Je ne débattrai pas de la gestion de la crise, même si tout n'a pas été parfait dans ce domaine, loin de là. Je songe à la communication du Gouvernement aux conseils qu'il a donnés à nos concitoyens – notamment en matière d'utilisation des masques. Mais nul ne pouvait anticiper la crise et il a fallu gérer avec les moyens du bord. Je regrette seulement le manque de réactivité face aux alertes lancées aux pouvoirs publics et au Gouvernement par les élus, qui témoignaient de ce qui se passait sur le territoire. Nous avons déjà pointé les défaillances de l'administration et des agences régionales de santé, les ARS.
Quel effet d'annonce que ce titre : projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ! On peut soit maintenir, soit abroger l'état d'urgence ; mais on ne peut pas inventer une troisième voie, par le biais d'un texte qui paraît éphémère, mais contient à l'évidence la possibilité de faire durer le provisoire.
Si le Conseil d'État n'était pas intervenu, vous auriez même codifié ce régime hybride. On sait pourtant qu'un régime de crise ne peut être dissocié de la crise qui l'a engendré – à moins que l'on aille vers une pérennisation.
Désireux de maintenir jusqu'en novembre des mesures exorbitantes du droit commun, vous faites le choix de vous passer du Parlement pendant une longue période. Ne l'avons-nous pourtant pas assez répété ? Celui-ci n'est pas une option dont on pourrait se dispenser, spécialement en temps de crise. Vous le savez mieux qu'un autre, monsieur le ministre, puisque vous avez siégé sur nos bancs. Vous ne pouvez pas nous demander de nous dessaisir continuellement de nos prérogatives.
Par l'article 2, vous souhaitez nous faire revenir sur une décision que nous avons votée ici même, il y a très peu de temps, au terme d'un débat long et complexe. Comment pourrions-nous nous satisfaire de siéger dans un Parlement qui abandonnerait ses droits à l'exécutif ?
Compte tenu des annonces du Président de la République visant à nous rassurer, nous aurions pu attendre au moins du Gouvernement qu'il diminue les atteintes aux libertés. Il n'en est rien. Les mesures qu'il propose relèvent de l'état d'urgence sanitaire. Seule la réquisition et la quarantaine n'y figurent pas. Elles restent applicables, conformément au régime de droit commun du code de la santé publique.
Nous sommes conscients que l'épidémie n'est pas derrière nous. Le retour progressif à la normale ne signifie pas que tout danger est écarté. Si le virus devenait de nouveau virulent, vous pourriez à nouveau compter sur le Parlement pour qu'il se réunisse, vous soutienne, vous aide et débatte des mesures à prendre. Mais à quoi tend réellement le texte ? Non à apaiser la peur liée par une éventuelle résurgence de l'épidémie et, le cas échéant, à protéger nos concitoyens, mais à permettre au Gouvernement, dans un tel contexte, de s'arroger des pouvoirs qui ne lui reviennent pas.
Deux des quatre articles du projet de loi, introduits en commission, concernent l'outre-mer : ils tendent à adapter le dispositif d'urgence sanitaire en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Cependant, l'article 3 ne répond que partiellement aux demandes de nos collègues calédoniens Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, car, s'il apporte un assouplissement nécessaire sur la question de la quarantaine, il ne résout pas le problème de l'articulation des compétences. Il aurait fallu effectuer au préalable un travail avec les autorités locales.
Nous avons donc déposé un amendement tendant à récrire l'article afin de leur laisser le pouvoir de prendre les dispositions nécessaires sur un sujet aussi important. Concernant la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, il conviendra de poursuivre la discussion au Sénat, mais nous comptons d'ores et déjà sur vous pour voter notre amendement.
Mon collègue Pascal Brindeau l'a indiqué en commission : à défaut d'un effort de votre part, nos collègues ultramarins s'abstiendront sur le texte. La majorité de notre groupe votera contre.