Intervention de Laurent Pietraszewski

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Pietraszewski, rapporteur :

Avis défavorable. Vous voyez bien, monsieur Vallaud, que la question du droit d'alerte n'est pas balayée. Il est bon que nous y revenions, mais votre amendement va plus loin que le droit antérieur : il rétablirait la possibilité pour les élus des entreprises de onze à cinquante salariés d'exercer un droit d'alerte en cas d'atteinte aux personnes, mais il leur permettrait également de l'exercer en cas de danger grave et imminent, alors que les délégués du personnel ne disposaient pas de ce droit.

Le sujet n'est pas aussi simple que l'on pourrait le croire : l'existence d'un droit d'alerte ne garantit pas que l'on protège mieux les salariés au travail. Ce qui compte, c'est la réalité de l'exercice du droit en question, et le respect de leurs obligations par les employeurs comme par les salariés.

Je suis assez dubitatif sur la possibilité d'étendre les droits d'alerte aux entreprises de moins de cinquante salariés. La pratique a montré qu'ils étaient très peu, voire jamais, utilisés dans les très petites entreprises. Dans une entreprise de deux ou trois personnes, tout le monde travaille ensemble, et les dangers ou les comportements déviants se voient immédiatement : il n'y a pas besoin de les signaler à l'employeur car lui aussi est présent sur le terrain.

Par ailleurs, l'existence de ce droit peut aussi être mal comprise par les employeurs des petites entreprises qui n'ont pas les moyens de diligenter des enquêtes. Lorsqu'une entreprise dispose de services de ressources humaines, de managers, ou d'un médecin du travail à demeure, il est possible de déclencher des enquêtes qui permettent de faire vivre la réalité du droit d'alerte. Mais introduire le droit d'alerte dans les petites structures revient à mettre en place un dispositif qui n'a ni sens ni utilité. C'est typique de la mesure inefficace qui procure à ses initiateurs une certaine satisfaction : si l'on nous demande si nous sommes favorables à la protection des salariés au travail, nous serons tous d'accord. Mais la question n'est pas là : ce qui compte, c'est de savoir si nous mettons à leur disposition un outil dont ils peuvent vraiment se servir. Tout cela me fait penser à la cinquième ordonnance : tout le monde était d'accord sur l'idée du compte personnel de prévention de pénibilité (C3P) mais, dans les faits, l'outil n'était pas opérationnel et il a fallu trouver une solution.

Il faut que le salarié bénéficie d'une protection réelle. Il y a un décalage entre la gravité des faits qui pourront être signalés par le droit d'alerte et les moyens donnés aux employeurs pour y répondre dans les très petites entreprises.

Je rappelle également qu'un autre outil permet aux élus des entreprises de moins de cinquante salariés de dénoncer le harcèlement : la saisine de l'inspection du travail. Dans une petite entreprise, cela me paraît un instrument beaucoup plus pertinent que le droit d'alerte pour répondre aux problèmes d'atteintes aux droits des personnes. Lorsque l'inspecteur ou le contrôleur du travail se déplace pour rencontrer l'employeur, les conséquences sont fortes et immédiates.

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