Le projet de loi de ratification des ordonnances visant à réformer le code du travail confirme les craintes que nous avons exprimées au moment de l'examen du projet de loi d'habilitation.
Sur la forme, l'habilitation donnée à l'exécutif a permis, par son étendue et son imprécision, de laisser de grandes marges de manoeuvre au Gouvernement pour réformer, dans le sens qu'il le souhaitait, le droit du travail. Alors que le projet de loi d'habilitation comprenait dix articles, nous sommes amenés aujourd'hui à ratifier cinq ordonnances qui regroupent plus de 150 articles concernant des pans entiers de notre législation sociale. Je continue à penser que la méthode affaiblit singulièrement le Parlement. Compte tenu de nos échanges d'hier, j'espère qu'elle ne va pas se généraliser dans les temps à venir.
Sur le fond, les cinq ordonnances soumises à ratification s'inscrivent dans les réformes de ces trente dernières années visant à flexibiliser le marché du travail et à abaisser le coût du travail, suivant ainsi les recommandations de la Commission européenne. Hélas, il n'y a là rien de nouveau. Dans cette logique, le salarié est considéré comme une variable d'ajustement aux contraintes économiques extérieures.
Sans même prendre le temps de faire le bilan de la loi travail de 2016, déjà très controversée, les ordonnances entendent changer complètement la philosophie du code du travail en en faisant une sorte de trame facultative. Elles prévoient de renverser la hiérarchie des normes en enterrant définitivement le principe de faveur sur lequel l'ensemble de notre droit du travail s'est construit. La primauté de l'accord d'entreprise devient finalement la règle de droit commun, mettant en cause le contrat de travail lui-même.
L'autre logique de ce texte, c'est la volonté d'affaiblir les syndicats, à rebours de l'objectif affiché de renforcer le dialogue social. Le diagnostic établi par les organisations syndicales conduit à cette conclusion. C'est ce que traduisent la mise en oeuvre d'une instance fusionnée, supprimant au passage le CHSCT, et la faculté de se passer de syndicats pour négocier dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
Ces textes sont également la consécration de la logique de flexi-précarité. La troisième ordonnance se fixe ainsi l'objectif de « sécuriser les relations de travail pour l'employeur comme pour les salariés ». En réalité, cette sécurisation est à sens unique puisqu'il est prévu de réintroduire le vieux projet de plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement illégal et abusif, et de faciliter le recours aux CDD et au CDI de chantier, ce qui revient à inventer un CDI précaire.
Enfin, ces textes marquent l'affaiblissement de la prévention de la santé au travail : suppression du CHSCT, suppression du compte pénibilité notamment en ce qui concerne les risques chimiques, et affaiblissement du fait syndical dans l'entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article unique ratifiant les ordonnances portant réforme du code du travail.