Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je voudrais revenir un instant sur ce point. Part-on d'une vision idéologique ou du réel pour le transformer ? Nous sommes d'accord sur l'objectif : nous souhaitons tous un dialogue social qui soit structuré, donc la présence d'organisations syndicales. Ce qui nous sépare, ce sont le point de départ, le point d'arrivée et les moyens de parvenir à ce dernier. Les organisations syndicales elles-mêmes en font le constat : leur taux de pénétration dans les entreprises de moins de cinquante salariés est de 4 %, malgré des décennies d'efforts. On ne peut quand même pas désigner des organisations syndicales par la loi ou par décret. Nous sommes dans un pays démocratique : si les salariés ne désignent pas de délégué syndical ou que personne n'est candidat, on ne va pas les obliger à le faire. Cela ne veut pas dire que nous nous satisfassions de la situation.

Nous considérons que, pour progresser, il faut d'abord que les salariés de tous les types d'entreprises aient le même droit à dire leur mot. Pour cela, il faut des formes de représentation qui leur permettent de s'exprimer davantage qu'aujourd'hui. Nous continuons à considérer que le délégué syndical est la meilleure forme de représentation des salariés. Et si le taux de syndicalisation passe de 4 à 10 ou à 20 %, nous nous en réjouirons tous. Mais comme cela ne se décrète pas, nous pensons qu'il est préférable, s'il n'y a pas de délégué syndical, que les salariés désignent un élu du personnel et qu'ils puissent recourir, dans des conditions encadrées, au référendum pour pouvoir conclure des accords à la majorité des deux tiers. On peut rêver d'un monde parfait mais le plus important est de transformer le réel.

Nous avons aussi prévu des dispositions pour renforcer cette culture du dialogue social et de la négociation qui, j'en suis sûre, porteront leurs fruits progressivement.

C'est le cas de la création d'observatoires départementaux tripartites – regroupant l'État et les partenaires sociaux – qui auront connaissance de tous les accords. Je rappelle que contre tout accord qui serait illégal, tous les recours seront possibles, comme d'habitude : nous ne sommes pas dans une zone de non-droit. Simplement, les organisations syndicales qui chercheraient à atteindre les salariés des 1,3 million de petites entreprises, pourront, dans le cadre de cette dynamique de négociation, contacter les élus et leur proposer d'adhérer à leurs structures. Cela se fera ainsi dans le respect du libre-arbitre des parties.

D'autre part, nous avons prévu, à la demande des partenaires sociaux, que soient affichés dans les entreprises, outre l'adresse de l'inspection du travail comme c'est le cas actuellement, les contacts des organisations syndicales du département. Cela facilitera l'accès des salariés et de leurs élus à ces organisations.

Enfin, j'ai confié à Jean-Dominique Simonpoli et à Gilles Gateau une mission relative au renforcement des élus. Ceux-ci ont notamment eu l'idée de créer des binômes regroupant direction des ressources humaines et syndicalistes, qui puissent aller aider les deux parties à développer cette culture de la négociation dans les petites entreprises.

Le changement passe par les acteurs et par les outils qu'on leur donne. Mais on ne peut pas décréter, à la place des salariés, qu'il n'y a pour eux qu'une forme possible de représentation, en dehors de laquelle ils ne pourront négocier. Si nous avons limité la mesure aux entreprises de moins de cinquante salariés, c'est que la présence syndicale y est extrêmement faible. Certains auraient souhaité aller au-delà car cette présence syndicale n'est pas non plus très importante dans les entreprises de cinquante à cent salariés – de mémoire, elle est de 27 %. Mais nous avons considéré que plus une entreprise était grande, plus la notion de corps intermédiaire était facile à intégrer alors qu'il était difficile, dans une entreprise d'une dizaine ou d'une vingtaine de salariés, d'imposer une seule forme de représentation si, encore une fois, elle n'était pas choisie par les salariés eux-mêmes. Nous essayons de réunir toutes les conditions pour favoriser la représentation syndicale. La solution que nous proposons est pragmatique et équilibrée : elle répond à l'objectif recherché par tous tout en tenant compte du réel et non pas simplement de principes idéologiques.

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