Sur ce point, votre texte prend soin de donner des prérogatives à la commission médicale d'établissement en matière de gestion, ce qui va dans le bon sens.
Nous sommes cependant réservés quant au reste de la proposition de loi. Nous pensons en effet qu'on ne réglera pas les problèmes, notamment la question essentielle des moyens des hôpitaux, en leur confiant plus d'autonomie. Avant même la survenue de l'épidémie, il manquait des lits – 103 000 ont été supprimés entre 1993 et 2018 – , du personnel, du matériel médical. Depuis le début de notre mandat, ce sont 3 milliards d'euros d'économies qui ont été demandées aux hôpitaux. Il a fallu des manifestations en pagaille, une grève des urgences de plusieurs mois et maintenant une épidémie pour que le sujet soit pris au sérieux. Nos hôpitaux publics ont certes résisté à la crise, mais au prix de l'épuisement du personnel, d'un renoncement aux soins importants de la part de nos concitoyennes et concitoyens, de l'impossibilité de prendre des congés pour les soignants, de la création en urgence de lits d'hospitalisation. Il convient de sortir de cette « gestion par la débrouille ».
L'idée de donner plus d'autonomie aux établissements, mise en oeuvre dans d'autres domaines de l'action publique, s'est toujours accompagnée de réductions des moyens et d'une forme de mise en concurrence des établissements, exacerbant les inégalités territoriales. Il ne s'agit pas de mettre de côté la créativité des personnels, des services et des établissements, qui doit jouer un rôle moteur dans la vie d'un hôpital, car tout hôpital est un organisme vivant, mais, pour rendre cela possible et bénéfique, il faut faire sauter les verrous et donner effectivement la priorité à l'hôpital public, notre outil, notamment en finançant ses équipements et en fondant ses réorganisations sur les projets de développement qui émanent des équipes. Il faut faire vivre la démocratie sanitaire avec l'ensemble des acteurs de santé et des acteurs locaux pour que se pense une transformation progressiste de l'hôpital public.
À cet égard, le modèle de l'autonomie de gestion ne nous semble pas répondre aux enjeux. Nous pouvons même craindre qu'à la faveur de la crise, ces dispositions ne servent d'accélérateur et de prétexte à des réorganisations forcées qui ne répondent pas correctement aux besoins.
Ce dont le service public a besoin, plus que d'un dispositif d'urgence, c'est d'une vision à long terme, qui permette de sortir des budgets à courte vue et de l'ONDAM. Tel est le sens de la proposition de loi en faveur d'une loi de programmation pour l'hôpital public et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes que nous avons soumise à la discussion ici même la semaine dernière, dans le cadre de la niche parlementaire dévolue au groupe GDR. On peut cependant constater une certaine convergence de diagnostic, qui appelle des décisions fortes et courageuses en faveur de l'hôpital public.