Depuis le mois de mars, le pays connaît une crise sanitaire d'une ampleur inédite. L'état d'urgence sanitaire, en vigueur depuis le 23 mars, s'est superposé à celui que les Français connaissent depuis 2015, à la suite des attentats terroristes qui ont marqué notre pays. Cet état d'urgence sanitaire, qui devait prendre fin le 10 juillet, s'inscrira pourtant dans le droit commun jusqu'en novembre prochain et permettra le maintien de dispositifs restreignant les libertés de chacune et de chacun. Le Parlement se trouve indiscutablement affaibli puisqu'il a lui-même décidé, en votant la sortie de l'état d'urgence sanitaire – on verra ce qu'il en adviendra après la réunion de la commission des lois de, ce soir, puis le passage du texte en séance publique en deuxième lecture, la semaine prochaine – , de céder une partie de ses prérogatives au Gouvernement. Cet état d'urgence dissimulé restera donc le quotidien des Français. Le dispositif est inédit et a touché la totalité de la population ; c'est d'ailleurs lui qui a permis aux autorités compétentes d'interdire la circulation des personnes et de décréter le confinement. Je ne cherche pas aujourd'hui à débattre de la justification de ces décisions ; le moment est maintenant à la réflexion sur les valeurs de notre société, sur les rapports à l'Autre – avec un grand « A ».
La période actuelle, traumatisante pour certains, doit nous pousser à la réflexion. Il est désormais primordial de tirer toutes les leçons de cette crise pour construire un avenir résilient, serein et respectueux des lois. Plusieurs questions éthiques ont fait irruption dans le débat public depuis maintenant plusieurs semaines. La crise sanitaire du covid-19 a été dévastatrice pour nos aînés dans les EHPAD, particulièrement dans le Grand Est, mais aussi pour tous les citoyens en deuil qui n'ont pas été en mesure de dire adieu à leurs proches. L'interdiction des visites dans les établissements ou encore le probable tri des patients interrogent fortement l'ensemble de la classe politique et des citoyens. De nombreux résidents des EHPAD ont été atteints par le covid-19, beaucoup sont décédés, seuls, de solitude et de tristesse, dans un tableau de syndrome de glissement qui doit nous interpeller. L'utilisation controversée du Rivotril dans ces mêmes établissements pose également un problème éthique majeur auquel personne n'a pour l'heure apporté de réponse.
Bien sûr, les difficultés liées à la situation sanitaire étaient réelles et des décisions rapides devaient être prises. Cependant, il est de notre devoir de parlementaires d'évaluer les circuits décisionnels et la gouvernance, et de nous questionner sur tout ce qui a été entrepris. En effet, l'état d'urgence, quel qu'il soit, ne doit pas entraîner de dérives. Dans une telle période, les décisions prises peuvent avoir des conséquences dramatiques. Durant la crise sanitaire, le Conseil scientifique a joué un rôle de premier plan, notamment auprès du Président de la République. Si une telle instance a pu avoir autant d'importance, il serait totalement incompréhensible que le Comité consultatif national d'éthique ne puisse pas, lui aussi, disposer de prérogatives importantes dans des moments aussi controversés.
Enfin, l'autre grand intérêt de la proposition de loi réside dans le renforcement des prérogatives parlementaires durant une telle période. En effet, les parlementaires, élus de terrain, doivent aussi pouvoir s'exprimer sur les questions éthiques. La proposition de loi évoque un débat parlementaire sur l'ensemble des mesures prises pendant l'état d'urgence sanitaire, ce que je trouve tout à fait pertinent.
Ainsi, la proposition de loi pour une éthique de l'urgence relève du bon sens. Ne remettant pas en cause les mesures prises durant l'état d'urgence sanitaire, elle rappelle à tous l'importance de l'éthique et du contrôle des décisions publiques en période d'exception. Le groupe Écologie démocratie solidarité soutiendra donc ce texte afin d'aborder plus sereinement une éventuelle crise sanitaire future.