Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

Le Conseil constitutionnel constate dans sa décision du 28 avril 2005 l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Il semble que le titre de l'ordonnance n° 2017-1385, qui décrit l'exact inverse de tout ce qu'elle contient, est contraire à cet objectif, et c'est pourquoi, par l'amendement AS25, nous en proposons la modification. Nous estimons en effet que, sous couvert de renforcer la négociation collective, cette ordonnance est en réalité le meilleur moyen d'en affaiblir les acteurs : elle fait tomber un grand nombre de dispositions relevant des lois de la République dans le champ de la branche professionnelle et, en cela, fait peser une forte incertitude sur les travailleurs puisque leurs conditions de travail ou de rémunération, qu'ils croyaient acquises, peuvent être remises en cause.

En matière de CDD, par exemple, alors que les lois de la République les protégeaient contre la prolongation de la précarité, cette ordonnance met fin à cette garantie. C'est ainsi que les contrats précaires comme le CDD pourront être étendus dans leur durée et leur fréquence de renouvellement. Si l'on comprend bien l'avantage que cela représente pour certains employeurs, les salariés n'ont rien à y gagner.

L'ordonnance en question fait en outre tomber d'autres dispositions relevant de la branche dans le champ de l'entreprise : les primes telles que le treizième mois ou les primes de prévoyance seraient désormais négociées au sein de l'entreprise. Si l'on estime que, conformément à sa définition juridique, la négociation collective implique un certain degré de liberté pour les deux parties, force est de constater que la négociation d'entreprise réduit considérablement la liberté des salariés et leur égalité face à l'employeur. Ils pourront en effet être soumis par l'employeur à du chantage, à des pressions ou à des promesses de récompenses, et ne pourront plus compter sur le droit public ou conventionnel. Dorénavant, ils se retrouvent seuls face à la bonne volonté de leurs employeurs au moment d'accorder certains avantages salariaux.

En niant la réalité des rapports de force que tous les rapports humains sous-tendent, cette ordonnance, qui réduit la liberté d'une des deux parties et détruit les conditions de légalité, contribue nécessairement à l'affaiblissement de la négociation collective. Aussi, par souci sémantique et afin de clarifier les intentions du Gouvernement et de sa majorité, je vous invite à renommer l'ordonnance, qui serait désormais relative à « l'affaiblissement de la négociation collective ».

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