure d'affichage, puisqu'aucun euro supplémentaire n'y sera affecté avant 2024. Ce sont autant de ressources dont on se prive en transférant la dette hospitalière à la CADES.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 26.
Cet amendement vise lui aussi à supprimer la reprise par la CADES de 13 milliards d'euros de dette des établissements hospitaliers.
En premier lieu, cette somme n'a pas de lien avec ce projet de loi, qui prévoit de transférer à la CADES les déséquilibres des comptes sociaux issus de la crise sanitaire provoquée par l'épidémie de covid-19, et non de déficits antérieurs.
D'autre part, l'alinéa 12 est contradictoire avec les engagements pris par le Gouvernement en novembre dernier – l'État devait reprendre cette dette.
Enfin, cette dette devrait au moins faire l'objet d'une compensation intégrale par l'État : la CADES a vocation à apurer les dettes des organismes de sécurité sociale, non à faire l'objet de transferts de dettes.
Puisqu'il ne s'agit ni d'une dette covid, ni d'une dette issue de déséquilibres de gestion, nous proposons que l'État prenne ses responsabilités et assume de soulager les hôpitaux de 13 milliards de dette.
Je m'associe aux arguments qui ont été développés. J'ajoute que l'intégration d'une partie de la dette de l'hôpital dans la dette sociale revient d'une certaine manière à pénaliser la sécurité sociale, en particulier la branche maladie, à qui il a déjà été demandé des efforts importants.
Les tarifs hospitaliers ont été augmentés, mais la sécurité sociale est parvenue à respecter les trajectoires d'économies qui lui ont été imposées.
Votre décision pourrait être perçue comme une double peine. L'État s'est engagé, ce que je salue, à reprendre une partie de la dette de l'hôpital, mais il devrait alors revenir à l'agence France Trésor d'assurer la charge de cette dette supplémentaire, et non à la CADES.
Surtout, cela reviendrait à priver la cinquième branche de la sécurité sociale que vous souhaitez créer des ressources financières nécessaires, en particulier de la CSG.
C'est une raison supplémentaire pour retenir cet amendement, qui tend à faire sortir de la dette transférée à la CADES les 13 milliards de la dette hospitalière.
Nous avons longuement débattu de ce sujet en commission spéciale. Les établissements en question sont financés par les caisses primaires d'assurance maladie – par conséquent, par l'assurance maladie. Dès lors, il semble raisonnable de considérer leur dette comme une dette sociale – reprise à ce titre par la CADES. Cette disposition permet de concrétiser la promesse faite en novembre 2019 aux hôpitaux publics et à certains établissements de santé privés d'intérêt collectif, les fameux ESPIC évoqués par M. Perrut.
Même si j'ai bien compris que vous n'étiez pas d'accord avec ce choix, y renoncer porterait un coup fatal à la promesse qui a été faite. Avis défavorable.
Je suis tout à fait d'accord avec le rapporteur, mais j'apporterai quelques précisions de nature politique.
Je peux comprendre les débats liés à la compensation entre l'État et la sécurité sociale, d'autant plus que j'en ai suscité plus d'un ici. Réfléchissons cependant aux raisons de l'aggravation, année après année, de la dette hospitalière.
La cause tient à la faiblesse de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM.
Pendant des années, les hôpitaux se sont endettés parce que l'ONDAM était trop faible et qu'il n'y avait plus de marges pour investir. Qui dit ONDAM dit assurance maladie, comme l'a très bien rappelé le rapporteur. Qu'on considère qu'il appartient à la sécurité sociale de compenser ainsi les conséquences des trop maigres budgets alloués à l'hôpital me semble plus logique de que de faire une entorse au principe de non-compensation. Je vous le dis d'autant plus sincèrement que j'aurais pu tenir le même propos depuis une autre place dans cet hémicycle.
Monsieur Dharréville, il m'est arrivé de porter le débat relatif à la non-compensation – vous le savez d'autant mieux que nous n'étions pas loin de partager la même préoccupation. Je ne comprends vraiment pas ce qui pose problème dans cette reprise de la dette hospitalière. Avis défavorable à ces amendements.
Madame Pires Beaune, je vous enverrai demain le détail des 52 milliards du déficit de la sécurité sociale, d'autant plus que la commission des comptes de la sécurité sociale se réunit demain matin.
D'ores et déjà, sachez que le déficit de la caisse nationale d'assurance maladie s'élève à 31 milliards, celui de la caisse nationale d'assurance vieillesse à 15 milliards, celui de la caisse nationale des allocations familiales à 3 milliards, celui du fonds de solidarité vieillesse à 2 milliards et celui de la branche accidents du travail et maladies professionnelles à 0,7 milliard, soit 52 milliards environ en tout, dont la plus grosse part est évidemment liée à la perte de recettes engendrée par la baisse des cotisations suite, en particulier, au dispositif du chômage partiel.
Monsieur de Courson, pardon : vous aviez bien voté contre en 2011, ce qui prouve que vous êtes fidèle à vos convictions.
Concernant la Commission européenne, elle a été saisie de manière informelle à ce stade. Elle le sera dans les règles lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui prévoira les modalités de reprise de la dette hospitalière ainsi que ses clés de répartition. Vous serez donc comblé en octobre, puisque nous aurons alors reçu l'avis de la Commission européenne.
Deux députés ont demandé la parole pour exprimer le même avis, aussi je leur demanderai à tous les deux – et notamment à vous, monsieur de Courson, qui l'avez demandée après M. Door – d'être brefs. En temps normal, le règlement prévoit deux prises de parole pour exprimer des avis différents.
La parole est à M. Jean-Pierre Door.
Monsieur le ministre, je suis totalement opposé à votre raisonnement. Je ne sais pas qui, dans l'exécutif, a pu avoir gain de cause en défendant ce choix, car c'est un mauvais choix politique. La dette des hôpitaux, la dette de 30 milliards, d'où vient-elle ? Elle vient de recours abusifs et d'emprunts, plus ou moins bons, souvent toxiques. La Cour des comptes l'a confirmé pour la période 2012-2018, couverte par le plan hôpital de 2012. Vous étiez dans la majorité de l'époque. Ces emprunts ont entraîné des investissements dans environ un tiers des hôpitaux, c'est-à-dire qu'environ quarante-cinq hôpitaux sont concernés par la dette.
Que l'État reprenne 10 milliards à sa charge, conformément à la déclaration du Premier ministre, d'accord ; qu'on amoindrisse la dette, oui. Mais pas comme cela, pas à la charge des finances sociales. C'est sur ce point que nos avis divergent. Il y a le budget de l'État d'un côté, le budget social de l'autre. Ce ne sont pas des budgets identiques. Les dettes d'investissement reviennent à l'État, et non pas aux finances de la sécurité sociale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, j'ai plusieurs questions.
Tout d'abord, pourquoi n'avez-vous pas suivi le Premier ministre ? Je rappelle que le 20 novembre 2019, le Premier ministre avait annoncé, dans le cadre du plan d'urgence pour l'hôpital, un programme de reprise par l'État d'un tiers de la dette hospitalière, soit 10 milliards d'euros.
Ma deuxième question porte sur la rupture d'égalité. Vous nous dites : ne vous inquiétez pas, le problème sera réglé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS. Dans ce cas, pourquoi ne spécifiez-vous pas les critères dans le PLFSS ? Qui nous garantit que le texte que nous votons respecte le principe d'égalité ?
Troisièmement, vous n'avez pas répondu concernant la saisine de la Commission européenne. Vous dites que vous l'avez consultée ; or dans son avis, le Conseil d'État demande une saisine formelle, et non informelle.
Avant-dernier point : pourquoi 10 milliards d'euros ? À l'époque, on nous avait expliqué que c'était pour rétablir le cash flow des établissements hospitaliers en déficit qui ne pouvaient même plus rembourser leur dette, si ce n'est en s'endettant de nouveau.
Enfin, vous n'avez pas non plus répondu au sujet de la rupture d'égalité entre les cliniques privées et les organismes participant au service public hospitalier. Oui ou non, les cliniques privées font-elles partie de cette catégorie ? C'est une question toute simple et, puisque vous dites que le problème sera résolu dans le PLFSS, je suppose que vous avez déjà cogité sur cette affaire.
Cela fait beaucoup de questions.
Les amendements identiques nos 2, 15, 26 et 56 ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 50.
Il vise à écrire noir sur blanc ce qu'a dit M. le ministre en commission spéciale, à savoir le fait que les établissements de santé privés à but lucratif seront exclus du dispositif de transfert de la dette des hôpitaux. Cela vaut mieux, sachant que les ESPIC à but non lucratif seront, eux, concernés.
La dernière publication de la DREES – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – donne le taux d'endettement des hôpitaux publics, d'un côté, et des cliniques privées, de l'autre, pour 2016 : le taux d'endettement des hôpitaux publics est de 51,5 % ; celui des cliniques privées, de 35 %. Ce n'est pas rien, et ce n'est en rien infinitésimal, contrairement à ce qu'a dit M. le rapporteur. Je tiens donc à cet amendement.
Malheureusement, je ne peux pas donner un avis favorable à cet amendement car il est contraire aux recommandations du Conseil d'État, dont l'avis rappelait, à l'alinéa 14, « qu'en excluant du bénéfice de cette mesure les établissements de santé privés assurant le service public hospitalier [… ], les dispositions en cause créent une différence de traitement qui n'est pas en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et méconnaît le principe d'égalité. » C'est ce que disait tout à l'heure M. de Courson. L'adoption de l'amendement menacerait donc directement la constitutionnalité du texte.
Avis défavorable.
Ce qui vient d'être dit, c'est que la CSG et la CRDS de tout de monde payeront la dette des établissements privés qui, par ailleurs, distribuent des dividendes. C'est quand même fort de café !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.
Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu clairement, mais M. le rapporteur vient de le faire : les cliniques privées seront bien concernées par la reprise de la dette. Le confirmez-vous, oui ou non ? Si vous nous demandez de voter contre l'amendement de notre collègue Pires Beaune, cela veut dire oui.
Il s'agit en effet d'une question essentielle, et nous souhaiterions qu'il lui soit apporté une réponse claire.
Interpellé depuis tous les bancs, je me dois d'apporter une réponse qui sera, je l'espère, plus claire que la précédente.
La participation au service public hospitalier suppose le respect de conditions définies par la loi : un accueil adapté, notamment lorsque la personne est en situation de handicap ou de précarité sociale ; un délai de prise en charge en rapport avec son état de santé ; la permanence de l'accueil et de la prise en charge, notamment dans le cadre de la permanence des soins organisée par l'agence régionale de santé, l'ARS ; l'égal accès à des activités de prévention et à des soins de qualité ; et l'absence de facturation de dépassements de tarifs et d'honoraires.
Permettez-moi de souligner une chose, madame Pires Beaune. Vous dites que le contribuable français n'a pas à payer pour les cliniques mais, quelle que soit votre opinion sur les établissements privés de santé, …
… il le fait déjà tous les mois : en effet, c'est la cotisation d'assurance maladie qui paye les soins dans les cliniques privés.
Même dans les cliniques privées, le financement des établissements de santé passe aussi par les tarifs ; les tarifs, c'est l'ONDAM ; l'ONDAM, c'est l'assurance maladie ; et l'assurance maladie, ce sont vos cotisations. C'est tout à fait normal, car le système de santé a été construit ainsi.
Un établissement de santé qui ne pratique aucun dépassement d'honoraires, qui mène des activités de prévention et qui tient compte des critères de précarité sociale et d'organisation de la prise en charge participe au service public hospitalier. Il répond à un cahier des charges précis défini par la loi. Il est donc éligible au dispositif de reprise de dette, et sa candidature sera examinée selon des critères qui seront fixés ultérieurement.
Madame la députée, nous avons voté ensemble la loi qui a étendu la définition du service public hospitalier aux établissements privés de santé – j'en suis à peu près sûr, car il y avait une majorité totale – , à condition que ceux-ci répondent à la notion très objective qui figure dans le cahier des charges. Cela répond à votre question.
Je demande le retrait de l'amendement ; sinon, avis défavorable.
Je ne retirerai pas l'amendement et je n'ai rien contre les cliniques privées ; elles sont même indispensables, et il faut les deux. Mais si ce que vous dites est vrai, acceptez l'amendement.
Je ne sais pas qui ira vérifier si la clinique privée pratique le dépassement d'honoraires, ni qui ira vérifier si la clinique a distribué des dividendes quand nous nous apprêtons à reprendre une partie de sa dette. Vous savez comme moi que certains feront le choix de distribuer des dividendes tout en effaçant la dette de leur établissement. Par conséquent, écrivons que les établissements privés sont exclus du transfert de dette !
L'amendement est justifié, mais je souhaiterais que M. e ministre apporte une précision. Nous parlons d'établissements privés participant à une mission de service public, mais je crois que cette notion a disparu et que l'on parle désormais d'établissements de santé privés d'intérêt collectif, les ESPIC. L'amendement de notre collègue Pires Beaune devrait peut-être exclure tous les établissements qui ne sont pas des ESPIC.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos réponses, mais j'ai le regret de dire que certaines choses ne vont pas. Effectivement, les cliniques privées sont importantes et remplissent elles aussi une mission de service public en recevant des personnes sans dépassement d'honoraires. Mais qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, de ces cliniques privées qui, depuis la crise du covid-19, envoient leurs factures à l'hôpital public ?
Je connais l'exemple d'une clinique privée de Melun qui envoie désormais, pour trente-six lits, des factures de 20 000 euros par mois à l'hôpital. Allez-vous participer à la reprise de la dette de cette clinique qui fait payer l'hôpital public ? Ce serait la rembourser deux fois. Et comment vérifier qu'elle ne versera pas de dividendes à ses actionnaires ? Comment surveiller l'usage de l'impôt des Français dans ces cas-là ? Je n'ai pris qu'un exemple, mais il y en a eu plusieurs pendant la crise.
L'amendement de Mme Pires Beaune est à mes yeux un amendement de bon sens, qu'il faut absolument voter.
C'est en effet un amendement de clarification, qui permettra de vérifier les intentions véritables du texte. Il faut l'adopter afin de graver dans la loi le fait que la CADES n'a pas vocation à financer le paiement de dividendes à des actionnaires. Nous nous apprêtons à mettre une dette sur le dos de la sécurité sociale, et je veux savoir précisément à quoi elle correspond. Au départ, il s'agissait de rembourser la dette des hôpitaux publics. Nous sommes désormais dans un autre registre, et l'amendement de Mme Pires Beaune vient tout à fait à propos. Si ce que vous avez dit est vrai, monsieur le ministre, il ne devrait pas y avoir de problème : écrivons-le.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune. Après elle, seuls M. le rapporteur et M. le ministre s'exprimeront.
Pour répondre à notre collègue Jeanine Dubié, effectivement, les ESPIC à but non lucratif seront concernés par la reprise de dette. Mais, je le répète, mes chers collègues : faire payer à un ouvrier ou à un agriculteur, avec sa CSG et sa CRDS, la dette de cliniques privées qui distribuent par ailleurs des dividendes – et il est bien normal qu'elles rémunèrent leurs actionnaires, il n'y a rien de mal à cela – , cela, en revanche, ce n'est pas possible !
Madame Dupont, j'imagine que vous voulez la parole pour demander une suspension de séance ? Je vous la donnerai ensuite. La parole est à M. le rapporteur.
Je souhaiterais brièvement revenir sur l'histoire du projet de loi. Le texte initialement préparé par le Gouvernement ne mentionnait que les établissements publics. C'est après l'avis du Conseil d'État, et justement pour ne pas exclure les établissements assurant des missions de service public, notamment les ESPIC, que le projet de loi a été modifié pour intégrer ces derniers. Même si je comprends votre démarche, l'amendement fragiliserait le texte pour un nombre infime d'établissements privés.
Ce ne sont pas 1033 cliniques privées qui sont concernées, chère collègue, mais seulement les quelques-unes qui assurent une mission de service public, soit à peine une dizaine. Par conséquent, en raison du risque d'inconstitutionnalité que présente l'amendement et du caractère peu conventionnel de la situation dans laquelle il nous placerait, je réitère l'avis défavorable.
On pourrait engager le débat au sujet des dividendes versés par les établissements privés…
… et ainsi semer le doute : c'est le jeu du débat parlementaire.
Mais, comme le rapporteur l'a très bien fait, je vais essayer à mon tour de restaurer l'équilibre des choses et de rappeler l'historique du dispositif. Initialement, il s'agissait de reprendre la dette des hôpitaux publics. Mais, dans l'avis qu'il a rendu suite à sa saisine sur le projet de loi, le Conseil d'État a estimé qu'en excluant les établissements de santé privé assurant le service public hospitalier du bénéfice de la mesure, ses dispositions méconnaissaient le principe d'égalité.
Vous êtes les premiers à mettre en avant les avis du Conseil d'État – à raison d'ailleurs. Cette fois, il a été très clair : le seul critère discriminant, et qui permet la répartition, est l'appartenance au service public hospitalier. De fait, ce critère inclut les ESPIC – ce n'est d'ailleurs pas totalement insensé – et possiblement, mais vraiment à la marge, un petit nombre d'établissements privés, mais qui répondent à tous les critères – donc qui ne pratiquent pas de dépassement d'honoraires, qui soignent un public précarisé, qui mènent des actions de prévention. En clair, ce ne sont pas les établissements qui versent des dividendes aux actionnaires !
De plus, les directeurs généraux des ARS – agences régionales de santé – auront la main pour déterminer les établissements qui bénéficieront d'une reprise de leur dette.
Je n'ai pas l'habitude d'insister ainsi, mais je vais être totalement transparent avec vous : si l'amendement est adopté…
… cela signifie tout simplement que la loi ne prévoit plus la reprise de la dette hospitalière !
Le Conseil d'État l'a écrit noir sur blanc : si l'amendement est adopté, il n'y a plus de reprise de la dette des hôpitaux dans la loi, sauf à faire adopter dans le PLFSS un dispositif très général qui viserait la reprise de la dette des établissements de santé de manière générale et, de fait, engloberait tous les établissements de santé, sans discrimination. Ce serait donc exactement le contraire des principes qui sous-tendent votre amendement. Je le répète une fois encore : s'il est adopté, cet amendement supprime le dispositif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures vingt.
L'amendement no 50 n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 3.
Il s'agit d'un amendement quelque peu technique. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer l'intérêt de l'alinéa 13 qui, en voulant indiquer dans quel ordre doivent être repris les déficits mentionnés aux A, B, C et D de l'article 1er, vous entrave les mains ? Il existe des lois de financement pour cela ! Vous savez bien que nul ne peut savoir quelle sera la situation dans deux ou trois ans. Par conséquent, il faut pouvoir s'adapter. C'est donc pour vous aider que je propose de supprimer l'alinéa 13.
Vous ne savez pas ce qui peut vous arriver – quand je dis vous, je ne parle pas de votre personne, mais de la fonction que vous assumez. Pourquoi avoir précisé cet ordre ? Telle est la question posée par ma demande de suppression de l'alinéa 13.
Comme je vous l'ai déjà indiqué lors du débat en commission spéciale, le plafond est destiné à garantir que la CADES ne sera pas contrainte de reprendre plus de 40 milliards d'euros de dette par an, ce qui pourrait inquiéter les investisseurs dans la dette sociale. Par ailleurs, la CADES ne dispose pas de suffisamment de profondeur de marché pour dépasser cette limite sans risquer de menacer la qualité de son refinancement sur les marchés. Avis défavorable.
L'amendement no 3, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol, pour soutenir l'amendement no 43.
Comme nos collègues Christine Pires Beaune et Charles de Courson l'ont indiqué lors de l'examen du projet de loi organique, le texte fait état de 92 milliards de provisions pour déficit. Ces prévisions financières ont-elles été établies à périmètre constant de dépenses, ou en anticipation de futures annonces gouvernementales, notamment celles concernant la revalorisation des carrières des soignants qui feront suite au Ségur de la santé ? L'amendement propose de renforcer l'information du Parlement sur le détail des transferts de dette à la CADES, en précisant le contenu des annexes au PLFSS.
Dans sa version présentée en commission spéciale, l'amendement renvoyait à un décret, ce qui n'était pas adapté à la demande. Sa rédaction a donc été revue.
En tant que nouveau rapporteur général de la commission des affaires sociales, je ne peux qu'être favorable à l'amendement : le Parlement doit être informé en bonne et due forme des conséquences des mesures adoptées dans le PLFSS. Avis favorable.
L'amendement no 43, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1er, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol, pour soutenir l'amendement no 37.
J'ai présenté, en commission spéciale, un amendement qui a été largement adopté et qui tendait à demander au Gouvernement un rapport sur l'opportunité pour la CADES de contracter des obligations à impact social, ce que les Anglais dénomment « social bonds ». Il s'agit d'un outil à la fois très attractif pour les investisseurs, car il pourrait permettre de sécuriser la dette, et très utile pour le Parlement : comme les OAT vertes, ces obligations assimilables du Trésor créées lors de la précédente législature et bien connues de la gauche de l'hémicycle, les obligations à impact social permettent la transparence et une véritable évaluation des dépenses.
Le présent amendement vise donc à élargir celui présenté en commission à d'autres organismes, notamment à l'ACOSS, et, du fait de cet élargissement, à reporter à décembre 2020 le délai de remise du rapport.
M. Guillaume Gouffier-Cha applaudit.
L'amendement no 37, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il tend à limiter les dégâts : votre méthode consiste à affamer la sécurité sociale pour ensuite justifier un nouveau cycle de politiques d'austérité au nom d'une dette de la sécurité sociale que le Gouvernement aura créée de toutes pièces à travers le projet de loi. Si nous sommes défavorables à cette logique et nous y opposons, nous proposons tout de même d'ajouter après le mot « social » le mot « écologique ».
Je vais parler sous le contrôle de de notre collègue Bénédicte Peyrol : il ne faut pas mélanger les obligations à impact environnemental positif, qui existent déjà – ce sont les « green bonds » – , avec les obligations à impact social positif. Le volume des premières, qui s'élevait à environ 135 milliards d'euros à la fin de l'année 2017, est bien plus important que celui des secondes, sur lesquelles porte la demande de rapport adoptée à l'instant et qui ne représentait en 2017 que 8,8 milliards d'euros. Sur le fond, je partage votre conviction qu'il faut encourager les obligations à portée sociale et environnementale, mais pour les raisons que je viens d'évoquer, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 30, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er bis, amendé, est adopté.
L'article 2 a pour ambition d'accorder un financement pérenne à la prise en charge de la perte d'autonomie et de la dépendance. En effet, l'affectation d'une fraction de la CSG à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – à partir de 2024 permettra de financer une partie de cette priorité. Il nous appartient toutefois de trouver, dès 2021, des moyens suffisants pour financer cette priorité car, ainsi que cela a déjà été dit précédemment, cela ne peut plus attendre.
La majorité sera donc particulièrement attentive aux travaux de la conférence des financeurs qui se tiendra d'ici à l'automne. Ces travaux devront nous permettre de dégager des financements conséquents, à adopter dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, afin de répondre aux besoins du grand âge et de mettre en oeuvre des politiques de l'autonomie.
Nous avons tous conscience de la souffrance des professionnels de ce secteur, qu'ils travaillent en établissement ou à domicile. Ils exercent des métiers insuffisamment payés et difficiles, avec une charge physique et psychologique extrêmement forte. Notre société doit donc investir massivement dans ce secteur : c'est pourquoi nous avons besoin de cette cinquième branche de la sécurité sociale financée à hauteur des besoins.
Face à ces défis, le groupe La République en marche votera en faveur de cet article, en réaffirmant son engagement et la nécessité d'aller vite vers une réforme du grand âge et de l'autonomie et la mise en place de financements conséquents dès 2021.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je voudrais revenir à un débat que nous avons eu à la fin de la séance de l'après-midi sur le financement de l'autonomie et de la prise en charge de la dépendance dès 2021. À ce jour, les familles de France règlent à peu près 7 milliards d'euros par an de reste à charge. Ce sont souvent des personnes âgées d'une cinquantaine d'années, qui ont un parent à charge et aussi, fréquemment, un grand enfant à charge, soit parce qu'il poursuit des études, soit parce qu'il n'a pas d'activité professionnelle. Ainsi, c'est la charge de trois générations qui pèse sur une seule génération. Pour les familles, ces équations budgétaires et financières sont absolument intenables.
Vous allez sans doute nous renvoyer à la conférence des financeurs, comme vient de le faire Mme Dupont. Mais je vous repose la question, monsieur le ministre : quelles sont les marges de manoeuvre de la conférence des financeurs ? Quelles sont celles de l'assurance maladie en matière d'autonomie ? Quelles sont celles des départements, de la CNSA et, in fine, de l'État ?
Des milliers de familles attendent aujourd'hui votre réponse. Elles sont les victimes bien involontaires du vieil article 205 de notre code civil, qui fixe l'obligation alimentaire. Cette solidarité familiale est belle mais elle présente aujourd'hui, pour de très nombreuses familles, un coût extrêmement douloureux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, vous avouerez que l'article 2 est étrange. Vous mettez la charrue avant les boeufs, comme on dit chez moi, et vous le faites dans quatre ans ! Mme Dupont a entièrement raison : ce n'est pas sérieux. Vous dites que vous étudierez la question dans trois ans, à la fin de l'année 2023 dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Vous ouvrez un peu plus de 2 milliards d'euros de recettes alors même que vous ne savez pas quelles seront les dépenses ni quelles mesures vous adopterez en faveur de l'aide à domicile, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – et de toutes les autres structures. C'est complètement déraisonnable !
Vous savez que j'ai parfois l'esprit mal tourné, monsieur le ministre, mais je n'ose penser que vous créez une coquille vide pour faire croire que vous allez faire quelque chose.
Sourires
À votre décharge, vous ne seriez pas les premiers : d'autres l'ont fait avant vous, renvoyant la question à des rapports. Nous en discuterons tout à l'heure.
Je le répète, Mme Dupont a raison. Si vous voulez être sérieux, faites un effort dès 2021, même s'il ne s'élève qu'à quelques centaines de millions d'euros et que l'enveloppe augmentera progressivement. Au moins, ce sera crédible. Mais ne renvoyez pas votre effort à 2024. Je vous rappelle que nous sommes tous mortels en 2022.
Sourires.
Merci de nous le rappeler, monsieur de Courson !
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 14, 27 et 31, tendant à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 14.
L'article 2 organise le transfert à la CNSA d'une fraction de 0,15 point de CSG jusqu'ici affectée au remboursement de la dette sociale, afin de financer les politiques liées à la perte d'autonomie. Cet article pose plusieurs problèmes.
Tout d'abord, les financements publics consacrés à l'autonomie sont largement insuffisants : vous prévoyez un effort financier de 2,3 milliards d'euros alors que les besoins identifiés dans le rapport Libault s'élèvent à 6 milliards d'euros à l'horizon 2024 et à 10 milliards à l'horizon 2030.
En outre, ce nouveau financement est tardif, comme cela vient d'être expliqué. Il n'interviendra qu'en 2024 alors que la crise sanitaire a révélé, une fois de plus, la nécessité de moyens urgents pour soutenir les EHPAD et le secteur de l'aide à domicile, à commencer par une revalorisation des salaires des personnels et un accroissement des effectifs.
Ce nouveau financement intervient à périmètre constant en matière de recettes : vous prenez des ressources à la CADES pour les donner à l'autonomie, ce qui allongera la durée du remboursement de la dette sociale et empêchera donc de financer des politiques sociales. Une meilleure prise en charge de la perte d'autonomie suppose de consacrer les moyens nécessaires à cette ambition et de chercher de nouvelles recettes pour la sécurité sociale ; or, depuis trois ans, vous avez maintenu sous pression les dépenses de protection sociale à travers le prolongement et l'amortissement de la dette portée par la CADES.
Faute de financements suffisants pour une éventuelle branche consacrée à l'autonomie, il est à craindre que les moyens soient recherchés ailleurs, dans des transferts provenant de la branche vieillesse ou de l'assurance maladie.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez exprimé une sorte d'aveu en affirmant que les ONDAM avaient été trop faibles ces dernières années. Nous demandons à voir ce qu'il en sera pour l'année qui vient.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 27.
Le confinement a entraîné une augmentation du chômage partiel et des dépenses de protection sociale en général, ainsi qu'un amoindrissement des ressources des organismes sociaux. Cette détérioration de la situation financière est déjà bien préoccupante à l'aune du transfert de la dette sociale à la CADES voté à l'article 1er. Qui plus est, le présent article vise à transférer une fraction des ressources de la CADES à la CNSA en vue de la création de la cinquième branche. Or priver la CADES d'une partie de ses ressources ne semble ni opportun ni soutenable sur le long terme si on ne lui en affecte pas de nouvelles. J'ajoute que les montants de CSG transférés sont bien en deçà des besoins pour financer la cinquième branche, d'autant que ce mouvement ne sera effectif qu'en 2024.
Ce transfert nous semble donc insuffisant au regard des objectifs de la cinquième branche. Afin de trouver d'autres financements, nous proposons la suppression de l'article 2.
Il a été très bien défendu par nos collègues Pierre Dharréville et Delphine Bagarry. Je précise simplement que ce n'est pas pour 2021, mais pour hier qu'il faut trouver des financements.
La suppression de l'article 2, au motif que 2 milliards d'euros seraient insuffisants ou que le transfert serait trop tardif, reviendrait finalement à ne rien transférer du tout à la CNSA. Je sais, mes chers collègues, que telle n'est pas votre intention. Il me semble que cet argument suffit à justifier mon avis défavorable.
Le texte dont nous débattons concerne la dette sociale. En 2024, nous aurons tenu les engagements pris en 2010 ; …
… il nous appartient donc de réallouer les recettes de la CADES à partir de ce moment. Ces 2,3 milliards d'euros affectés à la CNSA vont dans le bon sens. Ils ne constituent pas un solde de tout compte, il n'est pas question de dire qu'ils sont suffisants, mais c'est dans le cadre du prochain PLFSS qu'il nous appartiendra de discuter du financement de la dépendance. Avis défavorable.
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! C'est la façon d'alimenter la CNSA par l'affectation d'une fraction de CSG qui ne nous plaît pas. Il existe peut-être d'autres façons d'augmenter les ressources de cette caisse. Le fait d'attendre 2024 nous déplaît encore plus fortement. Quant à votre décision d'aller chercher l'argent chez les moins aisés, elle nous irrite tout autant, monsieur le rapporteur.
Les amendements identiques nos 14, 27 et 31 ne sont pas adoptés.
L'article 2 prévoit un transfert de CSG de la CADES vers la CNSA à compter du 1er janvier 2024. Pourtant, l'allongement de la durée de vie de la CADES doit permettre une réaffectation des ressources au profit des deux grandes priorités que sont l'amélioration de la situation dans les hôpitaux et les EHPAD et la meilleure prise en compte du financement du risque dépendance au sein de la branche dédiée au soutien à l'autonomie.
Par cet amendement, nous proposons de ventiler différemment le 0,6 point de CSG. Il convient d'anticiper l'affectation de 0,15 point de CSG à la CNSA dès le 1er janvier 2021, d'attribuer 0,25 point de CSG à la branche maladie de la sécurité sociale et de porter à 0,2 point la part de CSG affectée à la CADES.
Vous souhaitez réécrire complètement l'article 2 pour transférer de la CSG affectée à la CADES à la CNSA et à l'assurance maladie. Cela reviendrait à priver la CADES des trois quarts de ses recettes en termes de CSG, ce qui compromettrait largement l'horizon d'extinction de la dette sociale. Avis défavorable.
L'amendement no 4, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements, nos 57, 60 et 70, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir les amendements nos 57 et 60, qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
L'amendement no 57 vise à doubler le montant des ressources affectées à la CNSA et issues de la fraction de CSG qui finance actuellement la CADES. L'amendement no 60 est un amendement de repli, déjà déposé par Mme Dufeu Schubert en commission spéciale, visant à instaurer une progressivité des transferts de CSG vers la CNSA dès 2021.
Ces amendements d'appel nous permettent de redire ce que nous affirmons depuis le début. Ou bien la création de la cinquième branche dans le cadre de ce projet de loi est un coup de com', un effet d'annonce, dans un contexte particulier où le Gouvernement a besoin de montrer qu'il s'intéresse à un certain nombre de grands sujets, ou bien vous souhaitez réellement donner corps à cette cinquième branche, mais pour cela vous devez essayer d'en garantir et d'en pérenniser les financements.
Je reviens à des questions qui n'ont pas encore trouvé de réponse, monsieur le ministre. Dans le financement de la dépendance, quel sera l'équilibre, la répartition entre la dette, l'imposition et d'autres systèmes de financement pesant sur la personne elle-même tels que l'assurance individuelle obligatoire et l'assurance facultative et privée, qui existent déjà ? Il s'agit là d'un débat philosophique. Le Gouvernement entend instaurer le cinquième risque, la cinquième branche de la sécurité sociale permettant de prendre en charge la dépendance et le grand âge, mais comment va-t-il la financer de manière pérenne et crédible afin que ses annonces soient réellement entendues, comprises et acceptées par nos concitoyens ?
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 70.
Par cet amendement de Valérie Rabault et des membres du groupe Socialistes et apparentés, nous voulons signifier au Gouvernement que 2024, c'est trop loin et que 2,3 milliards d'euros, c'est trop peu ! Nous proposons de porter de 0,15 à 0,20 point la fraction de CSG affectée au financement de la dépendance.
Cette série d'amendements propose soit d'augmenter la fraction de CSG transférée dès 2024, soit d'avancer l'entrée en vigueur du financement fléché à 2021. Ces débats sont très proches de ceux que nous avons déjà eus en commission et de ceux que nous aurons à l'occasion de la série suivante d'amendements identiques. Il me semble important de garder à l'esprit que de telles décisions ne seraient pas neutres pour les recettes de la CADES et qu'elles constitueraient un mauvais signal envoyé aux investisseurs au sujet de la dette sociale. En outre, les besoins à l'horizon 2021, même s'ils sont importants, ne sont pas au même niveau que ceux de 2024 ou de 2030, comme le précise le rapport Libault.
J'émets donc un avis défavorable, même si j'entends tout à fait vos arguments quant à la nécessité de trouver des financements dès 2021. Le Gouvernement s'est d'ailleurs engagé devant la commission spéciale pour que ceux-ci se concrétisent d'ici le prochain PLFSS.
À l'occasion de ce projet de loi, qui transfère une part de dette à la CADES, le Gouvernement a décidé qu'il était temps de concrétiser une promesse maintes fois répétée, année après année, mais qu'il a toujours été compliqué d'honorer, pour des raisons budgétaires – nous ne jetons la pierre à personne. Cette promesse consiste à élargir le périmètre de la sécurité sociale, ce qui n'avait pas été fait depuis plus de soixante-dix ans, en créant un cinquième risque. Cette promesse très forte, nous devrons la tenir. Nous sommes au pied du mur, car la population vieillit ; le baby-boom est devenu papy-boom ; la dépendance et la perte d'autonomie sont une réalité dans notre pays et augmenteront encore très fortement au cours des prochaines années. Le rapport Libault et d'autres, comme celui de Myriam El Khomri, sont très clairs à ce sujet. Les besoins de ressources seront extrêmement importants, dépassant largement les 2,3 milliards qui sont transférés depuis la CADES par le biais de la CSG. Personne n'a jamais dit à aucun moment que c'était pour solde de tout compte. Les rapports se sont succédé, soulignant que des financements plus importants seront nécessaires.
Le Gouvernement a réaffirmé ses objectifs : augmenter le taux d'encadrement – je sais que Mme Fiat y tient – , améliorer la formation, les compétences, les métiers et l'attractivité. Une partie de ces enjeux font d'ailleurs partie intégrante des discussions du Ségur de la santé. Mais il faudra que nous soyons aussi capables de diversifier, d'augmenter et d'améliorer les taux d'encadrement, de mener une vraie politique de l'offre, de moderniser, de restaurer et d'équiper les établissements, ainsi que de répondre à la demande légitime d'un très grand nombre de Français, qui souhaitent rester le plus longtemps chez eux avant de partir en institution – si vraiment cela s'avère nécessaire. Il s'agit, au fond, de traiter avec humanité et modernité le sujet de la perte d'autonomie liée à l'avancée en âge. Mais j'envisage difficilement d'aborder le sujet de l'autonomie sans parler aussi de handicap. Avec Sophie Cluzel, nous travaillons à faire en sorte que le champ du handicap rejoigne le sujet plus général de l'autonomie. Or l'opportunité qui nous est donnée d'acter juridiquement la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale est aussi l'occasion de le faire.
Les débats sur le financement nous occuperont pendant encore quelques années. Vous posez des questions tout à fait légitimes, monsieur le député, mais je vous signale déjà un indice : créer un risque au sein de la sécurité sociale, c'est déjà faire appel à la notion de solidarité nationale. C'est l'engagement pris par le Président de la République il y a deux ans. Il aurait pu prendre un autre engagement, en renvoyant par exemple le sujet à l'assurance privée, mais il a déclaré que la dépendance relèverait de la solidarité nationale. Nous ne serions pas en train d'évoquer l'élargissement du périmètre de la sécurité sociale si une autre direction avait été prise.
Se posent néanmoins les questions de l'offre, de la demande, du reste à charge. Vous avez également posé des questions légitimes quant à la part de financement qui pourrait être confiée à des organismes complémentaires, par exemple. On sait qu'aujourd'hui, ces mécanismes ne sont pas très attractifs. En effet, la perte d'autonomie concerne 10 à 15 % de la population, si bien que le risque n'est pas suffisamment élevé pour être « attractif » – en termes d'assurance. Il faut parfois cotiser très longtemps pour obtenir un rendement qui n'est pas toujours très élevé. Mais ce constat n'empêche pas de travailler à trouver des solutions adéquates à cette question – y compris en s'interrogeant sur l'obligation alimentaire, qui demeure dans le droit français depuis des années, grevant le budget de nombreux ménages sans toujours constituer une solution.
Tous ces enjeux sont devant nous. Aujourd'hui, nous posons une pierre très importante, nous ancrons la cinquième branche dans le droit et nous identifions un mécanisme complémentaire – et non pas principal – de financement avec ce qui sera mis en place après 2024. Je comprends le sens des amendements que vous avez déposés pour avancer la date à 2021. Ce n'est pas le choix du Gouvernement et ce n'est pas celui que je défends devant vous aujourd'hui.
Mais le Premier ministre a annoncé l'organisation d'une conférence des financeurs pour identifier, dès 2021, de premières solutions de financement. Je suis en mesure de vous dire que toutes les options seront sur la table pour l'année 2021 et que, dans le cadre de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, au moins 1 milliard d'euros sera consacré à l'abondement de la CNSA
applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
pour faire face à des dépenses liées à la perte d'autonomie. Cette somme dépasse, monsieur Brindeau, les 700 millions d'euros proposés par votre amendement no 60. Nous prendrons le temps de réfléchir avec des experts qui seront nommés cette semaine et seront chargés de faire, en toute transparence, des propositions à la représentation nationale. Vous aurez à arbitrer ces choix dans le cadre du prochain PLFSS – c'est décidément un sacré premier exercice budgétaire qui attend votre collègue Thomas Mesnier !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur Brindeau, j'ai bien lu l'argumentaire relatif à votre amendement no 60 et vous ai écouté avec attention. Je vous remercie d'avoir repris l'amendement que j'avais déposé en commission spéciale et de m'avoir citée. Les usages de l'Assemblée nationale m'ont en effet enseigné, depuis trois ans, que l'on ne cite habituellement pas ses sources. Je tiens à vous expliquer pourquoi j'ai choisi de retirer cet amendement entre le passage en commission spéciale et le débat dans l'hémicycle. Je crois que l'argumentaire du ministre nous aura tous convaincus ce soir : la somme de 1 milliard d'euros annoncée pour 2021 constitue une excellente nouvelle, qui arrive en complément de la création de la cinquième branche. Il me semble que nous ne pouvons qu'être tous convaincus.
Le sujet du grand âge nécessite bien plus qu'un ou deux articles intégrés dans un projet de loi comme celui que nous examinons aujourd'hui. C'est sur une loi grand âge très transversale que nous devrons travailler de façon approfondie. Les concertations ont lieu et nous sommes tous impatients d'obtenir le financement nécessaire. Nous avons maintenant la cinquième branche et l'engagement d'Olivier Véran sur le milliard d'euros pour 2021. Encore merci, monsieur le ministre, et rendez-vous dans le cadre du prochain PLFSS. Nous aurons largement le temps de débattre de ces sujets de façon plus approfondie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Non, c'est une annonce !
Vos propos signifient que l'article 2 ne sert à rien ! Il n'est pas nécessaire : nous verrons bien en 2024 où nous en serons. Je vous félicite de mettre 700 millions. Le rapport Libault demandait 7 milliards de plus d'ici 2024. D'après ses estimations, si l'on divise par cinq, il fallait donc entre 1,2 et 1,4 milliard d'euros par an – sommes qui sont indexées. Vous faites un effort de 700 millions dans le projet de loi de financement. Mais alors, à quoi cet article sert-il ?
Soit vous suivez Mme Dupont, qui dit qu'il faut commencer à financer dès 2021 – c'est ce qu'elle a dit gentiment, parce qu'étant dans la majorité, elle est tenue à une certaine délicatesse, mais elle a du caractère, notre collègue ! – et dans ce cas, tout le monde sera d'accord. Soit vous faites ce que vous venez d'annoncer, c'est-à-dire que vous consacrez 700 millions par an, que vous trouverez par exemple en redéployant des dépenses – mais dans ce cas, à quoi l'article 2 sert-il ? Expliquez-moi !
Il y a de nouvelles demandes de parole, y compris dans la majorité. Madame Fiat, vous avez donc la parole : vous êtes sauvée par La République en marche !
Je ne suis pas si sauvée que ça, monsieur le président. À votre grand désespoir, monsieur le ministre, je ne serai même pas satisfaite de votre annonce, pour deux raisons. Tout d'abord, je réalise qu'avant même que la loi relative au grand âge nous soit présentée, les décisions sont déjà prises : ce seront les préconisations du rapport Libault. Il ne sera donc pas nécessaire de venir et de faire des propositions. C'est dommage, car un rapport a été voté à l'unanimité – vous étiez député à l'époque, monsieur le ministre, et l'aviez voté. Il s'agit du rapport d'information Iborra-Fiat – je prêche pour ma paroisse ! – , qui chiffre à 8 milliards d'euros le coût du ratio d'encadrement minimal en EHPAD qui me tient à coeur, comme vous l'avez souligné. 1 milliard arrive ; certes, ce n'est déjà pas mal, par rapport à zéro. Mais nous venons de traverser une crise et vous avez vu ce qui s'est passé dans les EHPAD.
Je ne me contenterai donc pas de 1 milliard d'euros ! Le ratio évoqué dans le rapport est minimal. Ce sont 8 milliards qui sont nécessaires – pas en 2021, mais aujourd'hui ! Si demain une seconde vague survient, nous ne pourrons pas l'affronter ! Vous rendez-vous compte de ce qui s'est passé il y a quelques semaines ? Mes propos sont très responsables. Une hécatombe s'est produite dans les EHPAD, nous manquions de personnel et la situation a été terrible pour ceux qui y travaillaient. Un taux d'encadrement plus responsable est nécessaire. M. Macron a dit qu'il n'avait pas de baguette magique, mais à un moment donné, il faut se retrousser les manches et aller trouver l'argent ! Les personnes qui résident actuellement en EHPAD ne méritent pas ce qu'elles ont vécu au cours des dernières semaines ; les soignants non plus.
Sourires sur les bancs des groupes FI et GDR.
… ou trop peu, pas suffisant… Pourtant, on vous annonce qu'une somme de 1 milliard sera inscrite en 2021 pour amorcer le financement. Vous nous dites qu'il s'agit d'une coquille vide ; le ministre vous répond qu'il la remplit. Mais cela ne suffit pas encore, et vous refusez de considérer autre chose que la date de 2024, pour l'ensemble des mesures. Nous avons des projets, avec plusieurs véhicules législatifs : les projets de loi dont nous discutons aujourd'hui, le PLFSS et une loi à venir, relative au grand âge. 2024 n'est pas une fin en soi, mais complétera des mesures amorcées dans le PLFSS et dans la loi sur le grand âge. Les 2,3 milliards de la CNSA compléteront une ingénierie de financement que nous commençons à mettre en place aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle nous créons cette branche, pour donner une ossature à l'ensemble des mesures actuellement mises en oeuvre. L'objectif visé est une évaluation, celle du rapport Libault, et sera chiffré au regard des mesures précises qui seront mises en place : 1,5 milliard d'ici 2022, 6,2 milliards d'ici 2024 et 9,2 milliards en 2030. Nous amorçons les choses et commençons à construire une politique en faveur de l'autonomie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'intérêt du débat parlementaire est qu'il nous permet d'obtenir des réponses du Gouvernement à nos questions. 1 milliard d'euros, monsieur le ministre, c'est très bien, mais cette somme ne portera pas sur la dette transférée à la CADES, puisque vous refusez de modifier l'équilibre. Elle ne viendra pas non plus de l'impôt – c'est un engagement du Président de la République. Expliquez-nous donc d'où viendra ce milliard supplémentaire de recettes dans le prochain PLFSS – à moins qu'il ne s'agisse de contracter une dette et de la reporter au-delà de 2021 ou de 2022. Surtout, comment cette somme sera-t-elle affectée, entre l'augmentation continue des dépenses auxquelles les départements doivent faire face et les mesures nouvelles qui seront mises en oeuvre au titre du cinquième risque ?
Je voudrais simplement expliquer pourquoi 1 milliard d'euros n'est pas suffisant. Certes, le rapport Libault cite 6,2 milliards d'ici 2024, mais le ratio minimal évoqué par le rapport Fiat-Iborra nécessite un financement de 8 milliards d'euros, rien que pour recruter suffisamment de soignants…
… et sans compter l'aide à domicile, certainement très coûteuse aussi. L'ensemble des organismes de services à domicile déclarent ne plus parvenir à recruter. Dans les EHPAD, les aides-soignants démissionnent les uns après les autres. Vous le savez ! 1 milliard ne sera donc pas suffisant ; nous nous reverrons ici et j'espère que nous voterons un financement plus élevé, car nous n'aurons pas le choix !
Les amendements nos 57, 60 et 70, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
À tous ceux qui m'envoient des textos pour me demander si la séance va être longue, je rappelle que le meilleur moyen de ne pas siéger jusqu'à quatre heures du matin, c'est de respecter cette fameuse disposition du règlement selon laquelle deux orateurs s'expriment sur chaque amendement, pas davantage. D'autant que, pour une fois, nous pouvons nous féliciter d'avoir un rapporteur et un ministre qui se montrent concis !
Sourires. – Mme Stella Dupont applaudit.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à respecter le règlement et à vous montrer aussi synthétiques dans vos interventions que M. le ministre et M. le rapporteur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 5, 16, 17, 49 et 58.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 5.
Cet amendement vise à avancer l'échéance de 2024 à 2021, toujours dans le souci de garantir aux établissements médico-sociaux des ressources supplémentaires.
Vos propos, monsieur le ministre, prouvent que vous avez complètement cerné le problème : vous avez évoqué tous les sujets qui concernent les gens au quotidien, comme le reste à charge, la tarification ou encore la gouvernance. Mais pourquoi nous faire cette proposition de cinquième branche dans le cadre d'un texte relatif à la dette sociale, alors que nous attendons un texte relatif à l'autonomie et au grand âge – je vous remercie à ce propos d'avoir précisé que le handicap sera aussi pris en compte par cette cinquième branche ? Il y a là quelque chose que je ne comprends pas.
On nous annonce 1 milliard dans le PLFSS, mais on n'aura toujours pas de loi grand âge et autonomie ! Le sujet doit être traité de façon globale. Il faut nous expliquer pourquoi vous avez introduit dans un texte qui n'aurait dû traiter que de la dette sociale le sujet de la fusion des deux sous-ONDAM. Cela n'apportera rien à la vie des gens, et surtout pas de financement supplémentaire.
Cet amendement du groupe des Républicains prévoit que la dépendance sera financée dès 2021. Certains collègues ont déjà relevé l'urgence de ce chantier, les besoins se faisant sentir dès maintenant, notamment dans les EHPAD. J'ai bien noté, monsieur le ministre, votre annonce d'un milliard. Moi qui ai assisté à quasiment toutes les réunions de la commission spéciale, je trouve un peu dommage qu'on ait dû attendre ce soir pour entendre ce genre d'annonce. Cela reste un point positif même si, comme certains collègues l'ont dit, cela ne suffira pas.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement no 17.
Je retire cet amendement, tant je suis rassuré par les propos de M. le ministre.
L'amendement no 17 est retiré.
Pour ma part je ne suis pas rassuré du tout ! Cette question se posait déjà lors de l'examen du dernier PLFSS et nous avions alors formulé des propositions pour augmenter les moyens de l'hôpital. Cette crise a été un choc anthropologique majeur qui a révélé la dure réalité de ces établissements, non seulement les conditions de vie des résidents mais aussi les conditions de travail des personnels.
Notre collègue vous demandait pourquoi vous aviez introduit ce sujet du cinquième risque dans un texte sur le financement de la dette covid : pour faire passer la pilule, pardi ! C'est une esquive, un rideau de fumée, pour ne pas avoir à parler de l'essentiel et expédier un sujet à 136 milliards en une soirée. Mais cela ne trompe personne, ni les organisations syndicales, ni les personnels des EHPAD, ni les travailleurs à domicile et pas davantage les personnes âgées. On est toujours le même bricolage.
Nous sommes tous d'accord, monsieur le ministre : la question de la prise en charge de la dépendance et de la dignité de nos aînés dépasse de beaucoup certaines controverses politiques…
… pour ne pas dire politiciennes, dont vous êtes d'ailleurs vous aussi largement responsables, chère collège de la majorité, en introduisant ainsi le cinquième risque dans un texte qui n'a aucun rapport. On ne peut pas se satisfaire de cette méthode qui consiste à annoncer la création d'une cinquième branche en la finançant par procuration, d'une certaine façon.
En effet, fixer cette date de 2024, c'est engager la prochaine majorité parlementaire et le prochain Président par les décisions que vous prenez aujourd'hui et dont vous n'aurez – peut-être ! – pas à supporter demain les conséquences. On en revient toujours à la même question, cher collègue rapporteur général du budget. J'aimerais d'ailleurs que vous nous éclairiez sur ce sujet : où trouvera-t-on ce milliard ? Pas dans la dette de la CADES, dont vous ne voulez pas modifier l'équilibre. Pas dans l'impôt, puisque le Président de la République s'est engagé à ce qu'il n'y ait pas d'impôt supplémentaire – à moins que les engagements du Président de la République ne vaillent pas grand-chose ?
Sera-ce dans le report de la dette ? Dans ce cas c'est pire que tout sur le plan politique puisque c'est transmettre à la majorité future, et surtout aux générations futures le soin de régler un problème qui est urgent, et même explosif. C'est un choc démographique et civilisationnel qui est devant nous, que nous devrions prendre à bras-le-corps, au-delà de toute considération politique. Or ce que vous nous proposez n'est motivé que par des considérations politiques. C'est dramatique.
Je vais continuer à être bref, monsieur le président, d'autant que nous avons déjà eu ce débat à propos des amendements précédents et lors de l'examen du projet de loi organique, ainsi qu'en commission spéciale. Cette date de 2024 n'est pas symbolique puisque nous serons alors au terme des engagements pris en 2010 de revoir le financement de la CADES à partir de cette année-là. L'avis est donc défavorable
C'est dramatique, monsieur Brindeau, d'annoncer 1 milliard supplémentaire pour couvrir les dépenses liées à la perte d'autonomie l'année prochaine ? Dramatique ? Si vous n'aimez pas, n'en dégoûtez pas les autres !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur Vallaud, j'ai siégé comme député sur les bancs socialistes pendant cinq ans, et nous nous étions alors enorgueillis d'adopter une belle loi, celle d'une bonne ministre du grand âge, Michèle Delaunay. Je vous rappelle que cette loi consacre 700 millions de crédits annuels à cette dépense. Or j'annonce un minimum d'un milliard d'euros dès l'année prochaine. Dans quelques minutes, vous aurez l'occasion de voter au moins 2,3 milliards d'euros de plus par an à partir de 2024. Et tout cela en plus du milliard supplémentaire que nous avons consacrés aux EHPAD au cours des trois derniers mois, des 475 millions de crédits de soutien dont ceux-ci ont bénéficié pendant la crise du covid et des près de 500 millions d'euros de primes exceptionnelles !
On peut toujours voir le verre à moitié vide, monsieur Vallaud, mais quand vous est-il arrivé de voter des mesures pareilles pour les personnes âgées en perte d'autonomie ? Quand ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe MODEM.
Vous les financez comment, monsieur le ministre ? C'est la seule question qui vaille !
Je vous repose la question, monsieur Vallaud ! Quand vous a-t-on déjà donné l'engagement d'étendre le périmètre de la sécurité sociale, de proposer un texte spécifique sur la perte d'autonomie et de consacrer au minimum 1 milliard d'euros supplémentaires aux dépenses liées à la perte d'autonomie dans le PLFSS ? Jamais, monsieur Vallaud ! Vous n'êtes certes pas obligé de voter pour, mais s'il vous plaît, épargnez-nous des leçons que rien dans le passé ne justifie.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et plusieurs bancs du groupe MODEM.
Notre assemblée est quand même extraordinaire ! En 2007, le président Sarkozy est arrivé au pouvoir en s'engageant à établir le cinquième risque. En 2012, le président Hollande a dit qu'il fallait absolument instituer le cinquième risque.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LaREM
… et les mêmes qui trouvaient que c'était absolument indispensable reculent ? Pourtant, nous voyons bien où a conduit le fait de ne pas le faire ! Nous partageons d'ailleurs les mêmes constats, sur le problème des EHPAD, sur celui du financement par les familles des séjours de leurs aînés dans ces établissements ! C'est pour cela que nous, nous essayons d'y apporter enfin des solutions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Si nous avons abandonné le projet de cinquième branche en 2009, c'est en raison d'une crise économique majeure qui nous a conduits à transférer 130 milliards à la CADES. Il fallait faire un choix. Aujourd'hui, le Gouvernement fait le choix de créer cette cinquième branche.
Je voudrais, monsieur le ministre, vous interroger sur le plan d'amortissement sur dix ans des 136 milliards. Vous comptez ponctionner 0,15 point de CSG à partir de 2021, ce qui représente environ 18 à 20 milliards d'euros en moins d'ici 2033, et réduire le versement du fonds de réserve des retraites – FRR – à 1,45 milliard, soit environ 10 milliards en moins, ce qui fera environ 30 milliards en moins d'ici 2033, sauf si les conditions économiques sont favorables. Nous vous le souhaitons, mais c'est un pari ! On ignore si ce sera le cas. Vous prévoyez aussi une augmentation des recettes de CSG d'environ 2 % par an, ce qui reste à vérifier.
Comment allez-vous concilier cette ponction d'une trentaine de milliards d'ici 2033 avec la nécessité de rembourser 136 milliards ? Faudra-t-il voter une autre loi organique prévoyant de transférer à nouveau des crédits à la CADES en 2033 ?
Les amendements identiques nos 5, 16, 49 et 58 ne sont pas adoptés.
L'article 2 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir l'amendement no 67.
De même que le Conseil d'État a jugé qu'il y avait une rupture de l'égalité entre le public et le privé, je souhaiterais l'alerter, ainsi que les députés ici présents, sur la rupture d'égalité qui existe entre ceux qui contribuent au remboursement de la dette que vous appelez sociale et ceux qui n'y contribuent pas. C'est la raison pour laquelle, à la place du prélèvement sur les pensions de retraite que vous proposez pour financer la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et qui pèsera sur le pouvoir d'achat des retraités, nous proposons de demander aux actionnaires une contribution de solidarité destinée à financer la perte d'autonomie.
Vous devez bien reconnaître qu'il y a une rupture d'égalité entre ceux qui doivent payer et ceux à qui on ne demande jamais rien. En mettant à contribution les dividendes versés aux actionnaires à hauteur de 2 %, nous pourrions récupérer près de 1 milliard d'euros – le voici, le fameux milliard dont on parle depuis tout à l'heure ! – pour financer la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Je vous l'ai dit en commission, cher collègue, aucune piste ne doit être écartée d'emblée mais l'assiette que vous proposez me semble assez instable. Certes la CSG sur les revenus du capital participe déjà au financement de la sécurité sociale mais son rendement est variable et c'est plutôt la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement qui assure le principal du financement de la sécurité sociale. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 67, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à créer une nouvelle contribution affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Il est en effet urgent de créer une nouvelle ressource, en complément de celle proposée par le projet de loi, à savoir une fraction de 0,15 point de CSG à compter de 2024. L'amendement propose ainsi de créer une contribution au taux de 1 % sur les successions dont l'actif successoral net est supérieur à 150 000 euros. Nous pouvons adopter cette mesure dès le prochain projet de loi de finances, et disposer dès 2021 d'une ressource qui permettra un financement pérenne de la branche autonomie pour le risque dépendance.
Je l'ai dit, je considère qu'il ne faut écarter aucune piste. Pour autant, il me semble que nous devrons en discuter lors de l'examen du prochain PLFSS. Je comprends l'impatience qui se manifeste sur ces sujets, mais mon avis reste défavorable. Je suis évidemment prêt à mener un travail de fond sur cette proposition, comme sur d'autres.
Nous souhaitons qu'un travail constructif soit entrepris, avec des experts reconnus de la perte d'autonomie, qui émettront des recommandations dans le cadre d'une conférence des financeurs avec des objectifs budgétaires désormais connus. Il s'agit de pouvoir à très court terme proposer aux parlementaires de choisir les options les plus adaptées lors de l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Le débat n'est donc que reporté mais, madame Dubié, vous pouvez soumettre des propositions à la conférence des financeurs. Vous interviendrez ainsi aussi bien en amont qu'en aval, à l'adoption du texte. Je demande le retrait de l'amendement. À défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
L'amendement no 6 n'est pas adopté.
Le fonds de réserve des retraites a eu vocation ces dernières années à nous aider à absorber le déficit des précédents exercices. Dans ce cadre, sa contribution au financement de la CADES est prolongée jusqu'en 2033 alors qu'elle devait s'éteindre en 2024. Environ 13 milliards d'euros supplémentaires seront injectés dans le remboursement de la dette sociale pour faire face à cette dépense inédite.
L'article sécurise également en droit la soulte relative au régime des industries électriques et gazières, dit IEG, au profit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
Ces dispositions nous permettent, en agissant parallèlement sur la durée de l'amortissement de la dette sociale et sur l'optimisation des recettes de l'exercice, de ne pas solliciter directement les Français, que ce soit par un impôt de crise ou par une surcotisation immédiate. Les conditions de la confiance et de la reprise doivent être réunies. Nous ne sommes pas adeptes des signaux négatifs qui alourdiraient les prélèvements sur les ménages.
Faire plus, notamment sur la période 2024 à 2033, du côté du FRR serait tout aussi hasardeux. Parce que nous sommes aux responsabilités, il nous appartient de tenir compte des contraintes de sa gestion, et de ne pas gager l'avenir. Outil efficace, volontarisme politique, lisibilité pour les Français : voilà l'horizon de la gestion de notre dette sociale dans cette période de crise.
Je profite de cette intervention sur l'article 3 pour revenir sur la question du financement de la cinquième branche. Nous ne pouvons pas en rester aux faux-semblants !
Lors de la réunion de la commission spéciale, on nous disait que le 8 juin était devenu un jour historique, celui de la création de la cinquième branche. Seulement, lorsque nous nous sommes rendu compte que pas un euro supplémentaire n'y était affecté avant 2024, tout cela a fait un gros plouf. En réaction, vous annoncez aujourd'hui 1 milliard d'euros qui sort d'on ne sait où, et vous vous demandez pourquoi nous ne sommes pas satisfaits !
Lorsque Pascal Brindeau vous interroge sur l'origine de ce financement, il s'exprime légitimement, en tant que responsable politique : il est en droit de demander si ce milliard vient de l'impôt ou d'un supplément de dette sociale ! Nous ne pouvons pas continuer à faire de la politique avec des effets d'annonce, des « coups » qui ne reposent sur rien. C'est mal comprendre les attentes et les besoins d'aujourd'hui, qui sont énormes, surtout pour ce qui concerne la dépendance, qu'il s'agisse des personnes âgées ou du handicap. Vous annoncez 1 milliard, dont acte. Ce n'est pas assez, on le sait, mais dites-nous au moins comment ces montants sont financés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je suis saisi d'un amendement no 7 tendant à supprimer l'article 3. La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.
Une petite histoire, mes chers collègues, sur l'origine de la soulte des IEG, versée au FRR, qui s'élève actuellement à 4,7 ou 4,9 milliards d'euros selon le niveau de la bourse. Pourquoi nous demande-t-on de la reverser à la CNAV avec un étalement sur cinq ans ? Pourquoi nous demande-t-on de ramener de 2,1 à 1,45 milliard ce que la CADES versait tous les ans au FRR ? C'est tout simplement le différentiel !
D'où vient donc la soulte ? Le régime de retraite des électriciens et gaziers a été découpé en trois niveaux : celui du régime général, celui du régime complémentaire négocié, et celui de la soulte financée par un impôt. Il n'y a qu'un malheur : c'est que le rapport démographique des IEG est devenu très différent de celui du régime général. Les salariés du privé n'ont pas voulu payer pour le déséquilibre démographique d'un régime spécifique. Après avoir fait des calculs, on est arrivé grosso modo à 5 milliards.
Si vous votez l'article 3, la conséquence sera que le déséquilibre démographique, à partir de 2025, sera à la charge des salariés du privé. En effet, la soulte devait être reversée au régime général sur vingt ans, pas sur cinq ! Autrement dit, pendant quinze ans, le déséquilibre démographique des IEG sera à la charge des salariés du privé. Est-ce que cela est juste ?
Non. Il s'agit même d'une rupture par rapport à la nature de la soulte, qui devait compenser le déséquilibre démographique sur vingt-cinq ans, dont dix sont déjà passés.
Monsieur le ministre, c'est inacceptable. C'est une réelle une rupture d'égalité entre les Français.
Avis défavorable. Nous avons eu le débat en commission spéciale. L'audition des représentants du FRR nous avait confirmé que la trajectoire était cohérente avec les actifs du fonds, ce qui devrait permettre d'obtenir une marge de 2,5 milliards d'euros en 2033 à trajectoire financière inchangée.
Il s'agit d'une affaire grave, qui porte sur presque 5 milliards d'euros. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir qu'en faisant adopter cet article vous maintenez l'égalité entre les salariés du privé et les IEG, intégrés au régime général il y a maintenant près de dix ans ?
Dans ce qui avait été négocié, 4,7 milliards devaient être versés à la CNAV sur quinze ans. Oui ou non, cette disposition est-elle socialement juste ?
L'amendement no 7 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 42.
Il vise à compléter l'alinéa 5 afin que le montant versé soit « communiqué sans délai aux commissions chargées des affaires sociales et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ».
Je comprends la nécessité d'informer le Parlement sur des montants aussi importants que celui de la soulte, soit près de 5 milliards d'euros, aussi j'émets un avis favorable.
Cet amendement est satisfait. Je demande son retrait.
L'amendement no 42 est adopté.
Sourires.
Il vise à préciser le traitement comptable du versement de la soulte IEG à la CNAV.
Mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez lu l'exposé sommaire de l'amendement : en gros, on nous dit qu'on va verser 5 milliards, mais qu'il ne faut pas les comptabiliser en recettes l'année du versement, parce qu'on les comptabilisera par cinquièmes !
C'est le contraire !
C'est ce qui est écrit, monsieur le ministre : « Le présent amendement a pour objet de sécuriser le traitement comptable de la fraction de la soulte gérée par le FRR et reversée à la CNAV en 2020. En effet, le traitement comptable de la soulte défini en 2005 par le Haut Conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale ne définissait pas la façon de procéder pour constater le produit afférent à cette fraction de la soulte reversée en 2020. »
Vous voyez à quelles extrémités vous êtes condamnés pour essayer de faire passer comptablement votre dispositif ! Vous tentez de l'étaler sur cinq ans, soit 1 milliard par an, en compensation de la réduction prévue par ailleurs. Après cinq ans en revanche, on ne sait pas très bien ce qui se passera : bof, on verra…
Je n'aurai pas la cruauté de rappeler ce qu'a dit tout à l'heure un de nos excellents collègues. Il avait parfaitement raison, mais son propos constituait une attaque personnelle à l'égard du ministre de la santé, qui appartenait à l'époque à la majorité socialiste. Il est parfois bon de rappeler le passé. À tout pécheur, miséricorde, monsieur le ministre !
Monsieur de Courson, il m'est agréable de vous répondre que lorsque les choses sont écrites, il ne tient qu'à vous de les lire ou à moi de vous en faire lecture.
L'amendement prévoit précisément, selon l'exposé sommaire, de « comptabiliser en une seule fois le produit correspondant en 2020, plutôt que de l'étaler sur cinq ans ». Nous avons en cela suivi les recommandations de la Cour des comptes. Cette dernière, le Gouvernement et, dans quelques instants je l'espère, la majorité parlementaire auront donc une autre lecture que celle que vous faites de l'amendement. J'espère vous avoir répondu.
L'amendement no 74 est adopté.
L'article 3, amendé, est adopté.
Longtemps souhaitée et jusqu'à présent jamais actée, la cinquième branche va concilier de manière pérenne les financements de la sécurité sociale pour la prise en charge de nos aînés. Si le cadre est fixé, le contenu reste à définir et l'enjeu est immense compte tenu du pic démographique à venir.
La cinquième branche permet que le risque de la perte d'autonomie soit mis en avant dans l'ensemble des politiques de la sécurité sociale. Un rapport doit être remis au plus tard le 15 septembre au Parlement, qui permettra à tous les acteurs du grand âge de proposer leurs solutions à court, moyen et long terme pour relever ce défi. La cinquième branche protégera les personnes âgées mais aussi les personnes en situation de handicap en créant avec elles un parcours de vie adapté, grâce à une prévention accrue, et en développant une culture de la bientraitance corrélée à leur volonté première : rester le plus longtemps à domicile. Cette branche protégera également les personnels du secteur du grand âge, en revalorisant leur métier, leur formation et en permettant de travailler sur de réelles perspectives d'évolution de carrière et, surtout, de rémunération.
Pour toutes ces raisons et pour avancer vers une politique du grand âge ambitieuse, le groupe La République en marche votera l'article 4.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'article 4 crée une cinquième branche de la sécurité sociale, prenant en charge la dépendance. De nombreuses questions restent toutefois en suspens, au premier rang desquelles le financement de cette branche – en dehors du milliard d'euros qui vient d'être annoncé – dans un contexte de fragilité de la sécurité sociale. Le rôle des acteurs, le montant, la date de début du financement et la nature des prestations n'ont à ce jour fait l'objet d'aucune ébauche d'examen. Le groupe Les Républicains n'est pas opposé à la création de cette branche – nous avons défendu l'idée par le passé – mais souhaite avoir des garanties concernant son financement, afin que l'entreprise ne débouche pas sur la création d'un nouvel impôt.
Selon nous, la notion de risque autonomie laisse entendre que la dépendance serait un risque assurable de façon globale, alors que la perte d'autonomie recouvre aujourd'hui des prestations diverses, allant des soins à l'aide humaine et à l'hébergement. L'instauration d'une cinquième branche, exclue par le rapport Libault de 2019, procéderait également à un nouveau découpage de la sécurité sociale, qui romprait encore davantage son unité et contribuerait donc à l'affaiblir.
En effet, la branche maladie verrait ses financements absorbés par la nouvelle branche pour ce qui concerne le volet des soins accordés aux personnes en perte d'autonomie. Enfin, sans engagement du Gouvernement sur un financement exclusivement public et solidaire de la nouvelle branche, on laisse ouverte la possibilité de voir ce risque en partie couvert par l'assurance privée.
Notre groupe a toujours défendu l'idée que la prise en charge de ce risque devait relever à titre principal de la branche maladie de la sécurité sociale, car les besoins en matière de dépendance résultent pour une bonne part des politiques menées en amont, dans les domaines de la santé, de la prévention et de la recherche médicale. Le droit à l'autonomie est le prolongement du droit à la santé.
Pour conclure, plutôt que de créer une nouvelle branche de la sécurité sociale, nous proposons de rendre opposable un droit à l'autonomie tout au long de la vie. C'est pourquoi nous prônons la création d'un service public de l'autonomie et de l'accompagnement dans le cadre de la branche maladie, service dont le financement serait entièrement public, au moyen de cotisations sociales et de la mise à contribution des revenus du capital.
Vous proposez de supprimer l'article 4, réécrit en commission spéciale, qui crée la cinquième branche et le cinquième risque. Avis défavorable.
L'amendement no 62, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements, nos 36, 46 et 28, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 36 et 46 sont identiques et font l'objet d'un sous-amendement no 75.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 36.
Tirant les conséquences de la création, en commission spéciale, d'une nouvelle branche de la sécurité sociale, il inscrit l'autonomie dans le premier article du code de la sécurité sociale, qui affirme l'idée selon laquelle la sécurité sociale est fondée sur le principe de la solidarité nationale. Il n'est que justice que l'autonomie intègre le champ de cet article.
La parole est à Mme Audrey Dufeu Schubert, pour soutenir l'amendement no 46.
C'est un amendement du groupe La République en marche.
Le premier chapitre du code de la sécurité sociale pose les principes qui organisent cette dernière. L'article L. 111-1 en particulier affirme le principe de solidarité nationale. Il précise, en son quatrième alinéa, les domaines de risque que couvrent ses prestations : maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, et famille. Contrairement à nos collègues Dharréville et Bruneel, nous estimons que la branche autonomie ne renvoie pas à un risque qu'il faut associer à la maladie.
Puisque nous avons créé une cinquième branche, il est important de modifier en conséquence le code de la sécurité sociale. Aussi, l'amendement propose d'intégrer les prestations de soutien à l'autonomie – et non de dépendance, j'insiste sur ces termes car ils n'ont rien d'anodin – aux protections offertes par la sécurité sociale. Cela exigera d'adapter la gestion de la sécurité sociale puisque le soutien à l'autonomie ne doit pas être uniquement une prestation monétaire, mais un ensemble de prestations. Cela fait écho au sous-amendement que défendra Mme Hammerer, qui complète notre proposition.
La parole est à Mme Véronique Hammerer, pour soutenir le sous-amendement no 75.
Je souhaite compléter l'alinéa 4 de l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale par les mots : « Les prestations de soutien à l'autonomie sont composées notamment de prestations de service, de prévention du besoin d'aide à l'autonomie, de coordination et de proximité territoriale. »
Ce sous-amendement vise à préciser, dans le code de la sécurité sociale, les prestations qui seront délivrées par la cinquième branche, ainsi que leur nature. En effet, ces prestations n'ont pas vocation à être uniquement monétaires. De plus, il semble essentiel de mentionner le rôle que doit jouer la branche dans le pilotage d'une politique d'aide à l'autonomie, qui ne pourra être efficiente qu'en assurant une coordination et une proximité territoriale.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 28.
Je me réjouis du dépôt des amendements précédents, qui sont certainement mieux rédigés que le mien. Celui-ci poursuit le même objectif : inscrire dans la définition de la sécurité sociale les prestations liées à la perte d'autonomie. C'est une préconisation du Haut Conseil de financement de la protection sociale et de M. Nicolas Polge, maître des requêtes au Conseil d'État.
Favorable bien sûr aux amendements nos 36 et 46, défavorable à l'amendement no 28, auquel je préfère les précédents. Quant au sous-amendement, la concertation à venir doit précisément porter sur le champ exact de la future branche, notamment sur la nature et le niveau des prestations qu'elle doit verser. Votre rédaction risque donc de se révéler trop restrictive et imprécise. Par ailleurs, les autres risques ne font pas l'objet de telles précisions à l'article concerné du code de la sécurité sociale. Je comprends parfaitement votre intention, mais je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j'y opposerai un avis défavorable.
Je retire mon sous-amendement, tout en trouvant nécessaire, en définissant cette branche, de ne pas perdre de vue le besoin de parler de prévention, de coordination, de proximité territoriale. Ces aspects m'apparaissent essentiels. J'espère que dans la loi relative au grand âge et à l'autonomie, ces thématiques feront l'objet de toute une politique. Il me semblait important de les mentionner dans le texte que nous examinons aujourd'hui. Je retire donc le sous-amendement, mais à regret.
Le sous-amendement no 75 est retiré.
L'amendement no 28 est retiré.
Les amendements identiques nos 36 et 46 sont adoptés.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 32 et 35.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 32.
L'objet du présent amendement est d'identifier les personnes susceptibles d'être couvertes par la nouvelle branche. En cohérence avec le caractère universel du risque autonomie, rattaché au régime général, il s'agirait de toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière.
Retravaillé, comme convenu, avec le groupe du MODEM après l'examen du texte en commission spéciale, l'amendement a été parfaitement présenté par mon collègue Isaac-Sibille.
Les amendements identiques nos 32 et 35, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.
L'amendement no 54 est retiré.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 38, 44, 71, 61, 55, 8 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 38, 44 et 71 sont identiques.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 38.
Il a été travaillé avec plusieurs collègues dont Mme Vidal, que je laisse le présenter.
Il complète et précise l'article 4 du projet de loi, tel qu'adopté en commission spéciale. En intégrant l'autonomie à l'article qui détermine les principes de la sécurité sociale, il l'inclut parmi les risques sociaux qu'elle couvre. Il précise que la sécurité sociale couvrira bien, comme le fait aujourd'hui la CNSA, les personnes âgées et handicapées au titre du soutien à l'autonomie, et permet d'intervenir à la fois en amont de l'apparition d'une perte d'autonomie et lorsque celle-ci est avérée. À terme, vu l'horizon d'une transition démographique de grande ampleur, la politique du grand âge, associée à ce risque et à cette nouvelle branche, pourra ainsi évoluer vers une approche plus préventive.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 71.
« La Nation affirme son attachement au caractère universel et solidaire de la prise en charge du soutien à l'autonomie, assurée par la sécurité sociale. » C'est ainsi qu'en 1945 ont été définies les quatre premières branches et il est bon de proclamer aujourd'hui, par un parallélisme des formes, le caractère universel de la cinquième branche.
Les amendements nos 61, 55, 8 et 9 peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour les soutenir.
Ces quatre amendements portent sur deux sujets.
Ils visent à supprimer l'expression « prise en charge de la perte d'autonomie », qui ne veut strictement rien dire. L'autonomie, c'est le droit de choisir : « prise en charge de la perte de l'autonomie » signifierait donc « prise en charge de la perte du droit de choisir »…
Nous proposons donc de remplacer ce terme par « soutien à l'autonomie » ou « aide à l'autonomie ». Je partage le point de vue de Mme Vidal et de M. le rapporteur, et je les remercie d'avoir entendu cet argument en commission.
Deux des quatre amendements, nos 8 et 61, précisent en outre les personnes qui peuvent être concernées par l'aide à l'autonomie : les bénéficiaires de l'aide personnalisée à l'autonomie – APA – et de la prestation de compensation du handicap – PCH. Ces deux prestations sont aujourd'hui servies aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap pour compenser leur incapacité à faire seules et les aider à préserver leur autonomie, mais ne sont actuellement pas incluses dans le périmètre de la cinquième branche. Les amendements proposent de les y intégrer de façon à les sortir du champ de l'aide sociale et à les financer à 100 % par la solidarité nationale. Les départements ne s'en porteront que mieux !
Je suis désolé, madame Dubié, mais je donne un avis défavorable aux amendements 61, 55, 8 et 9. Avis favorable aux trois autres.
Les amendements identiques nos 38, 44 et 71, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés. En conséquence les amendements nos 61, 55, 8 et 9 tombent, ainsi que le no 65.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 63.
C'est dommage, j'aimerais bien dire quelques mots de l'amendement no 65, qui vient de tomber. Il proposait d'inscrire dans la loi la nécessité de couvrir le risque de perte d'autonomie par un système public, collectif et solidaire – un sujet qui m'est cher. Nous sommes, je l'espère, tous conscients de l'ampleur des besoins en matière de dépendance. Disposer, pour y faire face, d'un service public efficace change complètement la donne et me semble représenter un impératif absolu. Certes, il faut de l'argent public, et nous espérons qu'il ne fera pas défaut ; mais plutôt que de déverser simplement de l'argent dans le grand marché de la « silver economy », il faut construire une réponse publique adaptée.
L'amendement no 63 soulève l'idée que j'ai défendue à la tribune et que mon collègue Alain Bruneel a également mentionnée à l'instant. Quel découpage de la sécurité sociale faut-il adopter ? Je ne sais pas comment vous allez vous en sortir, avec la création d'une cinquième branche. Certains frais étant déjà pris en charge, de quelle façon se combineront les différents niveaux de prestations ?
Vous ne nous dites rien de ce sujet, non plus d'ailleurs que du financement lui-même. Aujourd'hui, la branche maladie de la sécurité sociale est financée de manière paritaire par les employeurs et les salariés, mais comment la cinquième branche sera-t-elle financée ?
Ces questions sont importantes et mériteraient d'être débattues. De toute évidence, ce ne sera pas le cas ce soir : on en restera à la simple annonce publicitaire. Nous ne souhaitons pas nous prêter à ce jeu.
L'amendement no 65 était satisfait par les amendements précédents. Quant au no 63, il supprime les alinéas sur la cinquième branche. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous considérons quant à nous que le risque dépendance n'est pas soluble dans la branche maladie pour des raisons de contenu et de gouvernance. Avis défavorable.
L'amendement no 63, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 69 et 73.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 69.
La création de la nouvelle branche autonomie implique, à périmètre constant, une architecture comparable à celle des autres branches. Le présent amendement contribue à la construction de cette nouvelle branche, créée par la commission spéciale, en la dotant d'une tête, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Ce choix est logique, tout d'abord parce que cette caisse assure, depuis sa création en 2004, une variété de missions dans le champ de l'autonomie, au titre desquelles on peut citer le financement de la prévention et de l'accompagnement de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, à domicile et en établissement, ainsi que la veille, pour une répartition équitable sur le territoire national, de l'effort en faveur de l'autonomie.
Ce faisant, nous réaffirmons aussi que l'autonomie est un champ à part et que la branche qui en assure la gestion est indépendante des autres branches. Il est donc naturel que cette branche ait une caisse dédiée.
L'amendement ne préempte pas pour autant la concertation avec les partenaires sociaux sur le contenu de la branche elle-même, ni le rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement au mois de septembre, en amont de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous aurons alors l'occasion, chers collègues, de débattre en profondeur du périmètre et des circuits de recettes et de dépenses : bref, des traits que nous voudrons donner à la cinquième branche de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Audrey Dufeu Schubert, pour soutenir l'amendement no 73.
Il est identique. Il modifie le code de l'action sociale et des familles pour élargir les missions de la CNSA et lui permettre de gérer la cinquième branche.
L'élargissement des missions de la CNSA est un point particulièrement important. La modification du code de l'action sociale et des familles aura lieu un peu avant la remise au Parlement, à la mi-septembre, du rapport du Gouvernement. De ce point de vue, j'aimerais insister sur la nécessité, pour les auteurs de ce futur rapport, de prendre connaissance des débats de l'Assemblée nationale et particulièrement de ce qui a été dit sur le sous-amendement no 75 de Mme Hammerer. La gestion de la CNSA sera différente de celle des branches actuelles. Elle devra notamment s'appuyer sur une coordination territoriale : il ne sera pas possible de gérer la branche autonomie autrement qu'en proximité. C'est une réelle innovation, que nous entendons préparer avec cet amendement.
Ce débat le montre, la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale soulève des questions importantes, que j'ai déjà mentionnées : le niveau des droits que nous voulons garantir, le financement de la cinquième branche, sa gestion.
S'agissant de la gestion de cette cinquième branche, vous nous dites, comme je le craignais, que la nouvelle branche sera à part. À rebours de l'unification affichée, le système que vous proposez conduira à l'éclatement des missions de la sécurité sociale. J'ai critiqué, dans le passé, les évolutions qui allaient dans le sens d'une étatisation de la gestion de la sécurité sociale. On le voit bien, la cinquième branche échappera à la gestion de la sécurité sociale par les acteurs sociaux telle qu'elle a été conçue à l'origine.
Étant donné son importance, ce sujet aurait mérité de faire l'objet d'une véritable discussion avec les partenaires sociaux, et non de l'une de ces prétendues concertations dont vous avez le secret. Malheureusement, la discussion n'a pas eu lieu et l'on nous présente aujourd'hui des textes importants – un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire, pas moins – qui n'ont pas été discutés avec les partenaires sociaux. Sérieusement, ce n'est pas possible. Les décisions que nous prenons sont suffisamment lourdes pour que des précautions soient prises. La précipitation est mauvaise conseillère. Je vous suggère donc d'organiser un véritable débat sur la création de la cinquième branche : de toute évidence, nous avons aujourd'hui un problème !
La CNSA est un établissement public créé par la loi du 30 juin 2004 et qui a vu ses compétences progressivement élargies depuis. En 2020, ses dépenses représenteront 27 milliards d'euros. Elle est à la fois une caisse chargée de répartir les moyens financiers et une agence d'appui technique.
Ses ressources sont significatives. Celles qui sont issues de l'assurance maladie, à travers l'ONDAM médico-social, atteignent 21,6 milliards. La CNSA dispose également de ressources propres issues de la journée de solidarité, à hauteur de 2,1 milliards, mais aussi de 2 milliards issus de la CSG et de 8 milliards de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie. À cela, il faut ajouter 6 millions provenant d'autres ressources. Précisons que 23 milliards sont distribués aux ARS pour qu'elles les redistribuent aux établissements médico-sociaux. Enfin, près de 4 milliards sont attribués aux départements, dont 195 millions pour les actions de prévention.
C'est donc un financement important, et si nous pouvons être d'accord avec le fait que la CNSA doit être la tête de la cinquième branche que nous créons du fait des compétences qui lui ont été confiées jusqu'à ce jour, il sera nécessaire, pour lui permettre d'assurer sa nouvelle fonction, d'aborder dans la loi l'évolution de sa gouvernance et de son architecture financière, aujourd'hui peu lisibles par nos concitoyens. Or ces derniers ont besoin d'être informés pour accepter leur participation chaque fois qu'on la sollicite.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Les amendements identiques nos 69 et 73 sont adoptés.
Il vise, à la première phrase de l'alinéa 8, à substituer aux mots « la prise en charge de la perte d'autonomie » les mots « l'aide à l'autonomie ». J'ai cru comprendre, cependant, lors de la discussion des précédents amendements, que le mot de « soutien » était préféré à celui d'« aide » à l'autonomie. Je n'y suis pas défavorable, du moment qu'on ne parle plus de « prise en charge de la perte d'autonomie ». Aide ou soutien, à votre convenance !
Nous n'avons pas encore modifié le titre du rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement. Je donne un avis favorable à votre amendement, même si nous serons probablement amenés à harmoniser les termes utilisés durant la navette parlementaire.
L'amendement no 10, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Fannette Charvier, pour soutenir l'amendement no 66 rectifié.
La création de ce nouveau risque et de cette nouvelle branche constitue une excellente occasion de rénover la prévention en matière d'autonomie et de dépendance, en intégrant par exemple les préconisations de l'atelier national « Prévention de la perte d'autonomie et bien vivre son avancée en âge », remises fin février 2019, et tout particulièrement celles qui concernent l'offre territoriale et la coordination des acteurs.
Il s'agit ici de s'assurer que le rapport du Gouvernement visant à préciser les modalités de mise en oeuvre d'un nouveau risque et d'une nouvelle branche aborde également la question de la prévention et son organisation.
Nous anticipons là, je le crains, des débats que nous aurons dans le cadre des projets de loi à venir, qu'il s'agisse du PLFSS ou du projet de loi sur l'autonomie, que nous attendons tous. Avis défavorable.
Le rapport que le Gouvernement remettra au Parlement en septembre traitera des conditions techniques de mise en place de la nouvelle branche de la sécurité sociale, ainsi que de son financement. Il n'abordera pas des questions de fond telles que la prévention. Ce sujet crucial a déjà fait l'objet de plusieurs rapports, dont ceux de Myriam El Khomri et de Dominique Libault, et sera au coeur des rapports parlementaires à venir dans le cadre des projets de loi ad hoc. Je vous invite donc à retirer votre amendement, madame Charvier : son intention est excellente, mais la prévention n'a pas sa place dans un rapport qui sera très spécifique et technique.
Non, je le maintiens. Pour être efficace, une politique de prévention doit être organisée, structurée et coordonnée, et bénéficier de financements pérennes. C'est bien là que le bât blesse : de manière générale, la France a des lacunes en matière de prévention. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le rapport « Prévention et promotion de la santé » de mars 2019 du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Ce rapport, qui ne porte pas spécifiquement sur la dépendance mais sur l'ensemble des politiques de prévention, indique notamment : « Il nous faut en effet aujourd'hui combler une lacune d'organisation [… ] et pallier les difficultés d'un certain nombre de réseaux institués ».
La création d'un cinquième risque au sein de l'assurance maladie constituait, selon moi, l'occasion de nous saisir collectivement de ce rapport pour repenser la politique de prévention et les financements qui lui sont alloués.
L'intervention de notre collègue Fannette Charvier est intéressante. La prévention de la perte d'autonomie revient, en réalité, à favoriser une bonne santé tout au long de la vie. C'est un état de complet bien-être que nous devons rechercher pour nos concitoyens si nous voulons favoriser l'autonomie.
Reste, monsieur le ministre, que rien ne nous garantit, dans les textes qui nous sont présentés, que le champ de la sécurité sociale va être élargi, d'autant moins que vous venez de préciser que la cinquième branche sera à part au sein de la sécurité sociale. Il y a d'ailleurs là un abus de langage : vous dites « au sein de la sécurité sociale » alors que le système sera désormais cloisonné ! Tout cela est fort problématique.
Enfin, monsieur le ministre, ce n'est pas à vous de définir le contenu du rapport qui vous est demandé par le Parlement, c'est à nous ! Je ne sais d'ailleurs pas si ce travail aura un réel intérêt – je le souhaite – ni s'il a déjà commencé à être rédigé. De notre côté, nous avons des propositions à faire pour que ce rapport soit constructif et nourrisse utilement la réflexion de notre assemblée.
L'amendement no 66 rectifié n'est pas adopté.
C'est le dernier des amendements que j'ai déposés. Il vise à compléter l'alinéa 8 par la phrase suivante : « Il examine les conditions d'une réforme de la tarification des établissements médico-sociaux visant à réduire le reste à charge. » Comme plusieurs collègues l'ont déjà souligné, la tarification des établissements médico-sociaux et des services est une préoccupation pour les familles, les résidents et les Français en général. Au moment de créer une cinquième branche, on ne peut pas ne pas aborder ce sujet.
Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées.
L'amendement no 11, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le groupe GDR propose par cet amendement que le Gouvernement ouvre le champ des possibles sur la question de la perte d'autonomie. Nous avons déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises pourquoi nous étions opposés à la création de cette cinquième branche de la sécurité sociale : insuffisance des financements publics, fragmentation de la branche assurance maladie, risque d'ouverture d'un marché privé… C'est pourquoi nous demandons ici que le rapport gouvernemental sur le cinquième risque et la cinquième branche s'attache également à évaluer la pertinence des mesures alternatives, notamment la création d'un service public de l'autonomie et de l'accompagnement dans le cadre de la branche maladie.
Nous avons manifestement un désaccord sur ce point. Pour notre part, nous prônons la création de cette cinquième branche et l'avis est défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
Je peux à la limite comprendre pourquoi vous n'êtes pas d'accord, monsieur le rapporteur, mais nos collègues GDR vous demandent de compléter le rapport justement pour éclairer les différentes positions ! Nous sommes tout de même ici pour débattre !
Les rapports gouvernementaux peuvent parfois servir à gérer les désaccords entre le Gouvernement et un groupe parlementaire. C'est exactement ce qui est demandé ici, et sur un sujet de cette importance, on ne peut être en désaccord ! Lisez bien cet amendement, mes chers collègues : ce n'est pas parce que le ministre et le rapporteur sont en désaccord idéologique qu'on ne peut demander un rapport pour savoir justement quelles sont les meilleures idées. Votez cette demande de complément du rapport, non pas parce que c'est eux ou parce que c'est nous, mais parce qu'elle permettra de mieux travailler la question.
Pour souligner à mon tour qu'un rapport du Gouvernement n'est pas fait pour éclairer seulement le Gouvernement ou même la majorité, mais toute notre assemblée. Le sujet est vaste et nous vous proposons de ne pas s'y atteler avec des oeillères mais de regarder l'ensemble de ce qui peut être utilement fait pour relever le défi de l'autonomie. La rédaction actuelle de cet alinéa constitue une forme d'entonnoir et nous proposons de le renverser pour voir les choses sous un angle plus vaste. Vous vous honoreriez, monsieur le ministre, à remettre au Parlement un rapport qui ne soit pas ficelé d'avance et qui au contraire permettrait d'avoir un vrai débat.
L'amendement no 64 n'est pas adopté.
L'article 4 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conditions de création d'un nouveau risque, d'une nouvelle branche de sécurité sociale relative à l'aide à l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Le Gouvernement a émis l'intention d'y associer les financeurs de la prise en charge de la perte d'autonomie, ce que le groupe La République en marche ne peut que saluer, d'autant que les conditions de création de cette branche préfigureront les choix et les décisions à venir dans le cadre de la future réforme sur le grand âge et la perte d'autonomie.
La création de cette nouvelle branche doit aussi recevoir l'adhésion des publics concernés. Les associations représentant les personnes en situation de handicap et leurs proches pourraient à cet égard enrichir les débats. Je pense également qu'il faudrait associer à la concertation les associations représentant les retraités ou les grands-parents ainsi que les organisations syndicales de retraités car ce sont des acteurs incontournables qui doivent être engagés dans la réflexion sur la politique du grand âge. Je tiens à préciser que les seniors sont concernés par les mesures de maintien de l'autonomie non seulement en vue de leurs vieux jours mais aussi parce que nombre d'entre eux sont aidants de leurs parents très âgés.
Il apparaît donc à notre groupe primordial d'associer les publics concernés. C'est ce que cet amendement propose de préciser.
Notre collègue a eu tout à fait raison de déposer cet amendement. Je trouve assez étrange que les conseils départementaux n'aient pas été évoqués dans notre débat – je note d'ailleurs qu'elle les cite dans son exposé sommaire. J'aimerais que vous nous expliquiez, monsieur le ministre, la position du Gouvernement sur la place des conseils départementaux dans le futur dispositif au regard de la recentralisation ou non de l'allocation personnalisée d'autonomie, voire de la prestation de compensation du handicap.
Avec plaisir, mais pas tout de suite !
Vu l'importance du sujet, je voterai pour cette extension du champ du rapport, mais sincèrement, sur le plan des principes, j'aurais voulu voter contre. Dès que les demandes portant sur un rapport viennent de l'opposition, l'avis est défavorable, dès qu'elles viennent de la majorité, l'avis est favorable. Franchement, pensez-vous vraiment qu'on est abruti au point de ne pas le remarquer ? C'est à chaque fois la même chose !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Quand c'est l'opposition qui demande, vous en avez marre des rapports, vous trouvez qu'il y en a trop, vous ne donnez que des avis défavorables, comme à l'instant au groupe communiste, et la seconde d'après, vous donnez un avis favorable à la demande de la majorité ! C'est tout de même flagrant ! C'est totalement inadmissible !
Avis défavorable pour l'opposition, avis favorable pour la majorité ! On verra sur toute la législature que j'aurai eu raison !
Madame Fiat, je ne peux pas vous laisser dire cela. Tout d'abord, cet amendement n'est pas une demande de rapport. Si vous le lisez, vous verrez qu'il propose d'associer notamment les associations des représentants des usagers au débat sur la branche autonomie. Et vous êtes en train de dire que vous allez voter contre cet amendement…
… alors qu'il va permettre de renforcer la représentation des personnes âgées, qui pose problème aujourd'hui. On a bien entendu lors des débats sur la post crise covid qu'il y avait besoin de donner plus de place à leur parole. Ce serait vraiment dommage de ne pas le voter. Je vous invite à revoir votre position.
J'ai dit que c'est trop important pour voter contre ! Je vous invite à écouter !
L'amendement no 45 est adopté.
L'article 4, amendé, est adopté.
Je suis saisi de trois amendements, nos 39, 41 et 47, portant article additionnel après l'article 4. Ils peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour les soutenir.
Ces trois amendements ont été déposés par Valérie Rabault et formulent des demandes de rapport.
L'amendement no 39 propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les opportunités pour la CADES de contracter des emprunts libellés en dollar américain. Pourquoi le fait-elle ? En 1998, 90 % de ses émissions ont été réalisées en dollars.
L'amendement no 41 demande un rapport expliquant les raisons pour lesquelles le montant du versement annuel réalisé par le fonds de réserve pour les retraites au profit de la CADES sera ramené de 2,1 à 1,45 milliard d'euros à compter de 2025.
L'amendement no 47 demande un rapport précisant les impacts financiers résultant des méthodologies de comptabilité différentes du montant versé en application du II de l'article 3.
Nous avons déjà débattu de ces articles en commission spéciale, et ici ce soir. L'avis est défavorable.
Désolée, mais nous n'avions pas déposé ces amendements en commission spéciale !
S'agissant de l'amendement no 39, je précise, madame la députée, que la CADES émet déjà en dollars américains, comme en dollars australiens et bien d'autres devises.
On veut savoir pourquoi autant d'emprunts en dollars, par exemple en 1998 !
Mais pourquoi seulement les dollars américains ? Il faudrait ajouter toutes les autres devises ! La CADES est née pour agir en devises. Mme Rabault le sait d'autant mieux qu'elle en a présidé le conseil de surveillance et a eu de ce fait connaissance de tous les documents sur ce point, la CADES répondant à toutes ses questions. Demande de retrait et avis défavorable sur les deux autres amendements.
La question soulevée par l'amendement no 39 est tout de même intéressante : pourquoi en effet émettre de la dette en devises alors que ce n'est pas forcément le cas pour l'Agence France Trésor ? Je précise que quand la CADES émet en devises, elle se couvre obligatoirement sur le risque de change. Par conséquent, ce ne peut être qu'une opportunité en termes de coût de refinancement et en aucun cas une perte pour la caisse.
En tant que représentant au conseil de surveillance du fonds de réserve des retraites, je ne peux qu'attester que ce que dit le ministre est exact : …
Ce n'est pas souvent que vous dites cela !
Sourires.
J'essaye d'être équitable ! Bref, il y a déjà des actions et des obligations libellées en devises. Je pense donc que l'amendement no 39 n'apporterait pas grand-chose. J'ajoute que les placements du FRR – 17 milliards de mémoire, soit 22 milliards ou 23 milliards soulte comprise – sont très diversifiés, avec des actions et des obligations dans de nombreuses devises étrangères, plus particulièrement en dollars évidemment.
Les amendements nos 39, 41 et 47, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Le groupe Libertés et territoires accorde au Gouvernement qu'il a la volonté de créer cette cinquième branche. Cela étant, le texte que vous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, ne peut pas s'appeler ainsi puisqu'il ne la crée pas, vous l'avez reconnu vous-même. Il n'y est traité ni de l'organisation, ni de la gouvernance, ni de ce qui sera amélioré dans le quotidien des gens en termes de prise en charge et de reste à payer.
Peut-être cela figurera-t-il dans un autre texte… Mais il aurait fallu présenter un texte global, à la fois sur le grand âge et l'autonomie et sur l'architecture qui en découle, pour prétendre créer aujourd'hui une cinquième branche. Faute de cela, notre groupe s'abstiendra majoritairement parce qu'il nous est demandé de voter les prémices d'un dispositif sans savoir ce qu'il y aura dedans.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
On nous a accusés, lorsque nous, députés La France insoumise, avons souligné que ce projet de loi était une coquille vide, de jouer sur les mots. Puis on a démontré que ce n'était pas une coquille vide puisque le ministre annonçait 1 milliard d'euros dans le prochain PLFSS – somme dont je rappelle qu'elle est insuffisante. Ben voilà ! Le présent texte est bien une coquille vide si c'est le PLFSS qui contient ce fameux milliard, qui sort d'on ne sait où.
Cela restera d'ailleurs la grande question de la soirée : d'où vient le milliard ? Peut-être s'agira-t-il d'un don du président Macron, qui sait ?
Je ne sais pas qui a prononcé cette phrase, mais j'espère bien qu'elle figurera au compte rendu. Méfiez-vous.
Non. On peut s'amuser dans cet hémicycle, mais je commence à en avoir vraiment assez des menaces et des injures. Vraiment.
Je ne l'ai pas injurié, j'ai dit qu'il était un des rares à pouvoir payer !
Poursuivez, madame Fiat : c'est votre temps de parole qui est décompté.
Ce n'est pas grave, je préfère régler mes comptes pendant la minute qui me reste que de parler dans le vide. Cela fait trois ans que la majorité montre tout son mépris à notre égard et que je ne dis rien. Maintenant, je réglerai mes comptes en direct. Cela ne me pose aucun problème, et encore moins si c'est au micro et sur mon temps de parole. Que les choses soient claires : si certains ici souhaitent s'exprimer, qu'ils prennent la parole pour le faire !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Ayez le courage de vous exprimer au micro, plutôt que de faire les malins pendant les interventions des autres ! La personne qui vient d'accuser M. Mélenchon devrait assumer ses propos.
Mêmes mouvements.
Vous n'apprenez jamais de vos erreurs ! Le texte présenté est totalement vide. C'est pourquoi je voterai contre.
Le groupe Écologie démocratie solidarité est opposé au transfert à la CADES de 105 milliards d'euros supplémentaires, qui devraient selon nous être supportés par l'État, qu'il s'agisse de la dette liée à l'épidémie de covid-19 ou de la dette des hôpitaux.
Nous sommes cependant satisfaits de la création de la cinquième branche, même si nous regrettons qu'elle ne soit pas le fruit de la démocratie sociale et refusons qu'elle soit financée sans concertation, par des cotisations peu contributives. Nous estimons qu'il faut dès aujourd'hui trouver des contributions nouvelles, notamment en faisant participer le capital : nous ne nous en sortirons pas autrement, car si nous sommes égaux face au risque de la dépendance, nous ne le sommes pas face au risque du reste à charge, qui touche surtout les foyers les plus précaires.
La majorité des membres du groupe EDS voteront donc contre ce projet de loi. Les autres s'abstiendront.
Le groupe Agir ensemble votera en faveur de ce texte. Nous avons tous conscience d'avoir franchi un pas : un petit pas, certes, mais qui est important, car pour remplir une coquille, encore faut-il qu'elle existe. Tel est précisément ce que nous venons de faire : nous avons créé la coquille.
Le grand pas sera franchi lorsque cette coquille sera remplie. Nous le ferons grâce à la loi grand âge et autonomie, qui finira bien par arriver : grâce au rapport qui sera remis à la mi-septembre, nous disposerons enfin, je l'espère, de toute la panoplie nécessaire pour voter cette loi. Nous serons alors tous satisfaits d'avoir participé aujourd'hui à la création de la cinquième branche de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le groupe GDR a fermement critiqué la décision consistant à faire peser sur le dos de la sécurité sociale une dette importante qui résulte de la crise. Nous considérons qu'elle l'entravera dans sa mission, laquelle consiste à faire face, à l'avenir, à une crise qui va se poursuivre, voire s'approfondir, et à répondre à des besoins croissants.
Chacun connaît le rôle joué par le trou de la sécurité sociale pour nourrir toute une série d'argumentations libérales et de mesures d'austérité visant à réduire les droits, et pour justifier une multitude d'offensives menées pour affaiblir la sécurité sociale dans sa capacité d'action.
Nous sommes confrontés à un texte contradictoire. Pour ne pas trop prêter le flanc à la critique, vous vous hâtez d'y adjoindre une opération publicitaire en annonçant une extension du champ de la sécurité sociale dont la réalité n'a pas été démontrée. Cette extension mériterait bien plus d'investigations que celles qui ont été portées à notre connaissance jusqu'à présent, ainsi que des discussions bien plus approfondies et une véritable construction collective. L'histoire de la sécurité sociale est celle d'un grand mouvement d'appropriation et de construction commune. Les débats de ce jour ne s'inscrivent absolument pas dans ce registre : ils visent simplement à valider une décision gouvernementale, soutenue par la majorité, qui n'a pas été discutée ni étayée comme elle l'aurait dû l'être.
Cela fait dix ans qu'on en parle !
Si vous souhaitez vous exprimer, monsieur le ministre, ne vous inquiétez pas : vous aurez la parole.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Je lisais à l'instant la lettre qui vous a été adressée par des organisations syndicales de retraités, qui demandent une discussion sur ce sujet. Voilà une nouvelle démonstration que ce travail, pourtant important, n'a pas été fourni. Je regrette que nous prenions de telles décisions dans ces conditions.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La sécurité sociale a été et reste, au côté de l'État, en première ligne pour accompagner les Français touchés de plein de fouet par la crise que nous traversons. Je pense avant tout à la mobilisation générale des professionnels du soin et de l'accompagnement, que je souhaite remercier en notre nom à tous.
Il faut des moyens financiers pour faire face à une telle crise sanitaire, mais la diminution des recettes et l'augmentation des dépenses conduisent mécaniquement à un creusement du déficit des comptes sociaux, et donc à une aggravation de la dette. Ainsi, dans le respect du principe d'équilibre de la sécurité sociale, le transfert d'une dette supplémentaire à la CADES est selon nous nécessaire et correspond aux décisions que nous prenons ce soir.
Surtout, la crise sanitaire a mis en exergue une question identifiée de longue date, qui constitue une priorité absolue : celle des moyens dévolus aux politiques du grand âge et de l'autonomie, incluant les personnes en situation de handicap. La création d'une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à l'autonomie constitue à cet égard une avancée historique, n'en déplaise aux oppositions qui ont formulé leurs critiques ce soir. Je ne crois pas, chers collègues, qu'en 1945 tout était écrit non plus.
Il reste beaucoup à faire. D'ici à l'automne budgétaire, la majorité sera donc très fermement impliquée dans la construction de la branche spécifique à la dépendance, afin de s'assurer qu'elle permette une prise en charge globale de ce risque, dont le volet de prévention évoqué par Fannette Charvier ne sera pas oublié. Nous serons également très attentifs aux conditions de financement de la branche. Les moyens qui y seront consacrés devront être à la hauteur des enjeux, et ce dès 2021. Je salue donc l'annonce du ministre, selon laquelle 1 milliard d'euros sera dédié dès l'année prochaine à cette politique essentielle.
Le groupe de La République en marche votera donc en faveur de ce texte avec engagement et exigence, …
… tant les enjeux pour les aînés en perte d'autonomie, pour les personnes en situation de handicap et pour les personnels qui les accompagnent à domicile et en établissement sont essentiels.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Est-ce la joie de nous retrouver ce soir ? Il me semble que voter 136 milliards d'euros en l'espace de huit heures est une belle performance !
Mme Caroline Fiat applaudit.
Le transfert de cette somme à la CADES ne pose pas de problème majeur, la dette sociale liée à l'épidémie de covid-19 étant devant nous. Quelques questions demeurent toutefois.
La première concerne la non-affectation de certaines ressources et recettes à la CADES : cette situation pose problème, dès lors que ces recettes sont nécessaires et correspondent à une exigence constitutionnelle. En outre, vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre, concernant le plan d'amortissement des 136 milliards dans les dix ans à venir, alors même qu'il y aura 30 milliards en moins du fait de la réduction des recettes de CSG et du fonds de réserve pour les retraites. On verra à l'usage ce qu'il adviendra.
Je conteste par ailleurs le transfert des 13 milliards d'euros de dette des hôpitaux publics à la CADES, parce qu'il constitue un abandon de l'État. J'ai d'ailleurs retrouvé la déclaration du ministre de l'économie et des finances, Bruno le Maire, qui s'était dit, le 17 novembre dernier, ouvert à une reprise de la dette des hôpitaux par l'État. Nous constatons aujourd'hui qu'il y avait là une forme de mensonge.
Nous ne sommes évidemment pas opposés à la création d'une cinquième branche. Nous nous interrogeons toutefois sur son fonctionnement. Quelques amendements ont été adoptés et le ministre a annoncé qu'un milliard d'euros serait mis sur la table. On peut donc s'interroger sur la nécessité de voter une loi grand âge et autonomie, puisque tout semble déjà réglé dans le présent projet de loi et le texte organique.
Je ne vois toujours pas, par ailleurs, d'où proviendra le financement de cette cinquième branche : il faudra m'expliquer ! Enfin, ma dernière remarque sera pour exprimer notre inquiétude sur le déficit majeur qu'accusera cet automne le prochain PLFSS.
Le groupe Les Républicains s'abstiendra sur ce projet de loi, comme il l'avait fait pour le projet de loi organique.
Ce soir, nous avons fait plusieurs choses. Nous avons d'abord répondu à l'urgence : nous n'avons pas dépensé 136 milliards d'euros, nous avons trouvé une solution pour gérer la dette de 136 milliards causée par la crise.
Ensuite, même s'il faut rester modeste sur ce point, nous avons lancé une dynamique : nous avons posé le principe de la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Nous pourrons, par ce biais, réconcilier ces deux dépendances. Après cette première pierre, la deuxième pierre sera posée au moment de l'examen du PLFSS, et la troisième le sera certainement par l'intermédiaire d'une loi spécifique.
L'enjeu n'est pas uniquement financier. Merci au ministre d'avoir apporté ce soir 1 milliard pour commencer à financer la prise en charge de la perte d'autonomie, mais de nombreux chantiers restent devant nous pour définir l'organisation de la branche. Des amendements intéressants ont été adoptés concernant la CNSA, la gouvernance ou encore le rôle des départements concernant l'organisation, le logement, le domicile et les métiers. De multiples chantiers restent ouverts, même si nous avons posé la première pierre.
Le groupe MODEM estime donc qu'il faudra travailler et faire preuve d'imagination pour réussir cette cinquième branche de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Comme pour le projet de loi organique, et sans surprise, le groupe Socialistes et apparentés votera contre ce texte. En effet, comme cela a été dit tout au long de la soirée, les 136 milliards ne représentent pas une dette sociale, mais bien une dette liée à la crise sanitaire, une dette covid. En la transférant à la CADES, nous nous priverons de 18 milliards d'euros de recettes par an, ou plus précisément d'une bonne quinzaine de milliards, compte tenu des intérêts de la dette actuelle. Ces sommes auraient pu être utilisées dès 2024, et peut-être même avant, pour financer l'hôpital et la dépendance.
Cette dette sociale de 136 milliards sera donc financée exclusivement par des cotisations CSG et CRDS : alors qu'en 2011, le législateur de droite avait bien prévu, à titre dérogatoire, un financement issu des revenus du patrimoine et des produits de placement, rien de tel n'est prévu ici.
En outre, et nous en avons discuté tout à l'heure, la reprise de dette s'appliquera aussi aux établissements privés, qui peuvent distribuer des dividendes. J'espère donc, je le répète, que nous aurons la liste, établissement par établissement, des dettes qui seront reprises.
Il n'est pas ici un seul député qui n'approuve la création, enfin, de la cinquième branche, que je tiens pour ma part à saluer, mais elle n'est pas l'objet principal du texte. La preuve : elle ne figurait même pas dans le texte originel ! L'objet principal du texte, c'est de transférer 136 milliards d'euros à la CADES.
J'ai indiqué lors de la discussion générale que les députés du groupe UDI et indépendants s'abstiendraient sur ce texte. D'une part, nous souscrivons globalement à l'objectif du Gouvernement de transférer à la CADES les dettes issues de la crise sanitaire et de la crise économique et sociale qui frappent notre pays, même si l'on peut discuter de l'équilibre et de l'intégration d'une partie de la dette de l'hôpital – et ce n'est du reste pas la première fois que l'État utilise ce procédé. D'autre part cependant se pose la question de la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, et du même coup de l'utilité du débat parlementaire.
En effet, vous annoncez, monsieur le ministre, que le prochain PLFSS consacrera 1 milliard à la concrétisation de cette promesse de cinquième branche. J'aurais souhaité que vous alliez plus loin et que vous nous disiez par quel équilibre ce milliard d'euros sera obtenu. Malgré des interrogations lancinantes, je n'ai toujours pas la réponse à cette question : cela sera-t-il financé par de l'impôt, de la dette, de la dette reportée ? Vous ne nous avez pas répondu, vous contentant de dire que vous créiez la cinquième branche.
Je donne crédit à tous nos collègues qui ont déposé cet amendement du bien-fondé de leur démarche mais, je le répète, donnez corps à cette création et ne trompez pas les Français quant à ce que vous annoncez. Tant qu'il n'y aura pas de concrétisation dans le financement de ce milliard d'euros et, bien au-delà, de ce que sera demain la cinquième branche, il s'agira d'un effet d'annonce, qui n'a pas de réalité. C'est ce que nous dénonçons et c'est la raison pour laquelle le groupe UDI-I ne votera pas ce texte, mais s'abstiendra.
Mme Jeanine Dubié applaudit.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires.
La séance est levée.
La séance est levée, le mardi 16 juin 2020 à zéro heure trente-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra