Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Peut-être exprimerai-je un point de vue plus singulier que ceux exposés précédemment. Cela n'a rien d'un scoop : nous nous opposerons à ce texte instaurant des mesures de sûreté. Je comprends bien que, dans votre logique, il sert à combler un vide mais de notre point de vue, il sert à parachever une évolution à laquelle nous sommes opposés.

Déjà, lors de l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, je défendais, dans cet hémicycle, des amendements visant à supprimer les mesures de sûreté – en général, pas uniquement en matière d'actes terroristes. Nous avons une opposition de principe aux mesures de sûreté, car elles ajoutent aux peines prononcées d'autres mesures attentatoires aux libertés individuelles – c'est leur principe même.

L'objectif que nous devons viser est le suivant : prévenir la récidive dans le domaine particulier des infractions – délits et crimes – à caractère terroriste. Notons dès à présent le glissement sémantique opéré dans l'intitulé du projet de loi, suggérant qu'une telle prévention suppose nécessairement des mesures de surveillance. Comme si l'autre volet de la prévention, fait de mesures sociales et d'insertion, pouvait être zappé ! Comme si c'était peine perdue, une condamnation pour infraction terroriste valant condamnation à vie ! Voilà bien une perte de confiance dans l'humanité, qui amène à oublier qu'une personne, si elle a commis des actes terroristes, peut ne pas récidiver.

En l'espèce, nous ne devrions pas demeurer indifférents à l'étude scientifique, menée par des chercheurs belges et publiée récemment, démontrant que le degré de récidive, en matière terroriste, est très faible, et très inférieur à ce qu'il est dans d'autres matières criminelles. En tout état de cause, serions-nous désarmés en l'absence de mesures de sûreté ? Bien sûr que non ! Au demeurant, le Conseil d'État, dans son avis sur le texte, l'a rappelé, indiquant que nous disposons d'ores et déjà d'un panel si étendu de mesures de surveillance administrative que renoncer à des mesures de sûreté ne signifie pas que l'on perdra de vue tel individu dont on peut penser qu'il est dangereux.

En réalité, avec ce texte, on affirme une nouvelle fois un principe jadis introduit dans notre droit pénal : le principe de dangerosité, qui ne repose sur aucun fait. Car, s'il reposait sur des faits, il ne s'agirait pas de dangerosité, mais d'une qualification judiciaire emportant les éléments de procédure que nous connaissons tous – poursuites pénales, procès et condamnation ! Ce principe de dangerosité, en matière de terrorisme, repose pour l'essentiel sur des aspects ressortissant à la religiosité, de sorte que nous manquons l'objectif car cette religiosité représente, pour la plupart des terroristes passés à l'acte et condamnés, une motivation marginale et non primordiale, comme l'enseignent la criminologie et l'analyse des faits.

S'il s'agit de céder aux peurs, alors équipons tout un chacun d'un bracelet électronique et regardons chacun de travers ! Celui-ci a une barbe trop longue, celui-là porte une djellaba – que fait-il en djellaba ? Que pense-t-il vraiment ? Ne risque-t-il pas de passer à l'acte ? C'est sans fin ! Vous voyez bien, mes chers collègues, qu'il s'agit là d'une société où la suspicion ne connaît aucune borne !

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