L'examen de ces ordonnances nous aura au moins appris que le macronisme avait un langage propre. Ainsi, ce que le Gouvernement nomme ici « visibilité » ne constitue ni plus ni moins que la barémisation des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse. Nous l'avons déjà dit, les employeurs ne sont pas tous des fraudeurs ; la grande majorité, d'ailleurs, ne l'est pas. Pourtant, cette mesure ne sert les intérêts que de ceux qui, sciemment, contreviennent au droit du travail. En outre, fixer par avance le prix d'un préjudice est profondément inique. Le licenciement abusif est un drame pour ceux qui en sont les victimes, il bouleverse leur quotidien, met en difficulté sociale et financière des familles entières.
Par cette unique mesure, vous contrevenez au bon sens en matière juridique : vous privez le juge de son pouvoir d'appréciation et vous permettez aux fraudeurs de budgéter, si j'ose dire, le fait d'enfreindre la loi. Quand le Gouvernement parle de « sécurisation de la relation de travail », il évoque surtout des dispositions allant dans le sens de l'employeur qui aura toute facilité pour licencier. Il oublie que l'autre partie, représentée par le salarié, est, elle, exposée à plus de risques encore et notamment à celui de perdre son emploi à cause de la réduction du périmètre d'appréciation du licenciement économique, ou à cause de l'extension de ces critères.
Malgré les cours d'apprentissage de cette nouvelle langue gouvernementale, qui lui est imposée depuis des mois, la majorité des Français semble toujours ne pas en maîtriser les codes. Sans doute est-ce trop complexe pour nous aussi, tout comme l'était a priori le code du travail ; mais nous préférons encore nommer les choses pour ce qu'elles sont, et le Conseil constitutionnel sera certainement de notre avis puisqu'il impose le principe de clarté de la loi.
L'amendement AS189 vise par conséquent à renommer cette ordonnance comme celle « relative à la précarisation des relations de travail ».