Je vous remercie d'avoir mis à l'ordre du jour cette proposition de loi. L'arrivée d'un enfant est en effet toujours un bouleversement ; et pour que ce bouleversement soit accueilli avec bonheur et sérénité, il est bon que les conditions matérielles minimales soient réunies.
Comment être serein, lorsqu'on n'a pas de quoi préparer la chambre du futur enfant, acheter des couches, une table à langer, un berceau, un siège auto, un chauffe-biberon ou des vêtements, parce que la prime à la naissance n'est pas arrivée à temps ? Comment être serein lorsqu'il faut faire appel au système D pour satisfaire les besoins élémentaires de son nourrisson ? Comment être serein lorsqu'il faut s'endetter pour accueillir son enfant dans le foyer ? Il paraît tout à fait absurde de verser cette prime après la naissance plutôt qu'avant. L'arrivée d'un enfant s'anticipe !
Il y a peu, la prime à la naissance était versée au septième mois de grossesse. C'est sous Hollande et Valls que, par un décret de décembre 2014, son versement a été reporté aux deux mois de l'enfant. Les familles, les associations et la caisse nationale des allocations familiales ont protesté, en vain. Pour de simples questions de trésorerie, des hauts fonctionnaires et de hauts dirigeants sont parvenus à avoir une idée aussi aberrante : différer les 210 à 250 millions d'euros versés par la branche famille, pourtant excédentaire ! C'est finalement la trésorerie des familles modestes qui est durement touchée.
Ce report de versement illustre à merveille la déconnexion de nos élites avec la population. M. le ministre Véran avait souligné l'an dernier qu'il existait un dispositif de prêt sans frais, garanti par les caisses d'allocations familiales. Là encore, son propos traduisait une méconnaissance de ce que vivent certaines familles au quotidien. Savez-vous ce que signifie se rendre à la CAF pour quémander un prêt ? Il faut parfois poser une journée de congé pour faire sa demande – tout le monde ne maîtrise pas l'internet. De plus, ce droit à un prêt n'est pas connu de tous, et il existe des familles, dont j'ai fait partie, qui gagnent 5 ou 6 euros de trop pour pouvoir en bénéficier.
Ce report de versement était donc une grossière erreur. Or comme le dit le proverbe latin : « L'erreur est humaine, mais persister dans l'erreur par arrogance, c'est diabolique. » Comme elle a été adoptée à l'unanimité en commission des affaires sociales, j'ai bon espoir que cette proposition de loi le soit également en séance.
Je profite toutefois de cette intervention pour alerter l'ensemble des parlementaires et le Gouvernement sur les amendements visant à fixer la date du versement de la prime, qui ne saurait relever d'un décret, au septième mois de la grossesse – une date toute simple. Vous avez déclaré que la mesure pourrait être appliquée à compter du premier trimestre 2021 ; je vous invite par conséquent, madame la secrétaire d'État, à modifier le sous-amendement du Gouvernement afin de préciser que la prime sera versée au septième mois, lequel est important car c'est celui de la nidification. Plus personne ne devra pouvoir, par décret, commettre de nouveau une pareille aberration.