Les étudiants sont aujourd'hui 2,7 millions et près de 20 % d'entre eux vivaient déjà sous le seuil de pauvreté avant la crise sanitaire. En 2019, le taux de chômage des 18-25 ans avoisinait 19 %, soit près de 10 points de plus que pour le reste de la population. Concernés en priorité par les emplois précaires, comme les contrats à durée déterminée, les missions d'intérim ou les emplois dits ubérisés, les étudiants connaissaient déjà un quotidien difficile avant la crise, contraints de jongler entre leur volonté de réussite scolaire et leur survie financière. Selon les estimations de l'Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – , sur les 620 000 postes détruits durant le confinement en France, plus de la moitié étaient des contrats à durée déterminée et des contrats d'intérim, où les jeunes sont sur-représentés. Selon Eurostat, en 2019, 54 % des moins de 25 ans étaient en contrat temporaire, contre 13 % seulement des 25-49 ans.
Aujourd'hui, leur situation a empiré et bon nombre ont basculé dans la pauvreté. Ces jeunes font partie du public le plus touché par la crise économique et sociale que nous commençons de vivre et les politiques sociales peinent à les protéger. Il est donc, en effet, urgent d'y remédier.
Le groupe Écologie démocratie solidarité souhaite donner la priorité à cette jeunesse et est favorable à l'expérimentation d'un revenu étudiant. Les contours devront cependant en être discutés de manière précise avec l'ensemble des organisations étudiantes : l'Union nationale des étudiants de France – UNEF – , la Fédération des associations générales étudiantes – FAGE – et toutes celles qui sont représentatives. Nous pensons que ce dispositif devra tenir compte de la situation de chaque étudiant – de son lieu de résidence, notamment, le coût de la vie variant fortement d'une ville à l'autre – et qu'il faudra, pour son financement, se poser la question de l'avenir de la demi-part fiscale à laquelle les parents ont droit lorsque les étudiants restent attachés à leur foyer. Notre groupe votera donc dans sa majorité en faveur de cette résolution.
Mais il nous faudra aller plus loin : les étudiants ne sont pas les seuls jeunes à mériter un tel revenu. Nous ne devons pas oublier tous ceux qui ont un emploi ou qui en recherchent un et qui vont connaître la précarité. Jeunes pourvus d'une faible ou d'aucune qualification, jeunes diplômés, jeunes actifs, précaires… la liste des différents profils est longue et les jeunes ne sont pas les seuls concernés. Aussi est-il nécessaire de créer un filet de sécurité financier et humain pour ne laisser personne sur le bord de la route.
Aujourd'hui, les jeunes de moins de 25 ans n'ont pas accès au RSA. Nous pensons que cette discrimination n'a plus lieu d'être : il n'y a pas d'âge pour être pauvre. Il est donc temps d'y mettre fin en ouvrant ce droit dès l'âge de 18 ans pour faire face à la crise sociale à venir. La garantie jeunes, évoquée déjà à plusieurs reprises, accompagne 100 000 jeunes sans emploi, sans stage ni formation, mais elle n'est pas un droit. Elle est par ailleurs limitée dans le temps et ne concerne pas tous les profils de jeunes dans le besoin. C'est pourquoi notre groupe déposera des amendements dès le prochain projet de loi de finances rectificative pour étendre sa portée et allonger sa durée pour les bénéficiaires arrivant en fin de droits, amendements que nous vous proposons de cosigner, chers collègues.
Par ailleurs, outre le soutien à l'apprentissage et l'aide de 200 euros pour 800 000 jeunes précaires, nous attendons des mesures fortes de la part du Gouvernement concernant les 700 000 jeunes diplômés sur le point d'entrer sur le marché du travail. Comment décrocher un poste alors que le pays s'enfonce dans une récession annoncée comme l'une des plus brutales parmi les économies industrialisées, si l'on en croit l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques ?
Des contreparties très fortes d'embauche en faveur des jeunes devront être demandées aux entreprises aidées pendant la crise, ainsi qu'une éco-conditionnalité porteuse de sens, car les jeunes refuseront les solutions au rabais, bullshit jobs ou activités polluantes et menaçant le vivant, afin que le monde d'après le covid ne soit pas pire que celui d'avant. Pour beaucoup s'ajoute en effet à la souffrance sociale un malaise plus profond, lié à la recherche de sens. La pandémie a intensifié leurs inquiétudes face au désastre écologique, leur sensibilité face aux injustices, au racisme et aux inégalités.
Leur engagement en faveur des plus démunis, depuis le début de la crise, et les dernières manifestations sont révélateurs des changements de société qu'ils attendent et que nous devons accompagner et non dicter. On parle déjà de génération covid, de génération sacrifiée pour laquelle l'avenir rimerait avec désillusion, alors que ces jeunes entrent à peine dans leur vie d'adulte. Accompagnons-les pour reconstruire leurs projets sereinement, alors que beaucoup les ont vus voler en éclats depuis le début de la crise. N'attendons pas, chers collègues, le prochain drame pour agir : ce qui s'est passé à Lyon avec le jeune Anas ne doit plus jamais se reproduire. Faisons donc de l'avenir de nos jeunesses une absolue priorité.