Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du jeudi 18 juin 2020 à 15h00
Contribution des hauts revenus à l'effort de solidarité nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Cette proposition portée par notre collègue Jean-Claude Dufrègne, du groupe GDR, tend à instaurer une contribution exceptionnelle de celles et ceux qui vont plutôt bien, et même très bien, contribution que l'on pourrait appeler, en ces temps d'histoire difficile, effort de guerre. En effet, après cette sortie du confinement, le Gouvernement, les plus grands économistes et prévisionnistes et les plus grandes institutions s'accordent à dire que notre pays entre dans une forte récession, qui nécessitera un plan de relance que nous espérons puissant, en tout cas à la hauteur du plan de rebond économique, social et écologique que notre groupe propose. Se pose aussi la question de la dette colossale consécutive aux mesures d'urgence prises pour le soutien de notre économie et pour la sauvegarde de l'emploi et des compétences.

En complément de l'exposé qu'a fait le rapporteur de la situation de notre pays, l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, est particulièrement alarmiste quant à la dégradation des indicateurs. Il estime en effet que le PIB ne devrait retrouver son niveau actuel qu'à partir de mi-2022, après une chute de plus de 10 %, et que le taux de chômage risque de dépasser 11 % ; la consommation est prévue en baisse de plus de 9 %, l'investissement des entreprises baisserait de 23 % et le taux d'épargne pourrait s'établir à un niveau historique de 22 %, à hauteur de 100 milliards d'euros, ce qui en dit long sur la sérénité des Français.

Face à cette situation particulièrement dégradée et inquiétante, le Président de la République, lors de son dernier discours avant l'annonce de son plan de relance, a tracé le chemin : l'effort de guerre sera financé par la dette. Loin de lui la pensée de faire supporter cette dette aux générations futures : c'est la croissance à venir qui nous donnera la capacité de rembourser cette dette, nous dit-il. Le chemin est tracé : il faudra produire plus et, surtout, ne pas alourdir l'impôt, en particulier l'impôt de production. Bref, ce sera une politique de l'offre néolibérale, axée sur la compétitivité. Ce chemin auquel nous invite le Président interroge quant à ses conséquences sociales et à son efficacité. Travailler plus à moindre coût ? « Travailler plus pour gagner moins » est une expression qui me semble déjà lui coller à la peau. Ce chantage à l'emploi, que l'on commence à observer dans bon nombre d'entreprises, est devenu insupportable.

Le remboursement de la dette sans passer par la contribution fiscale à hauteur des possibilités de chacun interroge aussi quant aux mesures qui seront instaurées. Y aura-t-il, notamment, un nouveau cap prévoyant des politiques d'austérité et, surtout, moins de service public ?

La proposition de notre collègue, qui vise à de meilleurs équilibres entre les politiques de l'offre et de la demande, nous semble raisonnable, juste et solidaire : il s'agit de demander une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus et les patrimoines très importants à celles et ceux qui vont au mieux pour nous donner tout simplement la capacité de redistribuer du pouvoir d'achat à celles et ceux qui en manquent, afin de relancer notre économie par la consommation, et donc provoquer de l'activité et, par voie de conséquence, de l'emploi.

Le groupe Socialistes et apparentés profitera aussi de ce temps de parole pour proposer, par amendements, d'enrichir ce texte de dispositions visant à donner à notre budget plus de recettes pour une redistribution plus juste. Nous proposerons ainsi le rétablissement de la tranche supérieure de la taxe sur les salaires, un prélèvement de 0,5 % sur les encours d'assurance-vie supérieurs à 100 000 euros et un plafonnement du quotient conjugal. Nos propositions, comme du reste celles de la proposition de loi de Jean-Paul Dufrègne, ne portent atteinte ni à la compétitivité ni à la consommation. Les contribuables visés sont très largement capables de supporter ces contributions supplémentaires. Nous voterons donc cette proposition de loi qui est synonyme d'équilibre des politiques économiques et de justice sociale.

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