Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du jeudi 25 juin 2020 à 9h00
Gouvernance des établissements publics de santé — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Nous mesurons tous, sur ces bancs, ce que nous devons à nos hôpitaux. Nous mesurons tous les sacrifices consentis par les soignants pendant la crise : ils ont travaillé jour et nuit pour assurer la continuité des soins. Nous savons que, sans leur travail, les conséquences de l'épidémie auraient été cataclysmiques. Nous savons tous ici, sur ces bancs, que beaucoup y ont laissé la vie.

Le covid-19 a frappé notre pays avec une force inouïe. Face à ce fléau, nos hôpitaux ont été en première ligne, et jamais dans notre histoire notre système de santé n'a eu à affronter un tel afflux de patients sur une période aussi courte. Au début du mois d'avril, 30 000 personnes étaient hospitalisées, dont 7 000 en réanimation. Rappelons ce chiffre : 7 000 personnes, c'est supérieur de moitié à la capacité habituelle des services de réanimation dans l'ensemble du pays ! Au début du mois d'avril, compte tenu du rythme de l'épidémie, les hôpitaux d'Île-de-France avaient devant eux vingt-quatre heures avant la surcharge.

Pour faire face à cette situation exceptionnelle, les établissements de santé ont déplacé des montagnes : ils ont mobilisé tout leur personnel pour faire face aux besoins ; ils ont déprogrammé toutes les interventions chirurgicales pour libérer du temps et des moyens humains ; ils ont procédé à des réorganisations massives afin de libérer des lits et d'en ouvrir de nouveaux. Cette efficacité, nous la devons aux acteurs de terrain. Je veux saluer leur travail, qui a permis à notre système de santé de tenir le coup.

Toutefois, les soignants nous l'ont dit, si les hôpitaux ont su s'adapter à la situation, cela ne s'est pas fait sans mal. Les échanges entre les administrations et les établissements ont fonctionné tantôt très bien, tantôt moins bien. De manière générale, je pense que l'on peut tirer un constat sans amertume : la réponse à la crise a péché par trop de centralisme.

Je ne souhaite pas m'étendre excessivement sur le sujet, car il excède largement le champ de la proposition de loi, mais il convient de s'interroger sur la structuration de notre réponse sanitaire selon une logique exclusivement verticale et descendante, depuis le ministère chargé de la santé jusqu'aux agences régionales de santé. Dans bien des domaines – masques, tests, mobilisation des personnels – les hôpitaux ont fait preuve de très grandes qualités sans que l'État ait eu lieu de faire quoi que ce soit.

La proposition de loi que je vous présente, chers collègues, en tire les conséquences. Elle vise à témoigner aux établissements notre confiance pour l'avenir, en leur octroyant davantage d'autonomie pour faire face à une éventuelle reprise de l'épidémie.

Certes, en jetant à cet instant un regard distrait sur notre pays, on pourrait croire que cela n'est plus nécessaire. À parcourir le pays, à Paris ou dans ma circonscription, je retrouve avec satisfaction chez nos concitoyens une forme d'insouciance que l'on avait perdue pendant la période de confinement. Comme vous tous, je m'en réjouis.

Mais le danger est là, pleinement là. Vous l'avez entendu comme moi, le professeur Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique covid-19, nous a dit il y a quelques jours que l'épidémie n'était pas finie et que le virus continuait de circuler ; il serait faux de laisser croire le contraire. L'intensité du virus est moindre, mais il n'a pas disparu.

Autrement dit, la deuxième vague peut arriver à tout moment : dans quelques jours, dans quelques semaines, dans quelques mois, nul ne le sait. L'influence des conditions environnementales sur le virus est encore inconnue, ce qui ajoute aux incertitudes. La réapparition de foyers épidémiques ces derniers jours, en Chine, en Allemagne et au Portugal, n'est pas une bonne nouvelle. En tout état de cause, il s'agit d'une éventualité à laquelle l'hôpital doit être préparé.

Et ce n'est pas la seule : le renoncement aux soins pendant la crise sanitaire pourrait également causer des difficultés. En effet, de nombreux Français atteints de maladies chroniques ont fait le choix, bien compréhensible, de ne pas se rendre chez leur médecin traitant ou à l'hôpital au cours du confinement, de peur de contracter le virus. Ce phénomène a pris une certaine ampleur, or nous connaissons tous les conséquences à long terme du renoncement aux soins : ce sont malheureusement bien souvent des difficultés de santé supplémentaires. Jérôme Salomon a parlé à cet égard de « vague silencieuse ».

Il est évident que l'hôpital doit s'y préparer. Comment l'y aider ? Cette proposition de loi apporte une réponse en donnant aux hôpitaux publics davantage de souplesse pour procéder aux réorganisations dont ils auraient besoin.

Vous connaissez la réglementation et la législation : une autorisation de l'agence régionale de santé – ARS – est requise pour la création, le regroupement ou la conversion d'une activité de soins à l'hôpital. Pour les établissements, cela implique une procédure longue, pouvant durer jusqu'à cinq ans. Certes, en période de crise, un régime dérogatoire existe, mais il repose, encore une fois, sur l'autorisation de l'ARS. Autrement dit, quel que soit le degré d'urgence d'une crise sanitaire, une autorisation administrative est nécessaire pour réorganiser les services.

En temps normal, ce système a ses mérites : il permet de maîtriser l'offre de soins, en évitant la multiplication anarchique des services et des équipements aux dépens du contribuable. Cependant, dans le contexte de crise et d'incertitude que nous connaissons, je ne crois pas que l'on puisse se fier à un tel système. Nous devons donner plus de liberté d'action à l'échelon local. Lors de son adresse télévisée du 14 juin, le Président de la République a appelé à lui faire « davantage confiance », à libérer « la créativité et l'énergie du terrain ». Il a poursuivi en affirmant vouloir donner « des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies », en premier lieu aux hôpitaux.

La proposition de loi soumise à votre assemblée ce matin va précisément dans ce sens. L'article 1er dispense les hôpitaux publics d'autorisation sanitaire pour une durée de douze mois. Pendant un an, les établissements publics de santé pourront procéder à toute réorganisation d'activités de soins qu'ils souhaiteront, sans devoir solliciter l'ARS. Les créations d'activités en urgence en seront grandement facilitées.

Mes chers collègues, ne vous méprenez pas sur mes intentions : en aucun cas ce texte ne veut faire le procès des ARS…

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