Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, l'a dit : l'Europe doit cesser d'être naïve, d'être l'idiot utile de la mondialisation, pour reprendre une formule déjà employée par certains. Il faut protéger nos actifs industriels stratégiques. Le sujet n'est pas nouveau : depuis 2010, le nombre d'entreprises sous contrôle asiatique, essentiellement chinois, est passé de 5 000 à 28 000. Il s'agit souvent de participations de l'État ou de complexes militaro-industriels.
Toutefois, la crise du covid-19 donne à ce phénomène un relief particulier. Au moment où l'on s'inquiète pour Verallia à Cognac, pour Nokia à Lannion, le risque est grand de plans sociaux, de crises locales. À la perspective de drames humains se mêle la question de l'autonomie stratégique, pour ne pas dire de la souveraineté, de l'Union européenne et de notre pays.
Lorsqu'il est question d'actifs stratégiques, j'ai envie d'évoquer un vaste sujet qui a sa place dans le pacte vert pour l'Europe et, nous l'espérons, dans le plan de relance français : la lutte contre le gaspillage de l'eau. Il faut sécuriser les ressources d'une manière adaptée au changement climatique, mettre fin au gaspillage d'un litre sur cinq dans nos réseaux d'eau potable, assurer la sûreté des technologies de transport de l'eau utilisées dans l'industrie nucléaire et dans le secteur de l'énergie, veiller à l'alimentarité des matériaux. L'eau potable et les conducteurs d'eau potable constituent un enjeu stratégique pour demain. Or PAM Saint-Gobain, filiale du groupe Saint-Gobain, envisage aujourd'hui des alliances, entre autres capitalistiques, qui pourraient nous faire perdre notre souveraineté économique sur cette entreprise, laquelle représente 50 % du marché européen des canalisations d'eau, 80 % du marché français.
Comment pouvons-nous traduire l'appel de Thierry Breton en termes de réciprocité commerciale, de protection des actifs, de nouvelle gouvernance, de capacité à réformer le droit moindre, bref, nous armer pour que l'Europe soit une puissance et cesse d'abandonner ses actifs stratégiques ?