La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. Jean-Carles Grelier visant à assurer la permanence des soins au sortir de la crise (no 3086).
Alors que la politique de santé de la République est fondée sur la volonté d'assurer à chaque femme et à chaque homme, partout sur le territoire, les meilleures conditions de prise en charge, force est de constater que notre système de santé est à bout de souffle, qu'il ne tient plus que par le dévouement extrême des professionnels de santé qui, partout, continuent de s'engager pour offrir à tous les Français un accès à une santé de qualité.
Si le système de santé s'est dégradé, c'est que longtemps, il n'a été apprécié que sous un angle strictement budgétaire et comptable. L'objectif de réduction des déficits paraît aujourd'hui illusoire, tant les crises repoussent à intervalles réguliers l'échéance, tant les incertitudes pèsent à l'échelle mondiale.
À certains égards, le constat est glaçant : il manque aux politiques de prévention une gouvernance, une coordination entre les différents acteurs et une évaluation régulière. La France se classe désormais à la vingt-troisième place sur les vingt-sept pays de l'Union européenne pour l'espérance de vie en bonne santé des plus de 65 ans. La médecine préventive est laissée en déshérence : la statistique la plus défavorable laisse apparaître dans certaines régions un médecin scolaire pour 47 000 élèves. Les dépenses relatives aux maladies chroniques qui en résultent représentent désormais 65 % des dépenses annuelles de l'assurance maladie.
L'état de la psychiatrie n'est pas moins inquiétant : 12,5 millions de Français sont porteurs d'une affection psychiatrique ou mentale, et ce chiffre est en train de croître de manière exponentielle suite à la crise de la covid-19. Le coût pour l'assurance maladie est estimé à 103 milliards d'euros chaque année.
Les établissements de santé, qu'ils soient privés ou publics, sont exsangues. L'équation financière insoluble atteint désormais tous les acteurs de la filière du médicament. Une pharmacie d'officine ferme tous les deux jours, les répartiteurs pharmaceutiques livrent parfois à perte et beaucoup d'industriels ont interrompu leurs investissements comme leurs travaux de recherche en France. Et la liste pourrait ainsi se prolonger.
La crise sanitaire que nous venons de traverser a été un formidable révélateur des forces et des faiblesses de notre bel édifice de santé, de sa résilience comme de son inertie, ce que je dénonce à cette tribune depuis maintenant trois ans.
Il serait injuste de dire que rien n'a été fait. Mais il manque à notre système de santé une réelle ambition, un souffle nouveau, un cap clair et défini. Et je crains que le Ségur de la santé n'apporte à ces questions qu'une réponse partielle. Car la santé, à bien y regarder, est la seule politique publique qui concerne chaque Français, de la néonatalité à la fin de vie. Elle définit aussi un projet de société, selon qu'il s'exerce dans la solidarité ou qu'il renvoie aux facultés contributives de chacun. La santé est d'abord un sujet politique, au sens le plus noble du terme.
La santé peut être pour demain une nouvelle ambition pour la France. Une ambition qui dépasse les clivages, transcende les postures et devienne notre objectif commun. Une ambition qui redonne à la France son rang en matière de santé, et pas seulement en matière de soins. Une ambition qui permette de dessiner les contours d'un système de santé plus efficace, plus souple, plus proche des territoires et donc plus proche des Françaises et des Français. Une ambition qui dépasse l'horizon de l'annualité budgétaire et qui s'inscrive dans une loi de programmation pour cinq années, fixant une trajectoire, une orientation et une vision.
Notre système de santé est par trop cloisonné, enkysté dans des pesanteurs administratives, à Paris comme en province. Il est urgent d'ouvrir grand la voie du dialogue entre les acteurs de santé, l'administration de l'État et les élus locaux. Ouvrir largement les possibilités, insuffler davantage de souplesse et de flexibilité, c'est redonner de la place et de la force aux initiatives individuelles et collectives. Une ambition pour construire un système de santé pérenne et durable, qui s'adapte aux aléas du temps sans rien trahir des principes fondateurs de 1945.
Pour que cette ambition se réalise, il faut décloisonner, et ce, dans six domaines. En premier lieu, il faut décloisonner les relations entre les services déconcentrés du ministère de la santé et les élus des territoires. La crise de la covid-19 a fait apparaître une administration de la santé parfois enfermée dans ses procédures, empêchant des initiatives locales pourtant souvent marquées au coin du bon sens. La gouvernance de la santé doit intégrer la voix des élus, corps intermédiaire s'il en est, pour favoriser l'adaptation de notre système de santé aux contraintes, aux exigences et aux réalités des territoires.
En deuxième lieu, il faut décloisonner les professions de santé entre elles. Trop souvent, les professionnels de santé sont enfermés dans un métier ou une spécialité desquels il est extrêmement difficile de sortir ou d'évoluer, quel que soit le niveau d'études et de diplôme. Comment accepter qu'une aide-soignante n'ait aucune perspective d'évolution de carrière vers la profession d'infirmier, …
… qu'un infirmier ou une infirmière ne puisse accéder à d'autres métiers que ceux de l'encadrement administratif, et que les spécialités acquises au long de la carrière ne soient jamais prises en considération ? Comment accepter qu'un médecin diplômé d'une spécialité ne puisse en acquérir une autre sans reprendre l'ensemble des quatre années de l'internat ? Décloisonner les métiers permettra de les rendre attractifs, évolutifs, et d'enrichir l'ensemble du système de santé d'expériences et de regards nouveaux. Il s'agira d'offrir aux soignants des perspectives et un nouvel horizon de carrière.
En troisième lieu, il faut décloisonner les politiques de prévention, organiser une gouvernance efficace et interministérielle pour coordonner et mettre en cohérence l'ensemble des actions et des initiatives prises tant au plan national que local.
En quatrième lieu, il faut décloisonner le monde de la psychiatrie et de la santé mentale. Les maladies mentales concernent directement un Français sur cinq. L'Organisation mondiale de la santé estimait en 2015 que les troubles mentaux représenteraient d'ici 2020 la première cause de perte de qualité de vie. Nous y sommes. Décloisonner la psychiatrie est une exigence pour la nation. Il faut repenser son organisation territoriale, sa coordination avec les autres intervenants du système de santé et son financement.
En cinquième lieu, il faut décloisonner le monde de la recherche et de l'innovation en santé, pour le rendre plus lisible et rendre possible son évaluation, son contrôle et son efficacité.
En sixième lieu, il convient de décloisonner le financement du système de santé. Si d'évidence il n'est nullement question de remettre en cause les principes de solidarité édictés par les fondateurs de la sécurité sociale en 1945, force est de constater que face à une population qui vieillit, les besoins en financement ne vont cesser de croître dans les années à venir, alors même que les ressources actuelles du système de santé sont désormais plafonnées. Les leviers des cotisations sociales, des impôts ou de la dette ne sont plus en mesure de financer son développement et sa pérennisation. D'ailleurs, toutes les promesses faites aujourd'hui aux soignants sont financées par un supplément de dette, elles ne sont donc ni pérennes, ni vertueuses.
La proposition de résolution visant à assurer la permanence des soins au sortir de la crise sanitaire ne fait pas une politique de santé à elle seule. Elle est un message adressé à l'ensemble de la communauté médicale, un message de reconnaissance, un message pour lui témoigner notre compréhension des difficultés qu'elle éprouve, à l'hôpital mais pas seulement. Ce moratoire vise donc à offrir des garanties aux soignants pour que la concertation dans le cadre du Ségur de la santé puisse se dérouler dans les meilleures conditions.
Mais la mesure qu'il propose n'a pas vocation à être pérenne. Elle n'a de sens que si une réflexion profonde est entamée, qu'une ambition nouvelle est proposée.
Ce décloisonnement, ce dialogue ouvert pour lequel je plaide, est l'une des conditions de réalisation de cette ambition. Car si dans certains établissements des fermetures peuvent se justifier, il est impératif que chaque fois des mesures de substitution soient envisagées, discutées, adaptées aux réalités des territoires, pour qu'en tout lieu et en tout temps, la population bénéficie de la même qualité et de la même offre de soins.
Chacun, avec la crise de la covid-19, a ouvert les yeux sur les difficultés de notre système de santé. Prenons en acte, tous ensemble. Il est de notre responsabilité collective, en notre qualité de représentants de la nation, de nous saisir de cette question qui intéresse chacune et chacun de nos compatriotes pour leur offrir la garantie qu'en tout temps et en tout lieu, ils auront accès à une santé de qualité.
Au travers de cette proposition de résolution, le groupe Les Républicains vous invite à faire un premier pas, à offrir une nouvelle ambition pour la France, pour chacune et chacun des Français : l'ambition de notre santé commune.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur les bancs des groupes GDR, FI, SOC et EDS.
Nous entamons cette journée d'initiative parlementaire du groupe Les Républicains, exclusivement dédiée aux affaires sociales, par une proposition de résolution visant à assurer la permanence des soins au sortir de la crise. Son auteur a fait un long plaidoyer global pour une réforme du système de santé, mais précisément, cette proposition de résolution invite le Gouvernement à envisager un gel immédiat de toute fermeture de lits ou de services dans les établissements publics de santé.
Le groupe MODEM se montre réservé concernant cette initiative, tant sur la forme que sur le fond. La crise que nous venons de traverser a bien prouvé qu'il fallait être agile ; or vous proposez un gel.
Elle nous a montré qu'il fallait apporter une réponse différenciée : la réponse dans l'Est n'est pas la même que celle à apporter dans le Sud-Ouest. Or vous présentez une proposition uniforme. Pour poursuivre la comparaison qui a pu être faite avec la guerre, vous proposez une guerre de tranchées, alors qu'il faut l'agilité d'une guérilla.
Tout d'abord, la notion de « permanence des soins » ne semble pas appropriée à la demande. Votre réponse est centrée sur l'hôpital, ce qui m'étonne : …
… la réponse doit être globale et concerner aussi, bien évidemment, la médecine de ville qui est l'oubliée de votre proposition de résolution.
Le soin ne nécessite pas forcément une hospitalisation. C'était d'ailleurs l'objet de la proposition de loi visant à créer des points d'accueil pour soins immédiats que j'ai eu l'honneur de vous présenter en novembre et qui a été adoptée ici à l'unanimité, ce dont je vous remercie.
Comme vous l'avez dit, la crise sanitaire a été le révélateur et le catalyseur des souffrances du système hospitalier français. Bien sûr, la question des lits, et notamment des lits de réanimation, a été au coeur des débats, mais pas seulement : il y a des problèmes de personnel, de recrutement, de rémunération, d'organisation globale.
C'est d'ailleurs tout l'objet du Ségur de la santé initié par le ministre des solidarités et de la santé, qui, dans une logique de concertation et d'écoute des soignants, devrait permettre d'aboutir à une restructuration par le haut des carrières et à une refonte organisationnelle de l'hôpital public.
Par ailleurs, si la question des lits se pose aujourd'hui, c'est bien parce que l'hôpital public a souffert de restrictions budgétaires inconsidérées pendant le quinquennat précédent. Ces compressions budgétaires auraient d'ailleurs perduré si le candidat des Républicains avait été élu il y a trois ans, puisque son programme prévoyait des coupes drastiques dans les financements de l'hôpital. D'où la surprise causée par votre proposition aujourd'hui.
Oui, il est tentant de voter en sa faveur, puisque vous la présentez comme un message. Mais les professionnels de santé n'en ont-ils pas assez, des messages ? Ce qu'ils veulent, c'est du concret. Le concret, c'est ce que nous faisons depuis trois ans.
Depuis le début de la législature, nous avons dégagé des moyens financiers pour assurer l'augmentation progressive de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie – ONDAM – , ce qui n'avait pas été fait depuis de nombreuses années. C'est du concret. De même, le Gouvernement a pris des engagements concernant le dégel des crédits de réserve en 2019 et la reprise du tiers de la dette des hôpitaux – nous en avons débattu la semaine dernière, à l'occasion d'un texte que vous n'avez pas voté !
La phase ouverte avec le Ségur de la santé se fermera à l'automne avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS. Ce cycle est décisif pour la pérennisation et la consolidation de notre système de santé, en particulier de l'hôpital public. Il faudra dégager tous les moyens nécessaires à cette ambition et formuler des propositions adaptées aux problématiques et constats évoqués dans cette proposition de résolution.
Nous connaissons votre audace et votre enthousiasme, monsieur Grelier, et nous savons que vous saurez vous investir dans le Ségur puis dans le PLFSS.
Pour toutes ces raisons, le groupe MODEM n'apportera pas son soutien à cette proposition de résolution.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à envisager le gel immédiat de toute fermeture de lit ou de service dans les établissements publics de santé pendant une période de douze mois. Si ce sujet s'impose à nous en raison des conséquences dramatiques de la crise du covid-19, il n'est ni une surprise ni une nouveauté. La crise de l'hôpital précède la pandémie.
L'hôpital public et ses personnels, soignants et non soignants, ont été héroïques. Chacun s'accorde à dire qu'ils ont assuré, au péril de leur santé et dans des conditions exceptionnellement délicates, parfois sans le matériel adéquat mais sans jamais hésiter, la continuité de ce service public si essentiel à la vie de la nation et à celle des Français.
Au coeur de la crise, l'urgence commandait. Au pic de l'épidémie, les personnels de santé étaient sous tension, préoccupés voire angoissés par le nombre de lits de réanimation et l'afflux croissant de patients à traiter. Seul l'effort de tous – personnels hospitaliers, SAMU, militaires – a permis d'éviter la catastrophe. Mais à quel prix ? Il a fallu le transfert de patients des régions les plus touchées vers celles qui l'étaient moins et le dévouement de la réserve sanitaire et des personnels de santé pour que les services de réanimation ne soient pas saturés.
Toutefois, face à l'urgence et à l'imprévisibilité de ce virus, une triste question s'est posée : aurons-nous oui ou non assez de lits de réanimation et de respirateurs artificiels ? En d'autres termes, tous les patients traités pour cause de covid-19 pourront-ils oui ou non bénéficier des soins nécessaires ?
Grâce à la mobilisation de tous et à une certaine souplesse, nous n'avons heureusement pas été confrontés à ce dilemme. Pourtant, la question s'est bel et bien posée et a alimenté parmi nos concitoyens un sentiment de relégation : derrière le déclin de ses services publics, c'est bien le déclin de la France qui a été ressenti.
L'hôpital public est le parent pauvre des politiques publiques depuis des décennies. Du sous-investissement chronique à la tarification à l'activité, les raisons en sont multiples et diverses. Si la faillite est collective, notre responsabilité l'est également.
Cela fait plusieurs années que les personnels de santé nous interpellent et les mouvements de protestation se sont du reste accentués ces derniers mois, avant même que la crise sanitaire ne survienne, mais leur cri de douleur n'a pas été entendu. Pire, il a été étouffé.
La crise sanitaire n'a fait qu'aggraver les plaies ouvertes de l'hôpital public : elles sont désormais béantes. Le 25 mai, le Gouvernement a engagé la discussion. Nous nous en réjouissons, mais ne pouvons nous féliciter qu'il faille une crise majeure pour qu'il écoute les revendications légitimes des personnels de santé.
Le 22 octobre dernier, en prévision du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, le groupe Socialistes et apparentés présentait un vaste plan pour l'hôpital et l'autonomie. Le Gouvernement et sa majorité n'ont jamais profité de l'examen du PLFSS pour écouter nos propositions en débattre.
Après l'école publique au XIXe siècle, les blouses blanches ayant succédé aux hussards noirs, l'hôpital public fut la grande conquête républicaine et sociale du XXe siècle. Il est de notre responsabilité, de reconstruire l'hôpital public du XXIe siècle. C'est d'ailleurs pourquoi le groupe Socialistes et apparentés a de nouveau formulé, dans le cadre de son plan de rebond d'après-crise, des propositions pour l'hôpital public. Nous le devons aux Français, pour leur garantir un accès de qualité à la santé et aux soins, mais aussi à tous les personnels de santé qui oeuvrent chaque jour pour que cette exigence devienne réalité, parfois au péril de leur vie, comme le quotidien nous le rappelle tristement.
Dès lors, cette proposition de résolution va dans le bon sens puisqu'elle vise à geler les fermetures de lit et de service durant une année. Bien que nous soyons suspendus aux annonces du ministre qui feront suite au Ségur de la santé, c'est le minimum que nous devons aux personnels de santé et aux Français, même si nous espérons que le Gouvernement entendra cette fois-ci les propositions qui émanent à la fois des personnels soignants, mais également de l'opposition.
Cette proposition de résolution a deux objectifs essentiels. Le premier consiste à apaiser le climat social explosif. La semaine dernière encore, les personnels soignants ne se sentaient toujours pas écoutés et ne manquaient pas de nous le faire savoir, à deux pas de l'hémicycle. La confiance doit revenir.
Deuxième objectif : éviter toute nouvelle polémique comme celle qui est survenue au coeur de la crise lorsque le directeur d'une agence régionale de santé, empli d'une obsession comptable, a affirmé qu'il n'y avait pas de raison de suspendre les fermetures de lit. Au contraire, nous devons plus que jamais nous assurer que tous les territoires disposent d'un nombre de lits suffisant afin de faire face aux besoins des Français et à toute situation d'urgence. C'est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera pour cette proposition de résolution.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR, ainsi que sur les bancs GDR et EDS.
Cette proposition de résolution nous invite à débattre d'un sujet essentiel : celui des moyens et de la stratégie de notre pays en matière de santé.
L'épidémie de covid-19 a démontré, si besoin était, la valeur extraordinaire et le dévouement des personnels soignants, et leur capacité d'adaptation. Cependant, cette crise sanitaire a aussi révélé les limites de l'organisation notre système de santé, aujourd'hui à bout de souffle.
Le groupe UDI et indépendants a regretté, lors de l'examen des derniers PLFSS, que des efforts trop importants soient demandés à l'hôpital. Nous payons le prix de cette politique d'économies à courte vue, aggravée sous le quinquennat socialiste. Elle a désorganisé les équipes et accru le mal-être des personnels soignants. Elle est l'une des causes de la dette hospitalière et a dégradé durablement nos capacités d'innovation en santé.
Il est vrai que des progrès réels ont été engagés sous ce quinquennat : l'introduction d'un plan pluriannuel de financement concernant les hôpitaux de proximité notamment, l'amorce d'une sortie de la tarification à l'activité – même si le chemin est encore long – ou encore la reprise d'une partie de la dette de l'hôpital, quoique nous considérions que la charge en incombe à l'État et non à la sécurité sociale.
La réalité, c'est qu'il faut mettre en oeuvre une stratégie globale pour enfin adapter notre système de santé aux nouveaux enjeux du XXIe siècle. On ne remédiera pas aux maux de l'hôpital public sans avoir à l'esprit les carences de la médecine de ville et les déserts médicaux. La situation est trop grave pour écarter les mesures de conventionnement sélectif nécessaires au rééquilibrage de l'offre de soins entre territoires. Elles permettront notamment de désengorger les urgences et d'améliorer le parcours de soins et le suivi des patients. Pour ce faire, il faut engager une politique ambitieuse d'aménagement des territoires, car c'est ce qui fabrique la société.
Redonner envie aux médecins de s'installer là où les besoins sont les plus grands, c'est aussi remédier aux fractures géographiques et sociales que connaît la France.
Plus généralement, le groupe UDI-I est convaincu qu'il faut approfondir la territorialisation des politiques de santé. La lutte contre l'épidémie de covid-19 a illustré l'efficacité des politiques de santé de proximité. En bien des endroits, les collectivités territoriales se sont montrées plus au fait des réalités du terrain. Habituées à un dialogue fructueux avec le préfet, elles se sont parfois substituées aux agences régionales de santé – ARS.
Du reste, il nous faut nous saisir de la question de la réforme des ARS. Gardons-nous cependant de prendre des décisions hâtives à leur sujet. Elles jouent bel et bien un rôle essentiel dans l'organisation territoriale des soins, rôle qu'elles assument le plus souvent avec compétence et expertise.
Nous proposons une réforme de la gouvernance de la santé dans les territoires, le préfet de région devant être le point de contact en matière de politiques de santé. Les collectivités locales et l'ensemble des acteurs locaux doivent évidemment y être étroitement associés.
Dans le même esprit, le groupe UDI-I plaide pour la mise en place d'objectifs régionaux en lieu et place de l'ONDAM. C'est une condition sine qua non pour éviter que ne se creusent davantage encore les inégalités géographiques en matière de santé. En clair, il est essentiel de réorganiser en profondeur notre système de soins.
La proposition de résolution défendue par le groupe LR invite à prononcer un moratoire sur la fermeture de lits et de services pendant un an dans les hôpitaux publics. Nous approuvons cette idée : il faut impérativement entendre la détresse et le besoin de reconnaissance des personnels soignants.
En conséquence, le groupe UDI et indépendants soutiendra cette proposition de résolution,
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR
qui permettra d'envoyer un signal de soutien à l'hôpital public dans le cadre des concertations en cours.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LR, EDS et SOC, GDR et FI.
Depuis plus de trente ans, la fermeture des lits est presque devenue une règle dans les hôpitaux français. Entre 1993 et 2018, près de 100 000 lits ont été fermés. Hélas, cette baisse n'a pas ralenti au cours des dernières années. D'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé – DREES – , 17 500 lits ont été fermés en six ans.
Derrière ces chiffres, il y a une dure réalité. Derrière ces strictes considérations comptables, devenues l'unique grille de lecture valable pour gérer les hôpitaux publics, se trouve le risque de proposer un service public de moindre qualité et, surtout, l'assurance de compliquer davantage les conditions de travail des professionnels de santé.
Fermer les lits, c'est en effet confier aux personnels la dure tâche de chercher des moyens pour hospitaliser des patients, quitte à y passer des heures, voire à faire sortir des malades plus tôt pour en accueillir d'autres.
Nous ne pouvons accepter plus longtemps que les personnels hospitaliers s'engagent dans une chasse aux lits. Cela ne fait qu'ajouter au malaise d'une profession déjà bien éprouvée et de moins en moins attractive. Quel sens donner à la médecine quand l'activité principale des praticiens consiste à faire de la place ?
Accueillir des personnes malades à l'hôpital est devenu un casse-tête permanent qui oblige parfois les médecins à envoyer leurs patients, notamment en chirurgie, dans d'autres services, au détriment de leur suivi et de la qualité des soins. En juin 2018, le syndicat SAMU-Urgences de France estimait qu'au premier semestre de l'année, près de 100 000 personnes avaient passé la nuit sur un brancard, faute de lits. Ces images, nous les avons trop vues, nous ne les supportons plus.
Les fermetures de lits sont aussi une première étape vers les fermetures de services. Ces derniers ferment car il n'y a plus de personnels pour en assurer le fonctionnement. Or les professions hospitalières ont perdu en attractivité du fait de conditions difficiles et de l'absence de revalorisation salariale.
Les services ferment également car les agences régionales de santé ont érigé le regroupement des plateaux hospitaliers en mot d'ordre, sans tenir compte des besoins en santé et des spécificités des territoires. À titre d'exemple, en vingt ans, la moitié des maternités ont fermé leurs portes en métropole.
Chers collègues, chacun de nous ici porte la responsabilité de cette situation, qui est la conséquence d'une lente dégradation. Aussi devons-nous faire preuve d'humilité en la matière. Ces dernières années, tous les gouvernements ont baissé les moyens accordés aux hôpitaux et les ont incités à réaliser des économies d'envergure. Depuis les années 2000, nous assistons à une intensification des modes de raisonnement économiques, qui conduisent à gérer les hôpitaux publics comme des entreprises et à les aligner sur les standards de gestion du secteur lucratif.
En pleine épidémie de covid-19, la politique de fermeture de lits et de services a largement pesé sur nos capacités de prises en charge. Le système de santé a tenu, mais au prix de tensions considérables. Pour faire face à la vague de patients, la France a augmenté ses capacités en réanimation à presque 14 000 lits, contre environ 5 000 habituellement, au détriment d'autres patients dont les actes ont été déprogrammés. Sans les transferts de malades dans les territoires et en Europe, nous aurions été dépassés.
Nous devons en finir avec les politiques de « rationalisation de l'offre de soins », ce qui signifie qu'il faut octroyer enfin des moyens suffisants aux hôpitaux publics, et donner plus de poids aux soignants, afin que la gouvernance hospitalière soit plus représentative des besoins des populations et des territoires.
Un moratoire sur les fermetures de lits et de services, c'est bien le strict minimum ! Le groupe Libertés et territoires votera donc cette proposition de résolution, mais attend beaucoup des décisions et des investissements qui sortiront du Ségur de la santé.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et EDS.
Face à l'urgence de la situation du soin en France, nous nous félicitons de cette proposition de résolution qui demande l'arrêt des fermetures de lits et de services hospitaliers pendant douze mois. Néanmoins, elle ressemble à un mauvais canular, qui nous laisse un goût amer dans la bouche.
Permettez-moi de la replacer dans son contexte historique et de rappeler la responsabilité des différents gouvernements dans la baisse du nombre de lits d'hospitalisation. Un récent article du journal Le Monde révèle que 100 000 lits ont fermé entre 1993 et 2018. Selon le rapport de la DREES publié en 2019, le nombre total de lits en psychiatrie a diminué de 3 500 entre 2003 et 2017 : la diminution a été de de 6 000 lits dans les établissements publics, alors que, dans le même temps, la capacité d'accueil des établissements privés à but lucratif augmentait de 3 000 lits, pour représenter, en 2017, un quart de la capacité totale. Avec la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dite loi Touraine, les établissements publics ont été forcés de se regrouper, entraînant fermetures de lits, de services et d'établissements de santé. Toujours plus loin dans l'abject, Éric Woerth, alors ministre du budget et aujourd'hui député sur vos bancs, chers collègues du groupe Les Républicains, affirmait chez Jean-Jacques Bourdin en 2007 : « Il y a trop de lits d'hôpitaux en France ».
Sous prétexte de faire réaliser des économies aux Français, ces politiques profitent au secteur privé et dégradent notre accès aux soins.
Pourtant de l'argent, il y en a. En vingt ans, la fortune des milliardaires français a augmenté de 300 %.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je ne fais que rappeler l'histoire ! Sur la même période, 40 % des maternités ont fermé. En dix ans, les hôpitaux ont dû économiser environ 10 milliards d'euros. Au cours de la même décennie, Sanofi a versé, selon le dernier rapport d'Oxfam, 50 milliards environ à ses actionnaires. La croissance des dividendes a, quant à elle, été six fois plus rapide que celle des salaires dans la fonction publique hospitalière. Depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, les versements de dividendes ont augmenté de 36 %, malgré une augmentation des profits quasiment nulle. Dans le même temps, 3 milliards d'euros d'économies ont été faits au détriment des hôpitaux. En 2017, un rapport d'ATTAC – Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne – révélait que 140 milliards d'euros de dette sociale ont été remboursés, essentiellement grâce aux impôts. Sur ces 140 milliards, 52 milliards d'intérêts ont été versés aux créanciers… Aujourd'hui, les actionnaires continuent de spéculer sur la dette sociale et sur les dettes des hôpitaux exsangues. Voici les conséquences du règne de l'argent roi au mépris de l'humain.
Depuis des décennies et jusqu'à aujourd'hui, tous les gouvernements portent une responsabilité dans la situation de l'hôpital. Chacun y est allé de sa loi « austéritaire », chacun a exigé de l'hôpital public qu'il économise, en moyenne, 1 milliard d'euros de plus chaque année. Depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, 3,5 milliards d'euros ont été retirés aux hôpitaux, pourtant déjà sous pression.
Revenons donc à la proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui : elle propose un moratoire sur la fermeture des lits et des services hospitaliers, d'une durée de douze mois. Le groupe La France insoumise la votera,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
en soulignant toutefois son caractère bien insuffisant.
En outre, nous nous souvenons amèrement de François Fillon,
Exclamations sur les bancs du groupe LR, sourires sur les bancs du groupe LaREM
alors candidat à l'élection présidentielle, déclarant à des soignantes de Bry-sur-Marne lui exposant leurs difficiles conditions de travail : « Vous voulez que je fasse de la dette supplémentaire ? »
À Tours, Nancy, Metz, Caen, Cherbourg, Marseille ou encore Draguignan, les plans de restructuration ont été suspendus, mais n'ont toujours pas été annulés, malgré les nombreuses annonces du président Emmanuel Macron lui-même et du Gouvernement : suppressions de postes et fermetures de services et de lits restent donc à l'agenda. Les services publics, financés par l'impôt, ne sont pas des entreprises à but lucratif ! Nous sommes donc ravis de voter cette proposition de résolution et de compter Les Républicains dans la lutte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EDS, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
La période de sortie de crise sanitaire nous invite à nous pencher très concrètement et rapidement sur les graves dysfonctionnements que connaît notre système de santé. Ceux-ci sont multiples, et le bouleversement que nous venons de vivre n'a fait que souligner plus durement encore le manque de moyens, ainsi que la surcharge mentale et physique que subissent les soignants. Aux personnes malheureusement décédées et à leur famille, nous devons beaucoup d'humilité.
Au terme de plusieurs mois d'une crise sanitaire sans précédent, il convient de dresser certains constats. Le premier est simple : le système de santé en général, et les hôpitaux en particulier, sont en crise depuis trop longtemps. La problématique de la capacité exacerbe notamment les tensions. Depuis plusieurs années, les coupes budgétaires entraînent la suppression de lits hospitaliers, contre laquelle les soignants se mobilisent encore plus fortement aujourd'hui.
Pourtant, ces problématiques ne sont pas nouvelles. Les grèves successives des personnels ces dernières années témoignent du désarroi et de la colère profonde qui les habitent. Il est de notre devoir de parlementaire de les écouter, au moment où le Ségur de la santé suscite aussi bien espoirs que craintes. Nous ne pouvons manquer ce moment.
Le Ségur de la santé promet de revitaliser le secteur hospitalier. Tous les engagements devront être tenus, afin de répondre au mieux aux attentes des soignants. Aborder une sortie de crise n'étant jamais aisé, nous devons permettre aux hôpitaux d'assurer la continuité des soins de la meilleure manière qui soit, afin d'anticiper et de faire face à une nouvelle crise.
Dans ce contexte difficile, la problématique des lits cristallise toutes les tensions. Comment continuer le processus de suppression de lits alors que le pays se remet à peine du drame que nous venons de vivre ? Comment respecter les soignants en continuant à réduire les moyens qui leur sont alloués ?
Il serait contre-productif et insensé de continuer dans cette direction. Aussi, la proposition de résolution visant à geler la suppression des lits pendant douze mois apparaît cohérente. Elle éviterait la poursuite du désarmement des hôpitaux et pourrait contribuer à apaiser le climat de tension qui règne dans le système de santé français. Cependant, un gel capacitaire ne constitue pas l'unique solution pour la sauvegarde des hôpitaux. Il est urgent de renforcer et de déployer des moyens financiers supplémentaires, faute de quoi le problème resterait inchangé. Le matériel est bien sûr indispensable, mais les moyens humains le sont tout autant.
La sauvegarde des lits exige un renforcement global des moyens : sans cet effort, la mesure n'aura aucun effet bénéfique sur les conditions de travail des soignants et d'accueil des malades. Il faudra financer la réorganisation des services liée au maintien des lits. En clair, donnons aux soignants tous les moyens pour débuter une nouvelle ère pour l'hôpital public !
D'autre part, ce gel potentiel doit aussi profiter à des secteurs hospitaliers trop souvent oubliés, comme la psychiatrie. Je remercie le rapporteur de l'avoir évoquée, car elle est trop souvent considérée comme une sous-discipline. Faire bénéficier la psychiatrie de cette mesure serait l'occasion de donner enfin de l'importance à un secteur quasi ignoré depuis de nombreuses années. Cette stabilisation permettrait aux établissements de santé mentale d'entamer une phase de réorganisation bien nécessaire, dont j'avais dessiné les contours avec Caroline Fiat, dans un rapport parlementaire rendu l'année dernière.
Sourires.
Il importe de souligner que le texte dont nous débattons est une proposition d'urgence, qui ne résoudra pas, sur le long terme, la crise profonde que traversent les établissements publics de santé. Néanmoins, puisqu'elle a le mérite d'apporter une première réponse, le groupe Écologie démocratie solidarité soutiendra cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Entre 1993 et 2018, près de 100 000 lits d'hôpital ont été fermés, dont 83 000 en médecine, chirurgie et obstétrique, soit, pour cette seule catégorie, une baisse de 29 % en vingt-cinq ans, selon les calculs du géographe de la santé Emmanuel Vigneron. La situation actuelle est donc bien le fruit de décisions prises par les gouvernements successifs, qui en sont comptables.
Le plus souvent, ces lits ont été fermés au profit d'une prise en charge en ambulatoire ; parallèlement, le nombre de places en hospitalisation partielle a augmenté. « Depuis 2013, ce sont 17 500 lits d'hospitalisation complète qui ont [… ] été fermés, soit une baisse de 4,2 % en cinq ans », souligne la DREES. Cette évolution est la conséquence d'une volonté, certes de supprimer des lits excédentaires, mais surtout de réorganiser l'offre, notamment grâce à des innovations dans les technologies médicales et médicamenteuses.
Notons de surcroît la progression, au cours des dernières années, de l'hospitalisation à domicile, dont les capacités d'accueil ont régulièrement progressé Certains affirment que la fermeture de lits dans les établissements de santé est responsable du malaise qui y règne. Tel est probablement le cas, au moins en partie, il ne faut pas le nier.
Il ne faut pas pour autant oublier que notre système de santé, et singulièrement notre hôpital, ne se réduit pas à un stock de lits. Il est bien plus, et bien mieux que cela : des compétences, des personnels formés, des matériels performants, des médicaments de pointe. Le nombre de lits est un paramètre, il est loin d'être l'alpha et l'oméga de la qualité hospitalière.
Alors ? Nous nous sommes tant trompés, monsieur Grelier ! Il ne s'agirait pas de se tromper une fois de plus, en réagissant sous le coup de l'émotion et en obéissant à une logique exclusivement numérique. Laissons la place aux concertations larges, aux discussions basées sur des exemples concrets, aux partages d'expérience des personnels qui, sur le terrain, vivent l'hôpital comme un ensemble d'hommes et de femmes oeuvrant pour l'intérêt général.
Si nous pouvons tous constater que l'hôpital est en crise grave, et même en crise systémique, il n'en reste pas moins, chacun en conviendra, que la crise que nous vivons ne pourra pas être résolue par une réponse exclusivement comptable. Chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous sommes amenés à voter fixe un objectif national des dépenses d'assurance maladie. Cette logique mathématique nous a amenés à la crise. Toutefois, si nous acceptions de bloquer les fermetures de lits d'hôpital, nous répondrions selon la même logique mathématique, donc partielle.
Si la crise a démontré quelque chose, c'est bien la nécessité d'être agile. Votre proposition de résolution, en gelant les fermetures, impose de rester statique. Si la crise a démontré quelque chose, c'est bien qu'il faut formuler une réponse territoriale, et non une réponse venue d'en haut. Votre proposition de résolution, en ne s'intéressant qu'à l'hôpital, pire, qu'aux lits d'hôpital, fait fi du lien entre médecine de ville et hôpital, …
… qui s'est avéré si important dans la crise. Le titre du texte est intéressant : « Assurer la permanence des soins au sortir de la crise ». Il nous invite à vous accompagner, mais seulement sur le principe, car le contenu de la proposition de loi, limitée au stock de lits d'hôpital, n'est pas à la hauteur des enjeux.
Nous, membres du groupe Agir ensemble, ne soutiendrons donc pas le texte. Faisons confiance au Ségur de la santé, qui travaille avec de nombreux professionnels de santé, pour trouver des solutions multiples, permettant de répondre à une crise elle-même multiple !
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Voici des années que les députés du groupe GDR donnent l'alerte sur la compression des dépenses de santé, sur la mise en position latérale de sécurité de l'hôpital public. Depuis le début de la législature, les personnels de santé ont tout fait pour se faire entendre, et pour défendre un outil commun rien moins qu'indispensable au droit à la santé.
À chaque étape de notre tour de France des hôpitaux, nous avons été alertés sur les fermetures de services, les compressions d'effectifs, les restructurations, les chantages exercés dans le cadre du comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers – COPERMO – et des contrats de retour à l'équilibre financier. Nous avons aussi constaté que bien des services, pourtant nécessaires, n'ont pas été ouverts, au nom d'un gigantisme hospitalier dont la seule fonction est de tenter de masquer l'affaiblissement généralisé du système.
II faut arrêter de dépecer l'hôpital public dans nos territoires, au nom de théories technocratiques bidon reposant sur un unique fondement, toujours le même : la gestion comptable de notre santé, l'austérité du service public. Des années et des années de politique libérale nous ont amenés à une situation de mise en danger de la santé d'autrui !
Depuis combien de temps demandons-nous le renoncement à cette logique infernale ? Depuis combien de temps demandons-nous l'abandon des plans dits « de réorganisation » ? Depuis combien de temps demandons-nous l'instauration d'un moratoire pour donner de l'air à l'hôpital qui étouffe ? De tout cela, le Gouvernement n'a tenu aucun compte, considérant que la restructuration de l'hôpital public était la réponse aux problèmes. Cet entêtement ravageur doit cesser. N'aurons-nous donc tiré aucune leçon de la crise du coronavirus ?
Elle appelle à arrêter d'urgence la casse. Elle appelle des actes forts envers le monde hospitalier, dont les membres étaient encore dans la rue le 16 juin dernier.
Ils ne réclament ni des hommages, ni des médailles, ni même des chèques-vacances, comme l'a proposé la majorité il y a quelques semaines.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Ils revendiquent simplement que l'on fasse en sorte que le jour d'après ne soit pas dans la pente du jour d'avant. Ils demandent les moyens de faire leur travail, tout simplement.
Nous avions un hôpital démuni avant la crise, et vous voudriez, chers collègues de la majorité, qu'on continue à le démunir après, alors que démonstration a été faite, tragiquement, du caractère intenable de cette politique ?
Chacun se souvient des propos choquants – que vous avez rappelés dans votre exposé des motifs, cher Jean-Charles Grelier – tenus par le directeur de l'ARS de la région Grand Est, en pleine épidémie et à son épicentre, selon lesquels il n'y avait pas de raisons de suspendre les restructurations prévues. Ces propos ont sonné comme une provocation insupportable. Ils sont symptomatiques de la prédominance d'une gestion à courte vue, si éloignée du soin et de l'humain. Mais leur auteur n'aurait-il pas simplement dit tout haut ce qu'il fallait se contenter de penser tout bas ?
Il faut donc mettre un coup d'arrêt à cette gestion financière déshumanisée, qui s'accompagne d'outils de contractualisation aux mains des ARS et de l'État ainsi que des groupements hospitaliers de territoire. La chasse aux lits est devenue une profession à part entière à l'hôpital, exercée par des « gestionnaires de lits », ce qui contribue à la perte de sens et au malaise ressentis par les personnels soignants.
Voici la casse hospitalière en chiffres : 126 établissements de santé ont fermé entre 2013 et 2017 ; les deux tiers des maternités ont disparu en quarante ans ; de 1995 à 2016, soixante services d'urgence ont été supprimés dans le secteur public ; 100 000 lits d'hospitalisation ont été supprimés au cours des trente dernières années. Dans le même temps, les besoins en santé ont augmenté, alors que la médecine de ville était fragilisée – en témoignent les déserts médicaux.
Face à l'épidémie, faute de capacités suffisantes, il a fallu prendre des mesures drastiques de confinement. Le Gouvernement a même invité nos concitoyennes et nos concitoyens à s'abstenir de se rendre dans les services hospitaliers. On est toujours rattrapé par le réel !
Le plan d'investissement pour l'hôpital, annoncé au plus fort de la crise et débattu dans le cadre du Ségur de la santé, semble déjà décevoir, laissant de côté plusieurs questions essentielles. Le scénario semble se répéter inlassablement : combien de plans miraculeux ont déjà été annoncés en trompe-l'oeil ? Cela n'est plus permis. Notre assemblée doit l'affirmer clairement ; elle doit accomplir un geste fort pour donner le ton, appeler à un moratoire sur les fermetures de lits à l'hôpital dont, pour notre part, nous demandons l'abandon.
On manque de lits dans les services, par exemple à l'hôpital de la Timone, où certains malades restent plus de 72 heures sur un brancard, et d'autres sortent de réanimation plus tôt que prévu pour libérer de la place. Il faudrait plutôt rouvrir des lits ! Dès lors, un gel est le moins que l'on puisse faire.
Même s'il est vrai que Les Républicains ont leur part de responsabilité dans cette situation, le groupe GDR souhaite envoyer un signal aux personnels hospitaliers, qui prévoient une nouvelle journée d'action le 30 juin prochain, et votera donc la proposition de résolution demandant le gel des restructurations hospitalières pendant douze mois.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC et LR.
Tout d'abord, j'aimerais profiter de mon temps de parole pour saluer et remercier une nouvelle fois tous les professionnels de santé et de soin, toutes les professions de l'hôpital. De la part de tous les membres du groupe La République en marche, merci !
La crise du covid-19 a mis au premier plan les tensions persistantes qui traversent l'hôpital, que nous connaissions déjà. Elle les a exacerbées, qu'il s'agisse des effectifs, de l'organisation des équipes, des services ou des capacités d'accueil. Dans ce contexte, les membres du groupe Les Républicains ont fait inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée une proposition de résolution demandant le gel immédiat de toute fermeture de lits ou de services dans les établissements publics de santé pendant un an.
À la lecture de l'exposé des motifs, d'importants raccourcis apparaissent, laissant entendre que les logiques budgétaires auraient induit des fermetures de lits, ainsi que la saturation des capacités d'accueil en réanimation constatée pendant la pandémie. Pourtant, d'après les derniers chiffres publiés par la DREES, le nombre de lits de réanimation a augmenté entre 2013 et 2018.
La présentation biaisée des faits sur laquelle se fonde la proposition de résolution ne permet donc pas d'aborder correctement le débat sur les moyens consacrés à l'hôpital et sur le nombre de lits. Si l'on se penche sur le détail des chiffres, on constate que, pour la période 2003-2018, une grande partie de la diminution du nombre de lits est imputable aux unités de soins de longue durée – USLD. Cette baisse s'accompagne d'une hausse du nombre de places en EHPAD – établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – et en soins de suite et de réadaptation.
La diminution du nombre de lits en USLD s'explique par le fait que cette modalité d'hospitalisation est devenue obsolète. Nous serions étonnés de vous entendre plaider en faveur d'un retour en arrière, alors même que le virage ambulatoire et l'hospitalisation de jour correspondent aux attentes des patients.
J'aimerais tout de même rappeler que la tarification à l'activité – T2A – , dont la formation politique des Républicains est à l'origine, est très décriée. Plus généralement, l'organisation et la gouvernance de l'hôpital public ont été profondément transformées par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi HPST, adoptée en 2009. Cette loi a notamment eu pour effet de renforcer le pouvoir exécutif du directeur d'hôpital, et a marqué le tournant du « nouveau management public » et de l'« hôpital-entreprise », inspirés du secteur privé.
Dès 2017, la majorité et le Gouvernement ont entamé une réforme en profondeur de notre hôpital, dont la première grande étape a été la loi sur l'organisation et la transformation du système de santé, la loi « ma santé 2022 ». Il s'agit d'un maillon de cette grande réforme qui, en transformant l'offre de soins de ville et celle des hôpitaux de proximité, a des conséquences considérables sur les hôpitaux, en leur permettant de se recentrer sur leurs missions.
Dès le premier budget de la sécurité sociale adopté par notre majorité, nous avons augmenté les moyens de l'hôpital public, grâce à un niveau de l'ONDAM supérieur à celui constaté lors du quinquennat précédent. Par ailleurs, les deux dernières lois de financement de la sécurité sociale ont permis d'amorcer la sortie du « tout T2A », au moyen de financements privilégiant la qualité pour les services d'urgence et de psychiatrie et pour les hôpitaux de proximité.
Nous avons également engagé la hausse des tarifs hospitaliers, rompant avec dix années de campagnes tarifaires orientées à la baisse, ce qui a été salué le monde hospitalier. Enfin, le Gouvernement a procédé au dégel intégral des crédits mis en réserve en 2018 et en 2019.
Les événements récents, causés par la pandémie, ont réaffirmé une vérité essentielle, que nous connaissions déjà : l'hôpital et les personnels hospitaliers sont l'un des piliers de notre nation. C'est pourquoi le Gouvernement a organisé, en sortie de crise, le Ségur de la santé. Cette grande concertation, menée avec tous les professionnels, vise à poursuivre la grande réforme de l'hôpital et du secteur médico-social. Elle repose sur quatre piliers : transformer et revaloriser la situation de ceux qui soignent ; définir une nouvelle politique d'investissement et de financement au service des soins ; simplifier radicalement les organisations et le quotidien des équipes ; fédérer les acteurs de la santé dans les territoires, au service des usagers.
Geler la fermeture des lits d'hôpital pour une durée de douze mois ne répond absolument pas aux demandes et besoins des professionnels de santé, ni aux attentes des patients. Nous faisons confiance aux professionnels et au Ségur de la santé pour émettre des propositions au plus près de leurs besoins.
La présente proposition de résolution est une nouvelle tentative de court-circuiter les concertations et les réformes menées par le Gouvernement. Le groupe La République en marche votera contre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
« Apaiser les tensions et donner une perspective » : tel est, d'après l'exposé des motifs, l'objectif de cette proposition de résolution. À la bonne heure ! En effet, c'est tout le sens du Ségur de la santé.
Le Ségur de la santé est un exercice inédit, destiné à reconnaître les soignants dans ce qu'ils font et pour ce qu'ils sont. Dans ce qu'ils font : ils accompagnent, aident, soignent, sauvent. Pour ce qu'ils sont : des femmes et des hommes de grande valeur, dont nous avons tous admiré l'engagement intense au cours des dernières semaines, et dont le travail est indispensable à la vie de la nation.
Oui, un mal-être grandit depuis longtemps, trop longtemps, dans les établissements de santé. Oui, des logiques comptables ont pu se substituer à la seule chose qui importe aux soignants : le soin. Nombre de familles politiques sont invitées par les circonstances à faire, sinon un examen de conscience, du moins preuve d'humilité.
Je pourrais égrener les propositions en matière de santé qui figuraient dans le programme présidentiel des Républicains, alors que votre candidat ambitionnait de « renverser la table », sur le modèle britannique des années quatre-vingt.
Je pourrais aussi vous dire que, depuis mai 2017, la transformation du système de santé, l'égalité dans l'accès aux soins et l'adaptation de nos structures aux nouveaux enjeux démographiques ont été des priorités.
Vous évoquez l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie. La majorité précédente connaît mieux que personne ces lignes comptables qui ont permis de faire des économies sur le dos de l'hôpital public. La responsabilité budgétaire, c'est bien, mais pas à n'importe quel prix.
Nous avons augmenté les tarifs hospitaliers. Nous avons fait le choix d'une reprise de la dette des hôpitaux – plus de 10 milliards d'euros en trois ans – pour mettre un terme à une course infernale contre la dette, au détriment de la qualité de vie au travail des équipes et de l'investissement dans notre système de santé.
Le Gouvernement a mené une campagne tarifaire en rupture très nette avec le cycle de baisse des tarifs qui perdurait depuis dix ans. Il a procédé au dégel intégral des crédits mis en réserve en 2018 et en 2019. En décembre 2019, il a décidé d'allouer 415 millions d'euros aux établissements de santé. Il a pris des engagements sans précédent sur la pluriannualité, pour redonner, enfin, de la visibilité aux hôpitaux.
Ces efforts allaient dans le bon sens, ils étaient absolument nécessaires. Étaient-ils suffisants ? Peut-être pas.
C'est tout l'enjeu du Ségur de la santé aujourd'hui que de fixer avec les soignants un nouveau cadre pour répondre à des revendications déjà anciennes.
Dès avril 2019, le Président de la République a pris l'engagement, …
… inédit pour nos hôpitaux, de ne plus décider de fermeture d'hôpitaux sans l'accord des maires. « Quoi qu'il en coûte », le Président de la République l'a dit aussi, parce que le péril mortel auquel nous avons fait face et qui nous guette toujours est de ceux qui doivent faire naître un nouveau modèle.
La crise sanitaire a été un révélateur et un électrochoc. Une crise comme celle que nous traversons constitue une épreuve de vérité. Elle nous contraint à faire des choix…
… et à décider des valeurs que nous plaçons au coeur de notre pacte social.
Parmi celles-ci, la solidarité et la santé sont passées avant toutes les autres. Faire preuve de rigueur et tenir aveuglément un cap budgétaire quand des vies sont en jeu, ce n'est pas être responsable, c'est oublier que les chiffres considérés en eux-mêmes n'ont que peu de sens. La santé de nos concitoyens, les solidarités pour que chacun soit protégé : voilà les valeurs fondamentales que le Gouvernement a mises en avant ces dernières semaines, …
… parce qu'il y a certes des décisions qui coûtent, mais il y a aussi des enjeux qui n'ont pas de prix.
Aujourd'hui, un signal fort doit être envoyé pour restaurer la confiance entre l'hôpital public et l'État. Il sera envoyé. La gravité des circonstances ne nous autorise aucun tabou.
Nous devrons permettre à ceux qui soignent de mieux vivre de leur travail. La revalorisation des salaires et des carrières n'a rien d'un sujet périphérique. Hier, 6 milliards d'euros ont été mis sur la table par le ministre des solidarités et de la santé. Il est facile de dire que c'est insuffisant, mais j'invite les parlementaires de chaque côté de l'hémicycle à se remémorer le montant des enveloppes précédentes.
De la même manière, s'agissant de l'organisation du travail et des services, nous avons fait de la gouvernance un thème central du Ségur, parce que les soignants doivent être en première ligne pour prendre les décisions qui les concernent chaque jour sur le terrain.
Pour tout vous dire, …
… nous partageons aujourd'hui une même ambition pour notre système de santé.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il a beaucoup été question du monde d'après, ces dernières semaines. Ce monde d'après pourrait être celui d'un grand projet de société, dans lequel la santé occuperait enfin la place qui lui revient dans la vie de la nation. Le Ségur de la santé doit poser la première pierre de ce projet. Des annonces seront faites très prochainement.
Les soignants attendent plus qu'une proposition de résolution. J'invite les parlementaires à la rejeter et à soutenir les dispositions qui seront présentées prochainement dans le cadre du Ségur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Sur l'ensemble de la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Madame la secrétaire d'État, vous avez dressé un bilan de votre action, …
Non !
… bilan que le Président de la République lui-même a remis en cause récemment – je ne rappellerai pas ses déclarations sur le caractère tardif et le manque d'ambition de la stratégie « ma santé 2022 ».
Ce matin, le groupe Les Républicains ne vous a pas proposé de remettre en cause ce qui a été fait, ni ce qui pourrait l'être dans le cadre du Ségur de la santé.
Si, un peu !
Et les 6 milliards sur la table ?
… qui, depuis dix-huit mois, sont dans la rue tous les quinze jours, à ces professionnels de santé qui n'en peuvent plus, qui ne se satisfont pas des milliards que leur ont annoncés Mme Buzyn puis M. Véran, parce qu'ils n'apportent aucune solution aux problèmes de l'hôpital public.
Les problèmes étaient trop anciens !
Nous vous demandions juste un geste, juste un signal, juste un message, juste un peu de compréhension, et peut-être aussi un peu de compassion.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que de la part de Mme Valérie Six et de Mme Agnès Thill. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Nous avons évidemment quelques échos des travaux du Ségur, dont notamment le fait que le sujet des restructurations, qui est pourtant essentiel, n'a fait l'objet d'aucune annonce. Nous avons le sentiment que, pendant la discussion, la casse continue. Il est donc indispensable de clarifier les intentions du Gouvernement et, en attendant, de faire une pause dans les restructurations. Les députés du groupe GDR demandent leur abandon pur et simple, mais a minima une pause, compte tenu du choc que l'hôpital public vient d'encaisser, est absolument nécessaire.
La proposition de nos collègues n'est assurément pas révolutionnaire…
Et bim !
… mais elle est bienvenue, disons les choses comme elles sont. Un moratoire, comme l'avait demandé mon collègue Alain Bruneel dans une pétition sur internet qui avait recueilli un certain nombre de signatures, nous semble répondre à l'urgence de la situation. Il ne faut pas continuer aujourd'hui à organiser la casse de l'hôpital public. Si vous voulez que les discussions soient productives, il faut tout mettre sur la table.
Je retiens de ce débat notre convergence : nous avons tous le même souci de l'hôpital. Cependant, nous n'apportons pas les mêmes réponses. Vous souhaitez le gel des restructurations, là où nous voulons adapter l'hôpital. Nous avons fait des efforts : en témoignent l'ONDAM, la reprise de la dette, le Ségur. Le groupe MODEM partage donc l'objectif, mais ne soutiendra pas la proposition de résolution.
C'est un moment très important, je l'ai rappelé dans la discussion générale. Trop de soignants, trop de patients ont souffert de la crise. Le groupe EDS considère qu'il faut suspendre les réorganisations pour un temps – et ce temps n'est pas si long : un an. C'est fondamental.
S'agissant de la santé mentale, une fois de plus, les patients qui étaient hospitalisés pendant la crise ont eu énormément à souffrir du manque de moyens et de protection. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a signalé de nombreux enfermements inutiles, délétères. Il ne faut pas oublier la santé mentale dans les propositions de gel des restructurations et des fermetures de lits.
Nous avons tous le même diagnostic ; nous sommes tous favorables à une grande réforme, une grande restructuration de l'hôpital.
Cette proposition de résolution arrive à un moment compliqué, alors que le chantier du Ségur de la santé a commencé et que des réflexions profondes sont engagées sur l'hôpital et le système de santé. Notre remède n'est pas tout à fait le même. Je retiens l'agilité dont nous avons su faire preuve. Or un moratoire présente l'inconvénient de figer le processus, et pourrait en outre avoir des effets induits néfastes pour les patients.
Le groupe Agir ensemble ne votera pas la proposition de résolution.
La proposition de résolution est censée nous rassembler. Mais ce n'est pas le cas, parce que deux façons de penser s'opposent. Certains considèrent, et je suis plutôt de leur avis, qu'en attendant les conclusions du Ségur, il faut geler les fermetures de lits. La question se pose sans délai à Nancy, mais aussi sur l'ensemble du territoire.
Attendons donc les conclusions du Ségur avant de décider de la réorganisation des lits. Mais pour les fermetures, il y a des mesures urgentes à prendre. La proposition de résolution pose un diagnostic et apporte une solution concrète, valable non pas à long terme mais pour un an seulement. Le groupe UDI-I considère que c'est du bon sens que de l'accepter.
Mme Agnès Thill applaudit.
Sinon, ce sont les ARS qui décideront. C'est au Parlement de le faire !
Un moratoire sur les fermetures de lits et de services, c'est bien le strict minimum que nous pouvons demander dans le contexte difficile que connaissent nos hôpitaux et les personnels soignants. C'est la raison pour laquelle le groupe Libertés et territoires votera la proposition de résolution.
Mais, madame la secrétaire d'État, nous attendons aussi beaucoup des décisions et des investissements auxquels le fameux Ségur de la santé devrait aboutir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Le groupe La République en marche votera contre la proposition de résolution.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et LT.
Depuis 2017, grâce à notre majorité, les budgets sont en hausse, notamment par le biais d'une augmentation de l'ONDAM, après trois années au cours desquelles l'ONDAM était inférieur ou égal à 2 %.
L'évolution du nombre de places en unités de soins de longue durée s'est accompagnée d'innovations en matière de technologie médicale et médicamenteuse afin d'offrir les alternatives à l'hospitalisation à temps complet que notre majorité souhaite favoriser.
Le plan pour l'hôpital public présenté en novembre dernier a notamment permis de renforcer l'investissement au quotidien : 150 millions d'euros ont été alloués dès janvier 2020 pour investir dans du matériel indispensable aux soignants. Il a aussi prévu la reprise d'un tiers de la dette des hôpitaux, que nous avons votée dans le très récent projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie, afin de soulager au plus vite leur trésorerie et leur redonner des capacités pour agir.
Nous menons des réformes structurantes, adaptées à chaque territoire, pour transformer l'offre de soins et améliorer l'articulation entre ville et hôpital. La proposition de résolution ne s'inscrit absolument pas dans cette dynamique. Elle obéit à une méthode centralisatrice qui a prouvé son inefficacité ces quinze dernières années.
La crise du covid-19 a confirmé la nécessité du changement de cap opéré par notre majorité et le Gouvernement. Le Ségur de la santé permettra de tirer collectivement les leçons de la crise et, associé au plan « ma santé 2022 », de renforcer notre système de santé en concertation avec les professionnels. La reprise d'un tiers de la dette des hôpitaux que nous venons de voter, c'est un montant de 13 milliards d'euros !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il y a des choses que je ne comprends pas. Ce que prévoit la proposition de résolution, c'est un gel pour une période de douze mois. Il ne s'agit pas d'annuler toute fermeture pendant dix ans !
Nous ne sommes pas sortis de la crise, nous sommes même encore en plein dedans, et l'on vous demande de faire une pause de douze mois dans les fermetures de lits : ce n'est pas ce que j'ai vu de plus révolutionnaire !
Je ne comprends pas votre refus.
À la fin de votre propos, madame la secrétaire d'État, vous avez estimé que, pour les soignants qui ont vécu la crise ou qui participent au Ségur, les fermetures n'étaient pas le sujet. Pourtant, le 16 juin dernier, plusieurs d'entre nous étaient présents auprès des soignants en grève qui manifestaient, et c'était bien le sujet ! Sur les pancartes, il était écrit « Arrêtez de fermer nos services ! Arrêtez de fermer des lits ! » C'est bizarre, nous ne rencontrons sans doute pas les mêmes personnes…
Mais j'étais en poste quand lorsque M. Lannelongue, président de l'ARS du Grand Est, a annoncé la poursuite des fermetures de lits : je peux vous dire que cela a fait l'effet d'une bombe dans les services ! Certes il a été renvoyé, et heureusement, mais pas parce qu'il le pensait : parce qu'il l'a dit trop fort, et au mauvais moment ! Le plan du COPERMO, lui, n'a pas été annulé… Annulez-le, et cela prouvera votre bonne foi.
M. Maxime Minot applaudit.
Le groupe Les Républicains vous demande simplement de geler les fermetures pendant douze mois. C'est tout. Les députés La France insoumise soutiennent cette proposition.
Par ailleurs, permettez-moi de faire remarquer que si l'on veut s'amuser à faire référence à l'histoire, celle des Républicains ou celle des socialistes, encore faut-il être sur un banc où l'on n'a rien à se reprocher. Pour ma part, je pouvais me le permettre, puisque je n'ai fait partie d'aucun gouvernement…
Sourires.
… et que j'ai une expérience. Mais quand on est la majorité d'un président de la République qui était le ministre du budget dans le gouvernement précédent, …
… je ne pense pas qu'on puisse se permettre de donner des leçons aux Républicains.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
À l'issue de ces débats, je pense que nous pouvons nous retrouver autour de cette proposition de révolution…
Sourires
pardon, de résolution, pas très révolutionnaire ! Compte tenu des attentes des Français et de celles des soignants, c'est le moins que l'on puisse faire, et ce ne serait pas du tout incompatible avec la tenue du Ségur.
Au contraire, il vaut mieux observer un moratoire pendant la durée de ces réflexions, pour ne pas avoir à revenir en arrière le cas échéant.
Je crois donc que le moment est opportun, d'autant que la crise sanitaire a mis les difficultés de l'hôpital public en pleine lumière, s'il en était encore besoin.
Nous pourrions tous nous retrouver, je le répète, autour de cette proposition de résolution. Le groupe Socialistes et apparentés la votera.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 28
Contre 38
La proposition de résolution n'est pas adoptée.
Suspension et reprise de la séance
À la demande du groupe Les Républicains, la séance est suspendue pour cinq minutes.
La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à dix heures vingt-cinq.
La parole est à M. Stéphane Viry, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Nous mesurons tous, sur ces bancs, ce que nous devons à nos hôpitaux. Nous mesurons tous les sacrifices consentis par les soignants pendant la crise : ils ont travaillé jour et nuit pour assurer la continuité des soins. Nous savons que, sans leur travail, les conséquences de l'épidémie auraient été cataclysmiques. Nous savons tous ici, sur ces bancs, que beaucoup y ont laissé la vie.
Le covid-19 a frappé notre pays avec une force inouïe. Face à ce fléau, nos hôpitaux ont été en première ligne, et jamais dans notre histoire notre système de santé n'a eu à affronter un tel afflux de patients sur une période aussi courte. Au début du mois d'avril, 30 000 personnes étaient hospitalisées, dont 7 000 en réanimation. Rappelons ce chiffre : 7 000 personnes, c'est supérieur de moitié à la capacité habituelle des services de réanimation dans l'ensemble du pays ! Au début du mois d'avril, compte tenu du rythme de l'épidémie, les hôpitaux d'Île-de-France avaient devant eux vingt-quatre heures avant la surcharge.
Pour faire face à cette situation exceptionnelle, les établissements de santé ont déplacé des montagnes : ils ont mobilisé tout leur personnel pour faire face aux besoins ; ils ont déprogrammé toutes les interventions chirurgicales pour libérer du temps et des moyens humains ; ils ont procédé à des réorganisations massives afin de libérer des lits et d'en ouvrir de nouveaux. Cette efficacité, nous la devons aux acteurs de terrain. Je veux saluer leur travail, qui a permis à notre système de santé de tenir le coup.
Toutefois, les soignants nous l'ont dit, si les hôpitaux ont su s'adapter à la situation, cela ne s'est pas fait sans mal. Les échanges entre les administrations et les établissements ont fonctionné tantôt très bien, tantôt moins bien. De manière générale, je pense que l'on peut tirer un constat sans amertume : la réponse à la crise a péché par trop de centralisme.
Je ne souhaite pas m'étendre excessivement sur le sujet, car il excède largement le champ de la proposition de loi, mais il convient de s'interroger sur la structuration de notre réponse sanitaire selon une logique exclusivement verticale et descendante, depuis le ministère chargé de la santé jusqu'aux agences régionales de santé. Dans bien des domaines – masques, tests, mobilisation des personnels – les hôpitaux ont fait preuve de très grandes qualités sans que l'État ait eu lieu de faire quoi que ce soit.
La proposition de loi que je vous présente, chers collègues, en tire les conséquences. Elle vise à témoigner aux établissements notre confiance pour l'avenir, en leur octroyant davantage d'autonomie pour faire face à une éventuelle reprise de l'épidémie.
Certes, en jetant à cet instant un regard distrait sur notre pays, on pourrait croire que cela n'est plus nécessaire. À parcourir le pays, à Paris ou dans ma circonscription, je retrouve avec satisfaction chez nos concitoyens une forme d'insouciance que l'on avait perdue pendant la période de confinement. Comme vous tous, je m'en réjouis.
Mais le danger est là, pleinement là. Vous l'avez entendu comme moi, le professeur Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique covid-19, nous a dit il y a quelques jours que l'épidémie n'était pas finie et que le virus continuait de circuler ; il serait faux de laisser croire le contraire. L'intensité du virus est moindre, mais il n'a pas disparu.
Autrement dit, la deuxième vague peut arriver à tout moment : dans quelques jours, dans quelques semaines, dans quelques mois, nul ne le sait. L'influence des conditions environnementales sur le virus est encore inconnue, ce qui ajoute aux incertitudes. La réapparition de foyers épidémiques ces derniers jours, en Chine, en Allemagne et au Portugal, n'est pas une bonne nouvelle. En tout état de cause, il s'agit d'une éventualité à laquelle l'hôpital doit être préparé.
Et ce n'est pas la seule : le renoncement aux soins pendant la crise sanitaire pourrait également causer des difficultés. En effet, de nombreux Français atteints de maladies chroniques ont fait le choix, bien compréhensible, de ne pas se rendre chez leur médecin traitant ou à l'hôpital au cours du confinement, de peur de contracter le virus. Ce phénomène a pris une certaine ampleur, or nous connaissons tous les conséquences à long terme du renoncement aux soins : ce sont malheureusement bien souvent des difficultés de santé supplémentaires. Jérôme Salomon a parlé à cet égard de « vague silencieuse ».
Il est évident que l'hôpital doit s'y préparer. Comment l'y aider ? Cette proposition de loi apporte une réponse en donnant aux hôpitaux publics davantage de souplesse pour procéder aux réorganisations dont ils auraient besoin.
Vous connaissez la réglementation et la législation : une autorisation de l'agence régionale de santé – ARS – est requise pour la création, le regroupement ou la conversion d'une activité de soins à l'hôpital. Pour les établissements, cela implique une procédure longue, pouvant durer jusqu'à cinq ans. Certes, en période de crise, un régime dérogatoire existe, mais il repose, encore une fois, sur l'autorisation de l'ARS. Autrement dit, quel que soit le degré d'urgence d'une crise sanitaire, une autorisation administrative est nécessaire pour réorganiser les services.
En temps normal, ce système a ses mérites : il permet de maîtriser l'offre de soins, en évitant la multiplication anarchique des services et des équipements aux dépens du contribuable. Cependant, dans le contexte de crise et d'incertitude que nous connaissons, je ne crois pas que l'on puisse se fier à un tel système. Nous devons donner plus de liberté d'action à l'échelon local. Lors de son adresse télévisée du 14 juin, le Président de la République a appelé à lui faire « davantage confiance », à libérer « la créativité et l'énergie du terrain ». Il a poursuivi en affirmant vouloir donner « des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies », en premier lieu aux hôpitaux.
La proposition de loi soumise à votre assemblée ce matin va précisément dans ce sens. L'article 1er dispense les hôpitaux publics d'autorisation sanitaire pour une durée de douze mois. Pendant un an, les établissements publics de santé pourront procéder à toute réorganisation d'activités de soins qu'ils souhaiteront, sans devoir solliciter l'ARS. Les créations d'activités en urgence en seront grandement facilitées.
Mes chers collègues, ne vous méprenez pas sur mes intentions : en aucun cas ce texte ne veut faire le procès des ARS…
… en les estimant responsables des difficultés qui ont pu être rencontrées. J'ai dit au début de mon intervention que les personnels hospitaliers ont travaillé nuit et jour pour affronter la crise, et il en est allé de même des agents des ARS. Pour bien connaître ceux de ma circonscription, je mesure leur compétence et je sais qu'ils sont indispensables à notre système de soins.
Le texte que je défends vise à instituer un dispositif d'urgence, dont l'application restera tout à fait exceptionnelle, dans un moment de crise particulier. Il ne remet en cause ni la planification des soins à l'échelle du territoire, ni le rôle des ARS – je tiens à insister sur ce point. Tous les hôpitaux publics pourront en bénéficier. Certains, en commission, ont émis des réserves parce que le secteur privé n'est pas inclus dans le champ d'application. Ne voyez là aucune méfiance de ma part à leur égard : les hôpitaux et cliniques privés se sont très largement mobilisés face à la crise et ont également été d'une efficacité remarquable. Je mesure pleinement leur contribution – l'oublier serait une faute. Néanmoins, les auditions nous l'ont confirmé, les besoins d'autonomie ne sont pas les mêmes. En outre, il est naturel que cette loi d'urgence cible davantage les hôpitaux publics, qui ont été en première ligne contre le virus.
Le financement du dispositif sera pris en charge par les fonds d'intervention régionaux, hors tarification à l'activité. Cela permettra aux chefs d'établissement de prendre toutes les décisions qui s'imposent, sans crainte pour leur équilibre budgétaire.
Grâce à l'article 3, les modifications apportées à l'offre de soins seront intégrées d'office au schéma régional de santé, à l'issue des douze mois d'application. Une fois encore, il s'agit de sécuriser les décisions prises, en garantissant aux chefs d'établissement et au personnel médical et soignant que les adaptations ne seront pas annulées du jour au lendemain.
Enfin, l'article 2 prévoit qu'un rapport du Gouvernement sur les mesures prises en application de cette loi sera remis au Parlement, dix mois après son entrée en vigueur.
En aucun cas cette proposition de loi ne donne un chèque en blanc aux chefs d'établissement.
Une double concertation est prévue afin qu'aucune décision ne soit prise hâtivement et que tous les acteurs de l'hôpital soient associés. Je terminerai avec ces deux garde-fous. La première concertation interviendra au niveau interhospitalier, avec le comité stratégique du groupement hospitalier de territoire – GHT. Il s'agit notamment de coordonner les efforts des différents hôpitaux en situation de crise et de s'assurer que chacun est bien informé des projets des autres. La seconde aura lieu à l'intérieur de l'hôpital : le directeur devra recueillir l'avis conforme de la commission médicale d'établissement. Ce point est important : il signifie qu'aucune décision rendue possible par cette loi et ayant des conséquences sur les services ne pourra être prise sans le plein accord du corps médical.
En peu de mots, je vous invite aujourd'hui à faire confiance aux hôpitaux. Je vous propose de laisser une liberté d'action aux chefs d'établissement, mus par le corps médical, pour trouver les meilleures solutions et créer une offre de soins adaptés. J'insiste sur le mot de confiance, car les hôpitaux la méritent. La façon dont ils ont affronté la crise, la réactivité, la responsabilité et la capacité de décision dont ils ont fait preuve, nous l'ont montré.
Cette proposition de loi en tire toutes les conséquences. Le groupe Les Républicains vous invite à la voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
La gouvernance des établissements de santé est au coeur de l'exercice inédit et historique mené en ce moment. Les concertations en cours doivent permettre de tirer toutes les leçons de ces dernières semaines. Comme vous le soulignez, l'une d'entre elles concerne indiscutablement la grande capacité d'adaptation des établissements de santé. Grâce à la mobilisation des soignants, à la levée des freins bureaucratiques et à l'organisation territoriale, le système de santé n'a jamais failli pendant cette crise et les patients ont été pris en charge. Les soignants le disent : ils ont eu le sentiment de s'affranchir de contraintes superflues et de retrouver le goût de leur métier.
La crise a donc bien suscité un choc de simplification, maintes fois espéré et jamais constaté. Il nous faut à tout prix conserver ses bénéfices dans tous les domaines : le fonctionnement interne des hôpitaux, les liens avec les ARS, les ressources humaines. Aller vers davantage de médicalisation de la gouvernance, c'est aller dans la bonne direction. Il est indispensable de permettre aux acteurs de terrain d'identifier leurs besoins de manière concrète et souple.
Votre proposition de loi poursuit cet objectif en ouvrant la possibilité de créer toute activité de soins liée à une crise, comme de convertir ou de regrouper des activités, sans autorisation de l'ARS, le cas échéant après avis du GHT. Il s'agirait également d'intégrer automatiquement les nouvelles implantations ainsi créées au schéma régional de santé, à l'issue des douze mois que dure le dispositif. Vous appelez de vos voeux une plus grande souplesse dans la gestion des autorisations en période de crise sanitaire, que la procédure menée par les ARS n'offrirait pas.
Beaucoup a été dit ces dernières semaines sur les agences régionales de santé, et si certains constats se sont avérés lucides et constructifs, nous avons aussi entendu nombre de jugements aussi hâtifs qu'injustes. Je remercie M. le rapporteur pour ses mots de soutien aux agents des ARS. Ils ont en effet géré la crise sanitaire avec un engagement remarquable. L'organisation administrative de notre système de santé n'est pas une machine froide et désincarnée, elle est faite par des femmes et des hommes dotés d'un sens aigu de l'intérêt général et qui se battent chaque jour pour trouver des solutions à des problèmes d'une complexité que l'on ne soupçonne pas.
La souplesse que vous sollicitez légitimement existe déjà : l'ordonnance du 3 janvier 2018 permet aux ARS de délivrer aux établissements des autorisations dérogatoires en urgence et sans procédure. Cet article a trouvé application avec un arrêté de mars 2020 qui a abouti à l'octroi de 176 autorisations exceptionnelles entre le 22 mars et la mi-avril. Les remontées des ARS et des acteurs de soins montrent que ce dispositif a bien fonctionné pendant la crise sanitaire. Néanmoins, il est vrai que les ARS ont refusé des demandes non qualitatives, ou les ont remaniées, main dans la main avec les établissements, démontrant, si besoin était, l'importance de leur mission de régulation régionale.
Légiférer n'est donc pas nécessaire pour atteindre l'objectif de souplesse souhaité. Ainsi, charité bien ordonnée commençant par soi-même, n'exposons pas les établissements de santé à notre appétit insatiable de nouvelles normes.
En outre, la proposition de loi pose plusieurs problèmes, juridiques et de fond. En n'ouvrant une possibilité qu'aux seuls établissements publics de santé, elle fait courir le risque d'une rupture d'égalité avec les établissements privés. Par ailleurs, il est essentiel que les ARS conservent une vision globale de l'offre de soins sur le territoire, ce que cette proposition de loi n'envisage pas, puisqu'elle écarte tout reporting. Dans ces conditions, le risque d'une multiplication incontrôlée de nouvelles autorisations sur le territoire n'est pas à négliger.
Enfin, le texte prévoit l'intégration d'office des nouvelles implantations et rend ainsi définitives des mesures d'adaptation prises unilatéralement par les établissements, et initialement présentées comme provisoires. De ce fait, l'ARS serait privée de tout pouvoir de régulation pour l'ensemble de la durée du schéma régional de santé. Le dispositif que vous souhaitez instaurer rendrait donc opposables des autorisations et des implantations qui pourraient, après la crise, être jugées inutiles, voire entrer en concurrence avec d'autres implantations, retenues dans la planification territoriale.
Mesdames et messieurs les députés, nous partageons votre souci de rendre aux établissements de santé la maîtrise de leurs besoins et de leur destin. Ils se sont adaptés de manière remarquable, avec rapidité, intelligence et imagination, aux contraintes d'une crise sanitaire sans précédent. Une grande partie des solutions qui ont été trouvées seront pérennisées dans les semaines et les mois qui viennent. La régulation territoriale du système de santé a révélé des faiblesses, c'est vrai, et il nous faut les corriger, mais elle a aussi montré des atouts extraordinaires. L'un d'entre eux est précisément que les établissements peuvent faire face à l'imprévu et composer avec l'imprévisible.
Nous sommes donc sensibles à votre proposition et à son esprit constructif mais, pour des raisons juridiques et pratiques, nous ne pouvons lui être favorables.
Avant de commencer, je vous prie d'excuser ma collègue Josiane Corneloup, qui devait intervenir et qui siège en ce moment en commission.
La crise sanitaire que nous avons vécue est sans précédent. Face à une telle crise, deux stratégies sont envisageables : soit celle des petits pas – ne rien changer, ne rien faire, faire confiance aux acteurs en place – soit la refonte totale du système de santé en France. Tel est notre objectif.
Jean-Carles Grelier a présenté ce matin une proposition de résolution visant à assurer la permanence des soins, qui tendait tout simplement à geler les fermetures de lits. Pourquoi ? Parce que, madame la secrétaire d'État, nous avons vécu cet épisode d'un directeur régional d'ARS qui, en pleine crise sanitaire, annonce son intention de fermer des lits, dans la région la plus touchée ! Voilà ce que nous voulons éviter. La proposition de loi défendue par Stéphane Viry s'inscrit dans la même logique : il s'agit de favoriser la souplesse et l'adaptation sur le terrain, tout simplement en donnant aux directeurs d'établissement l'autorisation d'ouvrir davantage de lits, de postes ou de spécialités.
Pourquoi voulons-nous éviter les filtres permanents ? Parce que le système de santé en France comprend trop de régulateurs et pas assez de soignants. Notre but doit être de renforcer les acteurs de terrain, de permettre à celles et ceux qui sont en contact quotidien avec les médecins urgentistes, avec les infirmières, avec l'ensemble du personnel de soins et hospitalier, de prendre les décisions à la bonne échelle. Selon nous, la proposition de loi va ainsi dans la bonne direction.
Pourquoi s'agit-il d'un dispositif d'urgence ? Parce que notre système de soins a été fortement affecté par la crise sanitaire. Sachant que l'Allemagne dispose de trois fois plus de lits de réanimation que la France alors qu'elle consacre aux dépenses de santé une part de PIB inférieure, on voit bien qu'il ne s'agit pas seulement d'un problème de moyens, d'un problème de budget, d'un problème comptable : il s'agit d'organisation, de structures, de volonté politique. Ce matin, malheureusement, celle-ci fait défaut.
Nous le regrettons, car il faut agir vite. On nous parle beaucoup de la France de demain, mais parlons déjà de celle d'aujourd'hui, qui, dans quelques semaines ou quelques mois, devra peut-être faire face à une seconde vague de contamination ! Dans ce cas, aux termes de la proposition de loi, le système sera suffisamment souple pour qu'un directeur d'établissement puisse ajouter des lits, fermer des postes, en évitant la paperasserie administrative et la bureaucratie.
Car tout se résume à un chiffre : aujourd'hui, en France, 35 % des emplois hospitaliers sont administratifs et relèvent de la bureaucratie. Cela signifie qu'un emploi sur trois n'est pas affecté au système de soins. Voilà ce qui ne va plus et qu'il faut changer.
La proposition de loi va dans cette direction. Vous pouvez envoyer un signal positif ce matin, celui que vous voulez changer profondément les choses. Vous pouvez aussi les changer progressivement, en faisant confiance aux différents acteurs.
Au-delà de ce texte, le groupe LR propose une feuille de route pour l'avenir. Comme l'a dit le rapporteur, notre objet n'est pas de critiquer les ARS, mais de tirer les leçons de la crise, qui a posé la question de la gouvernance territoriale. À notre sens, c'est le préfet qui doit piloter. Il ne peut y avoir d'un côté les ARS et de l'autre le préfet du département. Nous avons besoin d'une coordination renforcée.
Il faut aussi que davantage d'élus locaux, qu'ils soient départementaux ou régionaux, participent en tant que tels aux conseils d'administration des ARS, parce que ce sont eux qui financent le système.
On parle souvent d'un nouvel acte de décentralisation. C'est là un enjeu majeur.
Tout à l'heure, madame la secrétaire d'État, vous nous avez objecté que le texte, en ouvrant un droit aux directeurs d'établissements publics, créerait une rupture d'égalité entre le public et le privé.
Exactement !
Dans ce cas, proposez-nous un amendement étendant ce droit aux établissements privés ! Nous sommes prêts à le voter.
À mon sens d'ailleurs, il faut renforcer les passerelles entre le public et le privé. C'est une des leçons à tirer de la crise sanitaire.
Vous prétendez aussi craindre des débordements. Mais croyez-vous que les directeurs d'établissement aient envie de créer des lits ou des postes pour rien ? N'ont-ils pas une responsabilité, tant personnelle que professionnelle ? Faudrait-il un contrôle permanent, quasi quotidien, au motif qu'ils ne seraient pas à la hauteur de leur fonction ?
La réalité, c'est qu'il faut changer de perspective, changer de braquet, donner une nouvelle perspective à la santé. Tel est l'objectif de la proposition de loi. Ce sera la première pierre d'un édifice. Ne la détruisez pas.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La gouvernance des établissements de santé est un sujet de taille, complexe et souvent mis en avant pour expliquer en partie le malaise des soignants et parfois l'insatisfaction des patients. Depuis la loi HPST – hôpital, patients, santé, territoires – votée en 2009, la gouvernance des hôpitaux a été profondément modifiée. Le personnel soignant a été écarté des décisions prises par les directeurs d'hôpitaux, ce qui a renforcé leur sentiment de ne pas être écoutés et d'être étouffés par une suradministration.
Oui, le fil conducteur des précédentes réformes a été d'imposer un mouvement de resserrement des marges de manoeuvre stratégiques de l'hôpital. Le mode de management a été profondément chamboulé, avec un renforcement du contrôle vertical, hiérarchique, de la tutelle publique sur les établissements hospitaliers.
La crise, je vous rejoins sur ce point, a montré l'agilité des hôpitaux et l'importance de la proximité. Reste à savoir si cette agilité était le fait de l'administration ou des soignants.
Vous l'attribuez visiblement à l'administration, puisque vous voulez donner plus de pouvoir aux directeurs d'établissement.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Cher Stéphane Viry, nos échanges en commission, ainsi que les éclaircissements que vous avez apportés, m'ont permis de mieux comprendre l'esprit de votre proposition de loi et de vous rejoindre sur le principe, qui consiste à privilégier les solutions venant du terrain, surtout lorsqu'elles visent à revoir la gouvernance de l'hôpital.
Je dirai même que donner plus de liberté et de moyens au terrain est la solution.
Je ne sais pas s'il faut privilégier la déconcentration ou la décentralisation, …
… ni s'il faut être étatiste ou girondin, mais je suis sûr que la proximité et l'instauration d'un circuit court en matière de décision sont la solution.
Laissez-moi toutefois pointer nos désaccords sur votre texte, bien que, je le répète, je partage l'état d'esprit dans lequel il a été rédigé. Je regrette, alors que tous les acteurs dénoncent une suradministration des hôpitaux, que vous souhaitiez, si je comprends bien, confier encore plus de pouvoir aux directeurs administratifs.
C'est un peu comme si, dans une bataille, vous donniez le commandement non aux combattants que sont les soignants, mais à l'intendance et au génie.
L'hôpital souffre d'une suradministration. Rappelons qu'en France, selon les chiffres de l'OCDE, 35 % des emplois hospitaliers ne sont pas médicaux, mais administratifs. Plus d'un tiers des emplois hospitaliers ne voient pas les malades ! Ce taux est de 24 % en Allemagne et de 30 % en Suisse.
Aujourd'hui, dans nos hôpitaux, il y a de plus en plus de personnel administratif et de moins en moins de soignants. Pire, certaines directions détournent les soignants de leurs missions initiales et les affectent à des tâches administratives.
Il y a encore quelques années, lorsque j'exerçais, celles que nous appelions les cheftaines, infirmières ou surveillantes, exerçaient au milieu de leur équipe d'infirmières. Désormais, elles travaillent dans leur bureau, habillées en civil, astreintes à enchaîner des réunions qui ne débouchent souvent que sur de nouvelles contraintes administratives. Quant aux médecins et aux infirmières, assujettis à ces nouvelles consignes provenant de l'administration, ils passent désormais de plus en plus de temps à effectuer des tâches administratives devant leur ordinateur ou en réunion, et restent de moins en moins auprès de leurs patients.
C'est d'oxygène que manquent les médecins et les infirmières dans nos hôpitaux. Le problème ne se situe pas entre les agences régionales de santé et la direction des hôpitaux, puisque ce sont des gens issus du même cursus, mais au niveau des relations entre les soignants et l'administration.
Si la proposition de loi est née d'une bonne intention, je ne pense pas qu'elle ne résoudra le problème de la suradministration de l'hôpital.
Mieux vaudrait une meilleure coordination, davantage de soignants et moins d'administratifs.
Par ailleurs le texte intervient, je le rappelle, alors que le professeur Claris, président de la commission médicale d'établissement des hospices civils de Lyon, vient de rendre les conclusions de sa mission destinée à concrétiser la médicalisation de la gouvernance et simplifier le fonctionnement de l'hôpital. Les avez-vous lues ? Elles sont particulièrement intéressantes en ce qui concerne le couple administratifs-soignants. La proposition de loi intervient également au milieu du Ségur de la santé, dont un des axes consiste à simplifier radicalement les organisations et le quotidien des équipes. Nous sommes tous d'accord pour travailler sur le sujet, et j'espère que le Ségur prendra nos débats en compte.
Pour ces raisons, bien qu'il ne soutienne pas le texte, le groupe MODEM convient de la nécessité de traiter la question de la gouvernance des établissements de santé et de promouvoir, et c'est là l'essentiel, un circuit court de la décision.
Nous le savons, la crise sanitaire a mis à rude épreuve notre système de santé, en particulier nos hôpitaux publics, leurs personnels soignants comme non-soignants, ainsi que leur organisation et leur fonctionnement. Elle a révélé mieux que jamais les difficultés de l'hôpital public, que ses serviteurs tentent, nous l'avons encore vu mardi dernier à deux pas de cet hémicycle, de faire entendre au Gouvernement et à la représentation nationale.
Le virus ayant inégalement contaminé l'ensemble du territoire, les établissements publics de santé n'étaient pas tous, dans les faits, soumis aux mêmes contraintes, à la même charge, à la même tension ni aux mêmes défis – même si le transfert de patients des régions plus touchées vers les régions les moins impactées a pu éviter un déséquilibre total, qui aurait empêché certains hôpitaux de prodiguer les soins adéquats à tous les patients admis.
Cette crise a également montré la grande faculté d'adaptation des personnels soignants, qui ont concentré leurs efforts sur la lutte contre le covid-19, mais cela n'a pu se faire qu'en déprogrammant les hospitalisations et les opérations non urgentes. Nous devons dès aujourd'hui en tirer les conclusions et éviter que ne se reproduisent ces conséquences néfastes pour le fonctionnement des services hospitaliers.
Tel est l'objet de la proposition de loi, qui vise à accroître les marges de manoeuvre des directeurs d'établissement afin de créer des postes ou des lits supplémentaires, dans l'éventualité d'un rebond épidémique ou d'un nouvel épisode de crise sanitaire, mais également afin que les soins non urgents qui ont été suspendus pendant la crise puissent être dispensés.
Ces objectifs, nous les partageons. Ils sont d'autant plus importants que, si le risque d'une deuxième vague est pour le moment écarté, le virus est toujours là et que nous devons parer à toute éventualité. Le rebond que connaît aujourd'hui la Chine, ou même l'Allemagne, le démontre.
Toutefois, bien qu'elle procède d'intentions louables, la proposition de loi comporte une contradiction. En effet, son article 1er octroie la possibilité aux directeurs d'établissement de « procéder à toute ouverture de lit ou recrutement afin d'adapter l'offre de soins ». Il leur permet également de procéder, à titre dérogatoire, à « la création, la conversion et le regroupement des activités de soins au sein de l'établissement public de santé ». Nous ne pouvons qu'encourager un texte qui offre une telle faculté dans un contexte d'urgence et à titre dérogatoire, mais, si ces conversions et ces regroupements d'activités ont pour seul objectif de répondre à une situation d'urgence et sont purement circonstanciels, comme le précise le texte lui-même, pourquoi vouloir les rendre pérennes, à l'article 3, en les intégrant par un avenant au schéma régional de santé ?
Outre cette contradiction d'un dispositif d'urgence qui a vocation à être pérennisé, le texte présente une réforme a minima de l'hôpital public. En cela, il risque d'accentuer les inégalités que nous constatons entre les territoires en matière d'accès aux soins et à la santé. Une réforme de l'hôpital, même a minima, doit nécessairement faire l'objet d'un traitement national et être financée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est en effet le seul moyen de garantir la solidarité nationale et de donner un gage de clarté, d'intelligibilité et d'équité. Il convient notamment de se méfier de ce que peut recouvrir la notion d'autonomie des établissements, susceptible de créer des disparités entre hôpitaux et territoires.
Au groupe Socialistes et apparentés, nous pensons que, malgré l'urgence et le caractère exceptionnel des circonstances actuelles, il ne faut pas s'exonérer d'une telle réforme. Nous n'avons d'ailleurs pas attendu la crise pour en proposer une. Dès le 22 octobre, nous présentions un plan massif de soutien à l'hôpital et à l'autonomie. Celui-ci comportait quinze mesures, dont une revalorisation de la rémunération des personnels soignants et non-soignants des hôpitaux, un plan d'investissement, au moyen, entre autres, d'une reprise de dette des hôpitaux, et l'instauration d'une règle simple : zéro suppression de poste ou de lit de malade.
Je regrette que le Gouvernement et sa majorité aient fait une fois de plus la sourde oreille. La crise nous a conduits à retravailler et à réactualiser nos propositions : notre plan de relance pour un rebond économique, social et écologique comporte une nouvelle fois une réforme ambitieuse pour l'hôpital public. Nous proposons un plan d'investissements massif, de l'ordre de 10 milliards d'euros, qui porterait le niveau annuel d'investissements à 6 milliards. Nous préconisons également d'augmenter la rémunération des soignants, de mettre fin aux réductions de personnels et de prendre des engagements clairs et chiffrés en termes de créations de postes. Nous proposons enfin de financer les services d'urgence sur la base d'indicateurs de précarité et de réformer l'ONDAM.
Si cette proposition de loi vise à atteindre des objectifs ambitieux et essentiels, la méthode sur laquelle elle repose ne satisfait pas entièrement aux principes de cohérence, de clarté et d'équité, nécessaires à toute réforme. Il convient de mener une réflexion profonde sur l'hôpital public. C'est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote de la proposition de loi.
Cette crise a mis en lumière nos limites. Tirons-en les conclusions, sans jeter la pierre à quiconque : nous avons besoin de moins d'administrocratie et de plus d'humain et de terrain. Travaillons donc ensemble pour réorganiser notre système de santé au plus près des territoires.
Nous devons réussir à repenser son articulation géographique, afin d'être au plus proche de nos concitoyens et de donner aux Françaises et aux Français un accès rapide à des soins de qualité.
Rebattons les cartes et finissons-en avec cette rigueur budgétaire qui tue nos hôpitaux et se traduit, depuis des années, par un manque flagrant de moyens humains et matériels. Les victimes en sont nos concitoyens et, en fin de compte, le personnel hospitalier lui-même.
Il est donc nécessaire d'investir massivement dans les hôpitaux publics, afin de motiver le personnel soignant, qui a montré pendant cette crise combien il était indispensable.
Nous devons en outre faire preuve de plus d'autonomie et de souplesse organisationnelle. Il convient de créer un dispositif efficace, réactif, utile, souple. Osons le dire, madame la secrétaire d'État : cela implique une réforme des agences régionales de santé, afin de mieux les associer aux élus et aux acteurs locaux. Disant cela, je ne jette pas la pierre aux ARS.
Comme Stéphane Viry et vous-même l'avez indiqué, tout n'est pas à jeter dans leur action durant la crise.
Néanmoins, leurs fragilités se sont manifestées, et l'on a pu constater que leur fonctionnement pouvait largement être amélioré.
D'autre part, les maux de l'hôpital public vont de pair avec les carences de la médecine de ville et l'existence de déserts médicaux. Ces problèmes doivent être réglés ensemble : nous devons désengorger les urgences en améliorant le parcours de soins et le suivi des patients, et redonner envie aux médecins de s'installer là où ils sont le plus nécessaires. Il faut traiter les fractures géographiques et sociales de notre pays.
Afin de territorialiser encore davantage nos politiques de santé, la présente proposition de loi vise à accorder une autonomie organisationnelle temporaire aux hôpitaux publics, en donnant tout pouvoir aux directeurs. Sur ce point précis, je ne rejoins pas mes collègues du groupe Les Républicains.
En effet, la direction des soins médicaux et paramédicaux, les représentants des usagers, les syndicats, ainsi que le conseil de surveillance devraient être davantage associés à la gestion des hôpitaux : c'est à celle-ci d'être au service du soin, et non l'inverse. Dans la majorité des hôpitaux, le directeur est déjà omnipotent. Ce n'est pas à lui qu'il faut accorder davantage de pouvoirs, c'est aux acteurs que je viens de citer.
C'est pourquoi, même si je partage les constats qui sont à l'origine de cette proposition de loi ainsi que son objectif – accroître la souplesse du système hospitalier – , je m'oppose aux conclusions qu'elle en tire et aux mesures proposées : je ne crois pas qu'il faille renforcer le pouvoir des directeurs d'hôpitaux. À ce stade du débat, le groupe UDI et indépendants prévoit par conséquent de s'abstenir.
Si nous pouvons dire que nous sommes fiers que notre système de santé ait résisté face à une épidémie aussi meurtrière que soudaine, c'est parce que nous avons pu compter sur la mobilisation sans failles des hommes et des femmes qui le font tenir debout. Ces derniers ont aussi pu bénéficier des solidarités interrégionales, et du soutien des collectivités territoriales.
Ainsi, les capacités ont-elles été augmentées sur tout le territoire grâce au déclenchement rapide du plan blanc dans les hôpitaux et à la réorganisation des services. Les cliniques privées ont elles aussi été mises à contribution, preuve supplémentaire que le décloisonnement entre le public et le privé doit être encouragé. La médecine de ville s'est réinventée, même quand le matériel de protection n'était pas au rendez-vous. Bref, l'urgence nous a obligés à nous adapter, à coopérer et surtout à nous montrer réactifs.
La crise a malheureusement aussi mis en lumière les dysfonctionnements d'un système de soins affaibli par des sous-investissements chroniques et des restrictions budgétaires permanentes. La priorité est bien là, et nous la connaissons depuis de nombreuses années. Les logiques comptables, la tarification à l'activité et la faible attractivité des carrières ont entraîné la fermeture de services et de lits, ainsi qu'une pénurie de personnel. Ce mode de fonctionnement, déjà inadapté par temps calme, l'est encore plus en pleine épidémie. Si le Ségur de la santé n'apporte pas de réponse à la hauteur de ces enjeux, il aura été une vaine concertation de plus.
Au-delà du manque de moyens, la crise sanitaire du covid-19 a permis de confirmer deux constats, dont il a été question de manière récurrente dans nos débats au cours des dernières années et que le groupe Libertés et territoires n'avait cessé de dresser. D'une part, la gouvernance des établissements de santé et le mode de fonctionnement des agences régionales de santé imposent une vision verticale, centralisée, et une technostructure souvent inadaptées aux besoins des territoires et éloignées des réalités vécues par les soignants. D'autre part, les initiatives les plus efficaces et innovantes partant souvent du plus près du terrain, il convient de s'appuyer sur les soignants, qui savent s'adapter et s'organiser avec intelligence, ainsi que sur les élus locaux, qui connaissent très bien leurs territoires. Les décisions des ARS ont parfois suscité des incompréhensions, en particulier lorsque les collectivités territoriales ont été rappelées à l'ordre pour avoir commandé des masques. Par ailleurs, toutes les ARS n'ont pas fait le choix d'accompagner les médecins libéraux dans la création de centres de détection des malades du covid-19.
Ces dysfonctionnements ne datent pas de la crise. Les acteurs du terrain nous signalent depuis de nombreuses années que les ARS agissent trop souvent comme des freins aux projets innovants, au lieu de les faciliter.
Aussi, les députés du groupe Libertés et territoires, qui appellent à faire preuve de plus de souplesse et à accroître les marges de manoeuvres accordées aux territoires pour innover, y compris en matière de santé, ne peuvent-ils que partager la philosophie de la présente proposition de loi. Celle-ci vise en effet à instaurer un dispositif souple et efficace, utile en période de crise sanitaire. À de nombreuses reprises, notre groupe a d'ailleurs proposé des mesures pour introduire plus de souplesse.
Autoriser de manière immédiate et dérogatoire les directeurs d'établissements à procéder à des adaptations nécessaires pour faire face à un afflux de patients, sans habilitation préalable des ARS, nous paraît tout à fait adapté. Notre groupe votera par conséquent pour cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous rappelons toutefois qu'au-delà des dispositifs d'urgence, nous ne pouvons faire l'économie d'une réflexion approfondie sur la gouvernance des établissements de santé – qui doit accorder une plus large place aux soignants – et sur les logiques de restriction budgétaire qui entraînent fermetures de lits et manque de personnel. Le Ségur de la santé doit impérativement nous conduire à une transformation en profondeur du système actuel.
Nous ne le dirons jamais assez : merci aux équipes médicales, soignantes, techniques, administratives et aux directeurs, qui ont su s'organiser rapidement au début de l'épidémie pour accroître nos capacités hospitalières et faire face, autant que faire se pouvait, à la vague des malades.
La responsabilité du groupe La République en marche dans la crise est grande. Alors que nous alertions le Gouvernement depuis le début de la législature sur le manque de lits, le manque d'effectifs médicaux et soignants et le manque de reconnaissance des professions hospitalières, ces trois dernières années ont été marquées du sceau des fermetures de lits, de services hospitaliers et d'hôpitaux de proximité.
Au beau milieu d'un mouvement sans précédent de grèves des soignants, à l'automne dernier, nous frôlions déjà la catastrophe par manque de lits de réanimation. À l'époque, vingt-deux enfants avaient dû être transférés à Rouen, Caen, Amiens ou Reims depuis la région francilienne, faute de lits pédiatriques en nombre suffisant, parfaite illustration de l'absurdité de la méthode consistant à réaliser à marche forcée des économies sur la santé.
Dans son programme, Emmanuel Macron prévoyait de réaliser 15 milliards d'euros d'économie dans ce domaine. Force est de constater qu'il est en passe d'y parvenir. Il semble même en être fier, comme le montre sa dernière allocution télévisée : une honte !
La situation actuelle de nos établissements de santé ne peut donc en aucun cas être expliquée uniquement par des problèmes d'organisation.
Néanmoins, la question de la gouvernance des hôpitaux mérite d'être posée et je remercie le rapporteur de nous permettre d'en discuter aujourd'hui.
Nous comprenons l'intention, louable, qui est à l'origine de cette proposition de loi : s'adapter à chaque contexte local et tirer profit des expérimentations prometteuses pour lutter contre le non-recours aux soins et éviter une deuxième vague de l'épidémie. Nous saluons nous aussi certaines initiatives qui ont été prises et partageons cet objectif. Toutefois, celui-ci ne doit pas entrer en contradiction avec la volonté de mettre sur pied une véritable démocratie sanitaire et de proposer une offre de soins juste et harmonisée sur l'ensemble du territoire.
Depuis la loi dite Bachelot du 21 juillet 2009, les directeurs d'établissement ont déjà des pouvoirs très étendus, qui s'opposent bien souvent à la logique médicale. Les laisser seuls maîtres à bord fait courir le risque de dérives majeures et de ruptures d'égalité dans l'accès aux soins. En plus d'être dangereux, ce serait pour sûr inefficace, car les bonnes décisions se prennent toujours à plusieurs, et non seul.
Un dispositif d'urgence existe déjà, qui permet aux directeurs d'hôpitaux d'obtenir des autorisations exceptionnelles dans un laps de temps très court. Graver ce type de dispositif dans le marbre de la loi ne serait pas souhaitable.
Pour le comprendre, il faut rappeler le contexte actuel, celui du carcan de la tarification à l'activité et des regroupements hospitaliers. La logique des groupements hospitaliers de territoire – GHT – est mortifère pour les établissements publics de santé, parce qu'elle détruit la diversité de l'offre hospitalière et accroît la complexité du management, au détriment des hôpitaux de proximité et de taille moyenne.
Dans un tel contexte, qu'attendre des directeurs d'établissement, sinon qu'ils jouent le jeu du Gouvernement en fermant des lits, des services et en licenciant du personnel ? Vous vous fourvoyez si vous pensez qu'il suffirait de leur remettre les clefs des établissements de santé pour améliorer la situation.
En définitive, quel devrait être le rôle du ministère et de ses relais dans les territoires, les agences régionales de santé ? Il devrait être d'énoncer des règles claires permettant de mener une politique sanitaire harmonisée à l'échelle nationale, et non pas, en aucun cas, d'appliquer une politique d'austérité qui asphyxie nos établissements de santé, les met en concurrence les uns avec les autres et méprise la démocratie sanitaire. Quel devrait être le rôle du directeur d'établissement ? Il devrait être de mettre en application la politique sanitaire en s'adaptant aux contextes locaux, en codécision avec les équipes soignantes, tel un trait d'union, un chef d'orchestre, un animateur de la démocratie sanitaire, et non pas, en aucun cas, de décider seul des regroupements hospitaliers, des fermetures de services et de lits, avec pour seule boussole l'objectif des économies à réaliser et pour seule carte une vision comptable et managériale. Qui devrait être aux commandes de l'hôpital public, au coeur de sa gouvernance, sinon les équipes médicales et soignantes, proches des réalités du terrain, ainsi que les usagers, tous deux ignorés par cette proposition de loi ? C'est la condition sine qua non d'un diagnostic juste et d'une gestion humaine des établissements. En aucun cas cette gouvernance ne doit être confisquée par des structures technocratiques éloignées des patients ou par des directeurs d'hôpitaux réduits à la fonction de managers.
L'hôpital public n'est pas une entreprise. Nous devons sortir d'une structuration trop bureaucratique et verticale pour passer à une logique plus humaine et horizontale. C'est pourquoi le groupe La France insoumise votera contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Durant la crise sanitaire, nous avons pu constater l'excellence de l'hôpital français. Face à une crise d'une ampleur sans précédent, les soignants et tous les personnels de l'hôpital ont fait preuve d'une capacité d'organisation remarquable. Nous leur devons admiration et surtout respect. Ce sont leur capacité d'adaptation, leur courage, leur investissement, qui ont permis à l'hôpital de tenir. Pour affronter cette crise, les hôpitaux ont fait preuve d'adaptabilité. Ils ont mobilisé tout leur personnel pour répondre aux besoins, déprogrammé certaines interventions chirurgicales ; ils se sont réorganisés massivement pour libérer, voire créer des lits.
Notre système de santé est structuré de façon hiérarchique, du ministère de la santé aux ARS et de ceux-ci aux établissements. L'autorisation de l'ARS est requise pour créer, regrouper ou convertir des activités de soins, ce qui prend beaucoup de temps, et même si des régimes dérogatoires existent, leur application reste soumise à des autorisations préalables parfois longues à obtenir. En acceptant d'assouplir certaines procédures, en s'affranchissant de certaines lourdeurs administratives, les personnels ont su répondre efficacement à un problème inédit.
Faut-il pour autant s'affranchir de ces règles ? Je suis tentée de répondre à la normande, en balançant entre un « oui » franc, qui souhaite libérer les initiatives, et un « non » prudent, qui pense que les règles administratives sont là pour protéger, et non ralentir, même si elles ont parfois pour conséquence un allongement des délais. C'est ma fierté de Havraise, de Normande, qui se révèle dans cet équilibre raisonnable, très éloigné, monsieur le rapporteur, d'une indécision coupable !
Ce texte dispense les hôpitaux publics d'autorisations sanitaires pour une durée de douze mois, pendant lesquels les établissements publics de santé pourraient procéder à toutes les créations, regroupements ou conversions d'activités de soins qu'ils souhaiteraient, sans avoir à solliciter l'autorisation de l'ARS. Ce serait passer d'un régime d'autorisation peut-être parfois trop contraignant à une absence totale d'autorisation. Ces dispositions ne répondraient pas aux enjeux, notamment parce qu'elles excluraient les établissements de santé privés, acteurs qui se sont révélés tout aussi essentiels au cours de cette crise.
En outre, une procédure d'autorisation exceptionnelle est déjà prévue en cas d'état d'urgence sanitaire – plus de 150 autorisations ont été octroyées à des hôpitaux publics et privés au cours de cette crise. De plus, l'éviction des ARS empêcherait toute coordination et régulation régionales dont on a vu durant cette crise qu'elles avaient sauvé des vies, en permettant par exemple le transfert de patients du Grand Est vers des régions dont les capacités hospitalières n'étaient pas saturées. Nos hôpitaux ont trouvé des marges de manoeuvre et l'administration a fait preuve de volontarisme. Les équipes se sont organisées de manière fluide et efficace, combinant les efforts du personnel soignant, des équipes de direction, des équipes techniques et administratives.
Alors oui, le grand chantier de simplification de l'hôpital reste ouvert, et je gage que le Ségur de la santé apportera des préconisations en ce domaine. Oui, il faut réformer l'hôpital, singulièrement les procédures administratives qui visent à améliorer le service aux patients, mais qui parfois ont eu des effets délétères. Il faut toutefois prendre garde aux risques de décisions prises sous le coup de l'émotion et, dans ce domaine, je crois fermement aux larges concertations fondées sur des retours de terrain, telles qu'elles sont actuellement menées dans le cadre du Ségur de la santé. Oui, il est urgent d'agir, mais avec les précautions qui s'imposent quand on touche à notre hôpital d'excellence. Oui, il nous faut travailler sur la gouvernance et sur les passerelles entre le public et le privé, mais renforcer l'administration de l'hôpital n'est pas la solution. Il faut plutôt développer la coordination entre les soignants et la direction, tout en donnant toute leur place aux usagers.
Monsieur le rapporteur, si nous nous rejoignons sur l'objectif, voire la philosophie de votre proposition de loi, nous ne nous rejoignons pas sur la méthode. Agir ensemble n'apportera pas son soutien à ce texte, faute d'adhésion au chemin qu'il trace pour atteindre l'objectif qui nous est commun.
Confrontés à cette crise sanitaire, les personnels hospitaliers ont fait comme ils ont pu – comme d'habitude. Ils ont géré la pénurie : pénurie de masques, de blouses, de médicaments, de respirateurs, de personnels. Ils ont dû s'adapter à une situation sanitaire inédite qui appelait des réponses rapides pour faire face à l'afflux des patients dans les services d'urgence et de réanimation et pour adapter les autres services aux conditions nouvelles. C'est grâce à eux, grâce à elles que l'hôpital a tenu. C'est pourquoi il convient de répondre au plus vite à leurs revendications, qui sont d'intérêt général : embaucher du personnel, reconnaître les efforts des personnels par des hausses de salaire, mettre fin aux fermetures, leur donner les moyens d'exercer leur métier. Pour assurer la compression des dépenses, on a réorganisé l'hôpital public et installé des gestionnaires de coûts à la tête de grands pôles, on a regroupé les établissements, externalisé les tâches, joué sur les réquisitions. Ce sont là des choix politiques.
Vous nous invitez à rouvrir le chantier de la gouvernance de l'hôpital. Il est évident que nous ne pouvons en rester à cette organisation déconnectée des besoins. Nous partageons avec vous, cher Stéphane Viry, de nombreux constats et le souhait, sans doute, de donner de l'air à l'hôpital public, mais, pour cela, il faudrait plus de démocratie sanitaire. Or où est-elle quand tout est piloté par les coûts, quand on privilégie l'objectif de faire le plus grand nombre d'actes possibles ? Le droit à la santé ne peut pas être subordonné aux lois du marché et il ne faudrait pas oublier déjà les leçons de la crise sanitaire en la matière. Le service public hospitalier souffre d'une gestion comptable et managériale, qui satellise le corps médical et les élus. C'est la conséquence de tout le système qui a été mis en place au travers des groupements hospitaliers de territoire et des ARS, dont il ne faut jamais oublier qu'elles dépendent des décisions du ministère. Il convient de remettre l'humain et le soin au coeur du système de santé.
Sur ce point, votre texte prend soin de donner des prérogatives à la commission médicale d'établissement en matière de gestion, ce qui va dans le bon sens.
Nous sommes cependant réservés quant au reste de la proposition de loi. Nous pensons en effet qu'on ne réglera pas les problèmes, notamment la question essentielle des moyens des hôpitaux, en leur confiant plus d'autonomie. Avant même la survenue de l'épidémie, il manquait des lits – 103 000 ont été supprimés entre 1993 et 2018 – , du personnel, du matériel médical. Depuis le début de notre mandat, ce sont 3 milliards d'euros d'économies qui ont été demandées aux hôpitaux. Il a fallu des manifestations en pagaille, une grève des urgences de plusieurs mois et maintenant une épidémie pour que le sujet soit pris au sérieux. Nos hôpitaux publics ont certes résisté à la crise, mais au prix de l'épuisement du personnel, d'un renoncement aux soins importants de la part de nos concitoyennes et concitoyens, de l'impossibilité de prendre des congés pour les soignants, de la création en urgence de lits d'hospitalisation. Il convient de sortir de cette « gestion par la débrouille ».
L'idée de donner plus d'autonomie aux établissements, mise en oeuvre dans d'autres domaines de l'action publique, s'est toujours accompagnée de réductions des moyens et d'une forme de mise en concurrence des établissements, exacerbant les inégalités territoriales. Il ne s'agit pas de mettre de côté la créativité des personnels, des services et des établissements, qui doit jouer un rôle moteur dans la vie d'un hôpital, car tout hôpital est un organisme vivant, mais, pour rendre cela possible et bénéfique, il faut faire sauter les verrous et donner effectivement la priorité à l'hôpital public, notre outil, notamment en finançant ses équipements et en fondant ses réorganisations sur les projets de développement qui émanent des équipes. Il faut faire vivre la démocratie sanitaire avec l'ensemble des acteurs de santé et des acteurs locaux pour que se pense une transformation progressiste de l'hôpital public.
À cet égard, le modèle de l'autonomie de gestion ne nous semble pas répondre aux enjeux. Nous pouvons même craindre qu'à la faveur de la crise, ces dispositions ne servent d'accélérateur et de prétexte à des réorganisations forcées qui ne répondent pas correctement aux besoins.
Ce dont le service public a besoin, plus que d'un dispositif d'urgence, c'est d'une vision à long terme, qui permette de sortir des budgets à courte vue et de l'ONDAM. Tel est le sens de la proposition de loi en faveur d'une loi de programmation pour l'hôpital public et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes que nous avons soumise à la discussion ici même la semaine dernière, dans le cadre de la niche parlementaire dévolue au groupe GDR. On peut cependant constater une certaine convergence de diagnostic, qui appelle des décisions fortes et courageuses en faveur de l'hôpital public.
Durant ces derniers mois de crise sanitaire, nous avons vu les hôpitaux se transformer, réagir avec agilité pour parvenir à nous soigner en dépit des pires prévisions. Aux peurs, aux angoisses de cette période incertaine, face à un virus inconnu, le système de santé a répondu avec rapidité, pragmatisme et engagement. Je veux ici remercier l'ensemble des acteurs mobilisés par cette crise.
Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi qui vise à donner les pleins pouvoirs aux directeurs des établissements de santé publics en effaçant le rôle des agences régionales de santé ou de tout autre organe de régulation ou de coordination. Mais une gestion de crise et la simplification espérée par les professionnels de santé peuvent-elles se passer des acteurs de la régulation ? Les réformes successives de l'organisation et de la gouvernance des hôpitaux menées ces vingt dernières années, avec le soutien de tous les bancs de cette assemblée, ont toutes identifié et promu ce besoin de coordination territoriale et de régulation, et ce, même en temps de crise.
Si l'objectif de la proposition de loi est le bon, à savoir la simplification, les moyens et les outils proposés sont inadéquats. Vous souhaitez substituer à un système ayant fait ses preuves durant cette crise un dispositif qui, si on le regarde de près, se révèle bien plus chronophage, moins réactif, moins efficace. En effet, comme ceux d'entre nous qui ont renfilé leur blouse blanche ont pu l'observer sur le terrain, les hôpitaux ont réussi à se réorganiser rapidement. Qu'ils soient publics ou privés, ils ont été capables de doubler le nombre de lits de réanimation sur le territoire tout en assurant les urgences et le suivi des autres pathologies nécessitant une prise en charge, et cela grâce à l'engagement des acteurs de terrains et aux outils législatifs déjà existants, qui leur ont permis d'obtenir en vingt-quatre heures des autorisations d'ouverture de lits ou de services de réanimation. Ce que vous proposez, en revanche, demanderait pas moins de sept jours. Mes chers collègues, êtes-vous certains qu'il s'agit réellement d'une simplification, d'une plus grande réactivité ?
En outre, votre proposition de loi ne fait nulle part mention du secteur privé. Or si notre système de santé a pu tenir durant la crise, c'est grâce à la mobilisation de tous ses acteurs. Ainsi, dès le mois de mars, les cliniques ont déprogrammé les opérations qui n'étaient pas urgentes et ont participé à l'effort national d'augmentation des capacités de réanimation. Les dispositifs de gestion de crise ne peuvent pas faire l'impasse sur ces acteurs engagés, qui font partie intégrante de la cartographie de notre système de santé. Au-delà d'un manque de cohérence, cet oubli pose également un problème constitutionnel de rupture d'égalité entre établissements publics et privés.
Beaucoup de chemin reste à faire pour répondre au besoin de simplification que vous avez identifié. Il nous faudra dans les mois à venir rendre plus fluides les autorisations, les processus administratifs et accompagner davantage les innovations organisationnelles de nos hôpitaux.
Le Ségur de la santé permet d'esquisser des solutions dans la concertation, pour et avec les acteurs de terrain. La formidable énergie que nous avons observée, la mobilisation des soignants, l'agilité et la réactivité dans la prise en charge des patients doivent être pérennisées, avec les bons outils. La confiance doit être renforcée à l'égard des soignants – de tous les soignants, qu'ils exercent en ville ou à l'hôpital, dans le privé comme dans le public. Capitaliser sur les forces de l'hôpital ne saurait aller avec, comme vous le proposez, des dispositifs temporaires et une échelle variable ; on ne saurait se satisfaire d'une absence de vision territoriale et d'une dérégulation du système de santé – une telle dérégulation n'étant d'ailleurs ni souhaitable ni bénéfique pour les soignants et les patients. C'est pourquoi le groupe La République en marche ne soutiendra pas cette proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En Chine ou, plus près de nous, au Portugal, et même à nos portes, en Allemagne, l'apparition de nouveaux foyers de contagion oblige à rétablir des restrictions comparables à celles que la France connaissait il y a encore quelques semaines. Les spécialistes nous invitent à la plus grande prudence et à une vigilance accrue ; ils n'excluent pas la survenue d'une deuxième vague épidémique à l'automne ou cet hiver. Il convient donc de tirer très rapidement les leçons de la période que nous venons de traverser, et qui n'est pas encore derrière nous.
Dans ce contexte, la proposition de loi de notre collègue Stéphane Viry, soutenue par le groupe Les Républicains, prend tout son sens : elle vise à permettre, de manière dérogatoire, aux établissements publics de santé d'organiser leurs services pour se préparer à un regain d'épidémie. En d'autres termes, elle donne aux acteurs qui se trouvent en première ligne une plus grande marge de manoeuvre et une plus grande souplesse d'organisation.
Hier, sur tous les bancs, nous louions unanimement un système de santé qui avait su s'adapter, dans l'urgence, aux conditions d'exercice extrêmes imposées par le virus, afin de sauver des vies. Aujourd'hui, nous devons consolider juridiquement cet acquis pour parer à toute éventualité. Tel est l'objet du présent texte : il s'agit de donner une autorisation immédiate et dérogatoire aux directeurs d'établissement pour procéder à toutes les créations de postes, de lits et de spécialités rendues nécessaires par la sortie de crise.
En commission des affaires sociales, la majorité a remis à plus tard – comme à son habitude – ce qui pouvait être fait ici et maintenant, sous des prétextes douteux et peu pertinents. Elle refuse de prendre ses responsabilités, attendant une fois de plus un texte prophétique du Gouvernement, dont elle s'attribuera les mérites. Mais il sera trop tard, une fois encore – une fois de trop, car le virus, s'il doit ressurgir avec la même intensité qu'hier, ce que je ne souhaite évidemment pas, mais que je redoute, ne nous attendra pas. La proposition de loi de notre collègue Stéphane Viry permettra justement, de manière dérogatoire, aux établissements publics et à leurs services de s'organiser pour affronter une éventuelle deuxième vague épidémique.
La crise sanitaire a profondément modifié l'organisation des services hospitaliers : certains ont dû fonctionner jour et nuit, alors que d'autres étaient peu mobilisés par rapport à leur activité habituelle. Nous le savons, la tension qui pèse sur les lits d'hospitalisation ne date pas d'hier, ni même de la crise du covid-19. Lorsque je portais moi-même la blouse blanche, avant de devenir député, nous manquions déjà de moyens humains et matériels. La crise a mis en lumière la remarquable capacité d'adaptation des personnels soignants, des services et des établissements.
Cette période a démontré que lorsque l'hôpital retrouvait des marges de manoeuvre et que l'administration était volontaire, les équipes étaient capables de s'organiser de manière agile et efficace.
J'ai une pensée pour les hôpitaux du département de l'Oise, particulièrement pour les centres hospitaliers de ma circonscription, dont celui de Clermont-de-l'Oise, qui ont su réagir de manière exemplaire alors que nous étions le premier foyer épidémique de France. Les applaudissements, les médailles et les chèques-vacances ne suffiront pas, et ce n'est d'ailleurs pas ce que désirent les soignants : ils veulent des moyens. Comme tous les Français, nous ne voulons plus les voir revêtir des sacs poubelles ni mobiliser des bénévoles pour coudre des blouses dans des vieux draps.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.
Donnons-leur une bouffée d'oxygène, et adoptons cette proposition de loi ! Donnons aux établissements une autorisation immédiate et dérogatoire, pour qu'ils procèdent à toutes les créations de lits, de postes ou de spécialités rendues nécessaires par la sortie de crise, sans habilitation préalable de l'ARS – strate administrative qui mériterait, selon moi et selon ma famille politique, d'être restructurée… mais ce n'est pas le sujet du jour.
Aujourd'hui, il s'agit d'instaurer un dispositif d'urgence, indépendamment des conclusions qui ressortiront du Ségur de la santé. Agissons maintenant, ici – action et réaction, nous ne pouvons plus attendre !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
« Cette proposition de loi n'a pas vocation à proposer une réforme de la gouvernance des hôpitaux mais constitue un dispositif d'urgence. Elle ne fait que maintenir pour quelques mois ce qui a fait ses preuves pendant la crise : un mécanisme souple, permettant aux établissements de s'adapter rapidement, tout en prenant des décisions concertées au plus près du terrain. » Ainsi se termine l'exposé des motifs du texte, et tout est dit en ces quelques mots. Ce que propose notre collègue Stéphane Viry, c'est tout simplement de prolonger ce que les hôpitaux ont fait durant la crise sanitaire du coronavirus ; c'est de s'adapter aux urgences du terrain ; c'est de faire correspondre la loi et la réalité – et c'est suffisamment rare pour le souligner et s'en féliciter.
Que nous enseigne la crise ? D'abord, que lorsque l'hôpital retrouve des marges de manoeuvre et que l'administration se prend en main, le personnel de santé est capable d'organiser son fonctionnement « de manière fluide et efficace », pour citer la proposition de loi. Excellente nouvelle ! Puissions-nous en tirer les conséquences et cesser de confier tous les pouvoirs aux ARS en matière de santé ; réinvestissons plutôt l'échelon local en toute confiance. Deuxième enseignement, beaucoup moins positif : nombre de Français ont renoncé à des soins à cause du confinement, effrayés par l'incapacité du Gouvernement, dans un premier temps, à fournir des masques aux médecins généralistes. Les médecins de ville ont été les grands oubliés de la crise sanitaire. Entre le 2 et le 30 mars, le nombre de rendez-vous pris chez des généralistes était en chute libre, de 64 % en moyenne. Désorientés par le manque de consignes claires, mais conformément aux messages diffusés par les médias, les Français se sont tournés massivement vers le service d'aide médical urgent, le 15, qui les redirigeait vers des hôpitaux déjà largement sous tension. Malheureusement, nombre de nos concitoyens ont tout simplement renoncé à se soigner, remettant à plus tard des soins souvent essentiels. Les annonces du Gouvernement autorisant les patients sous traitement chronique à se rendre directement dans les pharmacies, sans passer par le médecin, n'ont pas facilité les choses.
Ce renoncement aux soins est évidemment dangereux pour la santé publique. Il faut donc prévoir des mécanismes grâce auxquels la population accédera à nouveau aux hôpitaux, notamment pour les hospitalisations et les opérations non urgentes, mais nécessaires, suspendues pendant la crise. L'interruption de nombreuses activités médicales ou chirurgicales n'a pas été sans conséquence.
À Béziers, le centre hospitalier et les cliniques privées ont noué une entente irréprochable. Grâce à l'intelligence et au sens de l'intérêt général de tous les partenaires, les établissements médico-chirurgicaux se sont parfaitement entendus et se sont organisés pour parer à toute éventualité de crise sanitaire aiguë. Des lits, voire des services entiers ont été libérés pour faire face, le cas échéant, à un afflux massif de patients atteints du covid-19 – ce qui, fort heureusement n'a pas eu lieu.
Cette organisation a eu une double conséquence : une conséquence sanitaire d'abord, puisque les patients atteints de maladie chronique ont bien souvent été mis de côté au profit des urgences, et que leurs pathologies se sont parfois aggravées ; une conséquence pratique ensuite, positive cette fois, puisque les établissements publics et privés ont démontré qu'ils étaient parfaitement capables de s'entendre, de s'organiser et de se répartir les activités, tout en se concertant pour préserver leur capacité de réaction en cas de deuxième vague épidémique. Ce fut la démonstration de la meilleure intelligence possible entre le public et le privé. Arrêtons de les mettre en concurrence !
L'opposition entre public et privé est entretenue par les idéologues de la santé, …
… alors que les praticiens de terrain savent parfaitement travailler main dans la main. Puisqu'ils ont fait preuve de responsabilité, pourquoi ne pas aller plus loin ? Rendons-leur le pouvoir de décision ! Laissons aux hôpitaux la latitude nécessaire pour s'organiser, et dispensons-les des autorisations sanitaires des ARS, qui régentent tout et allongent inutilement les délais de réaction. Les créations d'activités en urgence en seraient grandement facilitées. Telle est la condition nécessaire pour préparer les établissements hospitaliers à une nouvelle catastrophe sanitaire.
Les hôpitaux méritent notre confiance. Je voterai évidemment pour cette proposition de loi.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La discussion générale est close.
Sur l'article 1er, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur.
Manifestement, nous nous accordons tous à reconnaître l'importance du sujet dont nous débattons aujourd'hui, et à considérer que ce texte va dans le bon sens. Ainsi, il semble unanimement admis que la philosophie de la proposition de loi est bonne. Chacun reconnaît également, me semble-t-il, que les réponses doivent être apportées au plus près du terrain, et qu'il faut faire confiance aux acteurs locaux. Ceux-ci doivent être investis d'une plus grande liberté et de responsabilités pour pouvoir adapter les décisions aux circonstances. Cela implique de supprimer de nombreuses autorisations et de mettre un terme au formalisme bureaucratique ; si vous ne l'acceptiez pas, vos actes iraient en contradiction avec vos propos. Enfin, nous reconnaissons unanimement l'urgence de la situation. La France reste vulnérable, et nous ne saurions attendre je ne sais quelle échéance – les conclusions du Ségur de la santé, peut-être ? – pour nous prononcer sur la gouvernance temporaire des hôpitaux.
Tout en reconnaissant la qualité du texte, certains estiment qu'il ne convient pas de légiférer. Bien au contraire ! Actuellement, les mesures dérogatoires accordées aux hôpitaux nécessitent l'aval des ARS. Or notre texte a précisément pour objet de modifier la loi, en permettant de contourner les ARS. C'est toute la différence entre le statu quo que vous prônez – tout en reconnaissant que le texte va dans la bonne direction – et notre proposition, qui tire les conséquences immédiates de la crise que nous venons de traverser.
Examinons les choses avec pragmatisme. Un directeur d'hôpital ne prend pas ses décisions à la petite semaine ! Il est à l'écoute des besoins et des solutions dont lui fait part le corps médical, et il les décline dans le management et l'organisation. Il existe donc bien, dans la pratique, une collégialité au sein des hôpitaux – le directeur faisant office de bras armé, du fait de ses responsabilités. Croyez bien que cette proposition de loi est empirique ; elle reprend ce que nous avons observé et entendu pendant la vague épidémique.
Quant à la rupture d'égalité entre le public et le privé, que nenni ! D'une part, le champ de la proposition de loi ne concerne pas le privé, qui est par nature bien plus autonome et ne requiert pas d'autorisations. D'autre part, la jurisprudence du Conseil constitutionnel admet déjà très largement la différence de traitement entre établissements privés et publics, y compris en matière de santé.
Par conséquent, cet argument ne tient pas.
Je tenais à vous apporter ces précisions et à vous faire part de ces observations avant la mise aux voix des articles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Au cours des interventions précédentes, on a surtout pu entendre ce que n'était pas la proposition de loi de Stéphane Viry. Elle ne constitue pas une remise en cause de la gouvernance des hôpitaux, car la mesure est provisoire, le texte prévoit une concertation, et même plus et mieux qu'une concertation : un avis conforme de la commission médicale d'établissement.
C'est dire si les propositions seront coconstruites par le corps médical et par la direction administrative de l'établissement.
Elle ne remet pas davantage en cause les agences régionales de santé. Comme Stéphane Viry l'a fort bien expliqué dans son propos liminaire, elle vise au contraire à l'application locale, pragmatique, du principe de subsidiarité, c'est-à-dire à gérer au mieux, au plus près des territoires et des besoins des établissements, l'adaptation dont la crise sanitaire vient de faire ressortir la nécessité. Cette adaptation doit nous prémunir contre une deuxième vague dont, à ce jour, nous ne sommes pas complètement protégés.
Voilà en quoi consiste cette proposition de loi issue du groupe Les Républicains et défendue par notre excellent collègue Stéphane Viry. Il est absurde de vouloir y lire autre chose entre les lignes. Pragmatisme, subsidiarité, adaptation aux capacités des territoires et des établissements de santé : c'est précisément ce qu'attendent aujourd'hui les personnels et les établissements eux-mêmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Nous disons, non pas qu'il ne faut pas légiférer, mais que votre proposition de loi est satisfaite par les ordonnances de janvier 2018.
Je vous renvoie à l'article L. 6122-9-1 du code de la santé publique, en vertu duquel un établissement de santé peut être autorisé à exercer pour six mois, renouvelables une fois, « une activité de soins autre que celle au titre de laquelle il a été autorisé ».
Aucun avis ou consultation n'est nécessaire ; l'autorisation peut être accordée en vingt-quatre heures. Dernièrement, il y en a eu 176 de délivrées, à la demande d'acteurs locaux.
Vous proposez de convoquer la commission médicale d'établissement, le comité stratégique du groupement hospitalier de territoire ; c'est très bien, c'est de la concertation, mais c'est impossible à faire en moins de dix jours. Il existe déjà une disposition législative qui permet d'agir en vingt-quatre heures et qui répond aux demandes des acteurs sur le terrain.
Ce n'est pas vrai ! Donnez-nous un seul exemple de quelque chose qui ait été fait en vingt-quatre heures !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je souhaite revenir sur le dernier point évoqué par M. le rapporteur, sur cette idée qu'il faudrait une sorte d'équilibre, d'équité, entre établissements publics et privés. On ne peut pas raisonner de cette façon, et encore moins en matière de santé ! Le secteur public a une responsabilité particulière ; il doit répondre aux besoins avec force et efficacité, et garantir le droit de chacun à la santé dans l'ensemble du territoire.
Les hôpitaux publics sont des outils que nous nous donnons dans cette perspective. Ils n'ont ni la même nature ni le même rôle que les établissements privés ; ce n'est qu'au prix d'un raisonnement bancal qu'on peut prétendre le contraire. Nous devons tout faire pour que ces outils, dont nous sommes responsables, soient à la hauteur, et non organiser l'égale concurrence entre public et privé. Ce serait mettre un doigt de plus dans l'engrenage de la marchandisation à outrance de la santé. Cette confusion est regrettable, et je déplore le fait qu'un tel glissement s'accentue au fil des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Madame Rist, il n'est pas inutile de légiférer, puisque ce texte a précisément pour objet de supprimer l'autorisation du directeur général de l'ARS qu'impose l'article L. 6122-9-1 du code de la santé publique.
Vous en conviendrez : à l'heure actuelle, pour bénéficier de ce régime dérogatoire, le directeur de l'établissement doit préparer un dossier. Or tous ceux que nous avons entendu dans le cadre des auditions préparatoires à ce texte m'ont dit que ce dont ils se préoccupaient, ce à quoi ils consacraient leur énergie, c'était de trouver des masques, du gel hydroalcoolique, d'absorber l'inflation législative ; que, dans l'intérêt des patients, ils avaient bien d'autres soucis que les formalités administratives. Compte tenu de ces conditions d'exercice épouvantables, je veux qu'on leur épargne désormais de devoir obtenir cette autorisation. Tel est le sens de cette proposition de loi, inspirée par les constats faits sur le terrain.
J'ajouterai, mes chers collègues, que vous partagez tous l'esprit de ce texte, sa philosophie, ses objectifs. À en croire un certain nombre d'intervenants, vous hésitez pourtant à en adopter le contenu. Cela m'étonne. Admettons que ce texte aille dans la bonne direction, qu'il soulève de vraies questions, d'actualité, mais que les modalités en soient perfectibles ; dans ce cas, vous auriez dû déposer des amendements en quantité ! Vous auriez pu tenter de le modifier, au lieu de vous tenir à distance ! Nous sommes ici pour chercher à parfaire une proposition de départ, en fonction de nos opinions et de nos convictions, et non pour l'écarter au moyen d'arguments fallacieux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 20
Contre 33
L'article 1er n'est pas adopté.
L'article 2 n'est pas adopté.
L'article 3 n'est pas adopté.
L'article 4 n'est pas adopté.
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.
L'ensemble des articles ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures.
La parole est à M. Gilles Lurton, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Sourires
L'objet de cette proposition de loi est un marqueur de mes mandats successifs. Les semaines précédant l'arrivée d'un enfant dans une famille sont particulières. Ce sont des moments de joie, parfois d'angoisse ; ils sont en tout cas exceptionnels dans la vie d'un foyer car ils sont consacrés aux derniers préparatifs avant la naissance. Pendant les dernières semaines de la grossesse, les futurs parents, soucieux d'accueillir leur enfant dans les meilleures conditions, doivent acheter tout ce qui est indispensable au nouveau-né dès ses premiers jours. C'est bien dès la sortie de la maternité que le nouveau-né a besoin d'un siège-auto pour rejoindre son premier foyer, d'un couffin pour sa première sieste, d'une poussette pour ses premières sorties, ainsi que d'une baignoire, d'une table à langer, de quelques vêtements et de nombreux articles de puériculture.
Vous le voyez : si la naissance d'un enfant reste une richesse inestimable, elle a un coût ! La prime à la naissance, d'un montant de 947 euros, tend à permettre aux familles dont les revenus n'excèdent pas un certain seuil de faire face aux premières dépenses liées à l'arrivée de cet enfant. Les plafonds de ressources y ouvrant droit sont élevés, si bien qu'elle bénéficie également aux familles de la classe moyenne – le plafond est de 49 000 euros par an pour un couple biactif avec deux enfants. Chaque mois, près de 45 000 allocataires bénéficient de cette prime, qui est un élément essentiel de notre politique familiale – mais encore faut-il qu'elle puisse jouer pleinement son rôle en étant versée au moment où les parents en ont le plus besoin.
Jusqu'en 2015, la prime à la naissance était, fort logiquement, versée avant la naissance de l'enfant, lors du septième mois de grossesse. Or la précédente majorité a décidé, par décret, d'en décaler le versement après la naissance. Cette décision, que je n'ai cessé de contester, pénalise les familles qui ont besoin de cette aide pour préparer matériellement l'arrivée d'un nouvel enfant, dans des conditions sereines. Pire, elle a été prise en dépit du bon sens, car c'est bien avant la naissance, et non après celle-ci, que les familles s'équipent. Ne négligeons pas non plus la dimension affective de ces préparatifs.
Ce décalage est de surcroît contraire à l'esprit de la loi, qui dispose que la prime est attribuée pour chaque enfant à naître avant sa naissance – la loi n'a pas été modifiée en l'espèce. En rétablissant le versement de la prime avant la naissance, nous redonnerions sa cohérence juridique au code de la sécurité sociale, qui n'a pas été modifié lorsque le Gouvernement a pris le décret en décembre 2014.
Qui plus est, ce report dans le temps ne saurait être justifié par la nécessité de réaliser des économies au niveau de la branche famille. En effet, il ne permet de dégager aucune réelle économie, puisque ni les critères d'attribution ni le montant de la prime n'ont été modifiés. Il a seulement permis de constituer un gain de trésorerie pour les organismes de sécurité sociale, évalué par la CNAF, la caisse nationale des allocations familiales, à 239 millions d'euros en 2015. Ce décalage, qui n'a eu aucune conséquence financière les années suivantes, a continué de pénaliser, chaque mois, des dizaines de milliers de familles.
Il est souvent avancé que les familles peuvent bénéficier d'un prêt ou d'une avance de la part de leur caisse d'allocations familiales, qu'elles devront rembourser lorsqu'elles percevront la prime. Cependant, ce prêt, loin d'équivaloir au versement anticipé de la prime, suppose que les familles soient informées de ce droit et qu'elles se plient à une démarche volontariste pour le faire valoir, contrairement au versement de la prime à la naissance, qui est automatique. Cette procédure fragilise encore davantage les ménages qui ne peuvent avancer l'ensemble des frais précédant la naissance de l'enfant.
Certaines familles n'osent pas faire la démarche, par sentiment de culpabilité ; d'autres peuvent se sentir atteintes dans leur dignité en ayant à quémander un droit.
En outre, le versement anticipé de cette aide, qui sera ensuite remboursée au moment de la perception de la prime à la naissance, complexifie encore davantage l'accès aux droits, dans un contexte général de renoncement aux droits.
Il est urgent de revenir sur la mauvaise décision prise en décembre 2014 et de verser à nouveau la prime avant la naissance de l'enfant.
Tel est l'objet de l'article unique de la présente proposition de loi. Cette mesure de bon sens fait l'unanimité parmi toutes les associations familiales – que je tiens à remercier pour l'appui qu'elles m'ont apporté. Fort de leur soutien, je propose chaque année des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale afin de décaler le versement de la prime à la naissance ; d'autres députés issus de différents groupes parlementaires font de même. Ces amendements ont toujours été votés par l'ensemble des groupes de l'opposition, mais rejetés par le groupe majoritaire.
La mesure visant à avancer le versement de la prime avant la naissance a donc toujours été rejetée par la majorité, et cela jusqu'à la semaine dernière, ma proposition de loi ayant été adoptée à l'unanimité par la commission des affaires sociales. Si l'on peut regretter le temps perdu depuis 2015, je ne peux que me réjouir de ce consensus nouveau. Je constate avec satisfaction que, lorsque l'on défend une mesure de bon sens, la persévérance finit par payer.
Je compte sur vous aujourd'hui pour faire à nouveau preuve de bon sens, et pour donner aux familles de notre pays le signe que nous sommes attachés à une politique familiale dynamique et proactive, essentielle à la survie de notre système social.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR, sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM et parmi les députés non inscrits.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
La prime à la naissance est indispensable : elle aide les parents dont les ressources sont modestes à accueillir leur enfant dans les meilleures conditions et il ne se trouvera personne sur ces bancs pour remettre en cause le bien-fondé de ce dispositif, tant il va de soi. En 2019, elle a été versée chaque mois à près de 45 600 bénéficiaires, pour un coût total de 537 millions d'euros. Depuis la revalorisation intervenue le 1er avril 2020, le montant net de cette prime s'élève à 947 euros.
L'enjeu de la présente proposition de loi est de trouver le bon moment pour la verser. Depuis des années, à la faveur des projets de loi de financement de la sécurité sociale, des parlementaires souhaitent que le versement de cette prime intervienne avant la naissance de l'enfant.
Je profite de l'examen de cette proposition de loi pour saluer le travail du groupe du Mouvement démocrate et apparentés et de Gilles Lurton, dont la constance en la matière ne s'est jamais démentie.
Je remercie également le groupe La République en marche d'avoir su trouver un accord avec l'ensemble des groupes pour que ce texte soit aujourd'hui adopté.
En décembre 2014, il a été décidé de verser la prime avant la fin du dernier jour du second mois civil suivant la naissance. Ce décalage est perturbant, car le matériel destiné à accueillir l'enfant a, en général, déjà été acheté lorsque l'enfant a deux mois.
Nous devons donc renforcer l'efficacité de la prime à la naissance en l'accordant aux parents avant l'arrivée de l'enfant. En pratique, les familles les plus en difficulté peuvent être aidées par l'octroi d'aides ou d'avances qui relèvent de l'action sociale des caisses d'allocation familiale. Elles peuvent aussi être accompagnées dans la préparation de l'accueil de l'enfant à naître.
Cette proposition de loi nous invite à changer de braquet, en avançant le versement de la prime, afin que tout soit prêt à l'arrivée de l'enfant.
Votre proposition trouve aussi un écho favorable en raison du contexte actuel, car un versement anticipé de la prime à la naissance participerait à la logique de relance économique.
Je suis d'accord avec cette proposition et le versement de la prime au huitième mois de grossesse me semblerait une mesure de bon sens. Nous devrons cependant trouver une date d'entrée en vigueur qui ne menace pas celle des réformes déjà adoptées. Tel est le sens du sous-amendement que présentera le Gouvernement. Les échanges avec la CNAF nous permettent d'envisager une entrée en vigueur au premier trimestre 2021.
La décision d'avancer la date de versement de la prime à la naissance n'a rien d'une mesure technique ou cosmétique.
Elle permettra, très concrètement, aux parents d'anticiper au mieux la naissance. Nous le savons, pour beaucoup de familles, une naissance peut mettre les finances à rude épreuve. En avançant la date, nous donnons des marges de manoeuvre à ces familles et nous leur permettons de vivre dans la sérénité ce moment qui ne doit laisser aucune place au doute ou à l'incertitude.
Avant de conclure, je salue les huit années de travail parlementaire accomplies par le rapporteur, M. Gilles Lurton, et tout particulièrement le travail qu'il a réalisé dans le domaine de la protection sociale.
Applaudissements sur tous les bancs
Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi dont je tiens à souligner le bon sens. Mon collègue, Gilles Lurton, a toujours suivi de près les dossiers relatifs à nos politiques familiales et je salue son implication sans faille en la matière.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LT, Agir ens, FI et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Cette proposition de loi vise à assurer le versement de la prime à la naissance avant la naissance de l'enfant, afin de répondre à son objectif initial, qui était de permettre aux parents de supporter les premières dépenses liées à cet événement. Jusqu'au 1er janvier 2015, elle était versée, en toute logique, au septième mois de grossesse. Or la majorité socialiste de la précédente législature a décidé d'en reporter le versement après la naissance de l'enfant. La situation actuelle est aberrante, puisque le montant de cette prime n'a pas été modifié, mais les logiques de trésorerie avaient prévalu à l'époque.
Ce changement a mis en difficulté de nombreuses familles, particulièrement les plus fragiles et précaires. L'arrivée d'un enfant se prépare et s'anticipe : l'accueil d'un nouveau-né au sein d'un foyer est une richesse et chaque parent tient à s'y préparer au mieux, moralement comme matériellement.
Surtout, ce tour de passe-passe budgétaire, qui a consisté à reporter de quelques mois la dépense, n'a eu aucun effet sur les finances publiques.
Je le répète : la modification du versement de la prime est infondée, incohérente et ubuesque. En réalité, cette décision a vidé de son sens la mesure qui permettait d'accorder aux familles, en particulier les plus modestes, une somme non négligeable avant l'arrivée de l'enfant. Cette décision dépourvue de logique n'a fait que renforcer les difficultés des familles, qui ont souvent engagé des dépenses importantes pour accueillir l'enfant.
En outre, la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 a eu de lourdes conséquences financières pour les familles modestes, qui auront encore plus de difficultés à préparer l'arrivée de l'enfant. Cela n'est ni juste ni souhaitable.
Pire, les difficultés financières pourraient décourager les familles de mener un projet parental. On constate en effet, depuis 2015, une baisse inquiétante de la natalité à la suite des coupes budgétaires drastiques décidées en matière de politique familiale.
Le bilan démographique des cinq dernières années confirme malheureusement mon propos. Or, on le sait, notre système social repose sur le renouvellement des générations.
Des amendements visant à rétablir cette mesure juste avaient été déposés lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ; la majorité et le Gouvernement les ont jugés inutiles au motif qu'ils ne constituaient en rien un gain de pouvoir d'achat.
Pourtant, il est plus que jamais essentiel d'en revenir au dispositif en vigueur avant 2015. Cette modification urgente et nécessaire n'altérera en rien l'objectif de la politique familiale, ni le but poursuivi à travers l'attribution de la prime à la naissance. Au-delà de cette mesure pragmatique évidente, il nous faut repenser, refonder, reconsidérer une politique familiale dynamique et en finir avec les coupes budgétaires qui nuisent à la natalité dans le pays depuis plusieurs années.
Tous les indicateurs sont alarmants : chute de la natalité depuis 2015, effondrement du congé parental… La modulation des allocations familiales et la réduction du quotient familial n'ont servi qu'à faire baisser le nombre de naissances.
Une mesure aussi simple que le versement de la prime avant la naissance de l'enfant constituerait une avancée efficace et constructive et un pas vers une politique familiale proactive essentielle à la survie de notre système social.
Il ne s'agit pas de modifier le montant de la prime, simplement de permettre aux familles de préparer plus sereinement la venue de leur nouveau-né.
Soutenir une mesure aussi simple serait une preuve de sagesse de la part du Gouvernement, et un premier pas vers une politique familiale.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de la proposition de loi de notre collègue Gilles Lurton.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. Mmes Nathalie Elimas et Nicole Dubré-Chirat applaudissent aussi.
Je salue l'initiative de nos collègues du groupe Les Républicains, et je remercie plus particulièrement Gilles Lurton, grâce à qui nous examinons le présent texte. Cette mesure revêt une importance particulière pour le groupe MODEM, qui, depuis trois ans, la promeut avec constance, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale, et défend, au-delà, l'ambition d'un renforcement de la politique familiale. En effet, cette dernière s'est progressivement éloignée de son objectif initial, qui était de s'adresser à toutes les familles, quelles qu'elles soient, et d'accompagner ces familles aux visages pluriels et aux caractéristiques socio-économiques variées dans leur souhait d'accueillir un enfant.
Plusieurs erreurs ont été commises ces dernières années.
La première a été de confondre la politique familiale et la politique sociale. Si la nécessité du soutien aux familles les plus modestes est incontestable, celui-ci ne saurait constituer la seule orientation de la politique familiale.
La seconde erreur a été de lui porter deux coups successifs, qui ont lourdement pénalisé les familles, en particulier les familles de classe intermédiaire qui subissent une double peine. D'une part, les coups de rabot donnés au quotient familial ont eu un résultat sans appel, à savoir une augmentation de 790 euros par an en moyenne des impôts. D'autre part, le coup porté à l'universalité, principe historique et fondateur de la politique familiale, fait que les familles de classe intermédiaire, qui paient des impôts et des cotisations, abondent une politique publique qui les sert de moins en moins.
Ces décisions ont pour corollaire une natalité décroissante depuis 2014-2015, date qui correspond aux coups portés au quotient familial et à l'universalité. Or la natalité est un enjeu essentiel pour notre pays, car elle est la condition du financement de notre modèle de protection sociale et de dépendance, à l'heure où nous venons de créer une cinquième branche de la sécurité sociale.
Enfin, je souhaite m'arrêter sur la crise inattendue, d'une violence inouïe, que le pays vient de traverser et à l'occasion de laquelle les familles ont été mises à rude épreuve. Nous pouvons d'ores et déjà en tirer deux observations. La première est que la famille est apparue, ou plutôt réapparue, pour ce qu'elle est véritablement, à savoir une valeur refuge : le pilier de la solidarité, le berceau de la cohésion sociale, c'est la famille. La seconde est que, si les familles ont fait preuve de beaucoup de force, la crise a aussi mis en lumière les inégalités et les fragilités persistantes du système.
Le Gouvernement a apporté des réponses d'urgence. Nous plaidons aujourd'hui pour un plan pour la famille – ce que j'appelle, pardon pour l'anglicisme, un Family Act à la française – , à l'instar de ce que font nos voisins allemands ou italiens, qui n'ont pas hésité à investir près de 22 milliards d'euros dans leur politique familiale. Ils ont mesuré l'ampleur du virage nécessaire pour en faire un véritable outil économique de la relance, là où le statu quo ne ferait qu'ajouter de la crise à la crise.
Dans quelques jours, la mission d'information sur l'adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle, dont j'ai l'honneur d'être la rapporteure et dont je salue le président, Stéphane Viry, rendra ses conclusions pour une politique familiale moderne, juste et plus efficace. Parmi celles-ci figure la mesure de bon sens et de justice sociale contenue dans le texte qui nous rassemble aujourd'hui.
Accueillir un enfant, c'est mille bonheurs, mais c'est aussi mille dépenses. Le versement anticipé de la prime à la naissance, soit près de 1000 euros, sera très utile aux familles les plus modestes. Comme l'a souligné Mme la secrétaire d'État, il ne s'agit pas d'une mesure cosmétique ; c'est un premier pas symbolique vers une politique familiale à la hauteur des enjeux de demain. Cette mesure, nous la soutenons, nous l'appelons de nos voeux.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je vous invite par conséquent à adopter à l'unanimité la proposition de loi défendue avec talent par notre collègue Gilles Lurton.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LR, UDI et LT.
La prime à la naissance ou à l'adoption marque le soutien de la société aux familles qui accueillent un enfant en leur sein. Elle témoigne de l'importance accordée à chaque être humain et permet, en quelque sorte, de préparer le nid. Elle doit, à ce titre, être versée avant l'arrivée de l'enfant. Il n'y a pas besoin d'argumenter longtemps pour s'en convaincre : c'est avant l'arrivée de l'enfant qu'il faut engager les frais afférents à l'organisation de son environnement, car il faut être prêt le jour J. Et ce n'est que le début, car il faut des ressources pour accompagner un enfant qui grandit ! C'est d'ailleurs le sens même des allocations familiales.
Pourquoi verser la prime – ou plutôt la prestation, car il ne s'agit pas d'une récompense – après l'arrivée de l'enfant ? C'est injustifiable. Il s'agit d'un de ces artifices budgétaires dont Bercy a le secret ; les apparences sont sauves, mais, concrètement, ce n'est pas sans conséquence. Il est indispensable de rétablir les familles et les enfants dans la plénitude de leurs droits en leur versant la prestation au moment où ils en ont besoin ; à défaut, on fait porter l'effort, pour un maigre bénéfice comptable, sur la trésorerie des familles. Or nombre d'entre elles ne peuvent pas se le permettre.
La prestation doit donc remplir son office, notamment en aidant les familles populaires à appréhender ce changement dans les meilleures conditions et à franchir sans souci supplémentaire cette étape heureuse de leur vie. Connaissant les mesquineries dont Bercy est coutumier, il ne me paraît pas inutile d'honorer non seulement la lettre, mais aussi l'esprit de la mesure initiale, en inscrivant dans la loi que la prestation doit être versée deux mois avant l'arrivée prévue de l'enfant.
Soit dit en passant, l'exemple est symptomatique d'une maladie de longue durée de l'action publique, de la pingrerie d'un État qui a des oursins dans les poches, même pour les nouveau-nés, et qui fait preuve d'une créativité redoutable – qui serait bien mieux employée ailleurs – pour raboter, l'air de rien, les droits établis et les choix politiques effectués ici même.
Le report du versement de la prime à la naissance se justifie par des considérations purement comptables, déconnectées des besoins élémentaires des familles. On nous a dit qu'il fallait équilibrer les coûts, mais je ne comprends pas le sens de cette objection. Qu'y a-t-il à équilibrer, sinon la situation des familles dans ce moment de bonheur, mais aussi, parfois, de fragilité ?
Ce n'est pas tous les jours que l'Assemblée prend de bonnes décisions, et je ne devrais pas bouder cet instant, mais il faut que les choses soient dites, quitte à piquer un peu. Je confesse donc que je regrette que nous devions en passer par une proposition de loi, alors que des amendements déposés en ce sens, y compris par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ont été balayés à trois reprises par des arguments chancelants. Toutefois, cela n'enlève rien au mérite de Gilles Lurton d'avoir défendu avec ténacité cette exigence.
Cette décision est attendue. Depuis le décret pris – faut-il le rappeler ? – par Manuel Valls, le 30 décembre 2014, les associations familiales et le conseil d'administration de la caisse nationale des allocations familiales réclament avec insistance le retour à la normale afin que les familles puissent faire face à leurs dépenses d'équipement. Pour contourner cette difficulté, les caisses d'allocations familiales – CAF – consentent des prêts, financés par leur fonds d'aide sociale, mais encore faut-il que les familles en difficulté se manifestent ou aient été repérées en amont. De plus, ce dispositif dérogatoire oblige les familles à quémander leurs droits, et nombre d'entre elles, à commencer par les plus fragilisées, n'y ont pas recours en raison des efforts demandés.
Le sujet appellerait une réflexion plus vaste sur le service public de la petite enfance. Il reste que les premiers achats de puériculture concernent un équipement souvent très onéreux – poussette, mobilier, sièges auto – , ce qui met en difficulté certaines familles modestes. Il est d'autant plus urgent de revenir au dispositif antérieur que nous traversons actuellement une période de crise aiguë. Nous voterons donc sans hésiter en faveur de la proposition de loi rétablissant dans sa pleine fonction cette prestation destinée à l'accueil de l'enfant – n'en déplaise à Bercy.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs des groupes LR et MODEM.
Voici une mesure juste, de bon sens, comme il devrait y en avoir plus souvent dans l'hémicycle.
Merci, cher Gilles Lurton, de l'avoir proposée. La décision prise en 2014 par le gouvernement Hollande…
… était mesquine. Pourquoi ? Parce que, pour gagner quelques millions d'euros sur une seule année, il avait décidé de reporter le versement de la prime après la naissance de l'enfant.
Si avoir un enfant, pour un couple, est un événement magnifique, c'est aussi un événement qui engendre de l'angoisse et demande beaucoup de préparation. Comme l'a fort bien rappelé le rapporteur, il faut penser à tous les achats nécessaires à l'arrivée de l'enfant au sein du cocon familial ; il faut tout simplement l'anticiper. Or, pour certains parents, cet effort devient un sacrifice, parce que les moyens financiers ne sont pas là. Certains vont même jusqu'à s'endetter.
La politique familiale de la France fait partie de notre honneur. Nous devons en être fiers. Pourtant, depuis 2015, elle se dégrade – chacun peut s'en rendre compte. Nous avons besoin de l'encourager davantage et cette proposition de loi est un pas en ce sens. Il nous faut envoyer des signaux forts en faveur d'une politique familiale plus dynamique, comme elle l'était il y a quelques années encore.
Or comment aider les familles sinon en versant l'aide au moment où elles doivent s'équiper ?
C'est le bon sens qui préside à cette proposition de loi, qui fait honneur à son auteur, notre collègue Gilles Lurton. Je tiens à l'en remercier, car elle permettra d'aider de nombreuses familles. Vous allez partir bientôt pour Saint-Malo, cher collègue – du moins, c'est ce que je vous souhaite. Je tiens auparavant à vous dire, au nom du groupe UDI et indépendants, combien je suis fier et heureux d'apporter tout notre soutien à ce texte.
J'ai toutefois un regret, et c'est ce qui explique que notre groupe ait déposé un amendement : il conviendrait d'inscrire dans la loi le principe du versement de la prime à la naissance au septième mois de la grossesse. La commission n'avait pas accepté cette disposition. Nous sommes plusieurs à la proposer de nouveau en séance publique par voie d'amendement. J'espère que la majorité de nos collègues nous suivront. Le rôle du Parlement est d'inscrire une disposition aussi importante dans la loi.
Encore une fois, monsieur Lurton, merci et toutes nos félicitations !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR. – M. Bertrand Bouyx applaudit également.
Pensée il y a plus de soixante ans, notre politique familiale, qui est en partie héritée du programme du Conseil national de la Résistance, a fait l'objet d'un consensus politique pendant des décennies. Ce consensus a permis de soutenir une politique de natalité volontariste et de faire de la famille la première cellule autour de laquelle toute notre société s'organise.
Pourtant, la famille d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec celle d'hier. Dès lors, les dispositifs qui ont fonctionné depuis toutes ces années ne peuvent plus être appliqués mécaniquement, avec l'espérance d'obtenir les mêmes résultats. La politique familiale doit être profondément repensée. Ce sont en effet désormais aux familles, dans toute leur diversité, qu'il convient désormais de s'adresser.
Oui, la société a changé : les familles recomposées et monoparentales sont de plus en plus nombreuses. L'autorisation de se marier donnée aux personnes homosexuelles, ainsi que l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes seules ou en couple avec une autre femme devraient contribuer à accélérer les évolutions des structures familiales. Il faut donc impérativement intégrer ces paramètres à une vraie réflexion globale sur nos politiques familiales.
Au-delà de ces considérations, il convient de souligner que la question de la démographie ne peut se résumer à la seule question de la natalité. La question migratoire, qui va nécessairement prendre de plus en plus d'importance, sera, dans les prochaines décennies, un facteur primordial des évolutions démographiques de la France.
Enfin, penser les familles aujourd'hui, ce n'est pas se limiter à des considérations fiscales, même s'il est, bien entendu, important d'accompagner au mieux les parents les plus modestes lors de l'accueil d'un enfant.
Dans cet esprit, le groupe Libertés et territoires ne peut que partager et appuyer la philosophie du groupe Les Républicains et de notre collègue Gilles Lurton, à l'origine de cette proposition de loi. Le soutien aux familles est rendu d'autant plus nécessaire que la crise sanitaire les a fortement, quoiqu'inégalement, touchées.
L'épidémie de covid-19 et, peut-être encore plus violemment, le confinement ont en effet eu des incidences notables sur la vie familiale, qui risquent malheureusement de perdurer. Malgré la prorogation automatique des droits et le versement anticipé des allocations, de nombreuses familles ont été privées de leurs ressources.
Or la crise sociale qui s'installe fait peser sur un nombre de familles modestes le risque non négligeable de basculer dans la précarité. À cet égard, il va de soi que le groupe Libertés et territoires soutiendra la présente proposition de loi, qui propose de verser la prime à la naissance avant la naissance de l'enfant.
C'est une mesure de bon sens, qui permettra de simplifier les démarches administratives des familles. En effet, il est aujourd'hui courant que les CAF octroient à celles-ci une sorte de micro-crédit, entre le septième mois de grossesse et le deuxième mois suivant la naissance, avant de leur en demander le remboursement lors de la perception de la prime.
Un versement en amont de la naissance pourra faciliter la préparation de l'arrivée de l'enfant, notamment pour les familles les plus modestes, d'autant que la mesure envisagée n'a pas d'incidence budgétaire significative : comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, son coût serait en effet de quelque 200 millions d'euros, pour la seule première année de mise en oeuvre de la réforme.
Néanmoins, si notre groupe s'apprête à voter avec enthousiasme pour cette proposition de loi, il convient de souligner que celle-ci ne permet pas d'apporter une réponse d'ampleur à la situation des familles fragiles et précaires, et aux difficultés que cette crise entraîne pour les enfants. Nous attendons donc du Gouvernement qu'il propose des mesures pérennes en la matière.
Je tiens à remercier, à mon tour, mon collègue Gilles Lurton, pour ses nombreux engagements de bon sens dans cet hémicycle, que ce soit dans le domaine de la famille, dont relève ce texte, ou en faveur de la carte du combattant. Merci et bon vent à Saint-Malo !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je ne sais si cela se fait, mais je le fais quand même : je ne pouvais pas, monsieur le rapporteur, commencer mon propos sans vous remercier. Alors que j'étais nouvelle députée, en juin 2017, nous nous sommes rencontrés. Vous n'avez jugé ni mes tenues, ni mon niveau d'études, ni mon métier, ni mon étiquette politique – nous n'étions pas du même bord. Vous avez su, en tant que député aguerri, me prodiguer des conseils, répondre à mes inquiétudes ou à mes questions. Monsieur le rapporteur, vous honorez le nom de votre groupe politique : vous êtes un vrai républicain, …
Applaudissements sur les bancs du groupe LR
… et si les Malouins décident de vous éloigner de l'Assemblée, sachez que vous ne manquerez pas qu'aux bancs de votre groupe, mais aussi à de nombreux autres bancs de l'hémicycle.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je vous remercie d'avoir mis à l'ordre du jour cette proposition de loi. L'arrivée d'un enfant est en effet toujours un bouleversement ; et pour que ce bouleversement soit accueilli avec bonheur et sérénité, il est bon que les conditions matérielles minimales soient réunies.
Comment être serein, lorsqu'on n'a pas de quoi préparer la chambre du futur enfant, acheter des couches, une table à langer, un berceau, un siège auto, un chauffe-biberon ou des vêtements, parce que la prime à la naissance n'est pas arrivée à temps ? Comment être serein lorsqu'il faut faire appel au système D pour satisfaire les besoins élémentaires de son nourrisson ? Comment être serein lorsqu'il faut s'endetter pour accueillir son enfant dans le foyer ? Il paraît tout à fait absurde de verser cette prime après la naissance plutôt qu'avant. L'arrivée d'un enfant s'anticipe !
Il y a peu, la prime à la naissance était versée au septième mois de grossesse. C'est sous Hollande et Valls que, par un décret de décembre 2014, son versement a été reporté aux deux mois de l'enfant. Les familles, les associations et la caisse nationale des allocations familiales ont protesté, en vain. Pour de simples questions de trésorerie, des hauts fonctionnaires et de hauts dirigeants sont parvenus à avoir une idée aussi aberrante : différer les 210 à 250 millions d'euros versés par la branche famille, pourtant excédentaire ! C'est finalement la trésorerie des familles modestes qui est durement touchée.
Ce report de versement illustre à merveille la déconnexion de nos élites avec la population. M. le ministre Véran avait souligné l'an dernier qu'il existait un dispositif de prêt sans frais, garanti par les caisses d'allocations familiales. Là encore, son propos traduisait une méconnaissance de ce que vivent certaines familles au quotidien. Savez-vous ce que signifie se rendre à la CAF pour quémander un prêt ? Il faut parfois poser une journée de congé pour faire sa demande – tout le monde ne maîtrise pas l'internet. De plus, ce droit à un prêt n'est pas connu de tous, et il existe des familles, dont j'ai fait partie, qui gagnent 5 ou 6 euros de trop pour pouvoir en bénéficier.
Ce report de versement était donc une grossière erreur. Or comme le dit le proverbe latin : « L'erreur est humaine, mais persister dans l'erreur par arrogance, c'est diabolique. » Comme elle a été adoptée à l'unanimité en commission des affaires sociales, j'ai bon espoir que cette proposition de loi le soit également en séance.
Je profite toutefois de cette intervention pour alerter l'ensemble des parlementaires et le Gouvernement sur les amendements visant à fixer la date du versement de la prime, qui ne saurait relever d'un décret, au septième mois de la grossesse – une date toute simple. Vous avez déclaré que la mesure pourrait être appliquée à compter du premier trimestre 2021 ; je vous invite par conséquent, madame la secrétaire d'État, à modifier le sous-amendement du Gouvernement afin de préciser que la prime sera versée au septième mois, lequel est important car c'est celui de la nidification. Plus personne ne devra pouvoir, par décret, commettre de nouveau une pareille aberration.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et MODEM.
Je tiens, tout d'abord, à saluer le travail que vous avez réalisé, cher Gilles Lurton, pour le dépôt de cette proposition de loi et, comme Caroline Fiat, à vous rendre hommage. Nous avons passé quelques heures ensemble dans la très belle ville de Saint-Malo, où vous vous apprêtez à accompagner vos concitoyens vers un avenir serein – nous le saurons dans quelques jours. J'ai pu apprécier votre humanité, lorsque nous avons pu oeuvrer ensemble à l'hôpital psychiatrique, dans le cadre de ma mission d'information relative à l'organisation territoriale de la santé mentale. Merci encore de m'y avoir conviée.
Alors qu'il était précédemment prévu que les familles, qui peuvent bénéficier de cette prime sous conditions de ressources, la perçoivent en amont de la naissance, il a ensuite été décidé, pour des raisons de pure trésorerie, de reculer la date de son versement.
L'arrivée d'un enfant a un coût qui peut souvent peser sur le ménage et être source de nombreuses inquiétudes et d'angoisse. En effet, les dépenses liées à une naissance, qui ont un caractère indispensable, sont nombreuses et lourdes. Certains parents ont même parfois l'obligation de changer de logement ou de véhicule, afin de s'adapter, au mieux, à l'agrandissement du foyer. Cela peut contraindre les ménages les plus précaires à s'endetter, voire à renoncer au désir d'enfant, un renoncement qui se traduit par une forme de honte et de culpabilité.
Je suis profondément convaincue que le versement de la prime à la naissance au septième mois de grossesse permettra de pallier, au moins en partie, ces nombreuses difficultés, et de préparer un peu plus sereinement l'arrivée de l'enfant. Depuis un décret du 30 décembre 2014, qui vise l'ensemble des grossesses déclarées à partir du 1er janvier 2015, la prime à la naissance est perçue par les ménages deux mois après la naissance de l'enfant. Ce délai est trop long. Avancer le versement de la prime est indiscutablement une mesure de bon sens.
Il me semble important de rappeler que la modification du décret n'a entraîné aucune économie budgétaire pour la sécurité sociale, chère à tous les parlementaires, car ni les critères d'attribution ni le montant de la prime n'ont été modifiés.
Le versement tardif de la prime entraîne des conséquences graves pour certaines familles, qui se trouvent dans l'obligation de souscrire des micro-crédits auprès des caisses d'allocations familiales de certains départements. D'un point de vue financier, avancer le versement de la prime à la naissance n'aura que d'infimes conséquences ; pourtant, pour les familles les plus précaires, ce sera une aide précieuse. Pour la plupart des femmes et de leur partenaire, la grossesse est synonyme de changements, de bouleversements et d'une conception nouvelle du futur. Nous nous devons d'accompagner au mieux les familles afin qu'elles puissent anticiper les dépenses, se projeter dans leur nouvelle vie et préparer, au mieux, la venue de cet enfant.
Je suis profondément convaincue que la prime contribuera également au bien-être mental des parents, en jouant un rôle important, notamment dans les semaines qui suivent l'accouchement. En effet, je vous rappelle qu'après la mise au monde d'un nouveau-né, de nombreuses femmes se trouvent dans un état psychologique fragile : les dépressions post-partum et le baby-blues ne doivent pas être négligés. Accueillir un enfant est un moment précieux : honorons-nous de donner aux familles des moyens adaptés pour aborder ce nouveau chapitre de leur vie.
C'est pour soutenir les familles les plus modestes, qui ont été déstabilisées par la crise sanitaire, que nous, membres du groupe Écologie démocratie solidarité, soutiendrons cette proposition de loi. N'oublions pas que la crise du covid-19, que nous affrontons encore, emporte avec elle des conséquences économiques dramatiques et durables pour les familles qui se trouvaient dans une situation difficile et qui attendent aujourd'hui un enfant. Il convient à cet égard de saluer les aides individuelles qui ont été attribuées par certaines CAF, pour pallier les situations d'urgence rencontrées par les familles.
Nous nous félicitons de cette proposition de loi, qui sera, je le pense, adoptée de manière transpartisane.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
L'article unique de la présente proposition de loi tend à clarifier le code de la sécurité sociale et à imposer que la prime à la naissance soit versée avant la naissance de l'enfant. Il vise ainsi à rétablir une disposition qui avait été en vigueur jusqu'en 2015 ; c'est la précédente majorité qui a décidé, par décret, de décaler le versement de la prime après la naissance de l'enfant. Comme vous le savez, la disposition que nous examinons aujourd'hui a été unanimement demandé par les associations familiales à l'occasion des travaux de la mission d'information parlementaire sur la politique familiale.
Le groupe Agir ensemble est favorable à cette mesure sociale qui permettrait de soutenir les ménages, notamment les plus modestes, dans la préparation de la venue de l'enfant. En effet, il n'est pas toujours aisé de ne pouvoir compter que sur ses seules ressources financières pour anticiper sereinement les frais importants qu'occasionne une naissance. De plus, il semble illogique de risquer de mettre les familles dans la difficulté alors qu'une aide leur sera versée quelques semaines après la naissance de l'enfant. L'objectif de cette aide étant bien d'éviter la précarisation et l'endettement des familles, il paraît plus justifié de la verser avant les importants achats liés à la préparation de la naissance, plutôt qu'après. Cela permettrait de prévenir sereinement les changements induits. Pour que l'aide ait du sens et que de véritables effets sociaux soient ressentis, le moment choisi pour le versement de la prime est primordial : il doit être celui du moment où l'on engage la dépense, pas celui du remboursement des dettes.
Certes, comme cela est mentionné dans le rapport, certaines familles ont déjà la possibilité de bénéficier, avant la naissance de leur enfant, d'un prêt accordé par leur caisse d'allocations familiales. Cependant, la désinformation, les contraintes administratives et le sentiment de culpabilité peuvent éloigner les familles de cet emprunt, les fragilisant ainsi considérablement.
À l'unisson de nos collègues Gilles Lurton, du groupe Les Républicains, et Nathalie Elimas, membre du MODEM, j'avais eu l'occasion de défendre le versement anticipé de la prime à la naissance lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, à travers le dépôt d'un amendement qui visait à garantir que la prime serait versée au plus tard un mois avant la naissance. D'autres prestations sociales, comme l'allocation de rentrée scolaire, étant versées en amont de l'événement, il semble en effet injustifié que la prime à la naissance, événement qui provoque un bouleversement considérable dans une famille, ne soit pas versée le plus tôt possible, afin que les effets de la naissance soient pris en charge le plus tôt possible.
De plus, le pouvoir d'achat des familles les plus modestes a déjà pâti des conséquences économiques de la crise sanitaire. Toute mesure visant à apporter de la sérénité dans les familles est donc bienvenue. Cependant, nous soutenons la fixation par décret du montant de la prime. En effet, il est nécessaire d'avoir le recul suffisant pour établir l'équilibre entre le coût budgétaire et la nécessité des familles. Je pense qu'une étude d'impact évaluant le coût de la prime et son efficacité devrait être réalisée.
Nous saluons donc cette mesure humaniste du député Gilles Lurton, qui changera radicalement le quotidien des familles qui accueilleront désormais un enfant. Le groupe Agir ensemble soutiendra la proposition de loi. J'en profite, cher Gilles, pour saluer votre engagement constant en faveur de la politique familiale au sein de notre assemblée : il trouve aujourd'hui une conclusion heureuse, et je m'en réjouis.
Applaudissements sur les bancs des groupe LR, LT, EDS et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le rapporteur, merci de nous permettre de débattre de ce sujet aujourd'hui. La crise sanitaire impose, plus que jamais, de faire preuve de davantage de solidarité et, il est vrai, d'un peu moins d'une rigueur budgétaire qui concourt parfois à l'érosion de l'architecture de nos droits sociaux.
C'est une exigence : lorsqu'une telle ambition transcende les clivages, nous devons la soutenir et la traduire par des avancées concrètes. C'est là tout l'objet de la proposition de loi de nos collègues Les Républicains, qui vise à assurer le versement de la prime à la naissance avant la naissance de l'enfant. Ce texte permet surtout de retrouver une forme de logique et de justice, en faisant passer le bien-être de l'enfant avant toute considération budgétaire. En effet, c'est bien en amont de la naissance de l'enfant que les parents préparent sa venue, ce qui suscite des besoins matériels importants pour les familles.
Toutefois, ce texte va plus loin : il inscrit dans le marbre de la loi non seulement que la prime est attribuée aux parents, mais encore qu'elle l'est avant la naissance de l'enfant. La proposition de loi apporte donc une garantie essentielle. Si, à ce jour, les familles les plus modestes disposent déjà de la possibilité de bénéficier d'une avance de la CAF, recourir à ce dispositif est porteur d'une discrimination pour les plus fragiles, qui peuvent se sentir stigmatisés d'être obligées de demander cette avance ; bien souvent, elles ne le font donc pas.
Je regrette que l'amendement défendu en commission par l'auteur et rapporteur de la proposition de loi, et qui visait à inscrire dans la loi que la prime devait être versée deux mois avant la naissance de l'enfant, ait été rejeté. S'agissant du délai de versement, il faudra donc toujours s'en remettre au décret, qui, lui, pourra être modifié à tout moment par le Gouvernement, sans que le Parlement ait son mot à dire – c'est d'ailleurs ce qui était arrivé.
Le texte présente une avancée importante pour les familles et le confort du nouveau-né. Alors que les prévisions économiques ne sont guère optimistes pour notre pays, qui, si l'on en croit les économistes, pourrait figurer parmi les plus touchés par la récession, la proposition de loi bénéficiera avant tout aux plus fragiles. Elle porte en elle les germes de la solidarité et, dans un contexte de crise, elle permettra plus que jamais de préserver le pouvoir d'achat des ménages et aux familles de préparer, en toute quiétude, l'arrivée d'un nouveau membre en leur sein.
Chaque famille, chaque nouveau-né, doit disposer d'un confort matériel minimal afin que le bon développement de l'enfant soit assuré dès son départ dans la vie. Nous savons d'ailleurs tous les avantages et bénéfices que notre pays tire d'une forte natalité, rendue possible par sa politique familiale. C'est précisément parce que la proposition de loi défendue par notre collègue Gilles Lurton apporte une avancée en la matière que le groupe Socialistes et apparentés votera en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à avancer la date de versement de la prime à la naissance pour qu'il soit effectué avant l'arrivée de l'enfant, et non plus, comme c'est le cas aujourd'hui, deux mois après. D'un montant de 950 euros par enfant, cette aide est attribuée sous condition de ressources, afin de préparer l'arrivée d'un enfant à naître ou en vue de l'accueil d'un enfant lors d'une adoption. L'avancement du versement de la prime avant la naissance est une mesure de bon sens, car chacun sait les besoins rencontrés par les parents à l'arrivée d'un nouvel enfant.
Certaines familles, qui rencontraient des difficultés financières, devaient parfois s'endetter afin d'effectuer les achats nécessaires à l'arrivée du nouveau-né. Il s'agit donc d'une mesure favorable au pouvoir d'achat des familles, que le groupe La République en marche soutient. C'est pourquoi nous avons adopté le texte en commission.
Nous avions toutefois émis des réserves concernant la date de versement de l'aide. En effet, celle-ci a des conséquences non négligeables sur les comptes de la sécurité sociale, dont nous sommes tous, ici, les garants. Dans le contexte de la crise sanitaire, les dépenses engagées sont importantes et nous conduisent à aggraver la dette pour y faire face ; si nous l'assumons, nous ne devons pas oublier que nous léguons la dette à nos enfants. Il n'existe pas d'argent magique, et la représentation nationale ne doit pas donner cette impression à nos concitoyens.
Il s'agit de décaler le versement d'une aide existante, non d'accorder une aide supplémentaire !
C'est pourquoi nous avons souhaité que la date de versement permette d'équilibrer l'objectif d'une aide avant la naissance avec celui de la bonne gestion du budget de la sécurité sociale.
Les amendements déposés notamment par le rapporteur Gilles Lurton et notre collègue Nathalie Elimas répondent pleinement à cette exigence. Nous sommes satisfaits par la rédaction proposée et heureux que la réflexion ait pu être conduite collectivement et d'une manière constructive et responsable.
D'autre part, notre collègue Nathalie Elimas appelle notre attention sur le cas particulier des familles endeuillées par la perte de l'enfant attendu. Nous ne devons pas ajouter à la douleur des familles la brutalité administrative que pourrait constituer la réclamation ou la remise en cause de la prime versée.
Aussi soutiendrons-nous la proposition de notre collègue de maintenir ce droit, y compris en cas de décès de l'enfant, qu'il ait lieu avant ou après la naissance.
Enfin, le Gouvernement appelle notre attention sur la date d'entrée en vigueur de la loi, qui doit nécessairement prendre en considération les contraintes techniques auxquelles la caisse nationale d'allocations familiales devra faire face. Le succès d'une telle mesure reposant notamment sur sa bonne application, nous soutiendrons l'amendement du Gouvernement portant sur la date d'entrée en vigueur de la loi. Le Gouvernement témoigne ainsi de son engagement volontariste sur le sujet.
Le groupe La République en marche apportera par conséquent son soutien à l'instauration, efficace et responsable, de cette mesure favorable au pouvoir d'achat des familles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et plusieurs bancs du groupe MODEM.
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Avant de lever la séance, je souhaite saluer moi aussi votre engagement en faveur de la politique familiale : merci beaucoup, monsieur Gilles Lurton !
Applaudissements sur tous les bancs.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à assurer le versement de la prime de naissance avant la naissance de l'enfant ;
Discussion de la proposition de loi pour une éthique de l'urgence.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra