Mercredi 8 novembre 2017
La séance est ouverte à 9 heures 35.
(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente)
La commission des affaires sociales procède à l'examen des articles sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 237) (M. Laurent Pietraszewski, rapporteur)
Mes chers collègues, nous avons achevé hier après-midi la discussion générale sur le projet de loi de ratification des cinq ordonnances relatives au renforcement du dialogue social.
Avant d'aborder maintenant l'examen du texte et des amendements, je souhaite vous donner quelques indications sur son déroulement. Après avoir échangé longuement avec notre rapporteur, je vous propose, pour la clarté des débats, notamment pour éviter que nous abordions à divers endroits du texte des sujets de même nature, mais aussi pour ne pas vous imposer un vote en bloc des ordonnances, d'organiser notre discussion par ordonnance.
Le rapporteur présentera cinq amendements, vous permettant de voter à chaque fois, dans un article distinct, sur la ratification de chaque ordonnance.
Par ailleurs, il serait un peu curieux de vous proposer de voter le principe de la ratification de chaque ordonnance puis de vous demander, dans une sorte de droit au remords, si vous souhaitez modifier ladite ordonnance.
Pour chaque ordonnance, nous examinerons donc d'abord l'ensemble des amendements portant article additionnel visant à la modifier. Puis, vous vous prononcerez sur la proposition du rapporteur de nouvel article prévoyant sa ratification, en ayant ainsi connaissance des éventuelles modifications de cette ratification.
Nous allons donc commencer par les amendements portant sur les titres des ordonnances et sur l'ordonnance n° 2017-1385.
Je vous rappelle que l'examen de l'article unique est réservé jusqu'à la fin des amendements portant article additionnel concernant cette ordonnance.
Après l'article unique
La commission est saisie des deux amendements identiques AS27 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS71 de M. Boris Vallaud.
Cette ordonnance établit la règle de primauté de l'accord d'entreprise et réorganise la négociation des accords. La nouvelle architecture du code du travail en trois parties nous convient. Nous ne pensons pas que les accords d'entreprise induiront nécessairement une dégradation de la situation des salariés, nous faisons confiance aux partenaires sociaux. Donner plus de place à la négociation collective est un projet ancien, qui prospère de loi en loi, mais nous regrettons que vous n'attendiez pas les résultats de l'expérimentation prévue dans la loi El Khomri avant de procéder à la généralisation de cette nouvelle architecture.
Le conflit dans le secteur des transports routiers a montré qu'une période d'expérimentation pouvait être profitable. Les partenaires sociaux ont signé un protocole d'accord intégrant dans les salaires minimas hiérarchiques relevant de la primauté des accords de branche une série d'éléments de rémunération, et ce pour éviter que des entreprises dérogent à ces primes, comme le permet désormais l'ordonnance que nous examinons. C'est pourquoi nous vous proposons de laisser l'expérimentation votée par notre assemblée aller à son terme avant de légiférer de nouveau.
L'article 1er de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 opère une inversion de la hiérarchie des normes. Il modifie la définition des accords collectifs de branche dans le code du travail en empêchant les partenaires sociaux de choisir des sujets autres que ceux définis par la loi, sur lesquels ces accords priment sur les accords d'entreprise.
Désormais, pour tous les sujets qui ne sont pas mentionnés explicitement dans le code du travail, l'accord d'entreprise primera sur l'accord de branche, même lorsqu'il est moins favorable aux salariés. Cela concerne des sujets comme les primes salariales, le niveau de prise en charge des arrêts maladie en plus des minima légaux, les congés exceptionnels pour événement familial, pour enfants malades ou maternité en plus des minima légaux.
Désormais, le code du travail autorise les entreprises d'un même secteur à s'engager dans une course au moins disant social, au dumping au sein d'une branche. Dans de nombreux secteurs, les salariés risquent de voir leurs salaires baisser, via notamment la suppression ou la baisse des primes. Nous considérons que la concurrence généralisée ouverte entre les salariés par cette inversion de la hiérarchie des normes est néfaste aux salariés comme à l'économie française. Nous proposons donc de rétablir la hiérarchie des normes entre les accords de branche et les accords d'entreprise telle qu'elle était définie par le code du travail avant la publication de l'ordonnance du 22 septembre.
Avis défavorable. Nous avons avec M. Quatennens une opposition de fond sur les relations du travail : nous, nous plaçons la confiance au coeur du dialogue social. Nous ne partons pas du principe qu'il existerait un rapport de force dans l'entreprise, car nous pensons, au contraire, qu'il est possible de co-construire. Le niveau de proximité le plus adapté pour fixer de nombreuses règles est celui de l'entreprise : c'est le principe de subsidiarité. Mais l'ordonnance renforce aussi le rôle de la branche, et ce même grandement puisque treize domaines s'y trouvent maintenant.
Mme la ministre a répondu hier à certaines inquiétudes exprimées à l'instant par M. Vallaud. Sans prétendre qu'il existerait un parfait consensus entre nous, lui et moi souhaitons que les partenaires sociaux occupent les territoires de dialogue ouverts par ces ordonnances.
La commission rejette ces amendements.
La commission examine ensuite l'amendement AS225 du rapporteur.
Il n'y a pas de doute quant au fait que les conventions d'entreprise couvrent aussi les accords de groupe, car l'article L. 2232-33 du code du travail, qui n'a pas été modifié par les ordonnances, prévoit bien que « l'ensemble des négociations prévues par le présent code au niveau des entreprises peuvent être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions ». Néanmoins, dès lors que l'ordonnance se propose de donner une définition claire de la convention de branche et de la convention d'entreprise, il me semble utile que cette dernière précise bien qu'elle couvre aussi les accords de groupe.
C'est une précision bienvenue. Les partenaires sociaux peuvent tout à fait décider que, sur certains sujets, le groupe soit le bon niveau pour négocier les normes internes.
La commission adopte cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS41 de M. Pierre Dharréville.
L'article 1er de l'ordonnance relative à la négociation collective prévoit de généraliser l'inversion de la hiérarchie des normes. La primauté de l'accord d'entreprise devient la règle et l'accord de branche conserve par exception treize domaines.
Ces dispositions ne renforcent aucunement le rôle de la branche, comme cela a pu être dit, et, lorsque la branche se voit élargir des champs de compétences, c'est au détriment de la loi d'ordre public. Pourtant, un amendement de notre groupe adopté au moment de la loi d'habilitation imposait que la nouvelle articulation des normes se fasse « dans le respect des dispositions d'ordre public ».
L'article remet donc en cause l'ensemble de l'édifice conventionnel construit depuis de nombreuses années, avec pour premier objectif d'abaisser le coût du travail. C'est le recul de la loi commune pour tous au profit du tout négociable, avec un droit du travail différent d'une entreprise à l'autre, ouvrant la voie au dumping social.
Pour ces raisons, nous demandons l'abrogation de ces dispositions et le rétablissement d'une véritable hiérarchie des normes, en vertu de laquelle une norme de niveau inférieur ne peut déroger à une norme supérieure.
Cet amendement repose sur l'idée, fausse à mon sens, que l'ordonnance procède à l'inversion de la hiérarchie des normes. Lors des auditions, les juristes et enseignants – pour laisser à chacun son appréciation en ne parlant pas d'experts, même si la compétence est là – ont souligné qu'il n'y avait pas de telle inversion. J'ai repris quelques-uns de leurs arguments juridiques. Les accords collectifs continuent d'être soumis aux dispositions légales, et le principe de faveur reste clairement applicable. L'article L. 2251-1 qui l'énonce n'est pas modifié. C'est d'ailleurs pourquoi il ne nous a nullement semblé problématique, au stade de l'habilitation, d'adopter votre amendement qui rappelait que la nouvelle architecture conventionnelle devait se faire dans le respect des règles d'ordre public.
Il n'y a pas d'inversion de la hiérarchie des normes mais l'instauration d'une nouvelle architecture conventionnelle. Autrement dit, on ne modifie pas la loi mais l'ordre de priorité des normes conventionnelles, c'est-à-dire la manière dont s'appliquent les accords collectifs, en prévoyant que, par défaut, c'est l'accord d'entreprise qui prime, sauf pour des questions pour lesquelles il est plus pertinent et plus logique que ce soient les branches qui se saisissent.
Vous avez le droit de dire que vous êtes contre cette primauté de l'accord d'entreprise, et nous avons là un désaccord, mais, juridiquement, il n'y a pas d'inversion de la hiérarchie des normes.
La commission rejette cet amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS180 de M. Jean-Hugues Ratenon.
L'article 1er de l'ordonnance opère bien une inversion de la hiérarchie des normes, monsieur le rapporteur. Vous modifiez la définition des accords collectifs de branche dans le code du travail en ne donnant compétence aux branches que sur les sujets définis par la loi sur lesquels ils priment sur les accords d'entreprise. Désormais, pour tous les sujets qui ne sont pas mentionnés explicitement dans le code du travail, les accords d'entreprise primeront sur les accords de branche, même lorsqu'ils sont moins favorables aux salariés. Cela concerne des sujets comme les primes, le niveau de prise en charge des arrêts maladie en plus des minima légaux, les congés exceptionnels pour événement familial, pour enfants malades ou maternité en plus des minima légaux.
Le code du travail autorise ainsi les entreprises d'un même secteur à s'engager dans une course au moins disant social sur l'ensemble de ces sujets. Dans de nombreux secteurs, les salariés risquent une baisse de salaire, via notamment la suppression ou la baisse des primes. Nous considérons que la concurrence généralisée ouverte entre les salariés par l'inversion de la hiérarchie des normes est néfaste aux salariés et à l'économie française. Nous proposons donc de rétablir la hiérarchie des normes entre accords de branche et accords d'entreprise telle qu'elle était définie par le code du travail avant la publication de l'ordonnance du 22 septembre.
Avis défavorable. Votre amendement opère un retour au droit antérieur sur l'architecture conventionnelle.
Je l'ai déjà dit et je le répète : il n'y a pas d'inversion de la hiérarchie des normes. Les accords collectifs continuent à être soumis aux dispositions légales d'ordre public. Et il n'y a pas de remise en cause du principe de faveur, qui reste inchangé, à l'article L. 2251-1. Votre inquiétude n'est pas justifiée. Ce qui est modifié, c'est l'architecture conventionnelle : le rapport entre les différents niveaux de négociation, où en effet, et nous l'assumons pleinement, la primauté est donnée, autant que faire se peut, au niveau de l'entreprise, c'est-à-dire le niveau de proximité. Nous sommes convaincus qu'une norme négociée au plus près du terrain a plus de chances d'être adaptée aux situations spécifiques des entreprises et de leurs salariés, et que son degré d'acceptabilité est aussi plus élevé.
Les exemples que vous donnez sont inexacts. La prise en charge des arrêts maladie au-delà des minima légaux relève de la primauté de l'accord de branche : c'était déjà le cas avant et ce sera toujours le cas. Il s'agit des garanties complémentaires collectives mentionnées à l'article L. 912-1, qui concernent la couverture santé et prévoyance des salariés. Ne nous faisons pas peur avec ce qui n'existe pas.
S'agissant des congés pour événements familiaux, il n'y a pas non plus de changement par rapport au droit issu de la loi du 8 août 2016. Cette loi a effectivement donné la primauté à l'accord d'entreprise sur la fixation de l'ensemble des congés, mais dans le respect d'un plancher légal. C'est le fameux socle, que nous considérons indispensable. L'ordonnance ne modifie rien sur ce point.
Merci, monsieur le rapporteur, de reconnaître l'existence de désaccords entre nous.
La subtilité de votre raisonnement m'échappe sans doute car je ne saisis pas la différence entre une modification de l'ordre de priorité des normes conventionnelles, ce que nous appelons une inversion de la hiérarchie des normes, et une modification de l'architecture conventionnelle, car, au final, l'ordre des normes est bel et bien modifié. Il y a en outre écrêtement puisque vous renoncez à dégager des lignes communes, ce qui était l'objet de la loi. Si l'article L. 2251-1 n'est pas modifié, l'article L. 2253-1, qui prévoit la possibilité de déroger aux accords de branche s'il existe des garanties au moins équivalentes, l'est quant à lui.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS28 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Vous affirmez, monsieur le rapporteur, que l'ordonnance n'inverse pas la hiérarchie des normes, mais l'article 1er de l'ordonnance procède bien à une telle inversion car il affaiblit les protections des salariés par la loi pour les remplacer par d'hypothétiques accords collectifs. Par exemple, il supprime tout cadre légal à la durée et au renouvellement des contrats à durée déterminée et d'intérim, au recours aux contrats de chantier et à la durée et au renouvellement des périodes d'essai. Ce sont les branches qui fixeront toutes ces dispositions. Sachant qu'il existe quelque 700 branches dans notre pays, cela donnera potentiellement 700 règles différentes.
Confier à la négociation des dispositions aussi importantes nous paraît en totale contradiction avec les principes fondamentaux de l'ordre social français, fondés sur la protection universelle de la loi. Depuis 1982, la part des contrats précaires dans l'emploi a triplé. Aujourd'hui, 86 % des embauches se font en contrat à durée déterminée (CDD). Permettre aux branches d'augmenter le nombre de renouvellements maximums des contrats précaires ne fera qu'aggraver cette situation. La précarité de l'emploi empêche les salariés qui la subissent de se réaliser dans leur vie personnelle : trouver un logement, fonder une famille devient plus difficile lorsque la sécurité des revenus n'est pas assurée. Elle est également un problème pour la consommation populaire, principal moteur de l'activité française. Nous pensons donc qu'augmenter les possibilités pour les employeurs de recourir à des contrats précaires est contraire à l'intérêt général, c'est pourquoi nous proposons de supprimer ces dispositions de l'article L. 2253-1.
Avis défavorable. Votre amendement vise à supprimer la possibilité pour les branches de négocier en matière de CDD, d'intérim, de contrats de chantier, de renouvellement de périodes d'essai, plusieurs éléments que l'ordonnance a confiés à la négociation de branche. Nous avons voulu donner du champ à la démocratie sociale. Nos auditions nous ont rappelé que les représentants des organisations syndicales et patronales au niveau des branches sont des gens de bon niveau, informés, ayant la formation technique et socio-économique adéquate, et qui connaissent le contexte dans lequel évoluent les entreprises de leurs branches. Cela a donc du sens de concéder du terrain à la démocratie sociale dans la branche.
Il s'agit de dispositions, en tout cas pour les CDD et l'intérim, qui avaient auparavant un statut légal, qui étaient, autrement dit, d'ordre public, et que l'ordonnance a choisi d'ouvrir à la négociation de branche. Mais cela ne concerne évidemment pas toutes les mesures en matière de CDD et d'intérim puisque, je le rappelle, les motifs de recours à ce type de contrats restent d'ordre public. C'est le fameux socle que nous recherchons et qu'au fond vos propositions mettent également en valeur. L'ordonnance a simplement choisi de permettre aux branches de fixer à leur niveau, pour leurs secteurs d'activité, la durée et les conditions de renouvellement de ces contrats, ainsi que le délai de carence entre deux contrats successifs sur un même poste. Il est donc faux de dire que l'ensemble des règles relatives aux CDD et à l'intérim basculent dans le champ de la négociation.
En revanche, il a été jugé utile que certains éléments puissent effectivement relever de la marge de manoeuvre des partenaires sociaux au niveau de la branche, et qu'ils puissent donc être négociés.
Un mot en réponse à M. Dharréville, qui m'a interpellé sur l'amendement précédent. La hiérarchie des normes est la hiérarchie entre la Constitution, la loi et les accords. Nous ne l'avons pas remise en cause. L'architecture conventionnelle dont je parle ne concerne que les accords collectifs et non le rapport entre la loi et l'accord.
Ce n'est pas la hiérarchie des normes qui a été changée mais le principe de faveur, par lequel on peut déroger à un dispositif supérieur par un accord de niveau inférieur. Nous y sommes favorables car cela permettra aux entreprises de s'adapter localement. Il faut que le Gouvernement assume sa réforme.
M. Quatennens a parlé de 700 règles différentes. Une négociation a été engagée pour réduire le nombre de branches : je souhaite savoir où l'on est, car plus il y a de branches et plus il y a de dispositions différentes, et cela complique en effet beaucoup le droit du travail.
Je partage pleinement l'analyse du rapporteur. La question est de savoir si nous faisons confiance au dialogue social. Pour ma part, je lui fais entièrement confiance. Les organisations syndicales, nécessaires, sont en mesure de discuter avec leurs employeurs. Certains sujets sont plus pertinents au niveau de la branche, d'autres doivent être traités en proximité. Le dialogue, c'est la meilleure protection pour les salariés et les meilleures conditions de réussite pour les entreprises. Les ordonnances ne renforcent pas le pouvoir unilatéral de l'employeur. Le Gouvernement et le Parlement définissent un cadre pour que les acteurs s'en saisissent, car ce n'est pas nous qui allons régler tous les sujets du quotidien des entreprises.
Quand Bruno Le Maire a défendu dans l'hémicycle la trajectoire budgétaire de votre Gouvernement, nous avons compris qu'elle reposait sur la croyance. Il a dit en effet : « Nous croyons qu'en libérant le capital nous stimulerons les investissements qui créeront demain des emplois. » « Nous croyons… » ?! Eh bien, je ne pense pas, alors que notre pays compte neuf millions de pauvres, que le débat budgétaire puisse reposer sur la croyance.
De même, je ne pense pas, s'agissant des relations de travail, que nous puissions tout miser sur la confiance. Il faut des garanties. Or les mesures que vous prenez sont sans contrepartie pour l'emploi, comme dans le budget. Je ne prétends pas que le dialogue social ne fonctionnera nulle part, mais le législateur doit prévoir le cas des contrevenants. Si les dispositions budgétaires que vous prenez étaient fléchées vers l'investissement productif et l'économie réelle, nous pourrions en reparler, même si cela n'ôte rien au fait qu'il existe une disproportion importante dans le budget. Mais nous refusons les paris hasardeux.
M. Vercamer a raison en ce qui concerne la mise en cause du principe de faveur. Le mouvement d'inversion, amorcé auparavant, est amplifié par votre réforme et ses multiples inversions dans l'ordre des normes.
Discuter au sein des branches, cela s'est toujours fait et c'est parfois ces discussions qui ont fait évoluer la loi, mais dans le cadre d'une position en quelque sorte arbitrale, d'une intervention du pouvoir législatif. Vous proposez aujourd'hui un nouvel affaiblissement de ce pouvoir.
Il faudrait selon vous, madame la ministre, faire confiance à une sorte de loi naturelle, car c'est bien à cela que revient la suppression des normes législatives. C'est la négation de l'existence de rapports de force dans la société et dans les entreprises. Or, que vous le vouliez ou non, c'est au gré de ces rapports de force, que vont s'écrire les normes.
Quand nous avons auditionné les organisations syndicales de salariés, l'un des intervenants a indiqué que les entreprises vertueuses n'auront rien gagné par ces ordonnances. Je pense que cela devrait nous faire réfléchir.
Une organisation syndicale majeure qui s'opposait à la loi El Khomri avec le même discours que celui de nos collègues, approuve aujourd'hui les propositions du Gouvernement, avec quelques réserves. Vous qui faites confiance aux organisations syndicales, vous devriez reconnaître avec celle-ci, qui accepte d'abandonner une certaine définition de la hiérarchie des normes, qu'un progrès a été accompli.
Il ne s'agit pas d'un ordre naturel. Les salariés ont le droit de négocier, de dire ce qu'ils veulent dans leur exercice professionnel. Il faut vivre avec son temps. La législation ne se construit pas sur des principes idéologiques intangibles mais sur la réalité de tous les jours, y compris dans les entreprises.
La commission rejette cet amendement.
Elle est saisie ensuite de l'amendement AS29 de M. Jean-Hugues Ratenon.
L'extension des accords collectifs de branche permet que l'ensemble des salariés d'un secteur soient couverts et protégés par un accord de branche même si leur employeur n'est pas adhérent à une organisation patronale signataire de l'accord. L'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective propose de conditionner l'extension des accords à la création de dispositions spécifiques pour les petites entreprises. Ce faisant, elle permet que des dispositions moins favorables aux salariés des petites entreprises soient intégrées à l'intérieur même des accords de branche. Ces ordonnances créent de fait des salariés de seconde zone : ceux des petites entreprises qui auront moins de droits que les autres. Nous nous opposons à cette logique et proposons donc de supprimer les articles du code du travail qui autorisent cette situation indigne.
Je crois qu'il y a un malentendu quant à l'objectif et à la portée des dispositions que vous souhaitez voir supprimer. En effet, il ne s'agit pas, ici, de faire des salariés des TPE des salariés de seconde zone, au contraire. Je crois avoir bien souligné, hier, que le texte visait à favoriser les TPE et les PME. Or, favoriser ces entreprises, c'est favoriser, non pas les employeurs, mais l'entité, qui comprend les salariés et l'employeur. Peut-être est-ce cette conception de l'entreprise qui nous distingue.
Jusqu'à présent, il n'était pas possible de conclure des accords d'entreprise dans les TPE et PME car elles n'avaient pas la possibilité d'engager un dialogue social. Certes, celui-ci existait déjà, mais nous proposons de l'organiser, de le formaliser et de lui donner une certaine consistance. Actuellement, les accords de branche prennent insuffisamment en compte les spécificités de ces entreprises, qui ont pourtant particulièrement besoin d'être couvertes par les garanties et les normes définies au niveau de la branche, en raison de leurs difficultés à édicter leurs propres règles. De fait, on l'a évoqué dans le cadre des travaux préparatoires, les représentants de salariés issus des TPE sont peu nombreux au niveau des branches, voire absents. Les ordonnances vont leur donner la possibilité d'y être présents, pourvu que les organisations syndicales cherchent à fédérer dans ce nouveau territoire.
L'article 2 de l'ordonnance a ainsi pour principal objet d'obliger les branches à mieux réfléchir à la manière dont les règles qu'elles édictent ont ou non un sens, soulèvent ou non des difficultés pour les TPE. En tout cas, je le redis, cette disposition, loin d'être anti-salariés des TPE, doit leur permettre d'être pris en compte dans leur spécificité. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques AS31 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS42 de M. Pierre Dharréville.
Les accords de préservation ou de développement de l'emploi (APDE), introduits dans le code du travail par la loi du 8 août 2016, permettent d'ores et déjà à des entreprises de déroger aux dispositions légales qui régissent l'organisation du temps de travail des salariés, sans même devoir le justifier par l'existence de difficultés économiques. Or, l'ordonnance va plus loin, puisqu'elle permet que, par ces accords, soit diminuée la rémunération mensuelle des salariés. Concrètement, en effet, l'article L. 2254-2 du code du travail tel que modifié par l'ordonnance permettrait à des entreprises de baisser les salaires sans qu'aucune raison réelle et objective ne soit invoquée pour justifier cette baisse. Les salariés seront sans doute heureux d'apprendre qu'une fois que ces ordonnances s'appliqueront, leur salaire pourra diminuer selon le bon vouloir de celui qui fixe le cadre et les conditions de la discussion, c'est-à-dire l'employeur. À ce propos, nous ne prétendons pas que le dialogue social n'existe pas, mais pour votre part, vous en faites la promotion en niant le rapport de force et le lien de subordination qui caractérise les rapports sociaux.
Cette logique dangereuse va accélérer la course aux bas salaires et au dumping social, dumping que nous voulons combattre au niveau européen et que vous réintroduisez au niveau national et au sein même des branches. Sous le couvert de la lutte contre le chômage de masse, vous organisez la précarité généralisée. Ce faisant, vous allez mettre en difficulté les entreprises françaises, dont la croissance repose principalement sur la demande intérieure, sur la consommation des ménages, donc sur les salaires. Nous nous opposons à cette logique ; c'est pourquoi nous voulons supprimer cette disposition.
Le nouvel article L. 2254-2 du code du travail tel qu'issu de l'ordonnance relative à la négociation collective prévoit d'harmoniser le régime des accords d'entreprise primant sur le contrat de travail, à savoir les accords de réduction du temps de travail, de mobilité interne, de maintien dans l'emploi et de préservation ou de développement de l'emploi. Les stipulations de ces accords se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles des contrats de travail. Ce faisant, cette disposition instaure la primauté de l'accord collectif sur le contrat de travail et crée les conditions d'un possible chantage à l'emploi. En effet, le salarié qui refuserait ces stipulations serait licencié pour un motif spécifique, qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement et le prive du bénéfice des règles plus protectrices du licenciement économique.
Le présent amendement vise donc à abroger ces dispositions ainsi que les accords de préservation ou de développement de l'emploi instaurés par la loi El Khomri.
L'article 3 de l'ordonnance a créé un régime unique pour les accords de compétitivité, là où coexistaient auparavant des régimes très différents quant à leur contenu, à la procédure de conclusion et aux conséquences du refus du salarié de se voir appliquer l'accord. Il me semble qu'il s'agit là d'une clarification nécessaire et bienvenue. Les accords de maintien de l'emploi étaient, de toute façon, très peu utilisés, en raison des contraintes qui avaient été fixées lors de leur création. Le fait que des dispositifs créés par la loi soient peu ou pas utilisés est bien la démonstration qu'il faut laisser intervenir les acteurs directement concernés. Il est donc assez souhaitable qu'ils soient fusionnés avec les accords de préservation ou de développement de l'emploi. D'autres types d'accords collectifs ont un impact sur la rémunération et la durée du travail des salariés, tels que les accords de réduction et d'aménagement de la durée du travail et les accords de mobilité interne. Le choix a donc été fait de proposer un cadre harmonisé répondant pleinement au souci de lisibilité, qui est l'un des maîtres mots de ces ordonnances. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements identiques.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS10 de M. Stéphane Viry.
L'article 3 de l'ordonnance n° 2017-1385 fusionne les accords de préservation ou de développement de l'emploi, de maintien dans l'emploi, de réduction du temps de travail et de mobilité interne, au profit d'un nouveau type d'accord destiné à « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l'emploi ». Il s'agit d'une harmonisation bienvenue des différents accords pouvant primer sur le contrat de travail.
Lorsque l'accord est de nature défensive ou offensive, il convient de préciser qu'il doit être à durée déterminée. En revanche, s'il s'agit d'un accord s'inscrivant dans la continuité des accords de réduction ou de modulation du temps de travail et qu'il a donc vocation à s'appliquer de manière pérenne, il pourra être conclu pour une durée indéterminée. Si l'on comprend la visée minimaliste du dispositif d'harmonisation, il est toutefois important que cet accord précise les modalités de son application dans le temps en dehors de son préambule et de ses objectifs.
Votre amendement comporte deux modifications du nouveau régime unique des accords de compétitivité. Tout d'abord, il vise à rendre obligatoires les items relatifs à son contenu, qui sont facultatifs aux termes du texte issu de l'ordonnance. Ensuite, il impose, s'il s'agit d'un APDE, que l'accord précise la durée de son application.
Sur le premier point, mon avis est défavorable, car ce régime unique recouvre des types d'accords très différents, qui vont des accords de préservation et de développement de l'emploi à des accords de modulation de la durée du travail, dans lesquels, par exemple, il n'a jamais été obligatoire de prévoir des mesures de conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle des salariés ou des efforts proportionnés des mandataires sociaux, mesures qui n'auraient pas de sens dans de tels accords. C'est pourquoi le choix a été fait de prévoir un contenu facultatif. En revanche, dans le cadre d'un APDE, les organisations syndicales auront évidemment tout intérêt à demander que l'accord prévoie des efforts proportionnés des mandataires sociaux ou des mesures de conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle, mais autant faire confiance au dialogue social.
Sur le second point, il serait logique qu'un APDE ait une durée limitée et que celle-ci soit précisée dans l'accord. Mais cela relève, là aussi, de la responsabilité des partenaires sociaux. Je vous propose donc de les laisser faire car, à chaque fois que nous reprenons la main, nous limitons la démocratie sociale dont nous souhaitons le développement.
Je maintiens l'amendement. Il me paraît très important de définir une durée dans la loi, car le dispositif, très ouvert, léger et flexible, permet des baisses de rémunération, des mobilités et des changements du rythme de travail, qui sont des modalités substantielles du contrat de travail. Or, en l'état actuel du texte, rien n'oblige l'employeur à faire cesser l'application de l'accord. Même si nous faisons, par principe, confiance à l'entreprise, il convient de prévoir une limitation dans le temps, en contrepartie de la liberté que nous lui offrons.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS147 de M. Boris Vallaud.
Il existe actuellement quatre régimes d'accord différents, qui obéissent à quatre procédures différentes correspondant à autant de motifs de licenciement différents et de modalités d'accompagnement différentes des salariés. L'article proposé tend à harmoniser et à simplifier ces régimes. Si le salarié refuse l'accord, il commet une faute et peut être sanctionné par un licenciement. Il dispose d'un délai d'un mois pour refuser l'accord. Ce délai nouveau ne nous semble pas opportun, car il ne dépend pas de la nature de l'accord. Nous proposons donc sa suppression.
Autant je considère qu'il est nécessaire d'encadrer les délais relatifs à la rupture du contrat à l'issue de la conclusion d'un accord de compétitivité – c'est d'ailleurs pourquoi j'ai moi-même déposé un amendement visant à encadrer le délai dans lequel l'employeur pourra engager une procédure de licenciement à l'encontre du salarié qui a refusé l'application de l'accord –, autant je ne peux vous suivre lorsque vous proposez de supprimer le délai imparti au salarié pour refuser l'application de l'accord. Cela ne me semble pas avoir de sens. Un accord est conclu dans l'entreprise : il a un impact sur la rémunération, la durée du travail, la mobilité des salariés, qui peuvent le refuser. Le fait qu'il soit nécessaire d'obtenir l'acceptation du salarié pour poursuivre la relation de travail revient à considérer, à juste titre, que l'accord collectif en question constitue une modification substantielle de son contrat et qu'elle doit donc être acceptée par le salarié. Considérer que le salarié n'a pas à se prononcer ou qu'il n'est pas soumis à un délai reviendrait à estimer que l'accord n'emporte pas de conséquences sur son contrat de travail, ce qui est faux. Sur le fond, me semble-t-il, nous nous rejoignons. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS148 de M. Boris Vallaud.
L'ordonnance est très floue lorsqu'elle prévoit que le salarié a un mois pour faire connaître son refus par écrit à compter de la date à laquelle l'employeur « a communiqué dans l'entreprise sur l'existence et le contenu de cet accord ». On comprend en effet, à la lecture de cette disposition, que l'information sur l'existence et le contenu de l'accord peut être faite collectivement et par tout moyen. L'absence de délai de communication risque d'être un nid à contentieux. En cohérence avec l'amendement précédent et parce que cette rédaction est source de conflits, nous proposons donc la suppression de la communication par l'entreprise.
Vous proposez de supprimer le point de départ du délai d'un mois imparti au salarié pour faire connaître son refus. Le texte de l'ordonnance prévoit que ce délai court « à compter de la date à laquelle l'employeur a communiqué dans l'entreprise sur l'existence et le contenu de l'accord. » Je vous accorde que ce délai est trop flou. En effet, on ne sait pas très bien à quoi renvoie l'idée de « communiquer sur », l'expression ne me paraissant pas, du reste, très correcte d'un point de vue syntaxique. Toutefois, je suis très opposé à l'idée de supprimer tout renvoi au point de départ du délai, qu'il me semble au contraire important de préciser. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
Je crois en effet que nous pouvons préciser la rédaction du texte sur ce point sans en modifier le fond. Je vous propose de le faire dans le cadre de la sixième ordonnance, qui vise à corriger un certain nombre d'erreurs de forme, et donc de retirer l'amendement.
Nous notons avec satisfaction que vous partagez notre inquiétude quant au flou de la rédaction. Si un autre amendement est déposé, nous retirerons le nôtre. À défaut, nous le maintiendrons.
Si l'amendement est maintenu, j'émets un avis défavorable ; Mme la ministre a indiqué la manière dont elle entendait traiter le problème.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS226 du rapporteur et AS11 de M. Stéphane Viry.
La rédaction issue de l'ordonnance ne donne aucune précision quant au délai imparti à l'employeur pour engager une procédure de licenciement du salarié qui a refusé l'application d'un accord de compétitivité. Il lui serait donc théoriquement possible de procéder à ce licenciement au bout de deux ans, ce qui ne me semble pas souhaitable et ne correspond pas à l'objectif du texte. Au demeurant, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les accords de préservation et de développement de l'emploi dans leur rédaction issue de la loi du 8 août 2016, le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 octobre dernier, une décision qui impose au législateur de fixer un délai raisonnable après le refus du salarié, au-delà duquel il n'est plus possible de procéder au licenciement. Cet amendement tend donc à fixer à deux mois, à compter de la notification du refus du salarié de se voir appliquer l'accord de compétitivité, le délai imparti à l'employeur pour engager la procédure de licenciement.
L'amendement de M. le rapporteur va dans le même sens que notre amendement AS11, qui vise, quant à lui, à fixer la durée de ce délai à six mois. Certes, il faut faire confiance au dialogue social, mais un délai de deux mois me paraît tout de même un peu court pour laisser aux parties le temps de discuter et, le cas échéant, de trouver une solution. Il est vrai néanmoins qu'un délai bref permet une clarification rapide. Je suis, je l'avoue, partagé. Je vous laisse donc le bénéfice du doute, monsieur le rapporteur, et je me rallie à votre amendement.
L'amendement AS11 est retiré.
Je suis favorable à l'amendement du rapporteur, qui prend en compte la décision du Conseil constitutionnel du 20 octobre 2017, dans laquelle celui-ci a admis la conformité à la Constitution des dispositions antérieures aux ordonnances relatives aux accords de préservation et de développement de l'emploi, à la seule réserve qu'un licenciement ne saurait intervenir au-delà d'un délai raisonnable après l'expression du refus du salarié des modifications de son contrat de travail résultant de l'accord, sans méconnaître le droit à l'emploi. L'amendement AS226 a pour objet d'établir un tel délai, fixé à deux mois à compter de la notification du refus du salarié. Ce délai fixe une borne pertinente au-delà de laquelle le licenciement du salarié ne pourra plus être engagé, et il laisse le temps à l'employeur de disposer de l'ensemble des décisions de refus notifiées par les salariés dont le contrat est modifié, ce qui lui permettra d'apprécier le volume global de refus et d'engager, le cas échéant, des procédures de licenciement s'il estime que c'est approprié.
La commission adopte l'amendement AS226.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS149 de M. Boris Vallaud.
L'employeur peut engager une procédure de licenciement à l'encontre du salarié qui refuse de se voir appliquer l'accord. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir quel sera le motif de ce licenciement : personnel, économique ou sui generis. Dans le texte, les règles relatives à l'entretien préalable, à la notification du licenciement ou à la présence d'un conseiller chargé d'assister le salarié lors de l'entretien préalable sont identiques à celles applicables au licenciement pour motif personnel. En matière d'accompagnement, le salarié conserve son droit à l'indemnité de licenciement et à l'indemnisation chômage ; en outre, l'employeur doit abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié licencié. Nous saluons cette dernière mesure, même si nous souhaiterions connaître, madame la ministre, le contenu du projet de décret qui doit fixer le nombre d'heures dont sera abondé le CPF.
Par cet amendement, nous souhaitons rappeler notre attachement au motif sui generis du licenciement, qui emporte les mêmes conséquences qu'un licenciement pour motif économique, et au parcours d'accompagnement personnalisé du salarié. En effet, il n'est aucunement fait référence à un parcours spécifique du type de celui qui est prévu dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) et vous appliquez des mesures relevant du licenciement pour motif personnel à des points aussi importants que l'entretien préalable. C'est pourquoi nous proposons de rétablir le motif sui generis, ainsi que l'accompagnement spécifique.
Outre qu'il représente un certain coût, votre amendement tend à étendre à tout accord de compétitivité le dispositif du parcours d'accompagnement personnalisé, créé dans le cadre des APDE par la loi du 8 août 2016. Ce dispositif spécifique, financé en partie par l'employeur et pour le reste par Pôle emploi, qui mêle périodes d'immersion et périodes de formation, était approprié dans le cadre des APDE, mais il n'a pas de raison d'être dans le cadre d'un type d'accord qui peut recouvrir des réalités très différentes, en l'occurrence des accords de modulation de la durée du travail ou de réduction du temps de travail. Avis défavorable, donc.
L'accord majoritaire est légitime pour définir les normes collectives. Que se passe-t-il pour le salarié qui décide néanmoins de refuser l'application de cet accord ? Trois éléments ne changent pas : les garanties de procédure, notamment l'entretien préalable, pour lequel il peut être assisté s'il le souhaite, l'indemnisation et l'accompagnement personnalisé par Pôle emploi. Nous y ajoutons l'abondement du CPF à hauteur de 100 heures, afin de contribuer au reclassement rapide du salarié. Avis défavorable.
Je ne voudrais pas que l'on croie, après votre réponse, madame la ministre, que ce dispositif marque un progrès, puisque l'accompagnement spécifique de type CSP disparaît. C'est donc un recul pour les salariés.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS150 de M. Boris Vallaud.
La possibilité de conclure de tels accords doit s'accompagner d'un droit à l'expertise, quelle que soit la taille de l'entreprise. Or, ce droit jusqu'alors inscrit dans la loi pour les accords de préservation et de développement de l'emploi et financé par l'employeur, n'est plus garanti. Cet amendement propose donc de le rétablir.
Cet amendement vise à offrir aux institutions représentatives du personnel la possibilité de réaliser une expertise et de mandater à cette fin un expert-comptable, dans le cadre de la négociation d'un accord de compétitivité. Outre qu'il renvoie au comité d'entreprise – lequel, je le rappelle, a vocation à être absorbé dans le comité social et économique (CSE), que nous aborderons au moment du débat sur la deuxième ordonnance –, votre amendement est satisfait, puisque l'article L. 2315-92, dans sa rédaction issue de cette ordonnance, dispose bien que le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable de son choix « pour préparer les négociations prévues [notamment à] l'article L. 2254-2 », autrement dit sur un accord de compétitivité. Je vous suggère donc de retirer cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS43 de M. Pierre Dharréville.
L'article 4 de l'ordonnance relative à la négociation collective crée une présomption de légalité, de sorte qu'il appartiendra à celui qui conteste la validité d'un accord de prouver le contraire. L'action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord devrait désormais être engagée, à peine de nullité, avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de sa notification aux syndicats non signataires ou, pour les salariés, de sa publication. Combinées à l'inversion de la hiérarchie des normes, ces dispositions sont très dangereuses. Un accord d'entreprise potentiellement illégal ou moins-disant socialement disposerait en effet de la même force juridique qu'une loi. C'est pourquoi nous demandons l'abrogation d cette disposition.
Cette mesure a principalement pour objet de sécuriser les accords collectifs, dans l'intérêt de tous, me semble-t-il, y compris des organisations syndicales et des salariés. Tout d'abord, le texte ne prévoit pas de présomption de légalité des accords collectifs, et pour cause : une telle présomption serait juridiquement intenable. C'est une option qui n'a pas été retenue par le Gouvernement, qui a préféré simplement rappeler que la charge de la preuve repose sur le demandeur ; cette règle fondamentale du droit civil n'est pas nouvelle en droit du travail.
La fixation d'un délai de deux mois pour toute action en nullité d'un accord collectif – au lieu du délai antérieur de cinq ans, qui constitue le délai de prescription de droit commun en matière civile tel qu'il est prévu à l'article 2224 du code civil – ne concerne bien, je le rappelle, que l'action en nullité. Elle ne vise pas à empêcher ou à restreindre dans le temps la contestation de la légalité d'un accord, qui peut être soulevée à tout moment par un salarié à l'occasion d'un litige individuel, s'il estime que la clause d'un accord qui lui est appliqué n'est pas légale.
Il ne s'agit donc pas de créer une sorte d'immunité des accords collectifs mais simplement de les sécuriser en limitant les délais de recours en nullité une fois que les parties ont eu connaissance de l'accord publié. Si celui-ci pose un problème, le délai de deux mois me paraît largement suffisant. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS151 de M. Boris Vallaud.
Cet article instaure une présomption simple de légalité des accords collectifs, en précisant qu'il appartient à celui qui conteste la légalité d'un accord d'apporter la preuve que celui-ci n'est pas conforme à la loi. Cette présomption simple ne nous paraît pas une bonne chose, dès lors que la base de données nationale rendant publics les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise et d'établissement prévue par la loi de 2016 n'existe toujours pas.
Une fois de plus, le texte ne prévoit pas de présomption de légalité des accords collectifs, qui serait, je le répète, juridiquement intenable. C'est une option qui n'a pas été retenue pour le Gouvernement, qui a préféré rappeler que la charge de la preuve repose sur le demandeur. Il s'agit d'une règle fondamentale du droit civil, qui n'est donc pas nouvelle en droit du travail. Défavorable.
Madame la ministre, pouvez-nous nous indiquer quand la base de données nationale verra le jour ?
La semaine prochaine, monsieur Vallaud. Je me suis engagée ; ce sera donc fait.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS152 de M. Boris Vallaud.
L'accord collectif n'est pas une zone de non-droit et le droit au recours contentieux doit rester ouvert à toute personne ou organisation intéressée. Or, le délai de deux mois qui encadre dans le temps les conditions de recours contre les accords collectifs nous semble trop court. Cette disposition reprend une préconisation du rapport Combrexelle, qui propose de s'inspirer, en la matière, des règles applicables au contentieux des actes réglementaires. Toutefois, un acte réglementaire peut toujours être contesté par voie d'exception. Or, le texte est muet sur ce point. Peut-être est-ce implicite. Dans ce cas, un ajout serait utile pour dissiper cette ambiguïté. Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre ?
Par ailleurs, il est toujours possible de demander l'abrogation d'un texte réglementaire devenu illégal. Or, en l'espèce, rien n'est prévu. C'est pourtant nécessaire car un accord n'a pas un auteur unique, et la demande d'abrogation ne fait pas naître de décision implicite de rejet.
Je vais remplir mon office de rapporteur, et Mme la ministre complétera ma réponse, si elle le souhaite. Je dois dire, chère collègue, que votre question ressemble fortement à celle qui a été posée par Pierre Dharréville, de sorte que vous connaissez certainement déjà les éléments de réponse que je vais vous apporter. Peut-être est-ce la raison qui vous a conduit à solliciter Mme la ministre.
La fixation d'un délai de deux mois pour toute action en nullité d'un accord collectif – au lieu du délai antérieur, qui était de cinq ans et qui constitue le délai de prescription de droit commun en matière civile – ne concerne bien, je le rappelle, que l'action en nullité. Elle ne vise pas à empêcher ou restreindre dans le temps la contestation de la légalité d'un accord, qui peut être soulevée à tout moment par un salarié à l'occasion d'un litige individuel, s'il estime qu'une clause d'un accord qui lui est appliquée n'est pas légale.
Il ne s'agit donc pas de créer une sorte d'immunité des accords collectifs, mais simplement de les sécuriser en limitant les délais de recours en nullité. C'est pourquoi le délai de deux mois me paraît suffisant.
Je vais confirmer ce que le rapporteur a parfaitement expliqué à deux reprises. Les organisations non signataires peuvent contester l'accord, sur la procédure ou sur le fond, pendant deux mois. Mais cela n'obère en rien la possibilité pour les salariés d'introduire une action en exception d'illégalité sans restriction de durée en ce qui concerne l'application de l'accord à leur propre cas.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS181 de M. Jean-Hugues Ratenon.
L'ordonnance fixe un délai de deux mois pendant lequel une partie prenante peut contester la légalité d'un accord collectif. Vous rendez-vous compte de la difficulté d'intenter un recours contre des accords de ce type, qui font des dizaines de pages et qui multiplient les renvois à d'autres accords, à d'autres codes, à d'autres usages… Avec une telle disposition, on peut se demander si, comme vous l'affirmez à longueur de temps, vous voulez vraiment renforcer la démocratie sociale et le dialogue social, ou si vous voulez plutôt réserver l'accès à la justice à ceux qui ont les moyens de payer les conseils de spécialistes.
Ce délai, manifestement beaucoup trop court, va annihiler toute possibilité de contester un accord et pénaliser en priorité les salariés les moins organisés, mais aussi les petits employeurs, qui ne disposent pas toujours d'une expertise juridique. Parce que ce délai va à l'encontre du principe d'accès universel à la justice, nous proposons de substituer deux ans à deux mois.
La nullité est une chose, la légalité en est une autre. Je crois avoir déjà été assez explicite et, de crainte d'être redondant, j'exprime simplement un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS153 de M. Boris Vallaud et AS182 de M. Jean-Hugues Ratenon.
L'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective permet au juge qui prononce l'illégalité d'un accord collectif d'interdire tout effet rétroactif de sa décision. Ainsi, si un accord collectif qui aurait spolié les salariés d'une entreprise d'une partie de leur salaire pendant plusieurs années était jugé illégal, les salaires ne seraient jamais remboursés pour autant. Cet article a donc pour unique objet de protéger les délinquants des conséquences de leurs actes, au détriment de leurs victimes, et nous proposons sa suppression.
Cet article ne vise pas du tout à protéger les délinquants : ce n'est ni mon objectif, ni celui de la représentation nationale, ni celui du Gouvernement.
Au-delà, je ne comprends pas que vous proposiez de remettre en cause le pouvoir du juge qui est pourtant un gage de cette sécurisation juridique que vous appelez de vos voeux.
En effet, même sans que cela soit énoncé clairement dans la loi, le juge a toujours le pouvoir de moduler dans le temps les effets de ses décisions ou d'en reporter les effets, pour éviter de déstabiliser la norme ; c'est une de ses prérogatives. Certes, le juge judiciaire le fait rarement et ce pouvoir est plus usité en matière administrative. Ainsi dans son arrêt de 2004 Association AC ! et autres sur la question des « recalculés », le Conseil d'État avait permis au juge administratif de moduler dans le temps l'effet de sa décision d'annulation de certaines modalités de calcul d'aides en matière d'assurance chômage, dont la rétroactivité aurait eu un effet désastreux sur des milliers de bénéficiaires des allocations chômage.
Ce pouvoir de modulation n'a pas toujours pour effet, en stabilisant la norme juridique, de « favoriser les employeurs », comme vous semblez le penser : en fait, il fiabilise les choses et les sécurise pour toutes les parties concernées.
Ici, l'idée est non pas de favoriser les contrevenants, mais de ne pas créer de vide juridique ou de ne pas conduire à l'annulation en cascade de centaines de conventions individuelles de forfait, comme cela avait été le cas lorsque le juge a annulé les clauses des conventions de branche organisant le recours aux forfaits jours des cadres.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Puis elle en vient à l'amendement AS44 de M. Pierre Dharréville.
L'article 5 de l'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective crée une obligation de négocier un accord de méthode au niveau des branches et des entreprises afin de définir le calendrier des négociations, y compris pour les négociations obligatoires.
Ce faisant, les négociations obligatoires deviennent optionnelles, la seule limite étant qu'elles doivent avoir lieu au moins tous les quatre ans, ce qui marque un recul, en particulier pour l'égalité professionnelle : les organisations syndicales de salariés nous l'ont dit.
Le présent amendement vise donc à exclure les négociations obligatoires de l'accord de méthode.
Avis défavorable. Cet amendement viderait totalement de son sens la démarche adoptée dans le cadre de l'ordonnance, qui a pour but de donner plus de souplesse aux entreprises comme aux branches pour adapter au mieux le calendrier et la périodicité des négociations obligatoires aux spécificités de leur secteur ou de l'entreprise.
Rechercher la proximité et faire en sorte que ce principe de subsidiarité se traduise dans les dispositions proposées et dans les ordonnances relatives au code du travail, voilà les objectifs qui m'animent dans ce débat.
Il ne s'agit pas, comme vous le prétendez, de rendre ces négociations facultatives : en effet, l'obligation de négocier de manière quadriennale ou quinquennale sur l'ensemble de ces thèmes reste clairement édictée et d'ordre public. Simplement, il est plus efficace que ces négociations aient vraiment un sens : il n'est pas très utile de négocier simplement parce que c'est obligatoire. Il faut un socle, un cap et des règles qui s'imposent à tous, mais il faut aussi avoir du grain à moudre et des choses à construire ensemble. Tel est le sens de cette partie de l'ordonnance : mieux vaut négocier moins souvent mais de manière plus qualitative.
Au cours des auditions, vous avez souligné l'importance de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), de la qualité de vie au travail, de l'égalité professionnelle. Ces thèmes peuvent faire l'objet de négociations régulières, mais à des moments choisis par les collaborateurs, les employeurs et tous ceux qui vivent ensemble dans l'entreprise.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS45 de M. Pierre Dharréville et AS183 de M. Jean-Hugues Ratenon.
L'article 6 de l'ordonnance relative à la négociation collective prévoit de refondre les règles relatives aux négociations obligatoires de branche.
Le calendrier, la périodicité, et le contenu des négociations pourraient être adaptés au niveau de chaque branche. La durée d'un tel accord ne pourrait excéder quatre ans, y compris pour les négociations obligatoires. Ce faisant, la négociation sur l'égalité professionnelle ne serait plus triennale.
Le présent amendement rétablit les règles telles qu'elles s'appliquaient avant la publication des ordonnances. Je veux insister sur cette question de l'égalité professionnelle, puisque le retard pris sur le sujet est important et que nous ne le rattrapons pas, au contraire. Il est donc nécessaire d'agir beaucoup plus fortement, mais aussi que le législateur s'implique. C'est un sujet sérieux. Vous savez que, compte tenu des écarts de rémunération, depuis vendredi dernier, à onze heures quarante-quatre, on peut considérer que les femmes travaillent bénévolement…
Votre ordonnance relative au renforcement de la négociation collective réduit les obligations de régularité et même le champ des négociations sur les accords collectifs. Par cet amendement, nous proposons de revenir à la situation antérieure.
J'appelle votre attention sur le fait qu'avec cette disposition, les négociations sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes pourraient n'avoir lieu que tous les quatre ans. Quand on sait que persistent de « légères » inégalités salariales entre les hommes et les femmes – de 20 % à 25 % – et que l'écart ne se réduit quasiment plus depuis plusieurs années, on imagine qu'en n'imposant de négocier à ce propos qu'une fois tous les quatre ans, votre révision du code du travail ne va rien arranger. L'avis du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes du 8 septembre dernier pointait d'ailleurs ce danger des ordonnances. Nous nous rangeons derrière son avis et proposons de rétablir la régularité des négociations.
C'est un sujet important et intéressant. S'agissant de la négociation de branche, l'ordonnance prévoit en effet une négociation obligatoire.
Un cadre et un rythme sont donc donnés : tous les quatre ans sur les salaires et les écarts de rémunération, l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés et la formation professionnelle des salariés ; tous les cinq ans, sur les classifications et l'épargne salariale.
Il est ensuite renvoyé à la négociation pour fixer le calendrier, la périodicité et le contenu de ces négociations, dans la limite de la périodicité maximale prévue dans les dispositions d'ordre public. À défaut d'accord ou si celui-ci n'est pas respecté, la négociation sur les salaires redevient annuelle, celles sur l'égalité professionnelle, les conditions de travail et la GPEC, sur les travailleurs handicapés et sur la formation professionnelle redeviennent triennales, et les négociations sur les classifications et sur l'épargne salariale redeviennent quinquennales.
Sur le sujet spécifique de l'égalité professionnelle, en effet, dans l'ordre public, l'obligation de négociation au niveau de la branche passe d'un rythme triennal à un rythme quadriennal, mais il s'agit de la périodicité maximale. À défaut d'accord, le rythme redevient triennal…
Encore une fois, laissons aux partenaires sociaux la liberté de décider ce qu'ils veulent faire, en fonction de leur contexte et de leur réalité. Vous avez souligné que les réalités peuvent être très différentes d'une entreprise à l'autre, certaines ayant beaucoup de progrès à faire en matière d'égalité professionnelle, d'autres étant heureusement plutôt en avance. Si j'étais en fonction dans une entreprise qui était en retard, je serais très attentif à négocier plus fréquemment que dans une entreprise en avance.
Il s'agit d'un sujet essentiel sur lequel nous progressons très lentement en France. Une loi de 1973 oblige à une stricte égalité : à travail égal, salaire égal pour les femmes et les hommes. Le principe même d'égalité des salaires à travail égal est plus ancien, mais, explicitement, l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes remonte à quarante-cinq ans ! Et nous n'y sommes toujours pas.
Il y a une double inégalité. L'une, de 20 % à 25 %, porte sur les salaires en général, mais est essentiellement liée à la différence de chances de carrière. L'autre, de 9 %, est très résistante : pour le même travail, pour la même carrière, les femmes sont moins payées que les hommes dans cette proportion.
Avec ma collègue Marlène Schiappa, nous sommes très engagées sur ce sujet. Nous avons l'intention de travailler avec les partenaires sociaux, car, au-delà de la loi, nous avons besoin de la mobilisation de tous. La loi ne changeant pas, l'entreprise est strictement tenue de s'y conformer.
Comment intervient dans le processus la question de la durée de la négociation ? D'abord, par défaut, la périodicité est d'un an, s'agissant de la négociation d'entreprise. On ne parle de vision pluriannuelle que s'il y a d'abord eu accord avec les partenaires sociaux. Forte de mes quarante années d'expérience, je peux vous dire que toutes les entreprises qui ont réussi à faire des progrès s'appuyaient à la fois sur la volonté de l'encadrement, sur la mobilisation des organisations syndicales et sur l'acceptation que ce sujet soit une priorité.
Ce n'est pas la périodicité de la négociation qui importe : pour opérer un rattrapage, il est impératif de laisser une part prédominante de l'augmentation annuelle aux femmes. Or, cela n'est possible que dans une démarche pluriannuelle : à défaut, aucun des hommes de l'entreprise ne serait augmenté pendant un an, et on imagine mal une négociation dans ce sens…
Pour réussir cette égalité professionnelle, qui est une condition d'équité, mais aussi d'autonomie et de respect, le fait de laisser les entreprises et les organisations syndicales définir le calendrier et le contenu peut permettre que l'on aille au-delà de ces rendez-vous annuels qui ne débouchent souvent sur rien de concret.
Puisque rien ne bouge alors que la loi prévoit des sanctions, c'est bien la question de l'engagement des acteurs qui est posée. C'est un sujet important que nous suivrons de près, en particulier avec le comité d'égalité professionnelle et avec ma collègue Marlène Schiappa.
J'ai le sentiment que nous touchons aux limites de la rhétorique de votre projet. Nous sommes là pour agir, vous comme nous, et je ne mets en doute la bonne volonté de personne, sauf qu'il faudra regarder les résultats. Laisser, comme vous le faites, la décision aux partenaires sociaux en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, c'est desserrer l'étreinte, donc s'exposer à un grave recul, notamment sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Maintenir, comme nous le proposons, l'obligation triennale n'exclut pas des plans pluriannuels, des discussions plus larges ou plus précises dans l'entreprise, etc.
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement AS228 du rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de clarification qui porte sur le contenu obligatoire des accords de méthode, en distinguant bien en premier lieu la périodicité et en second lieu le contenu des thèmes soumis à négociation.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS227 du rapporteur.
L'ordonnance prévoit qu'un accord de méthode a une durée maximale de quatre ans : autrement dit, il doit être revu tous les quatre ans, soit avant l'échéance de la périodicité maximale, qui est de cinq ans pour certains thèmes de négociation.
Il semble plus cohérent d'aligner durée maximale d'un accord de méthode et périodicité maximale des thèmes de négociation.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS46 de M. Pierre Dharréville.
Il s'agit toujours du calendrier, de la périodicité, et du contenu des négociations. Le présent amendement rétablit les règles telles qu'elles s'appliquaient avant la publication des ordonnances.
Avis défavorable. Je rappelle qu'un tel accord de méthode sur le calendrier et la périodicité des négociations d'entreprise existe depuis la loi Rebsamen de 2015, qui a permis à un accord d'entreprise de fixer la périodicité des négociations obligatoires en son sein, dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles, portant sur les salaires et sur l'égalité professionnelle, et de cinq ans pour la négociation triennale portant sur la GPEC.
Cette périodicité d'ailleurs ne disparaît pas : elle devient simplement supplétive. L'ordre public prévoit de toute façon que l'ensemble de ces négociations doivent être menées au moins tous les 4 ans.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS184 de M. Jean-Hugues Ratenon.
L'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective modifie en profondeur les obligations de régularité de négociation afférentes aux accords collectifs. Si vous voulez renforcer la négociation collective, pourquoi en réduire la fréquence et le champ ?
Nous avons pris à l'instant l'exemple de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes pour pointer la dangerosité de votre mesure. Peut-être n'êtes-vous pas sensible au fait que, depuis le 3 novembre à 11 heures 44 et jusqu'à la fin de l'année, les femmes travaillent gratuitement, à compétence et qualification égales. Votre libéralisme, votre foi en le marché font une lourde différence selon qu'on est femme ou homme !
Imaginez, chers collègues, que les hommes soient aussi atteints par la moindre fréquence de la négociation. Les cadeaux faits aux actionnaires ne ruisselleraient plus une fois par an, mais une fois tous les quatre ans…
Il convient de revenir à la situation antérieure en matière de régularité des négociations. C'est ce que nous proposons par cet amendement.
Ne préjugeons pas ici de la bonne volonté de quiconque, y compris en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ayant eu à traiter la question dans des négociations d'entreprise, j'ai une petite expérience de la manière de mener tout cela, de façon sereine et construite dans le temps.
Votre amendement propose de revenir au droit antérieur en matière de négociation obligatoire en entreprise. Je note d'ailleurs avec satisfaction que vous maintenez ce droit tel qu'issu de la loi du 17 août 2015, dite loi Rebsamen, qui a d'ores et déjà permis de conclure des accords de méthode sur la périodicité des négociations, en prévoyant qu'il est possible de porter d'un à trois ans les deux négociations annuelles sur les salaires, l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, et de trois à cinq ans la négociation triennale sur la GPEC.
Autrement dit, ouvrir la possibilité que la négociation sur l'égalité professionnelle devienne triennale, n'est pas une disposition nouvelle de l'ordonnance, mais une disposition qui est en en vigueur depuis 2015…
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS47 de M. Pierre Dharréville.
L'article 8 de l'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective organise les modalités de négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.
Ainsi, dans les entreprises de moins de onze salariés, l'employeur peut proposer un projet d'accord pouvant porter sur n'importe quel thème et qu'il valide par référendum auprès de ses salariés. Cette faculté serait étendue aux entreprises de moins de vingt salariés en l'absence de membre élu à la nouvelle instance fusionnée.
Dans les entreprises entre onze et cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, deux modalités de négociation sont retenues : avec des salariés mandatés ou avec un élu du personnel.
Vous généralisez de la sorte les négociations sans syndicats dans les entreprises de moins de vingt salariés et prévoyez la possibilité de s'en passer dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
On est au coeur de l'objectif de votre projet en matière de dialogue social. Le projet de décret pris en application de ces dispositions prévoit en outre que le référendum destiné à valider le projet d'accord pourra être organisé de manière unilatérale par l'employeur. Il indique que le résultat de la consultation est porté à la connaissance de l'employeur « après que les salariés ont été mis en capacité de se réunir et de se prononcer en l'absence de celui-ci ». Autrement dit, rien n'oblige la direction à organiser un vote à bulletin secret.
Loin de renforcer le dialogue social en entreprise, ces dispositions encouragent le contournement des organisations syndicales – c'est ainsi qu'elles l'ont elles-mêmes qualifié –, et le chantage à l'emploi, au détriment des droits des salariés garantis collectivement.
Le présent amendement vise donc à abroger ces dispositions, puisque les syndicats eux-mêmes disent que le dialogue social n'en sortira pas renforcé.
C'est un amendement intéressant, car il illustre a contrario une orientation importante que nous voulons donner à notre texte : permettre le dialogue social partout, y compris dans les TPE.
Vous le savez, 96 % des entreprises de moins de cinquante salariés sont dépourvues d'un délégué syndical. Or le monopole de la négociation est attribué au délégué syndical. Soit nous excluons ces entreprises du champ de la négociation, soit, compte tenu de l'importance de ces entreprises, de leur proximité avec le tissu économique, compte tenu du fait qu'elles constituent un vivier d'emploi, nous leur donnons la possibilité de construire elles aussi la négociation, de devenir agiles, de s'y adapter, plutôt que de reprendre les dispositions de la branche lorsqu'elles s'imposent chez elles.
Votre amendement vise à supprimer les dispositions relatives à la négociation des accords dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, et à rétablir les règles antérieures, c'est-à-dire notamment le mandatement.
Ce dernier, évoqué à plusieurs reprises dans nos auditions, n'a pas réussi à tenir toutes ses promesses, ayant été soutenu – du bout des lèvres, mais soutenu tout de même – par les organisations, qui pensaient ainsi accroître leur présence dans les entreprises. La réalité de la présence des organisations syndicales dans les entreprises de moins de cinquante salariés témoigne du résultat…
Lors des auditions, un de leurs représentants expliquait que, dans le contexte de la loi sur les 35 heures, le mandatement n'avait amené vers son syndicat que des ralliements de courte durée, d'un an.
Pour ma part, je suis convaincu que, dans les très petites entreprises, le dialogue direct entre les salariés et l'employeur peut fonctionner. Sans faire fi du lien de subordination, faisons le postulat que ces hommes et ces femmes qui travaillent ensemble peuvent se parler. Ils se parlent déjà d'ailleurs mais il doit être possible de formaliser leurs échanges et de trouver des terrains de négociation. Et puis, de toute façon, il y a des règles, des sécurités, le code du travail…
Je vous propose donc de donner sa chance, et toute sa chance, au dispositif prévu par l'ordonnance.
Monsieur le rapporteur, vous opposez dialogue social et dialogue syndical. On aurait pu aussi faire le pari de renforcer la présence syndicale et les syndicats dans les TPE. Car nous croyons à la nécessité d'un dialogue social dans les TPE. L'Allemagne est parfaitement capable de le faire. C'est un modèle auquel on se réfère souvent. Dès le seuil de deux salariés atteint, il y a des élections syndicales.
Pourquoi le mandatement ne fonctionne-t-il pas ? Parce que vous avez fait droit à la conception la plus rétrograde, la plus défensive et la plus peureuse du dialogue social, en refusant que les syndicats entrent dans les TPE, ce que craignaient les représentants des organisations patronales des petites entreprises, qui l'ont dit sans fard lors de leur audition.
Ce choix est d'autant plus regrettable qu'il nourrit chez les organisations syndicales le sentiment que vous n'avez pas tenu votre promesse de renforcer le dialogue social. C'est un rendez-vous manqué, un échec.
Faisons confiance, dites-vous. La semaine dernière, je recevais dans ma permanence une dame qui voulait passer à mi-temps : eh bien son employeur lui a demandé si elle pourrait accomplir autant de tâches qu'auparavant… Elle craint donc qu'il refuse son temps partiel ou qu'il l'oblige à partir : voilà la réalité du rapport de forces !
Le modèle social du XXIe siècle, qui permet d'envisager des transitions professionnelles et d'affronter les grands défis de l'avenir, repose sur une confiance qui ne se proclame pas, qui n'est pas un pari, mais qui se construit. C'est une culture à construire. Notre désaccord tient au fait que vous mettiez dos à dos le dialogue social et le dialogue syndical.
Avec ces dispositions, vous prônez le dialogue social sans les syndicats. D'ailleurs ne faudrait-il pas commencer par distinguer dialogue social et dialogue tout court ?
Dans le contexte que nous connaissons, je crois au besoin d'organisations syndicales, dans leur diversité, y compris dans les petites entreprises, où les relations interpersonnelles ne sont pas de même nature que dans les grandes structures.
La loi est utile, mais elle l'est davantage quand il y a un problème que quand il n'y en a pas et que « tout roule ». Nous écrivons aussi la loi pour poser des limites, quand il y a des litiges et des problèmes.
Vous avez invoqué, monsieur le rapporteur, le fait que chef d'entreprise et salariés puissent se parler. Certes, mais négocier une norme qui était, jusqu'ici, inscrite dans la loi c'est autre chose !
Je voudrais revenir un instant sur ce point. Part-on d'une vision idéologique ou du réel pour le transformer ? Nous sommes d'accord sur l'objectif : nous souhaitons tous un dialogue social qui soit structuré, donc la présence d'organisations syndicales. Ce qui nous sépare, ce sont le point de départ, le point d'arrivée et les moyens de parvenir à ce dernier. Les organisations syndicales elles-mêmes en font le constat : leur taux de pénétration dans les entreprises de moins de cinquante salariés est de 4 %, malgré des décennies d'efforts. On ne peut quand même pas désigner des organisations syndicales par la loi ou par décret. Nous sommes dans un pays démocratique : si les salariés ne désignent pas de délégué syndical ou que personne n'est candidat, on ne va pas les obliger à le faire. Cela ne veut pas dire que nous nous satisfassions de la situation.
Nous considérons que, pour progresser, il faut d'abord que les salariés de tous les types d'entreprises aient le même droit à dire leur mot. Pour cela, il faut des formes de représentation qui leur permettent de s'exprimer davantage qu'aujourd'hui. Nous continuons à considérer que le délégué syndical est la meilleure forme de représentation des salariés. Et si le taux de syndicalisation passe de 4 à 10 ou à 20 %, nous nous en réjouirons tous. Mais comme cela ne se décrète pas, nous pensons qu'il est préférable, s'il n'y a pas de délégué syndical, que les salariés désignent un élu du personnel et qu'ils puissent recourir, dans des conditions encadrées, au référendum pour pouvoir conclure des accords à la majorité des deux tiers. On peut rêver d'un monde parfait mais le plus important est de transformer le réel.
Nous avons aussi prévu des dispositions pour renforcer cette culture du dialogue social et de la négociation qui, j'en suis sûre, porteront leurs fruits progressivement.
C'est le cas de la création d'observatoires départementaux tripartites – regroupant l'État et les partenaires sociaux – qui auront connaissance de tous les accords. Je rappelle que contre tout accord qui serait illégal, tous les recours seront possibles, comme d'habitude : nous ne sommes pas dans une zone de non-droit. Simplement, les organisations syndicales qui chercheraient à atteindre les salariés des 1,3 million de petites entreprises, pourront, dans le cadre de cette dynamique de négociation, contacter les élus et leur proposer d'adhérer à leurs structures. Cela se fera ainsi dans le respect du libre-arbitre des parties.
D'autre part, nous avons prévu, à la demande des partenaires sociaux, que soient affichés dans les entreprises, outre l'adresse de l'inspection du travail comme c'est le cas actuellement, les contacts des organisations syndicales du département. Cela facilitera l'accès des salariés et de leurs élus à ces organisations.
Enfin, j'ai confié à Jean-Dominique Simonpoli et à Gilles Gateau une mission relative au renforcement des élus. Ceux-ci ont notamment eu l'idée de créer des binômes regroupant direction des ressources humaines et syndicalistes, qui puissent aller aider les deux parties à développer cette culture de la négociation dans les petites entreprises.
Le changement passe par les acteurs et par les outils qu'on leur donne. Mais on ne peut pas décréter, à la place des salariés, qu'il n'y a pour eux qu'une forme possible de représentation, en dehors de laquelle ils ne pourront négocier. Si nous avons limité la mesure aux entreprises de moins de cinquante salariés, c'est que la présence syndicale y est extrêmement faible. Certains auraient souhaité aller au-delà car cette présence syndicale n'est pas non plus très importante dans les entreprises de cinquante à cent salariés – de mémoire, elle est de 27 %. Mais nous avons considéré que plus une entreprise était grande, plus la notion de corps intermédiaire était facile à intégrer alors qu'il était difficile, dans une entreprise d'une dizaine ou d'une vingtaine de salariés, d'imposer une seule forme de représentation si, encore une fois, elle n'était pas choisie par les salariés eux-mêmes. Nous essayons de réunir toutes les conditions pour favoriser la représentation syndicale. La solution que nous proposons est pragmatique et équilibrée : elle répond à l'objectif recherché par tous tout en tenant compte du réel et non pas simplement de principes idéologiques.
Je ne sais pas qui, entre vous et nous, est le plus idéologue, madame la ministre. Vous êtes dans une sorte de dictature du réel. Pour notre part, nous ne nous contentons pas de prendre acte du réel : nous considérons qu'il y a d'autres chemins possibles – que vous refusez puisque vous êtes dans le positivisme, estimant détenir la science et ne pas vous tromper. Dans d'autres pays, les taux de syndicalisation sont élevés sans qu'il y ait obligation d'adhérer à des organisations syndicales : il y a des mécanismes incitatifs susceptibles d'entraîner une vraie révolution copernicienne. Je n'ai jamais considéré le pragmatisme comme la part maudite de la politique mais quand il devient idéologique, il est une forme de renoncement.
La commission rejette l'amendement AS47.
Elle est saisie de l'amendement AS111 de M. Boris Vallaud.
Les deux premiers paragraphes de cet amendement traitent des modalités de ratification des accords dans les entreprises de moins de onze et de moins de cinquante salariés. La procédure de consultation des salariés, qui existe déjà dans le code du travail, était prévue pour ratifier les seuls accords conclus par des syndicats ne représentant pas 50 % des salariés. Cette consultation des salariés a été reconnue comme conforme à la Constitution dans une décision du 7 septembre 2017 parce qu'il s'agissait de valider un accord conclu. En d'autres termes, le Conseil constitutionnel n'a pas autorisé le référendum pour valider un accord proposé de façon unilatérale par l'employeur. D'où notre amendement.
Cet amendement vise à supprimer deux paragraphes introduits par l'ordonnance relative aux modalités de négociation des accords dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégués syndicaux.
Vous souhaitez supprimer ces dispositions parce qu'elles seraient, selon vous, contraires à la loi d'habilitation du 15 septembre dernier, qui autorisait le Gouvernement à faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord.
Je ne partage pas votre interprétation car les articles qui ont été modifiés répondent à une autre disposition de la loi d'habilitation, au a) du 2° de l'article 1er, qui permettait au Gouvernement de faciliter « dans les cas prévus aux articles L. 2232-21 à L. 2232-29 du code du travail, notamment dans les entreprises dépourvues de délégué syndical dont l'effectif est inférieur à un certain seuil, les modalités de négociation, de révision et de conclusion d'un accord ». Le Gouvernement avait donc bien la possibilité de rénover les règles de négociation et de conclusion des accords dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical.
Nous nous interrogions aussi quant à votre interprétation de la décision récente du Conseil constitutionnel et quant à la constitutionnalité des modalités de référendum que vous proposiez. Si je comprends bien, vous estimez avoir déjà répondu.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l'amendement AS114 de M. Boris Vallaud.
Puis elle étudie l'amendement AS143 du même auteur.
Nous proposons d'introduire la validation par la commission paritaire de branche des accords unilatéraux conclus dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Cet amendement permettrait à la branche professionnelle de voir son rôle d'organisation renforcé et permettrait aussi de lutter efficacement contre le risque de concurrence déloyale qu'introduit votre texte.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS137 de M. Boris Vallaud.
En permettant à l'employeur de proposer unilatéralement et sans restriction aux salariés un accord qui serait validé par référendum, vous affirmez deux choses : pas de syndicat dans les entreprises de moins de onze salariés – vous privez donc un tiers des salariés de représentation syndicale ; pas de regard des organisations syndicales sur ce qui se passe dans les TPE. En effet, avec ces négociations sauvages et autonomes, vous ne permettez plus à la branche professionnelle d'avoir une vue d'ensemble de son tissu conventionnel, vous affaiblissez la branche que vous prétendez renforcer et mettez encore une fois les syndicats loin de l'entreprise, ce qui ne nous paraît pas acceptable. C'est pourquoi nous vous proposons de revenir à la rédaction antérieure de cet article.
Votre amendement vise à revenir à la situation antérieure, s'agissant des modalités de négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et d'élu mandaté. Il permet ainsi aux élus non mandatés de négocier. Ce faisant, cet amendement supprime l'article permettant aux salariés de ratifier, à la majorité des deux tiers, le projet d'accord de l'employeur.
Sur le fond, je suis pour le maintien des dispositions prévues par l'ordonnance, donc défavorable à votre amendement qui supprime les modalités de validation des projets d'accord de l'employeur dans les entreprises de moins de onze salariés. Sur la forme, votre amendement fait mention des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, qui ont été fusionnés au sein du comité social et économique : j'y suis donc doublement défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle étudie l'amendement AS138 de M. Boris Vallaud.
Après avoir discuté de la place de la négociation dans les entreprises de moins de onze salariés, nous en venons aux entreprises de onze à dix-neuf salariés. Une fois encore, vous incitez les employeurs à contourner les syndicats, en ouvrant la possibilité à l'employeur de proposer unilatéralement un accord ratifié par deux tiers des salariés. Après avoir affaibli la voix des salariés dans les très petites entreprises, voilà que vous faites de même dans les petites entreprises. Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer cette possibilité référendaire.
Avis défavorable, pour les raisons déjà exprimées : nous souhaitons encourager le dialogue social à tous les niveaux, y compris au sein des TPE. Comme l'a bien expliqué Mme la ministre tout à l'heure, l'idée n'est pas de contourner les syndicats. Simplement, nous constatons leur absence dans ces TPE. Cela fait plusieurs années que des lois sont adoptées pour favoriser leur présence. Je ne mets pas en cause la bonne volonté des organisations syndicales mais la réalité est ce qu'elle est. Nous ne sommes pas dogmatiques : nous faisons simplement un constat.
Dès lors, comment faire pour créer les conditions du dialogue social dans ces entreprises ? Nous donnons la possibilité aux salariés de s'adresser au délégué syndical s'il y en a un, à l'élu du personnel s'il y en a un, et, s'il n'y a ni l'un ni l'autre, de s'adresser directement aux collaborateurs présents. Nous ne sommes pas dans une logique inverse : nous proposons que les salariés commencent par s'adresser aux personnes présentes. J'entendrais votre propos si nous avions organisé notre réflexion dans l'autre sens. Or, pas du tout. Nous commençons par inviter les partenaires sociaux à négocier. Mais s'ils ne sont pas là, il faut quand même que l'entreprise puisse s'adapter.
Nous n'avons pas été convaincus par les quelques mesures censées renforcer la présence syndicale dans les petites entreprises. L'encre des accords instituant les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) était à peine sèche que vous avez décidé de supprimer ces commissions, de même que le mandatement syndical. Nous regrettons que vous n'ayez pas procédé à une évaluation loyale et sincère de certains dispositifs, pour leur donner leur chance et faire le pari de la confiance. Il y avait d'autres chemins possibles.
Il aura finalement fallu attendre les ordonnances pour que l'on découvre d'autres moyens de défendre les salariés des TPE. Pourquoi les syndicats n'ont-ils rien fait depuis des décennies ? Ils ont surtout montré qu'ils savaient défendre les insiders et les salariés déjà les mieux protégés. Si le dialogue social est du seul ressort de la loi et des organisations syndicales, force est de constater que la situation de l'emploi en France n'est pas à la hauteur de son rang. Au sein du G20, nous sommes quinzièmes, derrière l'Italie et l'Espagne, et à la traîne avec 3,5 % de chômage de plus que la moyenne des pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui est à 6 %. Il est temps de faire autrement !
Nous proposions effectivement de faire autrement. Il y avait d'autres chemins. Vous connaissez la formule de Jean Jaurès : « Les privilégiés n'osant plus dire "cela est juste", disent "cela est inévitable". »
Au cours de ces dernières années, les textes en application n'ont favorisé ni le dialogue social ni l'évolution dans les entreprises. Tirons-en les conséquences. À un moment donné, il faut donner sa chance au dialogue social de proximité dans l'entreprise. Si les textes ne sont pas bons, le législateur pourra toujours revenir en arrière. En attendant, il y a dans les PME des salariés qui ne sont pas syndiqués mais qui n'en ont pas moins des convictions. Ils ont envie que leur entreprise fonctionne et se développe. Donnons-leur cette opportunité au travers du texte qui nous est proposé plutôt que d'essayer de mettre de nouvelles barrières.
J'ai entendu les propos de notre collègue Da Silva, qu'il avait d'ailleurs déjà tenus hier. J'ose espérer qu'ils ne constituent pas l'inspiration de ce projet de loi. Je ne souhaite pas que notre commission fasse un procès aux organisations syndicales. Ces dernières s'attachent à défendre les salariés avec les conceptions qui sont les leurs. On peut sans doute parfois discuter ces conceptions et il y a des débats entre ces organisations. Cependant, il me semble vraiment nécessaire de développer le syndicalisme dans notre pays. S'y opposer serait une grave erreur.
Nous souhaiterions évidemment que les délégués syndicaux soient plus présents dans les petites entreprises. Contrairement à M. Vallaud, nous constatons plutôt un échec du mandatement et des différentes voies qui ont été essayées. Quand on discute avec les organisations syndicales, elles reconnaissent elles-mêmes que le mandatement n'aurait pas permis de développer le syndicalisme dans les entreprises. Elles constatent aussi qu'elles sont les premières responsables de leur absence dans ces TPE-PME. Vos interventions, monsieur Vallaud, donnent le sentiment que le législateur aurait la baguette magique pour que les syndicats arrivent dans les petites entreprises. Au contraire, ce sont d'abord les organisations syndicales qui sont responsables de la situation. Elles en ont conscience.
Pour notre part, nous faisons le pari de développer le dialogue social dans les PME et qu'avec les accords d'entreprise qui vont s'y développer demain, les syndicats considéreront comme une priorité d'aller défendre les salariés dans ces entreprises. Nous n'opposons pas deux formes de dialogue social et nous ne considérons pas que le dialogue avec les syndicats ne serait pas une bonne chose dans ces entreprises. Simplement, nous constatons que, pour le moment, il n'y existe pas et qu'il faut en tirer les conséquences.
Nous sommes conscients du fait que la présence des syndicats dans les TPE est quasi nulle. Dès lors, comment développer ce dialogue social que nous appelons tous de nos voeux ? Vous l'avez souligné, madame la ministre, il va falloir accompagner les salariés dans ce domaine. J'attends donc avec intérêt les conclusions du rapport qui vous sera rendu. Le binôme représentant de l'employeur - représentant du salarié, qui viendra conseiller les TPE, est une très bonne idée.
Il y a quand même des propos qui me choquent. J'entends dire qu'on n'est pas satisfait de ce qui se passe dans les TPE. Mais d'abord, y êtes-vous déjà allés ? (Mouvements divers.) Vous insultez les patrons ! On n'est pas obligé d'être syndiqué pour dialoguer avec son employeur. Dans les petites entreprises, les salariés ont tous les contacts qu'il faut. Vous avez des patrons qui engagent tous leurs biens pour faire grandir leur entreprise : croyez-vous qu'ils n'aient pas envie de dialoguer avec leurs salariés ? Ils savent pertinemment que plus un salarié se sent bien dans une entreprise, plus il est productif et plus l'entreprise est compétitive. Tout le monde y gagne : le salarié et l'employeur. Il faut arrêter de traiter les employeurs comme des exploiteurs de salariés ! Il y a quelque chose qui en dérange certains dont je ne partage pas les idées : c'est que pour la première fois, on a une ministre qui défend le travail au lieu de défendre de travailler – comme ses prédécesseurs, notamment sous la législature précédente.
La commission rejette l'amendement AS138.
Elle examine ensuite l'amendement AS32 de M. Jean Hugues Ratenon.
L'article 8 de l'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective introduit une grande inégalité entre les salariés, selon la taille de leur entreprise, en matière de négociations des accords collectifs. Nous nous y opposons.
Cet article propose en effet que, dans les entreprises de moins de vingt salariés, l'employeur puisse faire passer un accord d'entreprise sans négociation avec les représentants des salariés par la voie d'une consultation validée par les deux tiers des salariés. Le texte ne prévoit pas que la consultation se déroule à bulletin secret. Imaginez un peu l'ambiance que vous allez créer dans les entreprises de moins de vingt personnes, où tout le monde se connaît, si un vote se déroule sans bulletins secrets ! L'employeur pourra par ailleurs renouveler sa consultation autant de fois que nécessaire à l'adoption de l'accord. Il s'agit donc d'une possibilité illimitée pour l'employeur de faire adopter des accords régressifs du point de vue des droits des salariés. Notre amendement supprime donc cette disposition.
L'organisation collective des salariés dans leurs syndicats est le moyen pour eux de rééquilibrer un rapport de force asymétrique avec leur employeur. C'est pourquoi des accords faisant progresser les droits des salariés, que nous appelons de nos voeux, ne peuvent exister que si les salariés ont la possibilité de s'appuyer sur des organisations syndicales dans la négociation. Par ailleurs, nous attirons l'attention sur le risque d'inconstitutionnalité de cet article. En effet, l'article 8 du Préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc constitutionnel, déclare le droit pour les travailleurs de participer, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective de leurs conditions de travail ainsi qu'à la gestion de l'entreprise.
Considérant les difficultés pour les salariés des petites entreprises à s'organiser syndicalement, nous proposons par cet amendement de créer un dispositif territorial de représentation syndicale. Les comités départementaux de représentation des salariés des petites et moyennes entreprises seront composés de représentants des salariés élus par l'ensemble des salariés des entreprises dont l'effectif est inférieur à cinquante salariés dans un même département. Les élus dans ces comités seront issus de listes établies par les organisations syndicales. Leur mission sera de désigner des délégués pour aider les salariés des PME qui ne disposent pas de représentation syndicale à renégocier leurs accords d'entreprises. Ainsi, plutôt que détruire l'organisation collective des salariés au prétexte de la faible présence des syndicats dans les petites entreprises, comme le fait le Gouvernement, nous proposons une solution qui renforce le pouvoir des salariés.
Avis défavorable.
Je constate chez nos collègues de la France insoumise une volonté de créer des dispositifs alternatifs. On retrouve d'ailleurs dans cet amendement une partie des éléments qui sont institués par le Gouvernement dans ses ordonnances, notamment les observatoires départementaux.
Cela dit, votre amendement supprime la possibilité pour les salariés de ratifier un projet d'accord de l'employeur, dans les entreprises de moins de onze salariés, ou de moins de vingt salariés quand elles sont dépourvues de représentant du personnel. Vous créez aussi un dispositif de représentation syndicale territoriale, intitulé « comités départementaux de représentation des salariés des PME », composés de représentants d'organisations syndicales chargés de désigner des délégués pour aider les salariés des PME ne disposant pas de représentation syndicale à négocier.
Cet amendement revient en fait à rétablir une forme de mandatement syndical. Or, dans les faits, ce mandatement ne fonctionne pas.
Le choix retenu par le Gouvernement et par notre majorité est de permettre aux acteurs de l'entreprise de négocier au plus près du terrain. Nous faisons le pari que les salariés d'une TPE sont plus en mesure de négocier sur les sujets qui les concernent qu'un délégué syndical extérieur à l'entreprise.
J'ajoute que les nouveaux observatoires départementaux d'appui au dialogue social auront précisément pour rôle d'assister les petites entreprises qui souhaiteront engager une négociation avec l'employeur. Leur action, combinée avec celle des CPRI – qui, au passage, n'ont pas été supprimées –, garantira que la négociation et la consultation des salariés se déroulent dans de bonnes conditions.
La commission rejette l'amendement AS32.
Elle en vient à l'amendement AS136 de M. Boris Vallaud.
Vous rendez possible la négociation d'accords sans les syndicats dans les entreprises de moins de cinquante salariés et vous allez même beaucoup plus loin en permettant à l'employeur de valider un accord unilatéral par référendum. Une telle possibilité est, quoi qu'on en dise, un contournement des syndicats pour plus de 7 millions de salariés. Vous renvoyez la négociation à la relation sociale entre employeur et salariés, oubliant le lien de subordination que le premier exerce sur les seconds. Le problème est bien là : la relation entre employeur et salariés n'est pas égalitaire. Comme l'a rappelé Véronique Desacq lors de notre audition des partenaires sociaux lundi dernier, « ces ordonnances ne font pas le choix de la culture du dialogue social qui est au fondement de la relation dans l'entreprise, dans notre pays. Par exemple, qui ira défendre, par la voie référendaire, les intérêts des femmes dans une entreprise qui en compte très peu ? » Toutes les organisations syndicales de salariés nous ont fait part de leur volonté de voir le mandatement renforcé. Vous préférez le supprimer et laisser les salariés se débrouiller quand ils travaillent dans une petite entreprise. Nous proposons de rétablir la place légitime des syndicats dans les TPE en supprimant le référendum que vous instituez et en restaurant le mandatement qui est selon nous une réponse adaptée dans les petites entreprises.
Cet amendement vise encore une fois à supprimer la possibilité pour l'employeur de soumettre un projet d'accord à la consultation des salariés, dans les entreprises de moins de onze salariés. Vous proposez de remplacer cette faculté par le recours au mandatement, en permettant aux seuls membres du comité social et économique ou aux représentants de proximité de négocier, conclure et réviser des accords dans ces entreprises. C'est assez original car nous n'avons pas entendu cette proposition dans la bouche des partenaires sociaux.
Je me suis déjà exprimé sur le mandatement.
Il n'y aurait aucun sens à permettre aux seuls représentants du personnel ou représentants de proximité mandatés de négocier les accords puisque, dans les entreprises de moins de onze salariés, il n'y a aucune obligation de disposer de représentants du personnel. Le comité social et économique n'est obligatoire qu'à partir de onze salariés.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l'amendement AS112 du même auteur.
Puis elle examine l'amendement AS113 de M. Boris Vallaud.
Le I de l'article L. 2232-23-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'article 8 de l'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective, permet encore de contourner la représentation syndicale dans les entreprises de onze à cinquante salariés. C'est donc au choix de l'employeur, et sans préférence pour l'une ou l'autre de ces modalités, que la négociation peut avoir lieu avec des salariés mandatés ou élus. Le texte ne prévoit aucune obligation d'avertir les organisations syndicales de cette volonté de négociation, en violation du principe de participation et de négociation loyale.
Nous proposons donc de rétablir la priorité de négocier donnée aux syndicats et aux salariés mandatés. À défaut de salarié mandaté, un ou des membres de la délégation du personnel du comité social et économique pourra le faire. Aussi, nous rétablissons l'obligation, pour l'employeur, d'informer les syndicats d'engager des négociations.
J'émets un avis défavorable à cet amendement qui découle de l'amendement AS111 que nous avons rejeté.
Il est proposé cette fois de rétablir l'obligation de recourir en priorité à un salarié mandaté pour négocier un accord dans une entreprise de moins de cinquante salariés, et d'autoriser seulement les membres du CSE à négocier un accord, à défaut de salarié mandaté.
Le mandatement ne pouvant pas fonctionner partout, il faut s'adapter à la réalité des entreprises. Celles qui y ont régulièrement recours pourront continuer de le faire, car les ordonnances ne s'y opposent absolument pas. Nous donnons la possibilité – notamment aux entreprises qui n'ont pas cette habitude – de procéder autrement. C'est en cela que nous faisons avancer le dialogue social.
Les entreprises pourront également décider de confier aux membres du comité social et économique la responsabilité de négocier les accords, car les représentants du personnel peuvent, dans certaines situations, mieux connaître les enjeux de l'entreprise et avoir un plus grand intérêt à négocier. Nous avons évoqué ce dernier point à plusieurs reprises.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS185 de Mme Caroline Fiat.
L'article 8 de cette ordonnance autorise le recours à un référendum comme voie de ratification d'un accord, même s'il n'est pas signé par des organisations syndicales majoritaires. Il n'introduit aucune condition de participation minimale ni de majorité qualifiée pour que le référendum soit valide.
Concrètement, dans une entreprise de 1 000 salariés, en cas de projet d'accord non signé par les organisations syndicales représentant 70 % des suffrages, l'employeur pourra faire voter les salariés. Si seulement 200 salariés votent, les autres s'abstenant, et que 101 salariés s'expriment en faveur de l'accord, celui-ci devient un accord d'entreprise pouvant modifier les contrats de travail de l'ensemble des salariés. Je sais que l'abstention n'inquiète pas grand monde mais elle pose tout de même le problème de la légitimité, que ce soit au niveau des institutions ou d'un accord d'entreprise.
J'appelle aussi votre attention sur la capacité des entreprises à organiser ce type de consultation : une entreprise n'est pas une République. Qui, parmi les employeurs, maîtrise les modalités d'organisation d'un référendum ? Il s'agit d'une machinerie lourde à mettre en place. Acheter ou louer du matériel va coûter de l'argent aux entreprises pour, en définitive, imposer bien souvent un accord moins disant socialement.
Cette disposition va, comme l'ensemble des ordonnances, dans le sens d'un affaiblissement de l'organisation collective des salariés. Nous pensons que le rapport de force est par nature déséquilibré dans l'entreprise, ce qui implique une organisation collective des salariés. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les accords collectifs d'entreprise ou d'établissement ne soient effectifs que s'ils sont signés par des délégués mandatés par les organisations syndicales majoritaires.
Cet amendement vise à conditionner la validité des accords conclus par des salariés mandatés, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, à leur signature par des élus du personnel mandatés par des organisations syndicales, alors que le texte actuel prévoit que ces accords soient ratifiés par les salariés, à la majorité des suffrages exprimés.
L'amendement tend aussi à supprimer deux autres possibilités : que les élus non mandatés puissent négocier des accords, à défaut d'élus mandatés ; que des salariés mandatés puissent négocier des accords, à défaut d'élus – mandatés ou non.
Même s'il est très riche sur le plan technique, votre amendement s'inscrit dans la même veine que le débat précédent. Mon point de vue n'a pas évolué : je considère qu'il vaut mieux donner aux élus du personnel, même non mandatés, ou à des salariés mandatés, la possibilité de négocier des accords d'entreprise plutôt que de limiter cette possibilité aux seuls élus mandatés. J'ai une vision plus large que la vôtre de la capacité à conclure des accords.
Il ne me semble pas de bonne pratique de permettre aux salariés de ratifier ou non l'accord négocié préalablement par les élus mandatés. Après tout, les salariés sont les principaux concernés par les dispositions de l'accord, donc les plus à même d'en apprécier le contenu. J'ai bien compris votre volonté de réintroduire un champ d'intermédiation. Vous avez dû bien comprendre que, pour ma part, je souhaite que le plus grand nombre puisse bénéficier du principe de subsidiarité.
Avis défavorable.
La réponse à cet amendement se trouve dans l'amendement lui-même. Prenez l'exemple d'une entreprise de 1 000 salariés. En cas de projet d'accord non signé par les organisations syndicales qui représentent 70 % des suffrages, les salariés vont voter. Je n'imagine pas que seulement 200 salariés vont voter, dans la mesure où il y a un engagement des personnes syndiquées. Ce serait faire offense aux salariés syndiqués. Votre démonstration montre que cet amendement n'a pas de sens.
Je voudrais apporter une précision à mon précédent commentaire et répondre à l'intervention de M. Cherpion. Comme nous l'avons dit lors du débat sur le projet de loi d'habilitation, un référendum dans une entreprise n'est pas un gage de démocratie. Pour reprendre l'expérience connue du référendum organisé chez Smart, les salariés ont voté sous la menace de licenciements ou d'une délocalisation. Le référendum est une expression a priori démocratique mais, s'il a lieu sous la contrainte, il n'est pas le gage d'un bon dialogue social dans l'entreprise.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS139 de M. Boris Vallaud.
Vous facilitez le recours à la consultation des salariés et vous offrez, comme l'indique notre rapporteur dans son rapport, une deuxième chance à un accord qui n'aurait pas remporté l'adhésion majoritaire des organisations syndicales. Vous proposez donc d'étendre à l'employeur la possibilité de recourir à la consultation des salariés, alors que la loi de 2016 n'ouvrait cette possibilité qu'aux organisations syndicales.
Vous vous prévalez de quelques garde-fous, en rappelant notamment que cette possibilité ne serait qu'une deuxième chance. Encore heureux ! En ouvrant à l'employeur la possibilité de demander cette consultation, on passe de la logique de la dernière chance à celle de la deuxième chance. Vous démontrez ainsi votre volonté de contourner les syndicats. Nous sommes résolument contre ce contournement et nous proposons la suppression de cet article.
Je suis défavorable aux arguments que vous avancez pour diverses raisons.
S'agissant de la possibilité donnée à l'employeur d'être à l'initiative du référendum, des garde-fous sont prévus : la demande de l'employeur ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai d'un mois ; les organisations syndicales peuvent s'y opposer si elles estiment que l'organisation d'un référendum n'est pas une bonne idée.
Lors des auditions préalables à l'examen de ce texte, nous avions organisé une table ronde réunissant des directeurs des ressources humaines (DRH) d'entreprises de différentes tailles et de secteurs variés. Compte tenu de ces échanges et aussi des prises de positions de diverses associations, je ne pense pas que les DRH aient l'intention d'utiliser le référendum comme un outil pour s'opposer au dialogue social. L'employeur ne pourra d'ailleurs y recourir qu'à des conditions très restrictives.
Vous faites allusion à une expression que j'avais employée lors de l'un de nos précédents débats. Pour moi, le référendum est une façon de donner une deuxième chance au dialogue social – celui-ci n'étant pas compris comme une opposition de forces antagonistes. Pour avoir occupé des fonctions dans les ressources humaines pendant quelques années, je ne crois pas qu'un employeur ou un DRH puisse prétendre créer une dynamique positive dans une entreprise en avançant à coup de référendums en guise de relations sociales.
J'en viens à la possibilité donnée aux organisations syndicales non-signataires de l'accord minoritaire de signer le protocole. Cette mesure va dans le bon sens puisqu'elle permet à toutes les organisations syndicales de s'exprimer sur les conditions d'organisation du référendum. De plus, je vous rappelle que le Conseil constitutionnel vient de censurer, en réponse à une QPC, la solution qui avait été retenue par la majorité précédente, consistant à réserver la négociation de ce protocole aux seules organisations syndicales signataires du projet d'accord. Je fais référence à la décision no 2017-664 QPC du 20 octobre 2017. La rédaction retenue par l'ordonnance permet de répondre à cette difficulté soulignée par le Conseil constitutionnel.
Enfin, sur la question de l'entrée en vigueur des accords majoritaires, je crois que la date du 1er mai 2018, retenue par l'ordonnance, est une position d'équilibre. Elle permet aux différents acteurs de s'adapter aux nouvelles règles de majorité, dont l'application a été avancée de plus d'un an par rapport à la date initialement fixée au 1er septembre 2019.
Si certaines organisations syndicales ont manifesté des inquiétudes sur ce point lors de nos auditions, des représentants d'organisations patronales ont aussi plaidé qu'ils allaient être soumis à un rythme rapide auquel ils n'étaient pas forcément préparés. Laisser passer un quadrimestre – jusqu'au 1er mai l'année 2018 – est raisonnable et cohérent. Le but est de rendre les choses possibles. Rien ne sert d'écrire des tas de mesures dans le code du travail si elles sont inopérantes.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS48 de M. Pierre Dharréville.
Le référendum à l'initiative de l'employeur constitue un instrument de contournement des organisations syndicales.
À titre d'exemple, je vous conseille de voir Les Virtuoses, un film réalisé par Mark Herman, qui raconte l'organisation d'un référendum dans une entreprise en Angleterre et qui décrit les dégâts énormes que cette procédure provoque localement, sur fond de chantage à l'emploi. Ce risque n'existe pas seulement dans des scénarios de films. La réalité nous offre des cas concrets où les salariés sont sommés de choisir entre perdre une jambe ou un bras. Le choix binaire proposé est inacceptable.
Dans votre présentation, vous sous-estimez la soif de profit et les dégâts qu'elle produit dans notre société et dans les entreprises, comme nous le confirment les Paradise Papers publiés ces derniers jours. Qui peut nier l'existence de cette soif de profit et son influence directe sur les relations sociales dans l'entreprise ?
Il est injuste d'opposer les salariés entre eux, en isolant les insiders des autres. Les salariés qui occupent un emploi stable ne sont pas responsables de la précarité dans le reste du pays. Ce n'est pas en abaissant la qualité de l'emploi que l'on résoudra le problème de la précarité et du chômage.
Les organisations syndicales sont très attachées à défendre tous les salariés. La logique des ordonnance risque de les en empêcher parce que, pour partie, ils agissaient par procuration, notamment vis-à-vis des salariés des TPE et des PME, en intervenant directement sur la fabrication de la loi et dans les branches. Les salariés vont subir des difficultés supplémentaires.
Madame la ministre, vous nous avez reproché de ne pas être pragmatiques. Je pense que nous ne nous attachons pas aux mêmes réalités. Pour ma part, j'ai les deux pieds dans la réalité. À plusieurs reprises, il a été fait référence à de l'idéologie : je crois qu'on ne fait pas de politique sans idées !
L'objet de nos débats, cher collègue, est précisément de confronter nos idées. Faisons-le ; c'est très bien ainsi.
J'émets un avis défavorable à votre amendement, pour deux raisons.
Première raison : le recours au référendum est vraiment une seconde chance donnée à la négociation collective, comme je le disais précédemment en réponse à Mme Bareigts. Quand on s'entretient avec ceux qui en seront les acteurs, qu'il s'agisse des employeurs ou des organisations représentatives des salariés, on se rend compte qu'ils n'envisagent pas cet outil comme un instrument de passage en force. Une telle méthode ne fonctionnerait d'ailleurs pas dans la durée.
Vous avez évoqué les rares cas de référendums aux conséquences difficiles. Où veut-on aller ? Les salariés sont extrêmement attentifs à la question qu'on leur pose. Je n'ai pas besoin de faire de pari : je connais l'exigence des salariés et des organisations syndicales lorsqu'on leur pose une question.
Deuxième raison : la possibilité donnée à l'employeur de solliciter l'organisation d'un référendum est très encadrée. Il ne s'agit pas d'y recourir, de façon unilatérale, à chaque blocage de la relation sociale dans l'entreprise. Surtout pas ! Il s'agit d'une seconde chance très encadrée ; les syndicats peuvent s'opposer et même prendre la main. Il n'y a aucun contournement des syndicats.
De quoi parlons-nous ? De renforcer le dialogue social et de compléter les dispositions qui permettent à la démocratie sociale de s'exprimer dans l'entreprise. Le référendum en question n'est pas hors sol. Qu'il soit à l'initiative de l'un ou l'autre des partenaires sociaux, il doit succéder à un accord ou une proposition d'accord entre l'employeur et les organisations représentant au moins 30 % des voix. C'est dire qu'il se situe dans une dynamique de dialogue social.
Sous la législation précédente, nous avons eu plusieurs cas dont certains ont été validés et d'autres non. Quels sont les cas de recours les plus fréquents ? Quand des organisations syndicales sont prêtes à signer un accord mais veulent vérifier que les salariés qui les mandatent sont bien d'accord sur le point en question. La plupart du temps, il s'agit d'une initiative conjointe des partenaires sociaux. De toute façon, chacun a le moyen de bloquer l'autre.
En fait, il n'y a pas de référendum possible sans un minimum d'accord. Le Conseil constitutionnel a renforcé ce point par rapport à la loi d'août 2016, en censurant le fait que le protocole d'organisation d'un référendum avait été négocié avec les seuls syndicats signataires de l'accord. Le protocole doit être négocié avec tous les syndicats représentatifs. Ce n'est en rien un contournement du dialogue social structuré avec les organisations syndicales.
Cet outil est à la disposition des organisations syndicales et de l'employeur, qui peuvent s'en saisir conjointement, quand une grande majorité de salariés adhère à la proposition. Le contournement que vous redoutez ne correspond pas du tout à l'esprit des discussions que nous avons eues avec les partenaires sociaux. Le Conseil constitutionnel a lui-même renforcé l'exigence d'adhésion des salariés.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS140 de M. Boris Vallaud.
Par cet amendement, nous nous opposons à la possibilité ouverte à l'employeur de demander l'organisation de la consultation. Sous la précédente législature, nous avions déjà constaté que le délai de huit jours était problématique. Durant ce laps de temps, l'organisation qui a obtenu plus de 30 % des votes essaie d'en convaincre une autre pour atteindre le seuil de 50 %, ce qui crée du chaos et des perturbations dans l'entreprise autour de cette possible consultation.
Nous avons déjà assez longuement échangé sur le référendum. Vous voulez supprimer la possibilité pour l'employeur d'y recourir : je suis défavorable à cette proposition.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, l'amendement AS141 de M. Boris Vallaud et l'amendement AS17 de M. Jean-Charles Taugourdeau.
L'amendement porte sur la question du calendrier. Vous réduisez de trois à deux ans le délai durant lequel la restructuration des branches devra intervenir. Vous ouvrez ainsi une période transitoire entre la publication des ordonnances et le 1er mai 2018, pendant laquelle certains employeurs pourraient être tentés de faire passer des accords minoritaires sur un champ de négociations élargies. Nous proposons de revenir sur cette réduction.
Nos amendements ne devraient pas faire l'objet d'une discussion commune parce que le mien propose un aménagement de date et non pas la suppression d'une mesure.
La primauté des accords d'entreprise, telle que souhaitée par le Gouvernement, s'applique à compter du 1er janvier 2018. Cet amendement vise à harmoniser les délais afin que les accords majoritaires soient effectifs à la même date, ou en même temps, selon la formule consacrée.
S'agissant de l'amendement AS141, il ne vous aura pas échappé que le contexte dans lequel les accords majoritaires ont été mis en place, l'an dernier, a changé : les ordonnances accordent désormais beaucoup plus de place aux accords d'entreprise. Il est donc important que la date des accords majoritaires soit avancée pour qu'ils aient une pleine légitimité. Lors de nos auditions, il nous a semblé que les intervenants le souhaitaient. Je ne suis donc pas favorable à votre option consistant à maintenir leur entrée en vigueur au 1er septembre 2019. Avis défavorable.
S'agissant de votre amendement, monsieur Taugourdeau, je comprends d'autant plus votre interrogation que j'ai eu la même réflexion. Au cours de mes échanges avec le Gouvernement, il m'est apparu que le fait d'avancer la date d'entrée en vigueur au 1er janvier 2018 pourrait perturber le cycle des négociations obligatoires.
J'ai aussi fait appel à ma mémoire – assez récente – de professionnel des ressources humaines. Je me suis souvenu qu'il y avait un cycle de négociations obligatoires au premier trimestre et qu'il était important de laisser les choses se consolider avant de passer à l'étape des accords majoritaires. Du coup, le 1er mai me semble une bonne date et je me suis rendu aux arguments de Mme la ministre.
Compte tenu des explications de M. le rapporteur, et ne souhaitant pas que les deux amendements en discussion commune soient confondus, je retire le mien.
L'amendement AS17 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS141.
Elle examine l'amendement AS142 de M. Boris Vallaud.
Il est nécessaire de faire le bilan avant de généraliser l'accord majoritaire au 1er mai 2018. La loi de 2016 prévoyait la remise d'un rapport d'évaluation au Parlement avant le 31 décembre 2018. Nous nous interrogeons quant au devenir de ce rapport dû au Parlement. Pour prendre en compte l'accélération du calendrier, nous proposons d'avancer la date de remise de ce rapport au 1er mars 2018.
J'ai déjà perçu à plusieurs reprises l'intérêt de notre collègue Boris Vallaud pour la production d'un rapport ou d'une étude préalable, lorsque cela était prévu, avant d'avancer plus rapidement sur les accords majoritaires. Je comprends bien l'intention de l'amendement tel qu'il est déposé. Il est cohérent avec les textes adoptés sous la majorité précédente.
Cela étant, cher collègue, demander un rapport d'évaluation sur les accords majoritaires pour le 1er mars 2018 me paraît franchement inutile. Nous aurions peu de matière : les accords majoritaires conclus n'ont pratiquement porté que sur la durée du travail, les congés et les repos. Cela n'est pas suffisant pour l'évaluation que vous souhaitez. Et j'imagine que vous ne faites pas cette demande seulement pour voir produit un énième rapport.
Le contexte a changé, nous en sommes tous d'accord. Le Gouvernement et la majorité présidentielle veulent en tenir compte. Le diagnostic que nous avons fait de l'état de la société et de la nécessité de refonder le dialogue social se traduit par ces ordonnances. Il nous paraît important d'avancer vite sur les accords majoritaires afin d'être en cohérence avec les autres éléments contenus dans ces ordonnances. Avis défavorable.
Tout en maintenant l'amendement, je prends acte de votre position qui dénote une tendance au pari et à la croyance plus qu'à l'évaluation et à l'analyse.
La commission rejette l'amendement.
Nous en avons fini avec les amendements portant articles additionnels visant à modifier l'ordonnance no 2017-1385 et nous en revenons à l'article unique précédemment réservé.
Article unique
La commission est saisie des amendements identiques AS4 de M. Boris Vallaud et AS37 de M. Pierre Dharréville.
Avant de présenter mon amendement, j'aimerais comprendre le bien-fondé de cette présentation. Nous allons examiner les amendements de suppression avant d'avoir traité les ordonnances 2 et 3.
J'ai expliqué la procédure que nous suivons au début de cette réunion. Pour l'instant, nous examinons les amendements de suppression de l'article – au début de celui-ci, comme il est d'usage –, puisque nous sommes passés à l'article unique.
J'ai compris tous les mots mais pas le sens global…
J'en viens néanmoins à l'amendement AS4.
La Commission européenne s'est intéressée aux évolutions du travail et aux conséquences de la révolution numérique. Elle a considéré qu'il était nécessaire de prendre le temps d'établir un diagnostic de fond et qu'il était urgent de réduire les inégalités sur le marché du travail. En certaines circonstances, nous avons raison de regarder ce que préconise la Commission… Avec vos ordonnances, vous faites exactement l'inverse en travaillant dans l'urgence. Ce faisant, vous passez à côté d'enjeux essentiels et vous renoncez à réduire cette fracture sur le marché du travail et les inégalités qui s'y creusent. Sommes-nous les seuls à le dire ? Vraisemblablement non.
Avant-hier, notre commission a auditionné les syndicats de salariés. Que vous ont-ils dit ? Que ces ordonnances présentaient des dangers pour les salariés : danger du fait de la baisse des moyens dédiés aux instances représentatives du personnel ; danger du fait de la précarisation accrue des salariés qui ne sera en rien un levier pour créer des emplois nouveaux ; danger du fait du contournement des cadres collectifs, avec la possibilité de discuter plutôt que de négocier directement avec les employées dans les entreprises de moins de vingt salariés dépourvues d'élus du personnel, ce qui fera sortir 80 % des entreprises de notre pays de ce que nous considérons comme le dialogue social ; danger du fait de la création d'une possibilité de référendum à main levée et non nécessairement à bulletin secret ; danger du fait de la fusion des instances représentatives du personnel – comités d'entreprise, délégués du personnel et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – qui va entraîner une baisse du nombre d'élus du personnel ; danger du fait de la rupture conventionnelle collective qui permet des plans de départs volontaires en dehors de plans sociaux et qui expose particulièrement les salariés les plus âgés.
Nous ne sommes pas les seuls à vous demander de voter cet amendement visant à remplacer le mot « ratifiées » par le mot « abrogées ». Si nous n'étions pas une majorité à voter cet amendement alors vous seriez une majorité à trahir la promesse de justice que devrait porter chacune des lois de la République.
Le projet de loi de ratification des ordonnances visant à réformer le code du travail confirme les craintes que nous avons exprimées au moment de l'examen du projet de loi d'habilitation.
Sur la forme, l'habilitation donnée à l'exécutif a permis, par son étendue et son imprécision, de laisser de grandes marges de manoeuvre au Gouvernement pour réformer, dans le sens qu'il le souhaitait, le droit du travail. Alors que le projet de loi d'habilitation comprenait dix articles, nous sommes amenés aujourd'hui à ratifier cinq ordonnances qui regroupent plus de 150 articles concernant des pans entiers de notre législation sociale. Je continue à penser que la méthode affaiblit singulièrement le Parlement. Compte tenu de nos échanges d'hier, j'espère qu'elle ne va pas se généraliser dans les temps à venir.
Sur le fond, les cinq ordonnances soumises à ratification s'inscrivent dans les réformes de ces trente dernières années visant à flexibiliser le marché du travail et à abaisser le coût du travail, suivant ainsi les recommandations de la Commission européenne. Hélas, il n'y a là rien de nouveau. Dans cette logique, le salarié est considéré comme une variable d'ajustement aux contraintes économiques extérieures.
Sans même prendre le temps de faire le bilan de la loi travail de 2016, déjà très controversée, les ordonnances entendent changer complètement la philosophie du code du travail en en faisant une sorte de trame facultative. Elles prévoient de renverser la hiérarchie des normes en enterrant définitivement le principe de faveur sur lequel l'ensemble de notre droit du travail s'est construit. La primauté de l'accord d'entreprise devient finalement la règle de droit commun, mettant en cause le contrat de travail lui-même.
L'autre logique de ce texte, c'est la volonté d'affaiblir les syndicats, à rebours de l'objectif affiché de renforcer le dialogue social. Le diagnostic établi par les organisations syndicales conduit à cette conclusion. C'est ce que traduisent la mise en oeuvre d'une instance fusionnée, supprimant au passage le CHSCT, et la faculté de se passer de syndicats pour négocier dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
Ces textes sont également la consécration de la logique de flexi-précarité. La troisième ordonnance se fixe ainsi l'objectif de « sécuriser les relations de travail pour l'employeur comme pour les salariés ». En réalité, cette sécurisation est à sens unique puisqu'il est prévu de réintroduire le vieux projet de plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement illégal et abusif, et de faciliter le recours aux CDD et au CDI de chantier, ce qui revient à inventer un CDI précaire.
Enfin, ces textes marquent l'affaiblissement de la prévention de la santé au travail : suppression du CHSCT, suppression du compte pénibilité notamment en ce qui concerne les risques chimiques, et affaiblissement du fait syndical dans l'entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article unique ratifiant les ordonnances portant réforme du code du travail.
Il s'agit là d'un positionnement politique global. En extrayant quelques mesures dont vous ne souhaitez pas l'application, vous cherchez à présenter tout le texte sous un angle négatif. Je ne me lancerai pas dans un inventaire à la Prévert des mesures que j'estime pour ma part positives, non seulement parce que la journée n'y suffirait pas (Sourires), mais aussi parce que ces ordonnances indiquent clairement que notre objectif est de renforcer les relations de confiance au sein de l'entreprise, de donner la priorité aux TPE et aux PME, enfin d'apporter de nouveaux droits aux salariés et de nouvelles prérogatives aux représentants du personnel.
J'en profite d'ailleurs, à ce stade, pour remercier Mme la présidente pour l'organisation de ce débat : il me paraît en effet bienvenu de pouvoir discuter des éventuelles modifications à apporter à chaque ordonnance, avant de passer au vote sur la ratification.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement AS234 du rapporteur.
Le présent amendement réécrit l'article unique et, s'il est adopté, fera tomber les amendements suivants s'y rapportant. Afin que le débat ait lieu, et avant de mettre aux voix l'amendement du rapporteur, je vais donner la parole à chacun des auteurs des amendements concernant l'ordonnance n° 2017-1385.
Pour ce qui est des amendements sur les autres ordonnances – et par là je réponds à la question de M. Vallaud –, je donnerai la parole, s'ils le souhaitent, à tous les auteurs d'amendements tombés au moment où nous examinerons les quatre autres amendements du rapporteur autorisant la ratification de chaque ordonnance.
Comme vous l'avez indiqué, madame la présidente, l'amendement AS234 propose une rédaction globale de l'article 1er afin que chaque ordonnance puisse être ratifiée au sein d'un article distinct, ce qui facilitera nos débats en séance publique. J'ai donc déposé quatre autres amendements visant à ratifier respectivement les ordonnances nos 2017-1386, 2017-1387, 2017-1388 et 2017-1389, que nous examinerons après avoir discuté de ces éventuelles modifications apportées à chaque ordonnance.
Pour ce qui est de l'ordonnance n° 2017-1385, je rappelle qu'elle contient des avancées très importantes en matière de négociation collective. Elle revoit, en premier lieu, l'architecture conventionnelle dans un sens qui permet de favoriser le principe de subsidiarité, celui de la proximité, autrement dit le niveau de l'entreprise, tout en renforçant le rôle de garant et de régulateur de la branche. Elle permet également de proposer un cadre unifié aux accords de compétitivité là où coexistait auparavant une multiplicité de régimes différents, ce qui était source de complexité.
Le titre II de cette ordonnance encourage ensuite la négociation collective dans les entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles, en assouplissant les conditions de négociation d'un accord dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical. J'insisterai, chers collègues, sur certaines dispositions à propos desquelles nous n'avons pas eu beaucoup l'occasion d'échanger lors de l'examen des amendements et qui pourtant sont fondamentales ; je pense à la création des observatoires d'analyse et d'appui du dialogue social dans chaque département, qui permettront d'accompagner le développement de la négociation collective dans les entreprises de moins de cinquante salariés, à l'accélération de la réduction du nombre des branches professionnelles qui permettra de disposer de branches renforcées, plus efficaces dans leur action.
Comme convenu, je ne mets pas cet amendement au voix immédiatement, puisque chacun des autres amendements va être présenté. Auparavant, M. Cherpion souhaite s'exprimer.
Le moment est venu de prendre position. Le groupe Les Républicains apprécie le nouvel équilibre proposé par ces ordonnances, qui entérine le renforcement du rôle régulateur de la branche tout en facilitant la négociation de proximité au niveau de l'entreprise, ce que nous souhaitions depuis un certain temps. De même, nous sommes satisfaits de la facilitation du dialogue social dans les TPE-PME, d'une manière ouverte, simple, en l'absence de délégué syndical.
Nous avons cependant des réserves quant aux modalités de fusion des accords primant sur le contrat de travail au sein d'un dispositif unique : subsistent en effet un certain nombre d'incertitudes. Nous sommes favorables à une harmonisation, mais dans un cadre qui soit parfaitement clair – nous y reviendrons probablement en séance.
Enfin, je me réjouis que l'employeur puisse organiser un référendum pour valider un accord minoritaire, comme nous l'avions demandé. En ce qui concerne la date d'entrée en vigueur des accords majoritaires, nous constatons les efforts faits pour l'avancer à mai 2018 – peut-être aurait-il fallu retarder l'entrée en vigueur de la primauté de l'accord d'entreprise pour garantir leur légitimité.
Ces réserves étant exprimées, le groupe Les Républicains votera la ratification de cette ordonnance.
Le Conseil constitutionnel constate dans sa décision du 28 avril 2005 l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Il semble que le titre de l'ordonnance n° 2017-1385, qui décrit l'exact inverse de tout ce qu'elle contient, est contraire à cet objectif, et c'est pourquoi, par l'amendement AS25, nous en proposons la modification. Nous estimons en effet que, sous couvert de renforcer la négociation collective, cette ordonnance est en réalité le meilleur moyen d'en affaiblir les acteurs : elle fait tomber un grand nombre de dispositions relevant des lois de la République dans le champ de la branche professionnelle et, en cela, fait peser une forte incertitude sur les travailleurs puisque leurs conditions de travail ou de rémunération, qu'ils croyaient acquises, peuvent être remises en cause.
En matière de CDD, par exemple, alors que les lois de la République les protégeaient contre la prolongation de la précarité, cette ordonnance met fin à cette garantie. C'est ainsi que les contrats précaires comme le CDD pourront être étendus dans leur durée et leur fréquence de renouvellement. Si l'on comprend bien l'avantage que cela représente pour certains employeurs, les salariés n'ont rien à y gagner.
L'ordonnance en question fait en outre tomber d'autres dispositions relevant de la branche dans le champ de l'entreprise : les primes telles que le treizième mois ou les primes de prévoyance seraient désormais négociées au sein de l'entreprise. Si l'on estime que, conformément à sa définition juridique, la négociation collective implique un certain degré de liberté pour les deux parties, force est de constater que la négociation d'entreprise réduit considérablement la liberté des salariés et leur égalité face à l'employeur. Ils pourront en effet être soumis par l'employeur à du chantage, à des pressions ou à des promesses de récompenses, et ne pourront plus compter sur le droit public ou conventionnel. Dorénavant, ils se retrouvent seuls face à la bonne volonté de leurs employeurs au moment d'accorder certains avantages salariaux.
En niant la réalité des rapports de force que tous les rapports humains sous-tendent, cette ordonnance, qui réduit la liberté d'une des deux parties et détruit les conditions de légalité, contribue nécessairement à l'affaiblissement de la négociation collective. Aussi, par souci sémantique et afin de clarifier les intentions du Gouvernement et de sa majorité, je vous invite à renommer l'ordonnance, qui serait désormais relative à « l'affaiblissement de la négociation collective ».
Nous estimons que le titre de l'ordonnance « relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales » est particulièrement mensonger. Nous en demandons la modification, conformément à l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi. C'est aussi une façon de critiquer la tendance que vous avez de retourner le sens des mots pour travestir vos vieilles recettes libérales en attribut d'un nouveau monde. Nous vous proposons donc de la nommer : « Ordonnance rétablissant une organisation archaïque d'un monologue patronal dans l'entreprise et favorisant l'entrave et la dévalorisation de l'activité syndicale. » (Sourires.)
Il n'y a rien de nouveau dans ce qu'instaure cette ordonnance : on revient au contraire en arrière d'au moins quarante ans, avant l'entrée en vigueur des CHSCT qui, dotés d'une autonomie juridique et financière, pouvaient veiller à la santé des salariés. Ensuite, le dialogue social n'est en aucun cas promu puisque, en fusionnant les trois instances représentatives du personnel en une seule, face à l'employeur, l'ordonnance affaiblit les représentants des salariés. Enfin, en empêchant la spécialisation et en asphyxiant financièrement cette instance unique, le travail des représentants s'en trouvera d'autant plus compliqué que leur mandat sera plus limité. On ne voit donc pas bien en quoi les responsabilités syndicales seront renforcées. C'est pourquoi, l'amendement AS187 vise à renommer cette ordonnance conformément à sa nature objective.
L'examen de ces ordonnances nous aura au moins appris que le macronisme avait un langage propre. Ainsi, ce que le Gouvernement nomme ici « visibilité » ne constitue ni plus ni moins que la barémisation des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse. Nous l'avons déjà dit, les employeurs ne sont pas tous des fraudeurs ; la grande majorité, d'ailleurs, ne l'est pas. Pourtant, cette mesure ne sert les intérêts que de ceux qui, sciemment, contreviennent au droit du travail. En outre, fixer par avance le prix d'un préjudice est profondément inique. Le licenciement abusif est un drame pour ceux qui en sont les victimes, il bouleverse leur quotidien, met en difficulté sociale et financière des familles entières.
Par cette unique mesure, vous contrevenez au bon sens en matière juridique : vous privez le juge de son pouvoir d'appréciation et vous permettez aux fraudeurs de budgéter, si j'ose dire, le fait d'enfreindre la loi. Quand le Gouvernement parle de « sécurisation de la relation de travail », il évoque surtout des dispositions allant dans le sens de l'employeur qui aura toute facilité pour licencier. Il oublie que l'autre partie, représentée par le salarié, est, elle, exposée à plus de risques encore et notamment à celui de perdre son emploi à cause de la réduction du périmètre d'appréciation du licenciement économique, ou à cause de l'extension de ces critères.
Malgré les cours d'apprentissage de cette nouvelle langue gouvernementale, qui lui est imposée depuis des mois, la majorité des Français semble toujours ne pas en maîtriser les codes. Sans doute est-ce trop complexe pour nous aussi, tout comme l'était a priori le code du travail ; mais nous préférons encore nommer les choses pour ce qu'elles sont, et le Conseil constitutionnel sera certainement de notre avis puisqu'il impose le principe de clarté de la loi.
L'amendement AS189 vise par conséquent à renommer cette ordonnance comme celle « relative à la précarisation des relations de travail ».
La promulgation des ordonnances réformant le code du travail constitue une réelle occasion manquée : rien quant à l'impact du numérique sur le fonctionnement des entreprises, rien sur la régulation des plateformes de services ou sur les applications numériques. Ces ordonnances sont surtout inquiétantes pour les millions de salariés qui en subiront les effets. Les mesures de flexibilité qu'elles contiennent répondent à de vieilles revendications patronales obéissant au principe selon lequel, pour embaucher plus, il faut pouvoir licencier plus ; elles risquent surtout de précariser de nombreux salariés. La relation déséquilibrée entre employeurs et salariés est accentuée. J'en veux pour seule preuve la possibilité ouverte aux employeurs, dans les entreprises de moins de vingt salariés, de décider seuls.
Surtout, vos ordonnances organisent une flexibilité totale et unilatérale avec le recours étendu aux contrats de chantier, plus précaires que le CDD puisque le terme n'est pas connu et ne donne pas lieu au versement d'une indemnité de précarité, mais aussi avec les nouveaux périmètres pour les licenciements économiques. On met fin à la solidarité entre société-mère et société-fille au motif qu'il faudrait préférer les investissements étrangers aux droits sociaux. On instaure ensuite une barémisation des dommages et intérêts en cas de licenciement illégal. On supprime enfin la motivation de la lettre de licenciement.
Ces ordonnances ne sont pas à la hauteur des défis auxquels le monde du travail est confronté. Vous avez cédé aux vieilles formules patronales qui vont, j'y insiste, creuser les inégalités entre gagnants et perdants de la mondialisation et qui, surtout, vont accroître le risque de discrimination entre petites et grandes entreprises. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement AS7, de remplacer le mot « ratifiées » par « abrogées ».
Nous estimons que le titre de l'ordonnance suivante est mensonger et nous souhaitons le corriger pour faire preuve de plus de transparence vis-à-vis des Français. Le point fort de cette ordonnance est de revenir sur le dispositif nommé « compte pénibilité », qui avait la vertu d'épargner les salariés exposés à un certain nombre de facteurs de pénibilité et de souffrance au travail, de leur éviter l'extension de la durée de cotisation pour partir à la retraite, mise en place en 2010. Désormais il faudra déjà être malade pour pouvoir bénéficier d'une retraite anticipée, ce qui est tout le contraire de l'idée de prévention mentionnée par le titre de l'ordonnance.
Ensuite, plutôt que de prendre en compte les risques professionnels, cette ordonnance retire de la liste les expositions aux produits chimiques, aux postures pénibles, aux charges lourdes et aux vibrations.
Enfin, en renommant « compte professionnel de prévention » le compte pénibilité, le titre de l'ordonnance rappelle la volonté qu'avait le candidat Macron de ne pas parler de pénibilité puisque cela induirait, selon lui, que le travail est une souffrance. C'est pourtant le cas pour beaucoup de monde ; les maladies professionnelles et les accidents du travail concernent des milliers de Français. Pourquoi taire cette réalité ? Par honnêteté, par respect vis-à-vis des travailleurs qui souffrent dans leur chair et dans leur psychisme d'un travail pénible, nous vous proposons de renommer cette ordonnance qui met fin à la prise en compte de l'exposition aux produits chimiques, aux postures pénibles, aux charges lourdes, aux vibrations et qui consacre la volonté présidentielle de nier l'existence de la pénibilité au travail. C'est l'objet de l'amendement AS193.
L'amendement AS2 vise à rendre caduque l'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective. Cette ordonnance entend offrir une place centrale à la négociation d'entreprise, laquelle pourrait déroger aux dispositions de la branche, sauf dans certains domaines.
Le travail de rééquilibrage des rôles entre la branche et l'entreprise n'est pas nouveau puisque trois lois, en dix ans, ont abordé le sujet. Lors de l'examen de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, nous avions demandé aux branches de définir les cas dans lesquels les accords d'entreprise ne pouvaient pas être moins favorables que les accords de branche. Or remettre en cause le rôle régulateur de la branche serait catastrophique, d'abord pour les salariés mais aussi pour les TPE-PME qui s'appuient en permanence sur les accords de branche.
Vous nous demandez aujourd'hui d'accorder plus de place à la négociation collective, mais vos ordonnances, en particulier la deuxième, sont la marque d'une défiance à l'égard des organisations syndicales, notamment dans les entreprises de moins de 50 salariés. De plus, les incertitudes quant aux moyens alloués pour faire vivre le dialogue social sont particulièrement importantes puisque, en la matière, vous renvoyez à des décrets. Finalement, vous nous proposez beaucoup d'« agilité » mais peu de sécurité, pour les salariés comme pour les acteurs du dialogue social.
L'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective tend à réduire les capacités de négociation des salariés. En faisant baisser de niveau des questions aussi essentielles que la durée et la fréquence de renouvellement des CDD ou la négociation des primes – qui sont des parts du salaire –, elle place ses salariés dans une configuration moins favorable à l'obtention de conditions de travail acceptables. En supprimant un certain nombre de garanties, elle les pousse à renégocier des avancées acquises au cours du siècle dernier et dont la remise en cause n'est justifiée par aucun impératif relatif à l'intérêt général. De plus, l'ordonnance réduit la marge de négociation des salariés car elle les place dans une situation fragile. Si le niveau de la convention collective permettait aux salariés, organisés par corps de métiers, de montrer un front uni à leurs employeurs, c'est désormais isolés dans chaque entreprise qu'ils vont devoir négocier des éléments aussi essentiels que l'organisation du temps de travail, les primes et l'égalité professionnelle.
Il en résulte une rupture de l'égalité entre salariés du privé, puisque les branches où les travailleurs sont les mieux organisés, comme celles des dockers ou des routiers, ont pu d'ores et déjà obtenir le verrouillage de leurs primes au niveau de leurs branches respectives. Les travailleurs les plus précaires et les plus atomisés, comme les employées du commerce ou les ouvriers du bâtiment, vont pâtir d'un moins-disant social créé par des conditions de négociation moins favorables. Si les branches permettaient le dialogue social, l'ordre public et la démocratie, le niveau de l'entreprise, quant à lui, risque de n'être que le lieu d'un monologue patronal.
C'est pourquoi l'amendement AS26 vise à supprimer l'alinéa relatif à la ratification de cette ordonnance.
J'ai le sentiment, monsieur le rapporteur, que votre amendement, dont je comprends la signification et qui peut même présenter quelque intérêt dans la perspective de l'examen du texte en séance, est un raccourci qui nuit à la qualité de nos précieux échanges. Notre amendement AS172 vise donc, lui aussi, à annuler de fait la ratification de l'ordonnance n° 2017-1385, « relative au renforcement de la négociation collective », pour reprendre vos termes, puisque, selon vous, il s'agit de poursuivre et même d'amplifier l'inversion de la hiérarchie des normes dans le droit du travail, cela dans la continuité de la loi El Khomri, d'élargir le champ de la négociation collective en généralisant la primauté de l'accord d'entreprise, contribuant ainsi à l'affaiblissement des protections légales et des protections conventionnelles.
Le code du travail est modifié dans un sens qui nous semble particulièrement régressif : primauté de l'accord collectif sur le contrat de travail, instauration du référendum d'entreprise à l'initiative de l'employeur, élargissement des possibilités de négociation en l'absence de délégué syndical… Loin de simplifier le code du travail – c'était l'un de vos arguments – ou de renforcer les droits des salariés, le texte entérine des reculs sociaux sans précédent et, en guise de simplification, nous aurions une myriade de situations des plus diverses qui vont donner lieu à du dumping social.
Nous en avons terminé avec les amendements visant à modifier la première ordonnance. Avant de mettre aux voix l'amendement AS234 proposant une rédaction globale de l'article, je donne la parole à son auteur.
Notre collègue Dharréville m'a adressé un clin d'oeil – auquel je vais répondre rapidement.
Madame la présidente, vous avez donné la possibilité à tous ceux qui le souhaitaient de défendre leurs amendements sur la première ordonnance, leur permettant ainsi de faire valoir leurs idées au sein de la commission, même si plusieurs de ces amendements ne portaient d'ailleurs pas sur l'ordonnance n° 2017-1385. Cette dernière, je le répète, redéfinit l'architecture conventionnelle dans un sens qui permet de favoriser le principe de subsidiarité, celui de proximité ; elle donne également un cadre unifié aux accords de compétitivité, alors qu'il en existait une multitude auparavant et caractérisés par leur complexité. Enfin, le titre II de l'ordonnance, vous l'avez compris, encourage la négociation collective dans les entreprises et plus particulièrement dans les TPE.
Je tiens à réparer une inélégance, madame la présidente, donc à vous remercier de nous avoir permis de présenter nos amendements.
La commission adopte l'amendement AS234.
Par conséquent, les amendements AS25 de M. Jean-Hugues Ratenon, AS187 de Mme Caroline Fiat, AS189 et AS193 de M. Adrien Quatennens, AS7 de M. Boris Vallaud, ainsi que les amendements identiques AS2 de M. Boris Vallaud, AS26 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS172 de M. Pierre Dharréville et tous les autres amendements à l'article unique tombent.
L'article unique est ainsi rédigé.
La séance est levée à 12 heures 55.
Présences en réunion
Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 9 heures 30
Présents. - M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, M. Belkhir Belhaddad, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marine Brenier, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, Mme Christine Cloarec, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Patricia Gallerneau, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Jean-Carles Grelier, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Mustapha Laabid, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Valérie Petit, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Adrien Taquet, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. - Mme Justine Benin, Mme Caroline Fiat, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Charles Taugourdeau